Généalogie d'un lieu commun "Diaspora" et sciences sociales[1].

Stéphane Dufoix, Université de Paris-X Nanterre
(Groupe d'Etude et d'Observation de la Démocratie-GEODE)

Cette présentation a pour but de tracer quelques lignes directrices pour une généalogie de l'usage du terme « diaspora » dans les sciences sociales et pour une critique de sa capacité à décrire et expliquer la réalité [2] .

Le Dictionnaire historique de la langue française signale que « diaspora » est un emprunt récent en français, daté de 1908, du grec diaspora « dispersion ». « Par extension (1949), il concerne l'état de dispersion d'une ethnie avec le même emploi métonymique ( la diaspora arménienne ) » [3] . Cette définition historique nous propose deux dates pour attester de la présence du mot, l'une correspondant à son entrée dans le dictionnaire dans son sens originel, l'autre correspondant à l'extension de la définition.

Toutefois, cette définition peut être mise en cause. En effet, elle concerne des plans différents. 1908 (d'autres dictionnaires indiquent 1909 [4] ) est vraisemblablement une entrée dans un dictionnaire - dont nous n'avons pu pour l'instant retrouver la trace - car d'autres éléments témoignent de cette officialisation du terme. Si la première occurrence que nous avons pu repérer dans un dictionnaire date de 1929, dans le Larousse du XXe siècle - « Hist. relig. Dispersion, à travers le monde antique, des Juifs chassés de leur pays par les vicissitudes de leur histoire » [5] - le terme entre dans le « Department of New Words » du Webster britannique de 1913  : 

« Diaspora. Cf. Diaspore. Lit. « dispersion » - Applied collectively  :  a) to those Jews who, after the Exile, were scattered through the Old World, and afterwards to Jewish Christians living among heathen. Cf. James i.1. b) by extension to Christians isolated from their own communion, as among the Moravians, to those living, usually as missionaries, outside of the parent congregation. » [6]

En revanche, de toute évidence, 1949 ne signale pas l'entrée dans un dictionnaire de l'extension du terme à d'autres « ethnies ». D'une part, la première édition du Dictionnaire historique de la langue française (1992) date cette extension de 1968 [7] . D'autre part, non seulement aucun dictionnaire français n'indique cette extension avant les années 1980, mais il est rare que le terme soit recensé. Il est absent du Dictionnaire Larousse du français contemporain (1966) [8] , du Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert, tant dans sa version portative (1967) que dans celle en six volumes (1978), du Grand Larousse de la langue française de 1972, du Dictionnaire de la langue française par Jean Girodet (1976) [9] . A la fin des années 1970, il n'est manifestement pas un mot considéré comme usuel. Il n'apparaît dans les années 1970 que dans le Dictionnaire Quillet de la langue française de 1975  :   « Diaspora. Mot gr. signifiant dispersion et appliqué à la dispersion des Juifs dans le monde au cours des siècles » [10] . Pour rare qu'elle soit, cette définition liée au destin du peuple juif est considérée comme le socle significatif du mot. Le Dictionnaire des mots contemporains de 1980 prend acte d'acceptions du terme « à propos d'autres populations que le peuple juif »  :  trois citations extraites du journal Le Monde et de L'Express à la fin des années 1960 signalent une extension de l'usage puisque « diaspora » y est appliqué aux Tchèques, aux Basques et aux Bretons [11] . Par la suite, ces exemples sont repris dans d'autres dictionnaires. Le Robert en 9 volumes de 1985, signale que l'extension du mot est attestée en 1968 (date de la citation extraite du Monde à propos de la « diaspora tchèque ») et donne comme exemples  :  « la diaspora tchèque, arabe, basque, chinoise » [12] . De façon intéressante, les exemples de diaspora changent. Le Petit Robert de 1987 indique encore « diaspora tchèque, arabe, basque, chinoise » tandis que l'édition de 1994, non seulement remplace « ethnie » par « communauté » et mentionne l'usage du mot comme « ensemble des membres dispersés » [13] , mais cite ensuite « les diasporas arménienne, libanaise, chinoise » [14] . Les exemples sont sensiblement les mêmes dans le Dictionnaire de l'Académie française   :  « La diaspora arménienne, grecque, chinoise » [15] .

Il s'ensuit que l'indication de 1949 n'indique vraisemblablement pas l'entrée dans un dictionnaire, mais une simple attestation d'une occurrence. Il pourrait bien s'agir d'une citation de Michel Collinet signalée en 1987 dans les Matériaux pour l'histoire du vocabulaire français   :  « L'autre composante du communisme est d'ordre politique et étatique, la tyrannie dont la religion est la "diaspora" » ( Paru , (54), octobre 1949, p. 118) [16] . En effet, cette citation tend à considérer « diaspora » plus comme une catégorie que comme un terme uniquement appliqué à certains peuples, généralement avec une forte connotation religieuse. C'est ainsi que l'usage du mot par Jacques Maritain, par exemple, quand il écrit « une sorte de diaspora chrétienne » [17] , peut sembler surprenant pour des Français, car cette acception chrétienne n'est jamais mentionnée dans les dictionnaires. En revanche, elle est clairement intégrée dans la plupart des dictionnaires britanniques.

« Diaspora. [...] 1. usu. cap. a   :  the settling of scattered colonies of Jews outside Palestine after the Babylonian exile. b  :  the area outside Palestine settled by Jews (in Israel or in the Diaspora). c  :  the Jews living outside Palestine or modern Israel. d  :  the state of the Jews scattered in the Gentile world. 2. a  :  dispersion (as of a people of common national origin or of common beliefs  :  spread (as of national culture)  :  EXILE, SCATTERING, MIGRATION. 3. the people of one country dispersed into other countries (certains sections of the Armenian ~ scattered over the world could be abstracted - Walter Kolarz). 4. the dispersion of Christians isolated from their own communion. » [18]

Cette définition est capitale sur plusieurs points. 1) elle présente les différents niveaux de compréhension du mot  :  un processus, un espace, une population et un état. 2) elle nous rappelle que, déjà en 1961, le terme s'applique à d'autres populations que le seul peuple juif. 3) elle signale ce qui n'apparaît jamais dans les dictionnaires français, à savoir la très forte connotation religieuse au sens large, au-delà du seul peuple juif, du terme [19] . A bien des égards, ce qu'il est important de comprendre dans la diffusion du terme, c'est sa progressive sécularisation [20] .

