Ouvrir un commerce à son compte, se faire un nom
Itinéraires de migrants subsahariens installés au " marché
de Noailles " (Marseille, Ier) : 1980-2000
Marie Sengel
Petites entreprises et petits entrepreneurs étrangers.
Préactes du colloque d'octobre 2003
A Lucette
Un quartier, des
itinéraires
Noailles, premier arrondissement marseillais. Tracés
anciens et rues sinueuses, immeubles parfois dégradés. Ce petit
quartier qui était décrit comme «populeux, populaire,
le plus commercial de Marseille » s'est progressivement
fané. Les années 1970 ont vu les commerçants d'antan
partir un à un. Bottiers, tripiers, liquoristes et corsetiers ont pris
leur retraite. Malgré la position centrale du quartier, les fermetures de
fonds se multiplient, et les valeurs foncières trébuchent.
Dès le début des années 1980, un renouveau commercial
s'opère : de nouveaux acteurs s'installent dans les
espaces laissés vacants, modifiant l'inscription migratoire du
quartier. Les commerçants d'origines maghrébine et orientale
s'implantent, en forte majorité. Ils côtoient les
Européens toujours présents et quelques rares, mais
remarqués, commerçants venus d'Asie. Des
établissements tenus par des entrepreneurs subsahariens s'ouvrent
progressivement, regroupés sur quelques rues centrales du quartier.
C'est sur eux que mon attention a été attirée. Nulle
part ailleurs, ni dans la ville ni dans la région, on ne trouve un tel
agencement commercial, une telle concentration d'entrepreneurs
subsahariens. L'attrait sur la clientèle africaine, pourtant
très dispersée, est important. «Chacun de nous va
à Noailles, ne serait-ce que pour y trouver les produits indispensables
comme les produits des cheveux, mais c'est aussi pour rencontrer les
autres, parler, avoir des nouvelles. Même moi je vais à Noailles
pour acheter les produits dont j'ai du mal à me passer, et
là-bas je croise forcément des connaissances, des fois par hasard,
ou des fois sur rendez-vous ”, explique un client camerounais, cadre
supérieur.
Par cette particularité, Noailles devient «le marché africain
», avec son sautoir de dix, vingt, actuellement quarante boutiques,
toujours en maturation. Et l'on trouve de tout dans ce marché. Le gérant
de l'épicerie subsaharienne se vente d'avoir «les condiments
de l'ensemble de l'Afrique, d'Est au Sud, du Nord à l'Ouest ».
La dizaine de restaurateurs s'organise pour proposer des spécialités
diversifiées. Vendeurs de tissus et d'objets artisanaux, commerçants
de musique, tailleurs, coiffeurs, multiplient une offre moins exotique que
culturelle et «existentielle ». Et l'on défie quiconque
de ne pas trouver dans la quinzaine de boutiques de cosmétique les
mèches à tresser qui lui conviennent exactement... frisées,
raides, épaisses ou fines, couleurs n° 1 à 32 dans cette
marque, n° 0 à 40 dans cette autre... Un panel qu'aucune boutique,
prise isolément, n'est en mesure de proposer. Voilà donc un
espace urbain qui a reçu la patte de ces entrepreneurs d'un autre continent.
Ils ont su enrichir l'identité de ce quartier assez malléable,
s'organiser, structurer un approvisionnement et une diffusion de produits
et de services, être représentés dans la ville...
Dans le même temps, pourtant, un mouvement contraire
s'exécute à Belsunce, ce quartier entre port et gare et qui
a offert l'hospitalité à bien des migrants venus dans la
ville. Des ressortissants de la Vallée du Fleuve Sénégal y
tenaient, depuis les années 1950 surtout, des établissements
commerciaux. Mais ils ferment les uns après les autres, appuyés,
c'est vrai, par la réhabilitation. Cependant, personne n'est
prêt, de toute façon, à assurer la relève des
«vieux » qui incarnent une première
«génération » de commerçants
subsahariens de Marseille. Celle-ci est représentée par des hommes
surtout - anciens militaires, marins reconvertis, dockers retraités ou
chômeurs – qui ont progressivement investi leur capital dans des
petits entreprises commerciales
[1]. Ensemble, ils
ont formé une organisation commerciale masculine, fortement inscrite dans
l'Islam et référée à la confrérie
mouride. Oligarchique, resserrée sur une appartenance partagée,
cet agencement a cependant été placé sous la tutelle du
puissant dispositif maghrébin décrit par Alain
Tarrius
[2]. Pourtant cette formation commerciale
subsaharienne se délite à partir des années 1980 : le
départ des plus âgés est aggravé par le
détachement des plus jeunes qui prennent leur distance et tentent de
multiplier leurs ancrages
[3]. Très peu
réclameront une filiation et une succession commerciale. Falla, jeune
commerçant mouride quitte Belsunce où il était
employé et s'installe à Noailles, à deux pas de la
nouvelle salle de prière de la confrérie. Cependant, il
n'entretient avec son groupe religieux que les contacts nécessaires
pour «garder les liens », et sans lui vouer son
entreprise.
