L'identité tsigane

Henriette Asséo, EHESS

Compte-rendu de la conférence du 27-04-2001

Le vaste ensemble de l'univers tsigane - la romanipe , la maniè!re tsigane de vivre -, ne correspond ni à des frontières territoriales précises ni aux enchevêtrements actuels du mouvement des nationalités. Pourtant, quel que soit le type de société, une sorte de principe d'extraterritorialité mentale semble entourer la famille tsigane dans ses rapports avec autrui, et cette arrogance apparente suscite une profonde incompréhension.

S'il existe une manière commune aux Tsiganes de voir le monde, leur univers est marqué par la diversité que reflète les variations multiples sur leurs noms.
On peut distinguer des dénominations externes, imposées dès la fin du Moyen-Age  : 

Les dénominations internes au monde tsigane sont plus complexes  : 

La maîtrise de la langue est la pierre de touche de la dénomination familiale, les relations entre parents et enfants s'expriment toujours en romani , même si une certaine déperdition du vocabulaire réduit son usage quotidien. Car ainsi que l'écrit Patrick William :  " toutes les communautés tsiganes ont à affronter le même problème  :  comment construire et maintenir une autonomie dans une situation d'immersion et pour la majorité d'entre elles de dispersion?".
Patrick William et quelques autres, Leonardo Piasere, Alain Reyniers, Michael Stewart, Bernard Formoso, ont mis en évidence la variabilité et l'inventivité des systèmes familiaux tsiganes. Ainsi en est-il des mariages. Par exemple, les Manouches des Vosges ne pratiquent pas d'endogamie stricte mais plutôt des "réenchainement d'alliances" qui font se retrouver dans un lacis dense de relations sociales les membres de familles alliées qui voyagent entre les Pays-Bas et le sud de la France. En cela ils répètent un jeu d'alliances établi depuis l'époque de leur implantation dans les Vosges du Nord entre la Révolution et le second empire.
Le chercheur peut effectivement reconstituer l'ancienneté de ces réseaux matrimoniaux à l'aide des registres de l'état civil ancien mais la mémoire généalogique des Tsiganes ne s'exerce pas différemment de celle des autres. Elle ne retient que le souvenir de deux ou trois générations antérieures. C'est pourtant bien à partir de ces localités vosgiennes (Reipertswiller, Lihtenberg, Baerenthal, Wimmenau ou Wingen) que s'amorça depuis le début du XIXème siècle un lent redéploiement des Sinte en Europe occidentale.

Les tsiganes de France sont donc issus de trois périodes d'enracinement  : 

Annexe

Décret du 16 février 1913 portant réglementation publique pour l'éxécution de la loi du 16 juillet 1912 sur l'exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades (extraits)

Source :  Bulletin officiel du ministère de l'intérieur, février 1913, pages 79-82

Nomades

Art. 7. Tout individu réputé nomade dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi du 16 juillet 1912 doit déposer à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel il se trouve une demande à l'effet d'obtenir un carnet anthropométrique d'identité.
Il est tenu de justifier de son identité.
Il doit, pour le département de la Seine, adresser sa demande à la préfecture de Police

Art. 8. Le carnet anthropométrique porte les noms et prénoms, ainsi que les surnoms sous lesquels le nomade est connu, l'indication du pays d'origine, la date et le lieu de naissance, ainsi que toutes les mentions de nature à établir son identité.
Il doit, en outre, recevoir le signalement anthropométrique qui indique notamment la hauteur de la taille, celle du buste, l'envergure, la longueur et la largeur de la tête, le diamètre bizygomatique, la longeur de l'oreille droite, la longeur des doigts médius et auriculaires gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied gauche, la couleur des yeux  :  des cases sont réservées pour les empreintes digitales et pour les deux photographies (profil et face) du porteur du carnet.
Tout carnet anthropométrique porte un numéro d'ordre et la date de délivrance.
Il n'est pas établi de carnet d'identité pour les enfants qui ont pas treize ans révolus