« Diaspora » a une histoire. C'est un mot daté, auquel pourtant la plupart des auteurs n'accordent pas d'historicité. Tout se passe comme si le terme était évident, transparent, a-historique. Quelques auteurs insistent sur son inscription historique ou sur les difficultés de traduction entre des termes vernaculaires et « diaspora » en anglais, en français ou en allemand. Pourtant, la plupart du temps, leurs études ne vont pas plus loin dans l'exploration généalogique [21] . Les exceptions sont rares. Deux d'entre elles sont particulièrement notables. Khachig Tölölyan, rédacteur-en-chef de la revue Diaspora - lancée en 1991 et dont l'existence est partie intégrante de la fortune du mot dans les sciences sociales - propose en 1996 une périodisation de l'usage du terme. Il commence par noter l'absence générale de « diaspora » dans les dictionnaires et encyclopédies français et britanniques, qui ne serait présent, avant le début des années 1980, qu'au travers de l'article « Diaspora » signé par Simon Dubnov dans l'édition de 1931 de l' Encyclopedia of Social Sciences [22] . Nous avons montré qu'il se trompe sur ce point et que des occurrences existent. Par ailleurs, il situe le point d'inflexion entre deux périodes aux alentours de 1968. Avant 1968 prévaudrait une définition judéo-centrée ( Jewish-centered ) de la diaspora, selon laquelle la migration forcée d'une population clairement identifiée dans le pays d'origine se traduit par le maintien d'une mémoire collective dans le cadre d'une communauté distincte par rapport à la société d'accueil et par le maintien de contacts, tant entre les communautés dispersées qu'avec le pays d'origine quand il existe encore. Après 1968 se mettrait en place une autre définition, beaucoup plus ouverte, que Tölölyan emprunte à Walter Connor - « la fraction d'un peuple vivant en dehors du pays d'origine ( homeland ) [23]  » - et qui ne nécessite plus d'interrogation sur l'existence, réelle ou non, d'un sujet collectif, puisque l'accent est plus mis sur la représentation que sur l'action. Cette définition pourrait englober toutes les « dispersions » devenues des « diasporas » depuis la fin des années 1960 [24] . Il n'y a qu'un seul problème  :  pourquoi 1968 ? A aucun moment, Tölölyan ne justifie cette césure  :  pas un ouvrage, pas un article, pas un discours... Faut-il y voir une trace de l'article précité du Monde en 1968 ?

En 1998, l'historien allemand des religions Martin Baumann propose une analyse historique de l'adoption du terme « diaspora » dans différentes disciplines telles que les African studies où « diaspora » est utilisé dès les années 1950 mais n'acquiert de l'importance qu'à partir du milieu des années 1960 [25] , l'histoire des religions où il remonterait à 1987, les études indiennes qui voient lentement le terme s'imposer à partir du milieu des années 1980, et les études tibétaines où la première occurrence en 1984 n'est prolongée qu'en 1995 [26] . Pour autant, les études de ce type demeurent rares alors qu'elles permettraient de réfléchir aux conditions de possibilité de la diffusion et de l'acceptation scientifique et profane du terme.

Si l'on tente de prendre en compte l'émergence du terme dans les titres de thèses pour la France, on se rend compte, d'une part, qu'il n'en existe aucune, même maintenant, qui porte sur la catégorie en tant que telle, et d'autre part que « diaspora » ne devient d'un usage plus courant qu'à partir de la deuxième moitié des années 1980. Une recherche - qui nécessite un approfondissement - sur Docthèses (qui recense les thèses soutenues en France depuis 1972) montre que 13 d'entre elles sont accessibles avec le mot-clé « diaspora » (seules 5 parmi les 17 comportent le mot dans leur titre)  :  1 en 1986, 7 entre 1986 et 1991 compris, 4 entre 1994 et 1996 compris, et 1 en 2000. Une recherche avec le mot « diaspora » dans le titre [27] a pour résultat 17 thèses dont 5 soutenues avant 1982 - assez étrangement, une thèse de 1978 sur la diaspora chinoise dans l'Océan indien occidental n'est pas signalée. Les titres sont les suivants, dans l'ordre chronologique  : 

La diaspora chinoise dans l'Océan indien occidental , thèse d'histoire de l'Université d'Aix-Marseille, 1978.

Le jeu de l'identité et de la différence. Le cas d'Esse Zogbedsi, mini-diaspora adangme dans le sud-est du Togo , thèse de sociologie, Université Paris-V, 1982.

Colons blancs, diaspora noire  :  éveil et développement d'une identité caraïbe , thèse d'études anglaises, Université Paris-III, 1979

Jeux de miroirs entre l'Afrique et sa diaspora ou la perception de soi dans le roman afro-américain , thèse d'études nord-américaines, Université Paris-III, 1979

La diaspora des Kabye du Nord-Togo. Contribution à l'étude des mouvements migratoires du Togo , thèse de géographie, Université Bordeaux-III, 1981

Israël et les contributions financières de la diaspora , thèse de sciences économiques, Université Paris-II, 1981

Quels enseignements peut-on tirer de ces indications ? 1) Le terme semble, avec les limites inhérentes à l'exercice - il ne concerne que le titre, ce qui ne préjuge en rien de l'usage dans le corps de la thèse - , prendre de l'importance à la fin des années 1970 ; 2) il ne se limite pas à une seule discipline ; 3) il n'est pas utilisé pour ne décrire que le cas juif, puisqu'il n'est l'objet que d'une seule de ces thèses. En revanche, une étude prenant en compte la fréquence de l'usage du terme « diaspora » dans les notices des thèses - élément révélateur puisque les notices sont rédigées par les auteurs - montre en revanche la prépondérance du cas juif par rapport à tous les autres.

Graphique 1.
Distribution des occurrences de « diaspora » dans le titre et dans la notice des thèses françaises [28].

La prise en compte des occurrences dans les notices est également intéressante parce qu'elle permet une meilleure évaluation de la croissance dans l'usage du terme. Comme le montre le graphique 2, à partir de 1986, au moins deux thèses par an l'indiquent dans la notice accompagnatrice.

Graphique 2.
Distribution par année des occurrences de « diaspora » dans le titre et dans la notice des thèses françaises

[29]

Une enquête entamée sur le corpus des travaux universitaires nord-américains (PhD, mais aussi MA entre autres) soutenues entre 1861 et 2001 répertoriées dans l' UMI's Dissertation Abstracts montre des résultats similaires. Sur les 159 travaux universitaires recensés dans cette base de données comportant les mots « diaspora » ou « diasporic » dans le titre, 12 seulement (soit 7,5 %) concernent la diaspora juive (à égalité avec les travaux sur la diaspora indienne) contre 42 (26,4 %) consacrées à la diaspora noire ou africaine. En quatrième position (10, soit 6,3 %) arrivent les travaux sur la « littérature de diaspora ».

