Travailleurs polonais et travailleurs français à Rosières entre 1920 et 1939. Une coexistence sans conflits?
Par P.Rygiel
"En même temps qu'il transporte à des milliers
de kilomètres, le voyage fait gravir ou descendre quelques
degrés dans l'échelle des statuts. Il
déplace, mais aussi il déclasse (...) et la couleur
et la saveur des lieux, ne peuvent être dissociées
du rang toujours imprévu ou il vous installe pour les
goûter"
Claude Lévi-Strauss,
Tristes tropiques
Il serait tentant d'expliquer cela par une moindre intensité ou une moindre diffusion de la xénophobie. Pourtant, la France de l'Entre-deux-guerres ne semble par plus épargnée par la xénophobie que celle de la fin du dix-neuvième siècle. La violence et la fréquence des articles 4 et des caricatures xénophobes, qui caractérisent la période ou bien, durant les années 30, la mise en place d'une réglementation de plus en plus défavorable aux étrangers 5 en témoignent. De plus, l'existence ou la force de sentiments xénophobes ou racistes paraissent n'avoir que des liens fort indirects avec l'existence de pratiques discriminatoires, ou l'importance des démonstrations collectives d'hostilité. John Higham montre ainsi, dans le cas des Juifs installés aux États-Unis, que les préjugés racistes préexistent à l'institutionnalisation de l'antisémitisme et que l'on ne trouve trace de pratiques discriminatoires qu'a partir du moment où les Juifs parviennent à concurrencer les Américains de souche dans la course aux diplômes et aux places. De fait, il semble que souvent l'on cherche à pendre le concurrent plus que l'étranger.
Or notre période est marquée par un processus aboutissant à faire du monde ouvrier, qui est le monde que rejoignent la plupart des étrangers arrivant alors en France, " un monde [divisé de par] la stratification et (...) l'hétérogénéité nouvelle des qualifications professionnelles et des statuts sociaux 6 ", cette segmentation s'opèrant souvent selon le critère de la nationalité. Il est alors tentant de faire l'hypothèse que cette transformation des structures de la classe ouvrière, rendant les occasions de conflits entre étrangers et autochtones moins nombreuses, en faisant des nouveaux immigrés et des Français des groupes entrant peu en concurrence, parce qu'évoluant au sein de segments différents du marché du travail, permette de rendre compte du changement de nature des manifestations d'hostilité rencontrées par les immigrés. Cependant, cette hypothèse n'a de pertinence que si nous pouvons vérifier localement son efficacité et déterminer l'extension de son aire de validité éventuelle, c'est à dire si, en des lieux où coexistent effectivement Français et étrangers, nous pouvons repérer une telle segmentation du marché du travail local et rendre compte des mécanismes qui la génèrent et l'entretiennent.
C'est ce que je me propose de faire ici au travers de l'exemple d'une petite cité-usine du centre de la France, Rosières 7 , siège des entreprises Rosières, dont le personnel dès le début des années vingt et pendant toute la durée de l'entre-deux-guerres sera pour une large partie étranger et plus particulièrement polonais.
Les nécessités nées d'une expansion rapide, la difficulté à recruter sur place, conduisent les usines de Rosières -entreprise de taille moyenne spécialisée dans la métallurgie de seconde fusion 8 - à recruter au cours des années vingt et jusqu'en 1932, de nombreux étrangers, dont plus de 3000 travailleurs Polonais 9 . Si, confrontée aux difficultés nées de la crise, la compagnie doit cesser de recruter massivement à partir de 1932 et même supprimer un nombre important d'emplois, plusieurs centaines d'ouvriers polonais, dont beaucoup sont accompagnés de leur famille, restent cependant à Rosières. De ce fait, durant toute l'entre-deux-guerres, on compte parmi le personnel de l'entreprise, comme parmi la population de la cité ouvrière homonyme qui en dépend, une très importante proportion d'ouvriers étrangers [cf. Graphique 1].
Graphique 1
Population de Rosières selon la
nationalité
Bien que les trop fameux seuils de tolérance soient ici largement dépassés, la présence au sein de la cité d'une importante population étrangère ne s'accompagne pas d'expressions collectives d'hostilité de la part de la population locale. L'ensemble de nos sources : la presse locale, les témoignages recueillis auprès de contemporains, les rapports de la gendarmerie de Saint-Florent-sur-Cher ou les rapports du commissaire spécial de Bourges, ne mentionnent aucun conflit collectif né de la présence de cette population étrangère. Tout juste peut-on trouver trace en 1925 d'une rixe opposant quelques ouvriers polonais -qui d'ailleurs ne travaillent pas à Rosières- à des Français dans la localité voisine de Saint-Florent-sur-Cher 10 .