Car le contemporain des jeunes entrepreneurs subsahariens
prend place ailleurs : à Noailles, de l'autre
côté de la Canebière. Ce quartier actualise avec
ponctualité l'événement migratoire national tel
qu'il se dessine depuis le début des années 1980. Il incarne
– à son échelle – les nouvelles circulations de
l'Afrique subsaharienne vers la France marquées par un
éclatement et un renversement des
tendances
[4]. Les nouveaux
commerçants qui s'installent à Noailles représentent
l'ensemble du vaste territoire situé au sud du Sahara. Et ce sont
des femmes, beaucoup. Leur présence est survisibilisée dans ces
boutiques de Noailles et l'on peut estimer à 80 % les acteurs
féminins qui y interviennent. Mais il s'agit également de
personnes jeunes, âgées d'une trentaine
d'années. De l'un ou de l'autre sexe, ils ont
vécu, un moment au moins, dans les grandes capitales africaines. Les
petits points que forment ces acteurs sur la carte commerciale du quartier
revendiquent presque autant de villes : Bangui, Brazzaville, Ouagadougou,
Lagos, Douala, Yaoundé, Bamako, Lomé, Cotonou, Dakar, Abidjan...
autant de langues, de religions, de cultures... et de croisement
d'itinéraires singuliers. Mais tous se disent compatriotes. Cette
composante, qui respecte la photographie tirée des statistiques
migratoires, s'en éloigne pourtant sur un point : ces jeunes
adultes ont été, pour la plupart, déscolarisés assez
tôt et ne peuvent revendiquer d'acquis professionnels valides en
France. Les démarches administratives, institutionnelles et comptables
exigées par leur entreprise n'en sont que plus contraignantes... et
soldent de nombreuses cessations. Cette première fragilité
contribue au turn-over important d'acteurs, de fonds, de partenaires et
d'itinéraires commerciaux qui traversent successivement ces
boutiques, rebondissent d'un établissement et d'une
activité à l'autre.
Ces nouveaux entrepreneurs, malgré leurs
disparités, convergent vers un objectif qui marque une rupture avec la
génération précédente et les éloigne du
système fortement hiérarchisé rencontré à
Belsunce. Ils ont, selon leurs termes, «tout laissé
derrière eux », «tout
abandonné » pour «chercher
l'aventure », «chercher la vie »,
«chercher l'argent », «se chercher
soi ». S'efforçant d'atténuer les contraintes
liées aux systèmes de pouvoir et d'obligation, ils
poursuivent des projets plus personnels
[5] et
tentent de les réaliser au travers d'une nouvelle émergence
commerciale, le plus souvent sans véritable capital. Ceux qui veulent
«à tout prix » incarner l'image
idéalisée de l'homme ou de la femme d'affaires, misent
«le tout pour le tout », s'élancent au
«coûte que coûte » vers le succès
comme vers l'échec. Serait-il que ces aventuriers n'aient
rien à perdre ? Emilie se bat, «je veux gagner la vie.
La vie, ça veut dire l'argent, l'amour (...) C'est
trouver un nom », un nom, plus personnel encore qu'une
renommée
. L'engagement de Lucette dans le commerce est une
aventure pour «se réaliser ». Selon Lisa, le
commerce est un «épanouissement ». Pour Sylvain,
c'est «une drogue, qui permet de tenir ». Soya,
elle, parle d'un «fortifiant ».
On peut légitimement s'interroger sur la place
que l'initiative commerciale occupe dans ces itinéraires,
s'interroger sur les projets qu'elle soutient
. Si, comme le
rappelle Lucette, «le commerce c'est un métier,
c'est d'abord pour manger à notre faim »,
c'est également une motivation qui permet d'étayer
d'autres projets, plus intimes. Mais tout commence par
l'aventure...
II Les écumeurs
d'opportunités
Qui sont-il exactement ces commerçants d'une
deuxième génération ? Certains se désignent
prestigieux, mais se présentent aux premiers regards comme
«gens de peu ». L'import-export dont l'un
s'enorgueillit est un mélange de projets grandioses et fantasques
qui capotent presque toujours. La boutique qui fait la fierté d'une
commerçante est un local humide. Pour tout avouer, je l'ai
même trouvé assez dégradé et difficilement
déchiffrable : Une marmite cuit à côté des
quelques «échantillons du pagne », des poissons
séchés et autres denrées destinées à la
vente. Car la boutique composite sert aussi de restaurant. La gérante y
fait tout bouillir pour joindre «les deux bouts ». Elle
anticipe mes questions, me lance, comme un défi d'honneur :
«Moi, je suis partie à l'aventure, je suis une
aventurière, nous les commerçants ici ».
La question rebondit. Qui sont, alors, ces aventuriers ?