Tableau 1.
Nombre de travaux universitaires (UMI) dont le titre inclut les termes « diaspora » ou « diasporique »

Décennies 1948-1969 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2001 Total
1980-84 1985-89 1990-94 1995-99
Nombre de thèses soutenues 3 9 3 8 24 78 34 159

Graphique 3
Calcul selon les décennies du ratio annuel de travaux universitaires (UMI) dont le titre inclut les termes « diaspora » ou « diasporique »

Graphique 4
Evolution annuelle entre 1986 et 2001 du nombre de travaux universitaires (UMI) dont le titre inclut « diaspora » ou « diasporique »

Si l'on tente maintenant de faire un état des lieux des publications françaises ou francophones dont le titre comporte le terme « diaspora » au cours des années 1970, on se rend compte que, cette fois-ci, elles concernent en majorité le cas juif. Outre une collection intitulée « Diaspora » aux Editions Calmann-Lévy à partir de 1971 et le périodique Combat pour la diaspora à partir de 1977 [30] , on note plusieurs ouvrages ou brochures sur l'histoire du peuple juif ou sur les relations entre l'Etat d'Israël et les Juifs vivant d'autres pays [31] . Parmi les autres populations auxquelles s'applique alors parfois le terme de « diaspora », on trouve notamment les Arméniens [32] et les Africains [33] , plus rarement les Chinois [34] .

A la même époque, dans les pays anglo-saxons, l'usage du terme de diaspora est beaucoup plus large et apparaît dans le titre d'ouvrages traitant de la présence hors de leurs frontières de populations dont on a souvent considéré soit qu'elles n'avaient jamais été considérées comme des diasporas, soit qu'elles ne l'étaient que depuis peu. Or, la liste suivante montre l'étendue de la notion au cours des années 1970  : 

Haines (Joseph Harry), Chinese of the Diaspora , Londres, Edinburgh House Press for the World Council of Churches Commission on World Mission & Evangelism, 1965.

Shepperson (George), « The African Abroad or the African Diaspora », African Forum  :  A Quarterly Journal of Contemporary Affairs , 2, 1966, p. 76-93.

Hendricks (Glenn), The Dominican diaspora. From the Dominican Republic to New York City, villagers in transition , New York-London, Teachers College Press for the Center for Education in Latin America, 1974.

Lyman, Stanford M. (1976) « The Chinese diaspora in America, 1850-1943 » in The life, influence and the role of the Chinese in the United States, 1776-1960 , Proceedings of the National Conference held at The University of San Francisco (July 10-12, 1975) by the Chinese Historical Society of America, p. 128-146.

McCaffrey (Lawrence J.), The Irish diaspora in America , Bloomington, Indiana University Press, 1976.

Kim (Hyung-chan), ed., The Korean diaspora. Historical and sociological studies of Korean immigration and assimilation in North America , Santa Barbara-Oxford, Clio Press, 1977.

Michael-Titus (C.), In search of a Hungarian diaspora , Upminster, Panopticum Press, 1979.

Karni (Michael), ed., Finnish diaspora , Toronto, Multicultural History Society of Ontario, 1981.

Breton (Raymond) et Savard (Pierre), eds., The Quebec and Acadian diaspora in North America , Toronto, Multicultural History Society of Ontario, 1982.

Anon, The diaspora of the British , London :  Institute of Commonwealth Studies Collected Seminar Papers n°31, 1982.

A bien des égards, il semble possible et pertinent d'analyser l'évolution de l'usage du terme selon une échelle sémantique. « Diaspora » peut alors être un nom propre, un semi-nom propre ou un nom commun, de la plus grande singularité à la plus grande généralité en passant par une construction de type générique indexée à une série de cas singuliers [35] . Le nom propre, c'est la Diaspora majuscule, généralement pensée comme juive. Le nom commun, c'est « la diaspora » tel que nous pouvons lire le mot couramment aujourd'hui, la plupart du temps sans précautions de définition [36] . Le semi-nom propre, c'est « diaspora » entendu dans un sens catégoriel, où la référence à un genre est complétée par l'énumération de phénoménalités historiques [37] .

La construction d'un semi-nom propre nécessite une définition et la mise en évidence de types. Ces tentatives se sont multipliées depuis les années 1970. Les bornes balisant cette quête portent les noms de John Armstrong, Gabriel Sheffer, William Safran, Stuart Hall, James Clifford, Paul Gilroy et Robin Cohen pour ne citer que ceux dont les travaux sont les plus cités. A suivre l'ordre chronologique de ces mises en ordre, on se rend compte qu'elles ne sont que rarement cumulatives. Seuls quelques-uns d'entre eux (Sheffer, Safran, Cohen) s'appuient les uns sur les autres pour construire leur modèle. Quand John Armstrong écrit en 1976, il se réfère au sens commun pour faire de la diaspora juive l'archétype de toutes les autres, « parce que l'on considère généralement que les Juifs sont le modèle de toutes les diasporas » [38] . En 1986, dans son introduction à Modern Diasporas in International Politics , Gabriel Sheffer cite Armstrong, mais propose un modèle à la fois plus large et plus ouvert  :  « Les diasporas modernes sont des groupes ethniques minoritaires, issus de la migration, qui résident et agissent dans des pays d'accueil tout en maintenant de forts liens affectifs et matériels avec leurs pays d'origine - leurs patries ( homelands ) [39] . »

En un sens, la première véritable tentative pour construire un modèle conceptuel fermé, fonctionnant sur critères, de la diaspora, serait celle de William Safran en 1990-1991. S'appuyant sur une bibliographie conséquente, il propose, « de crainte que le terme ne perde toute signification », de l'appliquer aux communautés expatriées minoritaires dont les membres partagent plusieurs des six caractéristiques suivantes  :  leur dispersion, ou celle de leurs ancêtres, à partir d'un « centre », vers au moins deux régions périphériques étrangères ; le maintien d'une mémoire collective concernant le lieu d'origine ( homeland ) ; la certitude de leur impossible acceptation par la société d'accueil ; le maintien du lieu d'origine, souvent idéalisé, comme objectif de retour ; la croyance dans l'obligation collective de s'engager pour la perpétuation, la restauration ou la sécurité de leur pays d'origine ; et le maintien de relations, à titre individuel ou collectif, avec le pays d'origine [40] . Contrairement à la définition de Sheffer, celle de Safran se présente, dans sa logique, si ce n'est directement dans son énoncé, comme historiquement incarnée par la diaspora juive. Cette dernière est alors l'archétype - le type à la fois antérieur, original et supérieur (au sens de « plus haut ») - de toutes les autres. Si la comparaison peut ou doit avoir lieu, c'est moins entre les diasporas en tant que telles qu'entre chacune d'entre elles et la diaspora juive [41] . De façon générale, les définitions par critères vont se positionner par rapport au modèle juif. Robin Cohen qualifie même de « conception iconoclaste » sa recherche de critères généraux susceptibles de fonder une définition raisonnée de la diaspora, car il serait nécessaire de transcender la tradition juive  [42] . Adossé aux critères de Safran qu'il modifie légèrement - il fusionne l'idéalisation du pays d'origine avec l'engagement pour son maintien et sa sécurité, auquel il ajoute l'éventuelle création d'un Etat - , il en ajoute quatre  :  la migration volontaire (commerce, travail, colonisation), une conscience ethnique entretenue sur une longue période, l'émergence d'une créativité nouvelle, et un sentiment d'empathie et de solidarité avec les « co-ethniques » présents dans d'autre pays. Il produit ainsi une liste de neuf « caractéristiques communes d'une diaspora » [43] . Outre le fait que cette expression tend à essentialiser l'existence des diasporas, elle est totalement inductive  [44]  :  elle part de l'observation des faits dans les diasporas pour en établir ex post les critères de reconnaissance. Par ailleurs, on ignore si l'ensemble de ces critères doit être rempli ou si le flou introduit par Safran - plusieurs critères suffisent, mais lesquels ? - est conservé. Le biais d'une telle définition par critères, qui demeure aujourd'hui la tentative la plus élaborée, apparaît fortement quand il s'agit de vérifier - car c'est bien de cela dont il s'agit - l'appartenance d'une population à la catégorie « diaspora ». C'est ainsi que Darshan Singh Tatla, au moment de prouver l'existence d'une diaspora sikhe, se trouve face à l'apparente impossibilité d'expliquer la dispersion des Sikhs en termes de migration forcée puisque ceux-ci se sont majoritairement installés à l'étranger dans le cadre du système colonial de l'indenture. Comme Tatla refuse implicitement de leur appliquer le deuxième critère de Cohen, celui de la migration volontaire, il déniche une porte de sortie  :  « Pourtant, le choc et les conséquences tragiques de la destruction de l'Akal Takhat en 1984 à Amritsar favorisent la comparaison avec la tragédie babylonienne après la destruction de Jérusalem en 586 av. J.-C. En appliquant les critères de Cohen, il semble que les communautés sikhes à l'étranger remplissent les conditions nécessaires d'une diaspora  [45] ... » Ouf...