On ne peut porter cela au crédit d'une population locale qui, du fait de la modeste présence étrangère dans la région, aurait été miraculeusement préservée des réflexes xénophobes. Sans même avoir besoin de remonter à la grande dépression de la fin du dix-neuvième siècle, qui, localement, n'est pas sans s'accompagner de conflits entre ouvriers français et ouvriers étrangers, plusieurs conflits violents opposant durant la première guerre mondiale Français et ouvriers étrangers attestent de ce que de tels événements n'ont, dans le contexte local, rien d'impensable. En juin 1917 plusieurs centaines de travailleurs nord-africains se forment en colonne pour aller dégager plusieurs de leurs camarades qui ont été pris à partie par la population de Bourges. Il faut, pour éviter que le conflit ne dégénère, l'intervention de l'armée qui se déroule sous les cris des "ouvrières de l'École de Pyrotechnie logées à l'annexe Carnot et qui [étant] sur la route de Crosses, proféraient les menaces suivantes : "Tuez les donc ces salauds-là... Débarrassez nous de cette vermine, etc... " 11 . De même, à Mehun sur Yèvre en septembre 1918 une bagarre entre plusieurs dizaines d'ouvriers chinois et français fait plusieurs blessés et n'est stoppé que par l'intervention de la police militaire américaine 12 .
On ne saurait non plus supposer que le souvenir des réfugiés polonais de la grande émigration -autrefois nombreux à Bourges- ou le fait que la Pologne soit l'alliée de la France, permette aux ouvriers étrangers de Rosières -en majorité polonais- de jouir d'un préjugé favorable, ou d'une absence de préjugé défavorable. Outre que cette exception en une France où les travailleurs polonais sont généralement regardés avec suspicion -Janine Ponty peut ainsi écrire qu'"à l'exception d'une courte parenthèse lors du front populaire, le rejet l'emporte sur l'acceptation dans l'esprit des Français 13 "- serait surprenante, les souvenirs, tous concordants, des témoins que nous avons pu interroger témoignent, de la part de la population du cru, d'une méfiance solidement ancrée envers ces étrangers, que l'on ne visite pas, et que l'on n'accepterait pas comme gendre ou comme bru. Méfiance dont la force est attestée par la persistance au delà même de notre période dont témoigne, exemple parmi bien d'autres possibles, les souvenirs de Madame S évoquant la difficulté qu'il y avait pour les Polonais ou leurs enfants à se faire accepter dans le Rosières de la fin des années quarante : "J'ai fréquenté un Français, sa mère ne me regardait même pas, j'étais le déshonneur, elle ne pouvait pas pardonner ça à son fils" . 14 Le refus qu'opposent les ouvriers français de l'entreprise, groupés en une Mutuelle Ouvrière, à l'adhésion des ouvriers polonais témoigne également de cette méfiance et surtout de sa fréquence au sein de la population ouvrière locale . 15
Si malgré cela la coexistence se fait sans conflits, c'est sans doute parce que, dans le contexte de la cité-usine -sans même prendre en compte ici l'efficacité sociale du statut de citoyen au sein de la société globale de l'époque 16 - les étrangers, qui n'accédent qu'à un segment étroit du marché du travail local délaissé par les Français, ne constituent pas pour eux des concurrents.
Avant de tenter de montrer que les deux groupes ouvriers occupent des segments différents de l'"espace usinier " 17 -compris ici autant comme espace social que comme espace de travail- il nous faut préciser les contours de celui-ci ainsi que les instruments que nous allons utiliser au cours de sa visite. Nos sources sont pour l'essentiel les listes nominatives des recensements de l'entre-deux-guerres et le fichier du personnel de l'entreprise. Celui-ci n'indiquant souvent que la profession à l'entrée dans l'usine nous n'avons pour la plupart des calculs présentés ici utilisé que les données fournies par les listes nominatives. Les listes nominatives pour les recensements de1926,1931 et 1936 du canton de Charôst, où se trouve Rosières, et celles des communes limitrophes de ce canton, ont été exhaustivement dépouillées, ce qui permet de reconstituer en quasi totalité le personnel de l'entreprise. Ces sources apparaissent globalement de bonne qualité. Le recoupement des données issues du fichier d'entreprise, de l'état-civil de la commune de Lunery et des listes nominatives de recensement, permet de supposer, pour chacune de ces sources, un taux d'omission ne dépassant pas 3% des effectifs de la population qu'elles sont censées répertorier. Cependant, le recensement de 1931 fait exception. Lors de la réalisation de la liste nominative de la commune de Lunery, tous les étrangers logés dans les "hôtels" pour célibataires de la compagnie ont en effet été considérés comme des non résidents. De ce fait ils n'apparaissent pas sur les listes nominatives. Nous avons donc peu utilisé les données fournies par ce recensement.