Mais les réponses ne se profilent qu'au détour
d'entretiens, de rencontres, d'échanges ; en fait, de
paroles et de confiance étonnantes par leur hardiesse, et riches, parce
qu'à la recherche d'une ligne conductrice. Chacun des
cheminements, né d'une convergence des itinéraires,
migratoire, familial, commercial et conjugal, est très particulier. Mais,
en amont, ces acteurs partagent une faille, une brèche qui a fait
naître une tension et les a éloignés de leurs
sociétés et familles d'origine. Ces contraintes sont telles
qu'elles ont pu inciter un départ, à l'allure de
fuite. Falla se sauve du mariage qu'on voulait lui imposer, Juliette
parvient à divorcer, Elaine échappe à la polygamie,
Sylvain, mal protégé par ses aînés, veut
échapper à sa condition de “ boy » et à la
domination professionnelle et familiale. «Petits »,
«cadets », démunis des moyens sociaux et
économiques capables d'assurer leur protection ou une
médiation, ils tentent de contrer un «anonymat qui permet
à n'importe qui de vous faire n'importe
quoi »
[6]. Partant vers
l'eldorado occidental, ils poursuivent l'espoir d'affirmer une
existence, une reconnaissance, d'accomplir une réconciliation
dégagée des contraintes du groupe.
Se dessine, alors, le portait de migrants
désaffiliés. Isolés, en rupture, ils ne tiennent pas le fil
conducteur que représente un réseau migratoire et d'accueil.
Ils n'ont pas de guide, personne «de sûr sur qui se
reposer », aucun filet de protection lorsqu'ils arrivent en
France
[7]. Calixte Beyala, dans un de ses romans,
décrit un personnage qui parvient en Europe en suivant la trace
d'un bout de papier où figure une adresse... livrée lors
d'une rencontre de voyage. L'on m'a, à moi aussi,
parlé de «l'adresse » qui désigne un
inconnu... pour qui le nouvel arrivant sera probablement une surcharge
indésirable, voire un concurrent.
«C'est de l'inconscience »
s'énerve Amina. Elle vient d'ouvrir la porte avec surprise
à un «copain » de son petit frère et est
«bien obligée de le prendre en charge... » le
moins longtemps possible. Directement ou par ces hôtes obligés, les
désaffiliés, faute d'ancrages plus solides - ou solidaires -
sont dirigés vers Noailles, le point phare des économies et des
sociabilités, le ressort vers les perspectives commerciales et la
renommée.
III «Le commerce c'est avant tout
un métier »... et un parcours
Lorsque Falla, tailleur à son compte à Dakar,
arrive en France, ses hôtes «obligés »
refusent la surcharge financière qu'il représente. En
quelques jours, le maître de maison négocie pour lui un emploi chez
un tailleur, lui aussi Sénégalais et une chambre
d'hôtel, les deux situés à Noailles.
Tu n'as
pas le choix soupire Falla. Pierrette, femme d'affaires en
difficultés, hébergée chez son frère, est
considérée comme un poids par l'épouse de celui-ci.
Elle doit contribuer à sa dépense et devient cuisinière
dans un restaurant ivoirien de Noailles. Lorsque, soutenue par son ami, elle
doit accueillir chez elle un petit frère, elle le placera à son
tour dans un restaurant... et lui demandera de prendre
l'hôtel.
Arrivant en France, les aventuriers qui ne sont pas
«attendus » doivent, rapidement, trouver un travail pour
défrayer les hôtes ou prendre un logement. Mais ces migrants ne
sont pas les bienvenus non plus sur le marché officiel de l'emploi.
Dans un contexte d'inhospitalité
[8],
la création d'une activité commerciale permet une issue et
évite un premier précipice : celui d'une éviction -
institutionnelle ou idéologique - du marché
rémunérateur du travail, liée au statut de migrant,
à des situations de faibles qualifications. Lorsque la voie du travail
précaire, mal ou irrégulièrement
rémunéré se profile, lorsque le marché formel de
l'emploi offre à peine plus de sécurité que
l'informel ou lorsque l'expérience acquise n'est pas
reconnue, la création d'un commerce apparaît comme une
échappée. Parfois la seule envisageable. C'est le cas de
Fred : footballeur professionnel au Cameroun, devenu agent de
sécurité par intérim en France, finalement restaurateur,
après une période de chômage prolongée.
«J'ai une lourde charge familiale. Ce n'était pas
possible de rester là à attendre, alors j'ai
crée ». Trop rapidement sans doute. Il accepte avec son
prédécesseur, un Zaïrois, des compromis qui au final
déstabilisent son activité.
Le commerce représente donc «avant tout, un
métier » et la possibilité de se créer un
emploi. Et ce rôle n'est pas novateur. Dans le contexte de crises
multiformes qui touchent l'Afrique subsaharienne, c'est actuellement
le créneau de «survie » adopté par ceux qui
n'ont pas d'autre perspective d'emploi. Auparavant les femmes
surtout étaient concernées
[9].