Parallèlement à ces conceptions positivistes se développent au début des années 1990 des visions culturalistes de la diaspora. Au confluent des théories du post-modernisme et de la globalisation, elles insistent sur l'errance plus que sur la localisation, sur l'espace plus que sur le temps, sur l'hybridité plus que sur la continuité, sur l'identification plus que sur l'identité. Trois auteurs ont principalement tenté de lier de cette façon diaspora et culture dans un projet de déconstruction de l'identité et de l'essence. Stuart Hall veut ainsi utiliser le terme sous une forme « métaphorique et non littérale »  :  « la diaspora ne nous renvoie pas à ces tribus dispersées dont l'identité ne peut être assurée qu'en relation avec un pays d'origine sacré où elles doivent à tout prix revenir, y compris si cela signifie pousser les autres à la mer. Telle est l'ancienne forme, impérialiste et hégémonique, de l' « ethnicité ». [...] L'expérience de la diaspora que j'envisage ici ne se définit ni par l'essence ni par la pureté, mais par la reconnaissance d'une nécessaire hétérogénéité et diversité ; par une conception de « l'identité » qui vit par et à travers la différence, non malgré elle [46] . » Telle est le but avoué de Paul Gilroy dans l'ouvrage qu'il consacre à l'identité noire [47] . Le bateau et l'océan figurent la spatialité d'une diaspora fondée sur l'expérience de la traite transatlantique et de l'esclavage. La diaspora noire est double, inscrite dans la logique du « même changeant » ( changing same ), c'est-à-dire dans une logique structurelle contradictoire de l'origine et du décentrage. Gilroy cite notamment le projet de James Clifford sur les « cultures voyageuses ». De fait, Clifford et Gilroy vont fréquemment faire référence l'un à l'autre. Dans un article-essai consacré à l'étude des enjeux des « invocations » contemporaines du terme « diaspora », James Clifford oppose la vision « idéal-typique », fondée sur l'accumulation de critères et construite par rapport à un centre, de la diaspora, et une vision décentrée, s'intéressant aux frontières de la diaspora plus qu'à son cœur pour comprendre à quoi la diaspora s'oppose, c'est-à-dire, selon lui, à la fixité de l'Etat-nation  :  « Les diasporas ont rarement fondé des Etats-nations  :  Israel en est le tout premier exemple. Et de tels « retours » ( homecomings ) sont par définition la négation de la diaspora [48] . » The Black Atlantic de Gilroy apparaît alors comme une étude exemplaire des frontières puisque dans les diasporas de Gilroy l'« ici » et le « là-bas » sont en coprésence dans le cadre d'une temporalité non-téléologique. La rupture et la perte dues à l'exil engendrent de nouvelles visions, hybridisées, de la communauté. Quelques mois plus tard, dans un court texte où il mentionne Clifford, Gilroy insiste lui aussi sur le « statut pluriel » visible dans l'histoire du terme, où diaspora-dispersion cohabite avec diaspora-identification, où le premier tend vers la fin de la dispersion tandis que le second n'y tend pas et s'inscrit dans une mémoire vivante [49] .

On remarque d'un côté la nécessité de la définition pour différencier les « vraies » diasporas des « fausses », de l'autre l'ouverture vers la prise en compte de la condition post-moderne, hybride et changeante, dont le paradigme serait la diaspora. Christine Chivallon montre par exemple comment l'existence d'une diaspora noire a pu être pensée sous la forme de la continuité des formes culturelles (par Joseph Harris ou Robin Cohen notamment), sous celle de la créativité (Hall, Gilroy) ou enfin sous celle d'une impossible stabilisation identitaire [50] . La métaphore de la racine s'opposerait à celle du rhizome que l'on trouve chez Deleuze et Guattari [51] . Dans une autre perspective, Steven Vertovec estime que les trois acceptions repérables de « diaspora » - la forme sociale, le type de conscience et le mode de production culturelle - ne sont pas nécessairement des chemins entre lesquels il faut choisir, mais qu'il est possible de cumuler comme autant d'approches complémentaires. L'étude des relations sociales, des stratégies économiques et des orientations politiques, doit aller de pair avec l'expérience d'une multi-localité qui peut par exemple se manifester au travers du « transnationalisme électronique » [52] .

Si la tension entre les usages étendus ou réduits de la notion, entre les maximalistes et les minimalistes, s'est accrue avec l'irruption des était déjà perceptible en France à la fin des années 1980. En 1989, dans son éditorial au numéro spécial de la revue Hérodote consacré à la géopolitique des diasporas, Yves Lacoste peut écrire  :  « Mais il ne faut pas pour autant user ce mot, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, en s'en servant pour dénommer, avec effet de style, les multiples phénomènes migratoires de quelque ampleur. Ne parle-t-on pas, par exemple, de diaspora chinoise en Asie du Sud-Est, bien qu'elle ne concerne qu'environ 20 millions de personnes, ce qui est bien peu en regard du milliard de Chinois qui vivent en Chine ? » [53] . Sa définition est à l'avenant  :  il existe des « vraies » diasporas - signe distinctif du positivisme - reconnaissables par « la dispersion de la plus grande partie d'un peuple », ce qui signifie qu'une diaspora existe à partir du moment où la majorité d'un peuple se trouve dispersée dans un grand nombre d'Etats. Le critère utilisé est quantitatif et réduit le nombre de diasporas  :  juives (ashkénase et séfarade), palestinienne, libanaise, arménienne et irlandaise. Argument balayé d'un revers de plume par Pierre Trolliet  :  certes, le rapport démographique ne plaide pas pour une définition diasporique des Chinois à l'étranger, mais des géographes sérieux et des sinologues de renom n'ont aucun doute sur la question - « Il est pourtant bien question de diaspora chinoise sous la plume de la plupart des sinologues et des géographes français ! » [54] .