La population étudiée a été classée en fonction de sa nationalité. Nous distinguons ici trois groupes dont les membres sont nommés par commodité : Français, Polonais et autres étrangers. Un individu est rangé dans l'un de ces groupes en fonction de la nationalité qu'il possède dans la source la plus ancienne où il apparaisse. Un classement opéré ainsi aboutit, en toute rigueur, à définir trois groupes sur la base de l'origine nationale de leurs membres. Ici cependant les groupes d'étrangers ainsi définis se confondent avec les travailleurs immigrés employés par l'entreprise. En effet, les enfants de ces étrangers, qui gardent parfois la nationalité de leurs parents, même lorsqu'ils sont nés en France, sont trop jeunes encore lorsqu'ils sont dans ce cas pour être en âge de travailler durant la période étudiée. D'autre part les naturalisation sont extrêmement rares parmi les ouvriers étrangers de Rosières et les quelques'unes que l'on enregistre sont presque toutes postérieures à 1936, et donc postérieures aux sources que nous utilisons.
Enfin, nous avons dû utiliser une classification des positions sociales existant à Rosières. Comme souvent cela revient à classer les professions déclarées par les individus étudiés lors des opérations de recensement. Dans le cas présent, l'unidimensionalité d'un tel classement est peu gênante. En effet dans le contexte d'une cité patronale, "(...) la structure socioprofessionnelle (...) recoupe pour l'essentiel le registre du personnel de l'usine locale" 18 . A Rosières l'espace social est structuré principalement selon deux critères, celui de la place tenue dans le processus de production et celui de la situation de famille. A chaque modalité possible de ce couple de valeur correspondent des modalités particulières de logement, de rémunération et de sécurité de l'emploi.
Subsistent cependant les traditionnelles difficultés, dont nous ne traiterons pas ici en détail, liées à fiabilité des enregistrements utilisés et à la pertinence de la classification adoptée 19 . Nous nous contenterons de décrire les solutions adoptées et leurs conséquences plausibles. Le classement des dénominations professionnelles choisi s'appuie sur les conventions collectives de 1936 pour la métallurgie qui distinguent, en fonction de la durée nécessaire à la formation, trois types de positions ouvrières : celles de manoeuvres, d'ouvriers qualifiés et de manoeuvres spécialisés 20 . Nous avons ajouté une quatrième catégorie regroupant les emplois de mouleurs. Cela permettait mieux de rendre compte de la structure de nos sources qui mentionnent fréquemment cette dénomination 21 . D'autre part, celle-ci paraît bien distinguer à Rosières une position sociale et un poste de travail possédant une certaine spécificité. Les mouleurs sont payés un peu plus que les manoeuvres : parce que travailleurs de force, parce que leur travail est malsain et dangereux, parce qu'enfin la qualité et le débit de la production dépendent encore de leur tour de main, de leur "savoir de la place", ainsi que nous le rappelle M. S. :
"Chaque pièce avait son petit tour et c'est pour ça que même quand ils moulaient mécaniquement, enfin avec l'aide de la mécanique, il y avait un petit tour de main, il fallait serrer le sable un peu plus ou un peu moins (...) si bien que des fois quand un gars était malade le niveau de production baissait, parce que les autres l'attendaient, sans lui ils risquaient d'avoir beaucoup de rebuts(...)". 22
D'autre part, les mouleurs étrangers bénéficiaient à Rosières d'une sécurité d'emploi un peu plus grande que les simples manoeuvres, ce qui explique peut-être que les mouleurs étrangers aient été plus souvent accompagnés de leur famille, source d'avantage dans un système paternaliste dont l'orientation familialiste est particulièrement nette à Rosières Il est cependant difficile de les considérer comme des professionnels. Formés rapidement : "en une journée ou deux jours c'était fait, parce qu'ils spécialisaient le gars à la pièce, le gars faisait la même pièce ad vitam aeternam" 23 , leur compétence, "monnaie de singe inconvertible" 24 , leur serait de peu d'utilité dans un autre contexte que celui de Rosières. Le classement des positions non-ouvrières posait moins de problème. Les collaborateurs correspondent ici à ce que nous appellerions le personnel d'encadrement, flanqués des ingénieurs. Parmi les employés, en plus de ceux se déclarant tels, nous avons rangé les réceptionnaires et les magasiniers, choix discutable mais leur faible nombre fait de ce problème un point de détail.