Désormais, les hommes «déflatés »
les rejoignent
[10], ce qui ne va pas sans
provoquer certaines rivalités
[11]. En
Afrique comme en France, l'engouement vers cette voie s'explique par
la faible qualification réclamée, par le capital restreint
exigé et par sa forte flexibilité. Rares sont ceux qui - comme
Lisa - en ont fait l'apprentissage. Et les affirmations fusent, selon
lesquelles, le commerce, «c'est dans le sang »,
«c'est un don », «c'est
héréditaire »... Si le commerce est un métier,
il reste peu professionnalisé. Du plus loin qu'elles se
souviennent, ces commerçantes ont été exercées
à rentabiliser les gestes transmis par leur aînées et ont
acquis une certaine dextérité. Pour beaucoup, la création
d'un fonds constitue la possibilité de puiser dans une
expérience et un savoir-faire préalablement acquis et
immédiatement mobilisable. Lisa, comme tant de petites filles de
Côte d'Ivoire ou d'ailleurs en Afrique, a appris à
tresser dans la rue. D'autres, comme Elvire, ont été
initiées dès leur plus jeune âge à la vente ou la
préparation des «petits produits », souvent pour
soulager leur mère ou leur grand-mère dont elles étaient
à charge... Fréquemment, «l'expérience de
la rue » s'est faite au détriment d'une
scolarisation régulière. Les
«conjoncturés » de Noailles exploitent alors
encore une fois ce savoir-faire, cette expérience, la seule qui semble
monnayable dans l'itinéraire de la migration.
Arlette, Camerounaise, a participé, dès
l'enfance, à «la vente à emporter »
de sa mère. Plus tard, elle s'est vue obligée de
créer son propre petit commerce «sur les chemins de
l'école » pour sauver sa scolarité. Elle abdique
lorsque sa bourse est supprimée. Avec l'aide de sa famille, elle
parviendra à mobiliser une somme qui lui permet de partir mais que
personne n'a voulu miser sur sa réussite universitaire.
Arrivée en France, elle ne trouve pas de travail. Le commerce est
à nouveau «comme une seconde issue ».
Mais le commerce n'apparaît pas uniquement comme
une solution individuelle. Il construit également une réponse
collective en proposant une organisation commerciale d'une relative
indépendance. Là où se trouvent des formations commerciales
africaines, ces acteurs ont su créer des espaces marchands
autonomes
[12]. Localement, à Noailles,
ils se sont progressivement affranchis du dispositif maghrébin et
s'organisent assez librement. Essentiellement tournée vers une
clientèle africaine, cette concentration commerciale agit comme une
plaque tournante de l'échange marchand, de sociabilité,
d'information mais aussi de l'échange d'offres et de
demandes professionnelles. L'activité qui se situe en marge des
propositions commerciales du quartier mais aussi de la ville constitue de ce
fait un réservoir de main-d'œuvre inédit et vers lequel
peuvent affluer les acteurs en quête d'un premier ancrage.
Employés et commerçants ne sont d'ailleurs pas les seuls. A
l'occasion, peintres, électriciens mais aussi blanchisseurs,
comptables, bijoutiers au porte à porte... peuvent trouver de quoi se
rémunérer. Aussi bas que soit le salaire, il permettra toujours de
manger et de régler les frais d'hôtel. Mais aussi
d'espérer, ce qui incite à la patience. Car ce monde
marchand, contrairement à d'autres espaces de travail, peut
reconnaître ses membres. Ce qui, à force d'attente, peut
être un des seuls atouts.
Falla enchaîne les engagements à contrats oraux
et variables, alterne les «patrons »
sénégalais, ivoiriens, camerounais... «Ce sont des
amis, des Africains »... Mais ils cumulent les impayés qui lui
permettent à peine de régler ses frais d'hôtel et de
vie. «A qui tu veux te plaindre ? Ils [les patrons] profitent.
Ils savent que tu n'as pas une bonne situation. Quand tu n'as pas ce
que tu veux, il faut que tu acceptes, ça ne sert à rien de
s'énerver, sinon de se faire des ennemis. C'est le temps qui
apporte. Il faut croire que ça va marcher, c'est ce qui me fait
supporter ». (Une reproduction du système de
l'apprentissage où il revient au «patron »
de libérer les apprentis méritants ? Falla explique sa
«libération » à
Dakar : «Chaque personne dit comment il te voit, si tu es
gentil. Des témoignages quoi (...) Quand j'étais
là-bas, ils m'ont bien témoigné, «un
jeune, il est gentil, toujours le respect, il n'a jamais de
problème avec personne ». Alors le patron m'a dit,
«maintenant tu peux prendre un atelier, comme moi »).
Lorsqu'il obtient un titre de séjour, après dix
années de vie en France, il ouvre son établissement. Pour pouvoir
bénéficier des loyers peu élevés de Noailles, et
s'implanter dans cet espace intéressant pour son projet, il accepte
de payer un dessous de table conséquent. Mais pourquoi cette obstination
au commerce ? Ce qui est certain, c'est que, commerçant à
son nom, Falla est à son tour devenu l'image de la réussite
qui fera patienter les «petits ».
Malgré le turn-over important des acteurs,
l'idée d'une carrière commerciale fait miroiter. Du
plus bas de l'échelle, chacun souhaite l'ascension qui fera
de lui le futur propriétaire du fond. Car les commerces de Noailles sont
transparents pour ceux qui y circulent. La parole qui s'y échange,
les récits qui passent de bouche à oreille sont rarement anonymes.