La lutte entre le semi-nom propre et le nom commun est au cœur de ces luttes avec pour toile de fond la soudaine valorisation du terme de « diaspora » et pour particularité le fait que chaque auteur refuse pour autant la généralité du nom commun  :  s'il désigne tout groupe dispersé résultant d'une migration, il ne désigne plus rien de particulier. Pour autant, les raisons d'une telle impossibilité ne sont jamais posées. Tout se passe comme si se mélangeaient constamment le terme historique, la notion et le mot passe-partout ( buzz word ), chacun à un degré de l'échelle sémantique, alors que les chercheurs en sciences sociales souhaiteraient parvenir à délimiter la seule notion, au-delà de la Diaspora majuscule et en-deçà de l'usage commun. Il n'y a rien de plus louable, mais l'entreprise trouve ses limites mêmes dans ce phénomène relativement récent, lié à la démocratisation de l'accès à la culture, qu'est « le caractère pratique des sciences sociales » pour reprendre l'expression d'Anthony Giddens [55] . Les instruments conceptuels utilisés ou forgés par les sciences sociales pour décrire et expliquer la réalité sociale font ensuite leur chemin dans d'autres espaces sociaux que le champ scientifique. Repris, réarticulés, modifiés, ils servent à créer de nouveaux objets sociaux que l'observateur a bien du mal à comprendre. Ajoutons-y le fait - mais cela mériterait une enquête approfondie - que les chercheurs en sciences sociales étudiant « les diasporas » ne travaillent la plupart du temps que sur une seule diaspora et qu'il est fréquent qu'ils y soient personnellement liés.

Pourtant, on ne peut estimer que la notion n'est pas étudiée ou travaillée. Depuis le milieu des années 1990 environ sont apparus des travaux tentant, pour les uns [56] , d'interroger la notion et son usage, pour les autres de catégoriser autrement les phénomènes culturels, sociaux et politiques liés aux migrations en tant que telles ou à la plus grande fluidité de l'espace et des structurations à distance qu'il rend possibles. Ont ainsi vu le jour d'autres concepts, parfois plus ou moins consciemment articulés à celui de diaspora  :  communautés transnationales [57] , formations sociales transnationales [58] , transnation [59] , ethnoscape [60] ou global network [61] . La tâche de clarification, tout au moins pour ceux qui la considèrent comme indispensable, se présente comme difficile [62] .

Selon Denys Cuche, à la confusion sémantique et conceptuelle des années 1990 a succédé un accord minimal  :  « un certain nombre de critères, étroitement corrélés, définissant ce qu'est une diaspora, sont désormais retenus par une majorité de chercheurs [63] . » Ces critères seraient au nombre de trois  :  l'espace de la dispersion, le nombre de migrants, la durée de l'état de dispersion, l'interpolarité [64] , la mémoire collective, un certain refus d'assimilation et enfin l'état de minorité ethnique. Si cela était vrai, ne devrait-on pas noter un certain consensus sur les populations « méritant » la médaille ?

De façon générale, on peut constater, encore maintenant, un usage flou - et d'autant plus efficace - du terme transformé en notion et articulé, sans que les articulations ne soient précisées, avec d'autres notions. Présentant l'objet d'étude de sa revue  en 1991, Khachig Tölölyan écrivait  :  « We use "diaspora" provisionally to indicate our belief that the term that once described Jewish, Greek and Armenian dispersion now shares meanings with a larger semantic domain that includes words like immigrants, expatriate, refugee, guest-worker, exile community, overseas community, ethnic community. This is the vocabulary of transnationalism and any of its terms can usefully be considered under more than one of its rubrics [65] . » Cela est fort juste dans la perspective de la constitution d'un semi-nom propre, mais cela implique un travail théorique qui se dégage du sens historique des mots pour forger des concepts. On aura noté le « provisionally » (provisoirement) dans la citation de Tölölyan. Onze ans plus tard, les relations entre la notion de diaspora et les autres notions n'ont été ni élucidées, ni véritablement étudiées. Si le flou autour de la notion engendre des débats, s'il est vu par certains comme le signe de la crise de la modernité [66] , il permet aussi et surtout de ne pas faire l'économie d'un terme singulièrement efficace sur le plan politique.

La labilité de « diaspora » est telle qu'il n'est pas rare de constater plusieurs changements sémantiques dans un seul et même texte, parfois dans le même paragraphe. Sans aller trop loin, il est possible de distinguer au moins six acceptions principales  : 

- l'ensemble statistique des dispersés et de leurs descendants, c'est-à-dire une population  :  la diaspora chinoise compte 20 millions de personnes ;

- une communauté ethno-culturelle organisée sur plusieurs territoires  :  les représentants de la diaspora indienne ;

- une population « ethnique » sur un territoire national, voire dans une ville  :  la diaspora iranienne à Los Angeles ;

- une logique migratoire particulière  :  les diasporas traumatique, de travail, commerçante ;

- un espace moins géographique que géopolitique  :  être en diaspora, les Arméniens de la diaspora ;

- une sous-composante d'une « diaspora » plus large  :  la diaspora séfarade, la diaspora gujarati

Il semble que derrière, ou peut-être plutôt sous le nom, se cachent des choses très diverses que l'on ne veut pas penser dans leur logique. En effet, contre toute apparence qui voudrait que la dispersion s'oppose à la fixité, l'utilisation de la notion de diaspora véhicule une pensée immobile. Il est possible de mettre en évidence trois illusions enchâssées dans l'usage classique du terme  : 

- L'illusion de l'essence  :  Tout se passe comme si, pour reprendre les termes de Wittgenstein, était recherchée « une substance qui réponde à un substantif  [67]  ». La diaspora existe, on peut la rencontrer sous la forme d'archétypes. Le travail consiste alors, à partir d'une analyse de l'archétype considéré, à élaborer une définition postulant l'adéquation du terme de « diaspora » à tout phénomène migratoire remplissant les critères prédéfinis. Le concept correspond à la réalité de la chose. Ne peuvent mériter le titre de « diaspora » que des phénomènes identiques en réalité .

- L'illusion de la communauté  :  Une diaspora n'est pas un construit, elle est une somme  :  celle des membres dispersés de la population considérée, ce qui englobe les migrants encore vivants ainsi que leurs descendants. L'addition vaut pour communautarisation. La logique des relations ontologiques (ethniques, nationales, religieuses) entre les dispersés sufit à en faire une diaspora.