Afin d'évaluer la qualité de l'enregistrement de la profession dans nos sources, nous avons croisé les professions déclarées par les travailleurs de l'usine à l'État-civil et lors des recensements. Les résultats de ce croisement permettent de penser que les dénominations professionnelles concernant un même individu au même moment sont peu nombreuses, et surtout que les variations sont de peu d'ampleur, n'entraînant pas, dans la plupart des cas, de glissement d'une catégorie vers une autre. Seuls cinq des 33 individus présents à la fois sur un acte d'État civil de la commune de Lunery en 1926 et sur les listes nominatives du recensement de la même année appartiennent à des catégories différentes selon ces deux sources. Tous les cinq sont des travailleurs peu qualifiés, considérés dans un cas comme manoeuvres, dans l'autre comme mouleurs. Nous pouvons donc supposer que les agrégations opérés par nous et les variations dans la façon dont un même individu nomme sa position ne créent pas un flou de classement trop important. Reste cependant que dans le cas de passages de la catégorie des mouleurs à celle des manoeuvres, nous aurons besoin d'écarts importants pour affirmer que les flux enregistrés traduisent des changements dans l'affectation des individus et non l'effet d'un flou de classement. 25
Les Étrangers, et, plus encore que les autres Étrangers, les Polonais, derniers arrivés, n'ont pas accès, à quelques rares exceptions près, aux positions d'employé, d'ouvrier qualifié ou de contremaître[cf. Tableau 1].
Tableau 1
Composition professionnelle de la partie masculine du
personnel des usines Rosières en 1926 et 1936
d'après les listes nominatives de recensement.
1926 | Français | en % | Polonais | en % | Autres | en % | Total |
Manoeuvres | 106 | 31 | 160 | 47 | 73 | 22 | 339 |
Manoeuvres spécialisés | 31 | 42 | 39 | 53 | 4 | 5 | 74 |
Mouleurs | 118 | 43 | 144 | 52 | 13 | 5 | 275 |
Ouvriers professionnels | 103 | 87 | 5 | 4 | 11 | 9 | 119 |
Contremaîtres | 18 | 100 | 0 | 0 | 0 | 0 | 18 |
Employés | 41 | 98 | 0 | 0 | 1 | 2 | 42 |
Collaborateur | 26 | 100 | 0 | 0 | 0 | 0 | 26 |
Total | 443 | 50 | 348 | 39 | 102 | 11 | 893 |
1936 | Français | en % | Polonais | en % | Autres | en % | Total |
Manoeuvres | 148 | 70 | 56 | 27 | 6 | 3 | 210 |
Manoeuvres spécialisés | 37 | 47 | 39 | 49 | 3 | 4 | 79 |
Mouleurs | 61 | 41 | 85 | 57 | 2 | 1 | 148 |
Ouvriers professionnels | 124 | 93 | 6 | 5 | 3 | 2 | 133 |
Contremaîtres | 15 | 88 | 1 | 6 | 1 | 6 | 17 |
Employés | 48 | 100 | 0 | 0 | 0 | 0 | 48 |
Collaborateur | 23 | 96 | 0 | 0 | 1 | 4 | 24 |
Total | 456 | 69 | 187 | 28 | 16 | 2 | 659 |
La sous-représentation des Étrangers au sein de ces quatre groupes est, en1926 comme en 1936, patente. En 1926, tous les Étrangers sont employés en tant qu'ouvrier, et ils ne représentent que 13% des effectifs des ouvriers professionnels, alors qu'il représentent 50% des effectifs du personnel de l'entreprise. Cette sous-représentation apparaît encore plus nettement si nous n'examinons que le cas des Polonais, représentants des nouvelles vagues d'immigrants. Formant près de 40% du personnel, ils ne représentent que 4% des effectifs des ouvriers professionnels. Il semble que la Crise ne fasse que renforcer la majorité française au sein de ces groupes puisque, si deux contremaîtres étrangers sont présents en 1936, les ouvriers professionnels étrangers ne représentent plus que 7% des effectifs du groupe. Il existe ainsi, au sein de l'espace usinier, une zone où les Étrangers, et plus particulièrement ces nouveaux venus que sont les Polonais, ne pénètrent qu'exceptionnellement.