C'est un espace d'interconnaissance, où chacun - ou presque -
peut nommer ses interlocuteurs et retracer les cheminements. Les parcours des
uns et des autres sont racontés. Certes, simplifiés,
arrangés, parfois construits à la façon des
«légendes ». La préférée,
c'est celle du migrant qui «parti de rien est devenu
propriétaire à son nom ». Mais il est possible
également de suivre, très concrètement, le parcours
d'employés qui, comme Falla, Lisa, coiffeuses, tailleurs,
restaurateurs ou vendeurs ont «supporté » et sont
parvenus à devenir, eux aussi, commerçants. A quel prix, suis-je
parfois tentée de me demander ? Mais s'agit-il vraiment de
prix lorsque cette voie apparaît comme la seule progression
possible ? Ceux qui ont pu bénéficier d'autres
opportunités ont le plus souvent bifurqué. Encore fallait-il
qu'ils puissent bénéficier ailleurs d'un capital
symbolique. Car atteindre le statut de commerçant indépendant,
c'est aussi s'assurer le respect dû à cette
position.
IV Les preuves de la réussite et la
réputation commerciale
«En Afrique, les plus grands, ce sont les
commerçants ». Et l'on parle effectivement des grands
commerçants dont la renommée circule de bouche à
oreille et emplit les marchés, les rues, l'espace public.
«Moi depuis toute petite je voulais être
commerçante », se souvient Elvire. «Quand vous
rentrez au Bénin, si vous voyez les plus belles maisons, c'est des
gens qui font du commerce (...). De tous, ce sont les commerçants qui
sont les plus respectés ».
Exercer un commerce, gérer un établissement, se
trouver au cœur des échanges marchands et sociaux constitue le gage
d'une réussite. L'établissement, physiquement,
matériellement présent dans l'espace urbain permet
d'imposer à tous, clients et passants, inconnus ou intimes, les
signes d'une prospérité sociale et économique. Il en
est la preuve. La perception des richesses est immédiate,
s'évalue à la taille de la boutique, aux marchandises qui y
sont exposées, aux employés qui travaillent... «On
vous voit comme responsable d'un fonds, on vous voit propriétaire
de tout ce qu'on voit dans votre boutique, désormais, les gens
travaillent pour vous », soupire une employée. Il n'est
pas rare d'ailleurs que les richesses personnelles et commerciales, les
domaines public et privé soient mêlés : ainsi cette
commerçante expose en vitrine les dons qu'elle a reçus pour
la naissance de son dernier enfant. Une autre organise son anniversaire dans
l'espace qu'elle gère, à la façon d'une
parade où sa notoriété se mesure à la
quantité et à la qualité des personnes présentes et
aux cadeaux offerts. Ce faisant, les commerçants se placent à la
convergence des réseaux d'échanges et en tirent une
valorisation symbolique.
La pratique d'un commerce fait appel à des
registres qui mettent en scène la personnalité et la
moralité des commerçants et provoquent la réputation. Cela,
alors que, beaucoup de sociétés africaines contrôlent et
codifient l'expression des individualités et les
réfèrent au groupe. Mais l'acte marchand a cette
particularité de reposer sur la confiance accordée au
commerçant et devient le gage de ses qualités. Exercer un commerce
devient synonyme d'intégrité, de moralité, de sens
relationnel, de courage aussi, et affirme la respectabilité de
l'entrepreneur. C'est le signe par lequel les individus vont
exprimer leurs propres valeurs, s'extraire de l'anonymat et imposer
une réévaluation des parcours dans un sens positif. Les assertions
fusent et se recoupent «moi j'ai réussi parce
que »... suit une protestation de volonté, de
ténacité, de combativité de la part de personnes qui
s'auto-qualifient comme sympathiques, aimantes, accueillantes,
chaleureuses, discrètes mais attentives, vivantes, réconfortantes,
conciliatrices... L'énergie de ces récits importe au moins
autant que leur exactitude... L'important et de faire circuler une
représentation de soi. Partie prenante de l'espace et des
échanges publics, l'activité commerciale devient un
engagement stratégique qui permet à ces jeunes en rupture de banc
de réaffirmer une place, une existence valorisée au cœur des
réseaux de relations.
Cette respectabilité se juge concrètement
à la source des revenus. Ils ont une origine à priori connue de
tous, ce qui écarte les médisances, les suspicions, les
accusations : «le commerce, c'est très honorifique.
Tout simplement parce que tu t'es battu et que tu as atteint un objectif
recherché par tous les Africains. Tu as des revenus fiables et
honorables ». «Il y a la vitre, moi je suis là
derrière, je coiffe. C'est le cinéma ! Les gens
regardent, tout le monde voit comment je gagne l'argent, et personne ne
peut venir me reprocher quoi ou quoi ” affirme Lisa avec humour.
C'est à cette intégrité symbolique que se mesure le
respect, que se concrétisent les réputations, et que se consolide
la reconnaissance sociale.
V Commerçants et médiateurs : le
jeu des notoriétés
A Noailles, on peut aller se restaurer chez
«Tonton Fred » («mes clients se sont des
amis »), manger chez «Mama Africa »
(«je suis une mère pour ceux qui viennent »), se
coiffer chez «Tata Monique » («tu dis Tata
Monique, c'est mon nom de commerce, tout le monde me connaît
”). Nom de commerce, nom de guerre ? Eliane de Latour qui travail sur
l'Afrique subsaharienne rappel le lien entre l'imaginaire du
héros guerrier, le patronyme chargé des exploits et la
renommée
[13].