- L'illusion de la continuité  :  En relation avec les principes précédents, la diaspora n'est jamais remise en question. Comme elle existe, attestée par la présence chiffrée de milliers ou de millions d'individus, elle ne peut disparaître. L'essentialisme qui la caractérise dispense de toute interrogation sur les modalités d'instauration, de déliquescence, de transformation ou de disparition d'une diaspora.

Il s'avère que les post-modernistes, voulant précisément prendre le contre-pied de tout cela, s'emparent d'un terme ambigu censé incarner le flou et l'hybridation. A force de ne rien définir, et de simplement déconstruire sans reconstruire, par l'analyse, les enjeux à l'Oeuvre dans la construction sociale des communautés, les mots n'engagent plus rien d'autre que d'autres mots. La société-texte ne permet de comprendre ni le besoin ni les mécanismes d'ancrage.

Signe, vraisemblablement, du cul-de-sac épistémologique où conduit « diaspora »  :  l'absence d'un comparatisme qui ne soit pas incantatoire et cantonné à la juxtaposition de case studies. Le passage à la comparaison implique la rencontre de l'histoire et de la sociologie et implique surtout la prise en compte, dans la structuration des populations étudiées, des facteurs relatifs à la spatialisation et à la temporalisation, à la stratification sociale et politique, au sens des arrivées et des retours. Qui lit l'étude de Donna Gabaccia sur les Italiens hors d'Italie comprend, à travers ses hésitations sur la notion de diaspora, et son parti-pris de distinguer plusieurs diasporas au sein d'une même population, qu'il faut se débarrasser du terme pour en imaginer d'autres [68] .

Notes

[1] - Je remercie Clifford Rosenberg, de la New School University à New York, pour l'aide qu'il m'a apportée dans la consultation des Dissertation Abstracts.

[2] - A bien des égards, notre projet se rapproche, toute proportion gardé, de celui de Brubaker (Rogers), « Au-delà de l'« identité » », Actes de la recherche en sciences sociales , (139), septembre 2001, p. 66-85.

[3] - Rey (Alain), sous la dir. de, Dictionnaire historique de la langue française , Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998 (1ère éd. en grand format 1992), p. 1076-1077.

[4] - Petit Robert 1 , Paris, Dictionnaires Le Robert, 1987, p. 536.

[5] - Larousse du XXe siècle , Paris, Larousse, 1929, 6 volumes. Signalons que cette occurrence est signalée dans le Trésor de la langue française (sous la dir. de Paul Imbs), Paris, Editions du CNRS, vol. 7, 1979, p. 165. La même année (1929) paraît un des rares livres français avant les années 1970 dont le titre comporte le terme « diaspora »  :  Causse (Alphonse), Les Disperses d'Israël. Les origines de la Diaspora et son rôle dans la formation du Judaïsme , Paris, Alcan, 1929.

[6] - Webster's revisec unabridged dictionary of the english language , Springfield, G & C. Merriam Company, 1913, p. 1978.

[7] - Le Petit Robert de 1987 indique également 1968 comme attestation du nouveau sens par extension.

[8] - Dictionnaire du français contemporain , par Jean Dubois et allii, Paris, Larousse, 1966.

[9] - Dictionnaire de la langue française , par Jean Girodet, Paris, Bordas, 1976, 2 vol.

[10] - Dictionnnaire Quillet de la langue française en 4 volumes , Paris, Quillet 1975, vol. 2, sans indication de page.

[11] - Dictionnaire des mots contemporains (sous la dir. de Pierre Gilbert), Paris, 1980, p. 171.

[12] - Le Robert, dictionnaire de la langue française , Paris, 1985, 9 vol., p. 514 (vol. 2).

[13] - Cette mention était déjà présente dans le Robert en 9 volumes de 1985, mais elle demeure assez rare dans les dictionnaires.

[14] - Nouveau Petit Robert , Paris, Dictionnaires Le Robert, 1994, p. 638.

[15] - Dictionnaire de l'Académie française , Paris, Imprimerie nationale-Julliard, 1994, p. 1492.

[16] - Matériaux pour l'histoire du vocabulaire français , 2 ème série publiée sous la direction de Bernard Quemada, vol. 30 sous la direction de Pierre Enckell, Paris, CNRS-Klincksieck, 1987, p. 82.

[17] - Maritain (Jacques), Humanisme intégral. Problèmes temporels et spirituels d'un nouveau chrétien , Paris, Aubier, 1939, p. 271, cité in Le Trésor de la langue française , op. cit. , p. 165.

[18] - Webster's Third New International Dictionary , unabridged, Londres, Bell & Sons Ltd, 1961, vol. 1, p. 625.

[19] - Cette dimension reste souvent présente. Voir par exemple la conférence prononcée par le cardinal Julius Döpfner, évêque de Berlin, à la Maison de l'Unesco (Paris, 26 octobre 1960), sur « L'Eglise dans la diaspora et l'oppression », disponible à la BNF. Très souvent, les textes du XIXe siècle utilisent « diaspora » pour désigner différentes communautés chrétiennes, souvent protestantes.

[20] - Sur les différences entre « galut » et « diaspora », cf. Marienstras (Richard), « Sur la notion de Diaspora », in Les minorités à l'âge de l'Etat-nation , Paris, Fayard, 1985, p. 215-226. Sur le néologisme arménien « spurk », cf. Hovanessian (Martine), « La notion de diaspora. Usage et champ sémantique », Journal des anthropologues , (72-73), 1998, p. 11-30.

[21] - Sur l'importance de cette dimension religieuse, cf. Baumann (Martin), Der Begriff der Diaspora als analytische Kategorie. Eine religionswissenschaftliche Untersuchung am Beispiel der globalen Zerstreuung von Hindu Traditionen in der Moderne , Marburg, Diagonal, 1999.

[22] - Dubnov (Simon), « Diaspora », Encyclopedia of the Social Sciences , (4), New York, Macmillan, 1931, p. 126-130.

[23] - Connor (Walter), « The Impact of Homelands Upon Diasporas », in Sheffer (Gabriel), ed., Modern Diasporas in International Politics , Londres, Croom Helm, 1986, p. 16-46.

[24] - Tölölyan (Khachig), « Rethinking diaspora(s)  :  stateless power in the transnational moment », Diaspora , 5 (1), 1996, p. 3-36. La périodisation de Tölölyan est reprise telle quelle in Schnapper (Dominique), « De l'Etat-nation au monde transnational  :  du sens et de l'utilité du concept de diaspora », Revue européenne des migrations internationales , 17(2), 2001, p. 9-36. Par ailleurs, Tölölyan énumère une série de douze facteurs explicatifs de l'adoption du terme par des membres de groupes ethnoculturels (artistes, intellectuels, « leaders », journalistes etc...). Sans entrer dans les détails, ces douze facteurs sont  :  l'accroissement de l'immigration vers les pays industrialisés dans les années 1960 en raison du développement des moyens de trassport, l'émergence ou non de politiques permettant une meilleure intégration des immigrés, le degré d'organisation dans le pays d'origine, la proportion d'immigrants par rapport à la population indigène, la « différence raciale », l'incompatibilité religieuse - réelle ou supposée, l'affirmation d'un sujet collectif, le succès d'Israël et de sa diaspora dans la préservation de son existence après 1967, l'acceptation progressive des lobbys communautaires aux Etats-Unis, le développement d'entités tant supranationales qu'infranationales (décentralisées), le rôle de certaines élites communautaires dans la pénétration de valeurs occidentales dans leur pays, et enfin le rôle de l'Université et notamment l'émergence de nouvelles théories de l'ethnicité ne prédisant pas la nécessaire assimilation.

