L’écriture du moi : internet, les mots et la vie privée.

Internet permet à chacun de parler de soi, d’écrire sur ou à partir de soi. Deux moyens offrent cette possibilité :

- L’internaute peut créer son site perso :
multimania
ENS

- Il peut aussi participer à des forums ou des chats et nouer une relation avec quelqu’un rencontré sur ces lieux de conversation.
auféminin
psychonet
 

La mise en scène du moi socialisé.

L’individu qui élabore son site, sa page perso ou qui choisit de participer à un forum va plus ou moins se livrer, plus ou moins exhiber sa vie privée et sa subjectivité. Son site constitue sa propre vitrine, c’est pourquoi, il va faire le lien entre ce qu’il est et ce qu’il représente. Il va devoir lier les sphères sociales et privées de manière à donner à son image une cohérence.

Le classement par rubrique des sites perso s’avère révélateur, on incite les gens à se soumettre à une catégorisation. Or ce procédé réduit la complexité de la personnalité qui s’exprime. Sous prétexte de classer l’information, on reproduit sur Internet le clivage qui réduit chacun à son image sociale. Le jeune rédige un webzine, la mère au foyer délivre ses conseils sous la rubrique santé. Parfois l’internaute quitte sa catégorie sociale et se construit une autre identité, pourtant l’impératif d’homogénéité l’installe sous une rubrique et ne lui permet pas d’être multiple.

club internet
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Ainsi, le rédacteur d’un webzine laisse transparaître sa personnalité dans ses choix éditoriaux, et l’expression de sa subjectivité dans ses articles :

Le « je » pensant se met en scène et se circonstancie, décrivant ses goûts bien sûr, mais aussi ses habitudes et son environnement familial.

Antoine, plus discret, s’efface derrière les très belles photos de son voyage, et nous offre de partager ses aventures.
Les deux démarches sont similaires, le « je » disparaît derrière un contenu dont il témoigne. Seul varie le degré d’implication de la personne, de manifestation de sa subjectivité.

Alexina a réalisé un site consacré à sa poésie ainsi qu’à celle d’ « oncle Max ».
Sans s’appesantir sur sa vie privée, Alexina choisit l’écriture poétique, lieu privilégié de l’expression d’une subjectivité. De sa vie privée, Alexina n’évoque que la figure de son oncle, insistant sur un lien de parenté qui peut être spirituel. Elle se donne donc uniquement à voir sur Internet à travers ses créations, ses textes et leur mise en ligne, en toute discrétion en somme. Pourtant, malgré cette retenue, elle est débordé par son image, ayant choisi d’exposer avec beaucoup de sérieux ses créations, elle s’expose d’autant plus imprudemment à la critique d’autrui.
Internet permet à cette jeune fille de publier ses textes en contournant les voies de l’édition, mais elle se soustrait de la sorte au veto qui permet souvent de progresser ou de prendre conscience de se faiblesses. Le site perso permet à chacun d’exalter son ego, de se présenter sous le jour qui lui semble le plus favorable, au risque de ne pas trouver d’indulgence dans les yeux de l’observateur.
 

Certains trouvent dans la réalisation de leur site perso la possibilité d’harmoniser les différentes sphères de leur vie. Ils peuvent donner une cohérence à leur être, assembler différentes facettes de leur personnalité afin de reconstruire le prisme de leur existence. En cela, le récit de sa vie privée, mise en perspective avec sa vie sociale apparaît comme un moyen de prendre pleinement possession de son existence. Pourtant en mélangeant les sphères de son existence un individu peut se fragiliser, comment réagissent de jeunes élèves lorsqu’ils découvrent l’intimité d’un professeur sur le réseau ? Mettre en évidence ses attaches et ses fragilités, c’est se mettre en danger quand surgit un rapport de force.
 

Communiquer.

En fréquentant les sites perso, on découvre que l’enjeu de l’auteur d’un site n’est pas tant de s’exhiber et de mettre en lumière sa vie privée que de créer un contact et d’amorcer une rencontre.

Une relation initiée sur le net retourne sur le net pour se déclarer.

Le couple ayant conçu le site se sent appartenir à la communauté des internautes et souhaite voir son union publiée auprès de ceux qui ont pu ou auraient pu la voir naître. Le couple a besoin de reconnaissance sociale, né dans une communauté immatérielle, il doit être reconnu par cette communauté pour exister.
Ce couple prouve, en retournant sur les lieux de sa formation, qu’Internet est d’abord pour ses usagers un moyen de communication. Un site perso est une carte d’identité qui permet d’initier la rencontre, plutôt qu’un moyen de satisfaire son égotisme.
 

Ce besoin de rencontre explique pourquoi forums et chatrooms obtiennent un tel succès.

Selon leurs témoignages, les participants ne répugnent pas à parler de leur vie privée, mais tiennent à conserver leur anonymat. Ils sont à la recherche d’amitié, de compréhension, d’une oreille attentive. Lorsqu’ils la rencontrent, ils sont prêts à se livrer très profondément. Ils viennent parler de leurs problèmes, parce qu’Internet leur permet de ne pas les matérialiser dans la vie « réelle », contrairement à s’ils les racontaient à un psychiatre ou à un ami. Ils écrivent leurs difficultés et leurs joies à un correspondant pour se séparer ainsi de leurs propos. Leur usage d’Internet se situe à mi-chemin entre une conversation amicale et la rédaction d’un journal intime.
Paradoxalement, la principale difficulté de la démarche est d’accepter l’intrusion d’un tiers « spectateur »/ « voyeur » pourtant nécessaire pour distancier leurs angoisses.

Sur son site, Pucette a choisi de rendre compte de sa vie au jour le jour.
Elle présente le récit de son mariage, ses enfants mais surtout son journal intime. Si elle retrace tous ses états d’âme, elle met en situation toute sa famille. Pourtant elle maîtrise parfaitement son image, si on sait tout de sa vie privée, elle préserve son anonymat. Seul son surnom apparaît, sur son site comme sur ses mails.
Nous sommes entrées en contact avec elle et lui avons demandé quelles étaient ses motivations profondes. Elle désire ardemment être lue, mais plus encore, nouer des contacts réguliers avec des lecteurs qui l’écoutent et la comprennent.
 

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