Le Brésil et ses immigrants, 1880-1925 : la définition de l'immigrant idéal
par Jair da Souza Ramos, doctorant,
Université de Sao Paulo
Conférence du 22 avril 1999
La première guerre mondiale marque un tournant. Les flux en provenance d'Europe diminuent considérablement et s'impose parmi les élites brésiliennes la crainte de voir se former des minorités allogènes qui pourraient menacer l'intégrité du territoire brésilien. Ce contexte nouveau permet à l'État fédéral de reprendre la main en matière d'immigration. Un décret de 1921, dit "loi des indésirables", interdit l'entrée du Brésil aux vieux, aux malades et aux plus pauvres des immigrants. Il offre également au gouvernement la possibilité d'expulser les immigrants installés depuis moins de cinq ans susceptibles de menacer l'ordre public.
Plusieurs décrets d'application, pris durant les
années suivantes, règlent la mise en pratique de
cette politique.
Ils instaurent un contrôle sanitaire strict de la
population migrante, renforcent le contrôle de
l'État sur les compagnies maritime et définissent
la population soumise à ces dispositions nouvelles. Ils
aggravent également ce dispositif en interdisant
l'accès du territoire brésilien et la
délivrance d'un visa aux immigrants, qui seraient, aux
termes de la législation en vigueur, passibles
d'expulsion.
La mise en place de cette politique est contemporaine d'un vif
débat sur l'identité des populations qu'elle doit
permettre d'écarter et plus précisément sur
les races, le terme désignant des populations
considérées physiquement et culturellement
homogènes plus qu'une réalité biologique,
qu'il convient d'écarter.
Plusieurs moments clés jalonnent ce débat. Au
début des années vingt, le projet formé par
des noirs américains de s'installer au Brésil
provoque de violentes polémiques et le refus du
gouvernement brésilien, qui y voit une menace pour la
régénération de la population
brésilienne et craint la naissance d'un nationalisme
noir.
Ce débat va provoquer le dépôt d'un projet de loi visant à interdire l'entrée de migrants de race noire. Celui-ci est rejeté, ses initiateurs vont cependant déposer en 1924, sans plus de succès, un second projet, qui le reprend et élargit ses dispositions puisqu'il prévoit de limiter l'accès des populations de race jaune au Brésil.
Ces projets provoquent une contre offensive des propriétaires fonciers des régions périphériques qui, ne pouvant compter sur l'apport d'immigrants européens, peu attirés par ces régions, souhaitent conserver la possibilité de recruter des travailleurs japonais. Ils diffusent largement un questionnaire portant sur la désirabilité de l'immigration et reçoivent 166 réponses. L'analyse de celles-ci permet de repérer les critères de désirabilité des immigrants qui sont alors largement diffusés dans la société brésilienne. Ceux ci sont au nombre de trois :
Cependant si ces critères sont largement partagés, le classement de la population japonaise à partir de ceux-ci ne fait pas l'objet d'un consensus, même si les stéréotypes négatifs l'emportent, paradoxalement parceque le puissance et la cohérence de la civilisation japonaise mène à craindre la formation de minorités allogènes ou la subversion de l'ordre et des valeurs brésiliennes, ce qui témoigne d'une conception de l'État où la légitimité politique était fondée sur l'unité physique et culturelle de son peuple.