Ces enseignes ne désignent pas uniquement une position
dans l'espace public, le fort degré de proximité entretenu
avec les interlocuteurs, l'étendue des réseaux sur lesquels
circule le nom. Elles affirment également et surtout un statut
d'aîné et un pouvoir de médiation. Les commerces
forment une scène sur laquelle se traitent la plupart des
négociations et des tractations : tontines, associations
commerciales ou culturelles, opérations d'import-export, mais aussi
mariages «pour le faux » ou «pour le
vrai »... Dans ce maelström d'accords sur paroles, le
commerçant apparaît comme un orchestrateur informé des
contrats oraux, pouvant être sollicité, par la suite, pour
départager les partenaires et régler les conflits qui peuvent
émerger. Cette position de régulateur ou de «notaire
sur parole » apparaît nettement à la position que
certains commerçants adoptent dans leur commerce : assis à
une table en face de la porte d'entrée, ils ne participant pas
à l'activité de l'établissement. Ils
«sont là », accueillent les salutations et les
nouvelles de leurs «enfants », leur accordant parfois des
entretiens «privés » ... mais visibles par
tous.
Un homme de loi marseillais d'origine subsaharienne
gère les affaires des uns ou des autres. Il m'explique :
«Ces gens sont impécunieux, on n'a pas d'argent,
donc pas de capital, donc ce sont des gens qui s'installent dans des
contrats qui n'existent que par la parole donnée (...). Quand les
gens ne s'entendent pas, on va voir ensemble quelqu'un de la
communauté qui ayant autorité - en qui tout le monde a confiance
et qui écoute à la fois l'un et l'autre - n'est
ni juge ni arbitre mais donne son point de vue (...). C'est la
transposition de la palabre à l'africaine, avec un chef choisi, ou
un guide choisi, sauf qu'en Afrique en général c'est
imposé. Le juge en question, le grand, le vieux, l'adulte,
l'ancien, le sage, sa parole est d'autorité. Ici elle
n'est pas tout à fait d'autorité, c'est plus un
médiateur qu'un juge ». Médiateurs donc, ces
commerçants. Et les acteurs, en empruntant cette définition,
arrivent à se présenter au travers d'autres manifestations
que celles qui leur étaient assignées. Ce sont des personnes
d'autorité et de confiance choisies pour tenir ce rôle
d'«adulte », de «grand »,
parfois dans leur propre réseau de parenté. Fred, qui a fui les
siens, n'hésite pas à prendre l'avion lorsqu'on
le réclame «pour des affaires de famille ». A ce
stade, rien ne pouvait davantage marquer la réussite de ceux qui sont
partis «petits » et «cadets ».
Les «obligés » sont devenus des
personnes ressources, à plus d'un titre. Consultés pour
résoudre les problèmes, ils sont également
sollicités pour des aides financières. Dans leur famille, ils
organisent méticuleusement une redistribution qui renforce leur
réputation. «On a tous la même idée quand on
commence à réussir. Mon magasin, c'était pour aider
ma famille » dit Soya. «Moi je suis celle qui envoie le
plus (...) Mes parents savent qu'ils peuvent compter sur moi. Ils sont
contents de moi, ils disent que je suis leur seule fille » se
réjouit Magguie. Autrefois désavouée, elle se
présente désormais comme
«l'héritière ». «Les gens
savent que tu es à l'abri de tout besoin. Parfois ils viennent
à toi pour te demander certaines aides, pour eux tu es bien, tu es
arrivée alors qu'eux se cherchent encore... », explique
Lisa. Comme Fred, Elvire et la plupart des autres entrepreneurs, Lisa est le
chef de sa famille restreinte à Marseille. Elle est également
considérée comme le chef de sa famille large en Afrique et
appelée à résoudre les litiges comme les problèmes
financiers. Ce qui n'empêche que ce poids peut être lourd pour
des réussites commerciales sommes toutes très relatives. Il y a
les moments de lassitude de ceux qui malgré leurs efforts
n'arriveront jamais à envoyer suffisamment de médicaments,
n'arriveront pas à régler les soins médicaux
nécessaires à leurs frères, sœurs et
collatéraux, ne pourront installer le confort chez l'ensemble des
plus âgés, n'arriveront pas, quoiqu'ils fassent et
quels que soient leurs sacrifices, à organiser la scolarité de
tous les plus jeunes ... Ils n'arriveront pas non plus à combler
totalement leur «obligation », ni à
répondre à d'autres demandes de secours toutes aussi
essentielles, intarissables.
Une question se pose... lorsque la dette initiale des cadets,
lorsque les brèches et les ruptures, sont, malgré tout,
atténuées, que reste-il de l'individu ? Lorsque
l'existence sociale est affirmée, cède-elle à
l'existence de la personne ?
VI Négociations et
autonomie
La réussite tient-elle à cette combinaison de
pouvoir économique et social, à cette reconnaissance d'un
statut ? Où, alors, se situe l'individu ? Et,
particulièrement, les migrants subsahariens ? Les parcours de ces
entrepreneurs qui se sont inscrits à Noailles touchent au vécu le
plus intime des individus. Et leur inscription dans la sphère commerciale
a permis à beaucoup de «se construire » et de
«sauver » leur autonomie. Celle-ci se situe dans un
équilibre délicat entre différents domaines de vie, et
notamment conjugal.