Il est plus difficile de repérer une zone où ne soient représentés que les Étrangers ou les Polonais. Certes, en 1926, comme en 1936, les Étrangers sont majoritaires parmi les manoeuvres spécialisés et les mouleurs, mais cette majorité n'est jamais comparable à celle que détiennent les Français au sein des catégories qu'ils dominent : en 1926 comme en 1936 les Français représentent plus de 40% des manoeuvres spécialisés et des mouleurs. Cependant, même si cette segmentation n'est pas parfaite, elle est probablement plus forte que ne le suggérent ces données, tant du fait des agrégations imposées par tout processus de classement que de l'indétermination du terme "manoeuvre". La décomposition en unités de base du groupe des manoeuvres spécialisés fait apparaître que certains postes sont tenus presque exclusivement par des Étrangers. Parmi les 15 individus qui se déclarent "émailleur" en 1926, nous ne trouvons que deux Français et aucun parmi les 28 ouvriers se déclarant tel en 1936. De même, nous ne trouvons que deux Français parmi les cinq "couleurs" de 1926 et aucun parmi les quatre de 1936. Certes on peut objecter qu'une manière de nommer différemment une même position pourrait rendre compte de ces différences. Cependant, nous disposons d'une confirmation de ces données sous la forme d'un tableau [cf. Tableau 2] fourni par la direction de l'usine au Commissaire spécial de Bourges en 1936, qui récapitule, service par service, la proportion d'Étrangers employée par l'usine et qui confirme que les Polonais sont bien employés aux "travaux de force ou [aux] travaux du feu". 26
Tableau 2
27
Proportion d'étrangers par service aux usines
Rosières en 1936.
Service des expéditions | 5,50% |
Centrale et électricité | 0 |
Service entretien (ajustage, menuiserie, modelage) | 7,80% |
Service bâtiment et manutention | 22,30% |
Service montage (avec l'ébarbage) | 29,80% |
Fonderie | 56,40% |
Émaillerie | 74,50% |
Il y a donc bien cantonnement des Polonais dans certaines positions où l'on trouve peu de Français, mais l'espace délimité par ces positions n'est pas l'ensemble des positions peu qualifiées, mais un sous-ensemble de celui-ci, dont les contours sont définis par la règle qui veut que : "plus le travail est pénible, plus les Étrangers sont nombreux." 28
Il semble de plus - même si nos données sur ce point sont fragmentaires- que cette "spécialisation" sur les postes les plus pénibles se renforce avec la Crise. Le fait que les Polonais, alors même que leur part dans les effectifs du personnel de l'usine diminue, constituent une proportion beaucoup plus forte des mouleurs en 1936 qu'en 1926 en est un indice.
Certes la segmentation de la force de travail locale, même si nous la considérons structurée autour de l'opposition "pénibilité-moindre pénibilité" et non plus seulement autour l'opposition "qualification-non qualification", n'est pas totale. Elle est cependant suffisante pour affirmer que les Étrangers n'apparaissent pas ici comme des concurrents des ouvriers français. En effet, très peu nombreux à occuper les positions qualifiés, ils occupent majoritairement des places qui, même si on y trouve des Français, sont refusées par la plupart des ouvriers locaux. Là encore nous utiliserons, pour étayer notre propos, le rapport fourni par le Commissaire spécial de Bourges à l'administration préfectorale en 1938 :
"A partir de [la Première Guerre mondiale], le recrutement de la main d'oeuvre robuste et endurante exigée par le travail de la fonderie, se trouva à Rosières brusquement tari. L'effectif s'amenuisa progressivement en raison des défections d'ouvriers qui trouvaient aisément des emplois plus agréables. Circonstance aggravante, les ouvriers qui, pour diverses raisons, restaient à l'usine et y faisaient entrer leurs enfants, se refusaient à ce que ceux ci apprennent d'autres professions que celles d'ajusteur, menuisier, électricien, modeleur, etc, de sorte que le présent et l'avenir se trouvaient à la fois gravement compromis. C'est ainsi que sur la centaine, sinon plus, de jeunes gens, fils d'ouvriers français de Rosières, qui furent, sur la demande de leurs parents, embauchés depuis 1921, il n'y a à l'heure actuelle qu'un mouleur et un émailleur [La crise ne résout pas le problème.] 4; en effet les multiples tentatives faites au cours de ces dernières années pour adapter les Français au moulage, à l'émaillage ou aux travaux de force (ébarbage, manutention) n'ont pas donné de résultats sensiblement différents de ceux qui avaient été constatés antérieurement." 29
Les données disponibles sur les carrières des ouvriers au sein de l'entreprise confirment ces affirmations. Les ouvriers français qui restent dans l'entreprise un certain temps restent rarement mouleurs et sont très peu nombreux, même pendant la période de crise, à le devenir[cf. tableau 3 et 4].