Art. 9. Indépendamment du carnet antrhopométrique d'identité, obligatoire pour tout nomade, le chef de famille ou de groupe doit être muni d'un carnet collectif concernant toutes les personnes rattachées au chef de famille par des liens de droit ou comprises, en fait, dans le groupe voyageant avec le chef de famille. Ce carnet collectif, qui est délivré en même temps que le carnet anthropométrique individuel contient  : 
1°) L'énumération de toutes les personnes constituant la famille ou le groupe et l'indication, au fur et à mesure qu'elles se produisent, des modifications apportées à la constitution de la famille ou du groupe.
2°) L'état civil et le signalement de toutes les personnes accompagnant le chef de famille ou de groupe, avec l'indication des liens de droit ou de parenté le rattachant à chacune de ces personnes;
3°) La mention des actes de naissance, de mariage, de divorce et de décès des personnes ci-dessus visées;
4°) Le numéro de la plaque de contrôle spécial décrit à l'article 14 du présent décret;
5°) Les empreintes digitales des enfants qui n'ont pas treize ans révolus;
6°) La description des véhicules employés par la famille ou le groupe;
Le carnet collectif indique les numéros d'ordre des carnets anthropométiques délivrés à chacun des membres de la famille ou du groupe

Art. 10. Il est établi dans les préfectures et sous-préfectures des notices individuelles et collectives contenant toutes les indications figurant aux carnets visés ci-dessus. Un double de chaque notice est adressé au ministère de l'Intérieur.

Art. 11. En cas de perte du carnet anthropométrique d'identité ou du carnet collectif, le titulaire fait immédiatement une déclaration de perte à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où il se trouve. Un récépissé provisoire lui est aussitôt remis  :  ce récépissé tient lieu de carnet jusqu'à ce qu'il lui ait été délivré un nouveau carnet ou qu'il lui ait été notifié le refus de carnet, sans que ce délai puisse excéder trois jours. Le nouveau carnet qui peut être délivré, si les justifications produites par le demadeur sont suffisantes, porte la mention "duplicata".

Art. 14. La plaque de contrôle spécial prescrite par l'article 4 de la loi du 16 juillet 1912 est apposée à l'arrière de la voiture d'une façon apparente. Elle doit mesurer au moins 18 centimètres de hauteur sur 36 de largeur, porter un numéro d'ordre en chiffres de 10 centimètres de hauteur, l'inscription "loi du 16 juillet 1912" et l'estampille du ministère de l'intérieur.
Elle est délivrée par les préfectures et les sous-préfectures dans les mêmes conditions que les carnets d'identité.
Dans le cas où cette plaque serait délivrée postérieurement au carnet collectif, mention doit en être faite sur ce carnet et avis en est donné au ministère de l'intérieur.
En cas de perte de la plaque, le chef de famille ou de groupe fait immédiatement une déclaration de perte à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel il se trouve. Un récépissé de la déclaration lui est délivré. Cette pièce devra être restituée au moment de la remise de la nouvelle pièce.
En cas de vente ou de destruction de la voiture, le chef de famille ou de groupe doit en faire la déclaration à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel il se trouve. S'il remplace immédiatement la voiture vendue ou détruite, la plaque dont celle-ci était munie est apposée sur le nouveau véhicule, dont la description est portée sur le carnet collectif, conformément aux prescriptions de l'article 9 du présent décret.
Si le chef de famille ou de groupe ne remplace pas immédiatement la voiture vendue ou détruite, il doit déposer la plaque à la préfecture ou à la sous-préfecture. Mention de la suppression de voiture et du dépôt de la plaque est faite au carnet collectif.
Les préfectures et les sous-préfectures signalent sans retard au ministère de l'Intérieur les déclarations de pertes de plaque sur les nouveaux véhicules.

Art. 16. Un délai d'un mois à dater de la publication du présent décret, est accordé aux individus exerçant un métier ambulant, aux commerçants et industriels forains, aux nomades pour se conformer aux prescriptions qui précèdent.

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