Soya a épousé un Français pour
échapper au mariage traditionnel que lui a imposé son père.
«C'est très grave, il n'allait pas me
pardonner ». Ce choix l'oblige à suivre son époux
en France. A peine scolarisée, elle passe ses journées à
«tourner en rond dans la maison » et se laisse sombrer.
«Faire du commerce, ça m'a sorti de la maison.
Ça m'a sorti de la solitude (...). Ca m'a beaucoup
apporté parce que sinon je n'allais pas connaître tout ce
monde, j'allais m'enfoncer toujours (...) avec ça je suis de
très bonne humeur le matin, je retrouve mon monde... ». Mais
ce commerce de tissu et d'artisanat lui permet également de
justifier les fréquents voyages dans son pays d'origine que son
conjoint accepte difficilement. Et cette proximité maintenue,
renforcée par les cadeaux, les aides, lui a également valu le
pardon de son père, «mort trop tôt »...
Finalement, dit-elle, «il allait devenir hyper-moderne ».
Elle conclut, «ce commerce m'a aidée à me
retrouver moi-même ».
La petite activité économique permet-elle
l'intégration en France ? La question a sans doute son
importance mais semble être balayée par un revers des cheminements.
Les petites activités économiques telles que celles qui
émergent dans ce monde commercial africain de Noailles permettent une
insertion réfléchie à la société
d'origine, une autonomie choisie dans la société de
migration. Elle trace un pont entre les deux et affirme le lien que
l'individu entend maintenir à sa culture, à son monde.
L'activité économique donne, dans l'une et
l'autre société, une marge de manœuvre et une
possibilité de choix que les acteurs sont prompts à combiner. Dans
le contexte africain, une source de revenu assure un échange plus
équilibré entre l'individu, son groupe, son partenaire
conjugal. Cela, de façon relative et subordonnée aux
hiérarchies
[14]. Exercée en
France, et dès lors devenue plus prestigieuse, l'activité
commerciale tournée vers le monde africain renforce cette même
capacité de négociation ici et là-bas. Jouant des marges de
manœuvre que cette activité leur accorde dans chacune des
sociétés, les sujets se constituent un espace de liberté
dans lequel ils approchent l'individualisation. Ils se dégagent
mais maintiennent leur lien au groupe tout en échappant aux dispositifs
répressifs mis en place : une mort symbolique ou sociale
déjà frôlée par la
plupart
[15].
Avoir «un commerce à son nom »
se conjugue avec une autre expression tout aussi usitée :
«se faire un nom ». Pour ces femmes et ces hommes, il
s'agit, justement, de parler et s'exprimer en son nom, sortir de
l'anonymat du groupe, parvenir à une réalisation, une
existence sociale qui, comme leur nom, leur soit propre.
Pour Lucette, il n'est pas question de
représenter et de promouvoir les cultures de sa région
d'origine. Il n'est pas question non plus de s'inscrire
définitivement dans un groupement commercial et de mettre ses
capacités au service d'une collectivité. Elle utilise ces
opportunités - comme Noailles - pour créer une marque
«à son nom » et se réaliser.
«C'est pour qu'on me connaisse moi. OK je suis
Africaine. Mais encore j'ai un nom. C'est pour qu'on me
connaisse moi, avec ma marque. Et non pour qu'on nous connaisse ensemble.
Qu'on me connaisse. C'est la finalité quoi. ».
Elle tente de m'expliquer, avec beaucoup d'émotion,
«un moment donné je doutais de moi. Ce commerce, ça a
été un moyen pour moi de vaincre tout ça. Je me suis dit,
je vais vaincre cette maladie... et ce n'est pas seulement vaincre la
maladie. Je vais me réaliser. Et complètement... je dois me battre
contre tout ça... pour m'en sortir. C'est un défi. Et
il faut que j'aille jusqu'au bout. »
VII D'une émergence à
l'autre
En 1977 déjà, à Abidjan, une
«dame » affirmait : «ton travail,
c'est ton père, c'est ta mère, c'est ton
mari »
[16]. Cette dame
prophétisait aussi que «Abidjan, c'est
fini ». Elle-même était trop âgée pour
poursuivre ailleurs... Mais elle a enfanté. Peut-être est-ce sa
petite-fille qui, en 2000 expliquait : «Mon père m'a
donné un métier. Et il m'a montré
l'indépendance. Mon mari, non. Il m'a donné
l'argent, il l'a repris ». Pour le suivre en France, Lisa
a abandonné le salon de coiffure, avant d'être
abandonnée à son tour. «Maintenant je ne regrette
plus, je veux concrétiser mon expérience, je veux me relancer avec
ce que j'ai appris depuis la Côte d'Ivoire. (...) J'ai
appris plein de choses et maintenant je peux les mettre en jeu. Je vais faire
mon projet, mais maintenant, ce sera mon commerce, mes enfants et
moi. ». Lisa, maintenant âgée d'une cinquantaine
d'années renonce à sa carrière de femme
d'affaires internationale dont elle s'était prise à
rêver. Son périple lui apprend encore à
«construire sa propre vie », à sa
mesure.