[25] - Plus exactement de la conférence des historiens africains tenue à Dar es Salaam en 1965, où George Shepperson intervient sur ce point. Cf. Shepperson (George), « The African Abroad or the African Diaspora », African Forum. A Quarterly Journal of Contemporary Affairs , (2), 1966, p. 76-93. Du même auteur, cf. « African Diaspora  :  Concept and Context », in Harris (Joseph), ed., Global Dimensions of the African Diaspora , Washington D.C., Howard University Press, 1993 (1ère éd. 1982), p. 41-49.

[26] - Baumann (Martin), «  What you always wanted to know about the origins and usage of that word "diaspora"  », 1998, disponible en ligne sur http : .irishdiaspora.net.

[27] - D'autres types de recherche sont possibles. Ainsi, Docthèses indique 61 thèses dont la notice comporte le terme « diaspora ».

[28] - Ce graphique n'indique que les populations ou les thèmes (général, religion) pour lesquels il existe plus d'une thèse comportant « diaspora » dans le titre et dans la notice. Le terme « Africains » fait ici référence à des populations africaines « dispersées » en Afrique tandis que « Noirs » fait référence à une « diaspora » noire ou africaine hors d'afrique.

[29] - Chacune des thèses comportant « diaspora » dans le titre comportant également le terme dans la notice, la courbe « notice »

[30] - Une collection du même nom fut lancée aux Editions Syros à partir de 1982.

[31] - Korn (Yis_h_aq) et Derekh (Selomoh), Entre l'Etat d'Israël et la Diaspora , Tel Aviv, Mouvement ouvrier sioniste mondial, 1973 ; Marienstras (Richard), Etre un peuple en diaspora (préface de Pierre Vidal-Naquet), Paris, François Maspero, 1975 ; Chemouilli (Henri), Une Diaspora méconnue  :  les Juifs d'Algérie , Paris, Imprimerie moderne de la Presse, 1976 ; Images et traditions juives  :  un millier de cartes postales, 1897-1917, pour servir à l'histoire de la Diaspora (choisies et publiées par Gérard Silvain), Paris, Éditions Astrid, 1980.

[32] - Il existe à partir de 1975 une collection intitulée « Avenir de la diaspora arménienne » dans laquelle paraît notamment Kurkjian (Hayk), Essai sur l'exil , Paris, Baladian, 1978, et un périodiques intitulé Les cahiers de diaspora à partir de 1976. A noter aussi un article de Mouradian (Claire), « L'immigration des Arméniens de la diaspora vers la RSS d'Arménie  :  1946-1962 », Cahiers du monde russe et soviétique , XX(1), janvier-mars 1979, p. 79-110.

[33] - L'ouvrage pionnier en la matière semble être celui de Ziegler (Jean), Le pouvoir africain, éléments d'une sociologie politique de l'Afrique noire et de sa diaspora aux Amériques , Paris, Éditions du Seuil, 1971. Voir aussi Gouraige (Ghislain), La diaspora d'Haïti et l'Afrique , Sherbrooke (Québec), Naaman, 1974 ; Kaké (Ibrahima Baba), Les Noirs de la diaspora , Libreville, Lion, 1978, et Histoire de la diaspora noire  :  témoignages (essais réunis et présentés par Lorraine A. Williams), Paris, sans indication d'éditeur, 1980. Ce dernier ouvrage est la traduction d'un ouvrage américain dont le titre ne comporte pas « diaspora »  :  Africa and the Afro-American experience  :  eight essays .

[34] - Outre la thèse précitée de 1978 sur les Chinois dans l'Océan indien occidental, voir Debré (François), Les Chinois de la diaspora , Paris, Olivier Orban, 1976.

[35] - Sur le semi-nom propre comme modèle logique des concepts scientifiques, cf. Passeron (Jean-Claude), Le raisonnement sociologique , Paris, Nathan, 1991, p. 60-63.

[36] - Pour ne prendre que deux exemples récent  :  King (Charles) et Melvin (Neil J.), « Diaspora Politics. Ethnic Linkages, Foreign Policy and Security in Eurasia », International Security , 24(3), hiver 1999-2000, p. 108-138, où « diasporas » signifie « ethnic communities divided by state frontiers » (108). De plus en plus, le terme se passe de définition ou d'explicitation. C'est le cas dans le livre - au demeurant excellent - d'Anne Raulin, L'ethnique est quotidien. Diasporas, marchés et cultures métropolitaines , Paris, L'Harmattan, 2000.

[37] - C'est en ce sens que l'on trouve déjà chez Max Weber en 1905 l'usage de l'expression « diaspora calviniste », ce qui tendrait à montrer un usage catégoriel du mot. Cf.Weber (Max), L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme , Paris, Plon, coll. « Presses-Pocket », 1964, p. 39. De la même façon, « diaspora » est utilisé sans majuscule à propos des Juifs dans Le judaïsme antique (Paris, Pocket, 1998, 1 ère éd. allemande 1920).

[38] - Armstrong (John A.), « Mobilized and Proletarian Diasporas », American Political Science Review , 70(2), juin 1976, p. 393-408, citation p. 394.

[39] - Sheffer (Gabriel), « A New Field of Study  :  Modern Diasporas in International Politics », in Sheffer (Gabriel), ed., Modern Diasporas in International Politics , op. cit. , p. 1-15, citation p. 3.

[40] - Safran (William), « Diasporas in Modern Societies  :  Myths of Homeland and Return », Diaspora , 1(1), printemps 1991, p. 83-99. Une première version de ces critères était antérieurement parue dans Safran (William), « Ethnic Diasporas in Industrial Societies  :  A Comparative Study of the Political Implications of the "Homeland" Myth », in Simon-Barouh (Ida) et Simon (Pierre-Jean), dir., Les étrangers dans la ville. Le regard des sciences sociales , Paris, L'Harmattan, 1990, p. 163-177. 

[41] - Ibid. , p. 84. Pour un exemple français, cf. Médam (Alain), « Diaspora/Diasporas. Archétype et typologie », Revue européenne des migrations internationales , 9(1), 1993, p. 59-65.

[42] - Cohen (Robin), « Rethinking "Babylon"  :  Iconoclastic Conceptions of the Diaspora Experience », New Community , 21(1), janvier 1995, p. 5-18.

