Les domestiques allemandes à Paris au XIXe siècle

Mareike König

Compte-rendu de la conférence du six juin 2003

Vers 1900, les femmes et les jeunes filles représentaient les deux tiers de la "colonie allemande" de Paris. Quelques unes d'entre elles suivaient leurs maris, pourtant la plupart venaient seules pour travailler comme ?bonnes à tout faire? dans la capitale française. Leur première motivation était la promesse d'un salaire plus élevé. Elles venaient aussi pour apprendre le français, pour se libérer du contrôle parentale et pour découvrir la vie avant de se marier. Pour elles, un séjour à Paris signifiait l'espoir d'une ascension sociale. Pourtant les conditions difficiles auxquelles elles furent exposer, lors de leur séjour à Paris, avaient souvent l'effet inverse. C'étaient des femmes jeunes, célibataires et sans formation. Comme les autres groupes d'immigrés elles avaient des différences culturelles à affronter, mais ses conditions de vie étaient d'autant plus dures qu'elles ne bénéficiaient pas d'un cadre corporatif. De plus, l'exclusion des domestiques de la famille bourgeoise au XIXe siècle ainsi que les horaires du travail peu avantageux rendaient l'intégration des bonnes allemandes encore plus pénible. Leur isolement professionnel, culturel et social était donc à l'origine d'une vie difficile, surtout en cas de maladie et chômage. Souvent, la prostitution ou le suicide leur apparaissait comme l'ultime solution. Néanmoins, la solidarité entre les domestiques était grande. Souvent, les jeunes femmes partaient avec une s?ur ou une amie à Paris. Elles signalaient les postes libres à leurs amies en Allemagne. Un véritable réseau d'information fut ainsi créé. La misère de ces femmes suscita de larges mesures d'aide de la part des églises allemandes catholiques et protestantes à Paris. Trois logements pour les bonnes et les gouvernantes furent créés ainsi que deux bureaux de placement. Sur leur demande l'église protestante organisa de multiples rencontres. Une vie associative se développa pour mettre un terme à l'isolement de ces jeunes femmes. D'un autre côté, ces mesures accentuèrent leur appartenance sociale et nationale car les bonnes allemandes restaient entre elles. Malgré le renvoi massif des domestiques allemandes après 1871, leur popularité dans les familles françaises restait grande. En 1901, la majorité des domestiques étrangères à Paris étaient toujours d'origine allemande. Ce n'est qu'avec la première guerre mondiale que l'aventure des ?Fräulein? à Paris pris fin.

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