Un profond égotisme
est à l’origine de cette exhibition. En branchant une caméra
sur son ordinateur puis en diffusant des images de sa vie dans le monde
entier, l’internaute théâtralise son existence. Star de son
propre spectacle, il a l’impression d’accéder à la gloire
par le simple fait d’exister. Inutile de se livrer à de hauts faits
pour obtenir la notoriété et la reconnaissance de ses semblables,
il suffit de s’exhiber sur internet. La satisfaction est d’autant plus
forte que les inconvénients du système renforcent ce sentiment
de starisation : il faut supporter ce dont se plaignent les vedettes, l’absence
d’intimité dans la vie privée et le constant regard d’autrui.
On pourrait croire qu’il
est difficile de vaincre sa pudeur et d’installer une webcam dans sa chambre,
ce n’est pourtant pas dans ce sens que vont les témoignages. La
présence d’un voyeur est peu ressentie par celui qui se filme parce
que l’installation technique est légère et donc discrète,
parce qu’il se sait protégé par la lenteur de la succession
des images et parce qu’il peut choisir de dissimuler.
Se montrer sur internet,
c’est se rendre important sans courir le risque de la condamnation. Ainsi,
plutôt que de fréquenter les plateaux de télévision
où le public peut réagir immédiatement et infliger
à l’exhibitionniste une critique sévère, l’individu
choisit de mettre en ligne sa caméra..
On relève pourtant
l’incohérence des propos et la mauvaise foi de ceux qui s’exhibent
et qui demandent, comme Brandon, que l’on respecte leur intimité.
C’est celui-ci même qui s’exclame : « if anyone thinks it’s
important to see what I’m doing, then they need their head examined ! »
Or
cette intransigeance de celui qui s’exhibe face à celui qui l’observe
n’est pas suivie. Le jugement de celui qui regarde est appelé par
celui qui se montre, Brandon demande qu’on le prévienne lorsqu’il
fait quelque chose de mal… ou de bien. Il y a donc oscillation entre l’auto-condamnation
et l’auto-promotion. L’autre est utilisé comme témoin des
actions, comme référent et cadre de valeur.
Pourquoi regarder ?
La webcam permet au voyeur
de s’identifier à celui qu’il regarde, il utilise l’autre comme
référent de son quotidien prosaïque. Internet permet
de manifester son intérêt pour la vie privée d’autrui,
sous le couvert de l’anonymat.
Pourtant, il est possible
aussi de lier connaissance avec l’observé par le biais des chatrooms.