[43] - Cohen (Robin), Global Diasporas  :  An Introduction , Londres, UCL Press, 1997, p. 21-29.

[44] - Anthias (Floya), « Evaluating "Diaspora"  :  Beyond Ethnicity ? », Sociology , 32(3), août 1998, p. 557-580.

[45] - Tatla (Darshan Singh), The Sikh Diaspora. The Search for Statehood , Londres, UCL Press, 1999, p. 5.

[46] - Hall (Stuart), « Cultural identity and diaspora », in Rutherford (Rutherford), ed., Identity. Community, culture, difference , Londres, Lawrence & Wishart, 1990, p. 222-237.

[47] - Gilroy (Paul), The Black Atlantic. Modernity and Double Consciousness , Londres-New York, Verso, 1993.

[48] - Clifford (James), « Diasporas », Current Anthropology , 9 (3), 1994, p. 302-338.

[49] - Gilroy (Paul), « Diaspora », Paragraph , 17(1), mars 1994, p. 207-212.

[50] - Chivallon (Christine), « Pluralité des modèles diasporiques pour penser l'expérience noire des Amériques », intervention au colloque « 2000 ans de diasporas » (Poitiers, 14-16 février 2002). La distinction entre le modèle classique et le modèle hybride est élaborée à partir de Black Atlantic dans Chivallon (Christine), « La diaspora noire des Amériques. Réflexions sur le modèle de l' hybridité de Paul Gilroy », L'Homme , (161), janvier-mars 2002, p. 51-74.

[51] - Deleuze (Gilles) et Guattari (Félix), Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie , Paris, Minuit, 1980.

[52] - Vertovec (Steven), The Hindu Diaspora. Comparative Patterns , Londres, Routledge, 2000, p. 141-159. Sur le « transnationalisme électronique », cf. Rai (Amit S.), « India on-line  :  Electronic Bulletin Boards and the Construction of a Diasporic Hindu Identity », Diaspora , 4, 1995, 31-57. 

[53] - Lacoste (Yves), « Editorial  :  géopolitique des diasporas », Hérodote , (53), avril-juin 1989, p. 3.

[54] - Trolliet (Pierre), La diaspora chinoise , Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1994, p. 3. Voir aussi « Peut-on parler d'une diaspora chinoise ? », in Bruneau (Michel), dir., Diasporas , Montpellier, GIP Reclus, 1995, p. 151.

[55] - Giddens (Anthony), La constitution de la société , Paris, PUF, 1987, 1ère éd. angl. 1984, p. 414-420.

[56] - Pour la France, outre Hovanessian (Martine), « La notion de diaspora », art. cit. , cf. Ma Mung (Emmanuel), Dorai (Mohamed Kamel), Hily (Marie-Antoinette) et Loyer (Frantz), Bilan des travaux sur la circulation migratoire , Rapport pour la Direction de la Population et des Migrations, novembre 1998, 137 p. ; Dufoix (Stéphane), « L'objet-diaspora en questions », Cultures et conflits , (33-34), printemps-été 1999, pp. 147-163 ; Centlivres (Pierre), « Portée et limites de la notion de diaspora », CEMOTI , (30), juin-décembre 2000, p. 5-12. Voir également Baumann (Martin), Der Begriff der Diaspora als analytische Kategorie , op. cit. , ainsi que Cohen (Phil), « Rethinking the Diasporama », Patterns of Prejudice , 33(1), janvier 1999.

[57] - Basch (Linda), Glick Schiller (Nina) et Blanc-Szanton (Cristina), Nations unbound :  transnational projects, postcolonial predicaments, and deterritorialised nation-States , Basel, Gordon & Breach, 1994 ; Portes (Alejandro), « La mondialisation par le bas. L'émergence des communautés transnationales », Actes de la recherche en sciences sociales , (129), septembre 1999, p. 15-25.

[58] - Vertovec (Steven), « Transnational Social Formations  :  Towards Conceptual Cross-Fertilization », papier présenté au colloque « Transnational Migration  :  Comparative Perspectives » (Princeton, 30 juin - 1 er juillet 2001), disponible comme Working Paper Transnational Communities WPTC-01-16, 37 p.

[59] - Terme notamment utilisé dans Tölölyan (Khachig), « Elites and Institution in the Armenian Transnation », papier présenté au colloque « Transnational Migration  :  Comparative Perspectives » (Princeton, 30 juin - 1 er juillet 2001), disponible comme Working Paper Transnational Communities WPTC-01-21, 37 p. La transnation « inclut toutes les communautés diasporiques et le pays d'origine ».

[60] - Appadurai (Arjun), Modernity at large :  cultural dimensions of globalisation , Minneapolis :  University of Minnesota Press, 1996 (Traduction française  :  Après le colonialisme , Les conséquences culturelles de la globalisation , Paris, Payot, 2001). Appadurai utilise le terme d'ethnoscape dès 1991 (« Global Ethnoscapes  :  Notes and Queries for a Transnational Anthropology », in Fox (Richard G.), ed., Recapturing Anthropology  :  Working in the Present , Santa Fe, School of American Research Press, 1991, p. 191-210. Appardurai définit l'ethnoscape comme « le paysage des individus fabriquant le monde changeant dans lequel nous vivons  :  touristes, immigrants, réfugiés, exilés, travailleurs immigrés, et autres personnes et groupes se déplaçant constituent un trait caractéristique du monde et semblent affecter la politique des nations et entre les nations à un degré jamais atteint jusqu'ici. » (1990).

[61] - Global Networks est le nom d'une revue fondée en 2000 par Robin Cohen et Steven Vertovec. Elle est hébergée par le Transnational Communities Program de l'Université d'Oxford.

[62] - Pour une tentative, cf. Kennedy (Paul) et Roudometof (Victor), « Communities across Borders under Globalising Conditions  :  New Immigrants and Transnational Cultures », 2001, WPTC-01-17, 45 p.

[63] - Cuche (Denys), « Diaspora », Pluriel recherches. Vocabulaire historique et critique des relations inter-ethniques , cahier n°8, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 14-23.

[64] - La multipolarité - la diversité de la dispersion - et l'interpolarité - les liens entre les pôles dispersés - sont à la base de la définition de la diaspora par Emmanuel Ma Mung (Cf. La diaspora chinoise. Géographie d'une migration , Paris, Ophrys, 2000.)

[65] - Tölölyan (Khachig), « The Nation-State and Its Others  :  in Lieu of a Preface », Diaspora , 1(1), printemps 1991, p. 3-7, citation p. 4.

[66] - Voir notamment Wieviorka (Michel), « Le Juif, figure de l'étranger ? », in Wieviorka (Michel), dir., Une société fragmentée ? Le multitulturalisme en débat , Paris, La Découverte/Poche, 1997, p. 267-287.

[67] - Wittgenstein (Ludwig), Le cahier bleu et le cahier brun , Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1965, p. 51.

[68] - Gabaccia (Donna R.), Italy's Many Diasporas , Londres, UCL Press, 2000.

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