Une sorte de filiation, de recherche et
d'expérience commune rejoint ces deux femmes. Un saut de
génération à permis une réalisation
différente. Lisa, plus jeune, a eu la possibilité de
«tirer les leçons, de reculer pour
réfléchir ». Il n'en demeure pas moins que ce qui
rapproche les acteurs dont il vient d'être question est
étroitement lié à une conjoncture et à un contexte
migratoire particuliers. Actuellement, d'autres entrepreneurs
d'origine subsaharienne apparaissent. Ils évitent le centre de
Noailles dont les commerces sont jugés trop
«traditionnels », peu agréables et refermés
sur l'Afrique. Ils préfèrent la lisière du quartier,
les zones de transition qui mènent aux espaces branchés et festifs
de la ville. Jeunes à leur tour alors que les commerçants de
Noailles vieillissent, ils sont scolarisés, universitaires, nés en
France de parents africains ou en plein cœur des capitales africaines. Leur
connaissance des institutions leur permet de trouver quelques subventions, et
leur offre un emplacement plus valorisé. Au Cours Julien et à la
Plaine, loin des emblèmes du port et de la gare, ils sont quelques-uns
à se fondre dans l'activité fluide de cet espace standing.
Ils jouent d'une identité culturelle et parfois communautaire pour
ouvrir des restaurants «exotiques », voués
à la mixité culturelle, à la rencontre et au dialogue. Ils
créent des salons de coiffure «branchés et
modernes » faits pour attirer une clientèle française
comme la jeunesse africaine. Il y a des songes de fast-food africain... De
«La Plaine », d'où l'on surplombe
Belsunce et Noailles, c'est encore une nouvelle génération
de commerçant d'origine subsaharienne qui se profile,
tournée vers les devenirs personnels.
Notes
[1]. Brigitte Bertoncello, «Les marins
africains de Marseille, Histoire d'un ancrage », Hommes et Migrations,
N° 1224, 2000 : 22-28.
[2] Alain Tarrius, Arabes de France dans
l'économie mondiale souterraine, La tour d'Aigues, 1995.
[3] Sophie Bava, Routes migratoires et
itinéraires religieux. Des pratiques religieuses des migrants sénégalais
mourides entre Marseille et Touba. thèse de doctorat de troisième
cycle, EHESS, 2002.
[4] Jacques Barou, «Les immigrations
africaines en France au tournant du siècle », Hommes et
Migrations, 1239 : 6-18, 2002.
[5] Mahamet Timara, «Les migrations
des jeunes sahéliens : affirmation de soi et émancipation
», Autrepart, 18, 2001 : 37-49 ; Isabelle Bardem,
«L'émancipation des jeunes, un facteur négligé
des migrations inter-africaines, Cahiers des Sciences Humaines, 29, 2-3,
1993 : 379-393.
[6] Marc Le Pape, L'énergie sociale
à Abidjan. Economie politique de la ville en Afrique Noire, 1930-1995,
Karthala, 1995.
[7] On retrouve ces thèmes dans les
travaux de Christophe Z. Guilmoto et Frédéric Sandron, «La
dynamique interne des réseaux migratoires dans les pays en développement
», Population, 55, 1, 2000, 105-136 ; Engbersen, «Sans-papiers.
Les stratégies de séjour des immigrés clandestins »,
Actes de la recherche en sciences sociales, 129, 1999 : 26-38...
[8] Sous la direction de Didier Fassin, Alain
Morice, Catherine Quiminal, Les lois de l'inhospitalité, La
Découverte, 1997.
[9] Catherine Coquery-Vidrovitch, Les
Africaines, histoires des femmes en Afrique Noire du XIXe au XXe siècles.
Desjonquère, 1994.
[10] Né au Cameroun, le néologisme «déflaté
» désigne un «agent de l'état mis au chômage
avec une petite somme d'argent pour s'installer à son propre compte,
s'inscrivant ainsi dans le train de mesures structurelles, législatives
et réglementaires mises sur pied pour encourager les initiatives
de création de nouveaux emplois salariés et indépendants
» (Edjenguèlè Mbondji, «les déflatés
» du développement. De la tradition de dépendance à
l'autogestion », APAD, N°18, 1999 : 19). Mais l'expression
peut s'étendre à la fois aux régions et aux hommes
sans emploi.
[11] Voire par exemple l'ouvrage collectif
dirigé par Jeanne Bisillat, Face au changement des femmes du sud,
L'harmattan, 1997.
[12] A un niveau national et international,
ce commerce reste dépendant des plus grandes entreprises de fabrication
et d'import-export, notamment françaises et asiatiques.
[13] Eliane de Latour, «Du ghetto
au voyage clandestin : la métaphore héroïque »,
Autrepart, N°19, 2001 : 255-176.
[14] A titre d'exemple : Isabelle
Bardem et Isabelle Gobatto, Maux d'amour, vies de femmes, L'Harmattan,
1995.
[15] Sous la direction d'Alain Mari, L'Afrique
des individus, Karthala, 1997.
[16] Claudine Vidal, «Pour un portrait
d'Abidjan avec dames », Cahiers Internationaux de Sociologie,
LXIX, 1980 : 305-312.