Tableau 3
Trajectoire professionnelle des ouvriers peu
qualifiés de Rosières entre 1926 et 1931.
Polonais | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
26/31 | Man. | Man.spé. | Mouleurs | O.Q | Maîtrise | Manutention | Employés | Total |
Manoeuvres | 3 | 0 | 4 | 1 | 0 | 0 | 0 | 8 |
Manoeuvres spécialisés | 1 | 1 | 2 | 1 | 0 | 0 | 1 | 6 |
Mouleurs | 7 | 3 | 21 | 0 | 0 | 0 | 0 | 31 |
Total | 11 | 4 | 27 | 2 | 0 | 0 | 1 | 45 |
Français | ||||||||
26/31 | Man. | Man.spé. | Mouleurs | O.Q | Maîtrise | Manutention | Employés | Total |
Manoeuvres | 43 | 3 | 0 | 5 | 0 | 4 | 0 | 55 |
Manoeuvres spécialisés | 2 | 14 | 0 | 2 | 1 | 0 | 0 | 19 |
Mouleurs | 11 | 3 | 30 | 5 | 2 | 1 | 2 | 54 |
Total | 56 | 20 | 30 | 11 | 3 | 5 | 2 | 128 |
Tableau 4
Trajectoires professionnelles des ouvriers peu
qualifiés de Rosières entre 1931 et 1936.
Polonais | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
31/36 | Man. | Man.spé. | Mouleurs | O.Q | Maîtrise | Manutention | Employés | Total |
Manoeuvres | 18 | 10 | 20 | 0 | 0 | 0 | 0 | 48 |
Manoeuvres spécialisés | 2 | 5 | 3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 10 |
Mouleurs | 6 | 2 | 38 | 0 | 1 | 0 | 0 | 47 |
Ouvriers qualifiés | 0 | 1 | 0 | 3 | 0 | 0 | 0 | 4 |
Employés | 1 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
Total | 27 | 18 | 62 | 3 | 1 | 0 | 0 | 111 |
Français | ||||||||
31/36 | Man. | Man.spé. | Mouleurs | O.Q | Maîtrise | Manutention | Employés | Total |
Manoeuvres | 54 | 6 | 5 | 1 | 0 | 2 | 1 | 69 |
Manoeuvres spécialisés | 5 | 11 | 2 | 6 | 0 | 0 | 0 | 24 |
Mouleurs | 3 | 1 | 24 | 0 | 2 | 0 | 0 | 30 |
Ouvriers qualifiés | 10 | 2 | 2 | 61 | 0 | 0 | 2 | 77 |
Employés | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 17 | 18 |
Total | 72 | 20 | 33 | 69 | 2 | 2 | 19 | 218 |
L'emploi des données fournies par le recensement de 1931 pose, dans le cas présent, peu de problèmes, dans la mesure où le fichier du personnel permet de vérifier que la quasi-totalité des manoeuvres célibataires oubliés par les listes nominatives sont absents en 1926 comme en 1936.
Les données présentées dans ce tableau ont été obtenues en comparant les professions déclarées par les membres du personnel de l'entreprise lors de deux recensements successifs. Ces données sont présentées sous forme de tableaux de destinées. Ces tableaux se lisent donc en ligne de la façon suivante, des 8 manoeuvres polonais de 1926, 3 sont encore manoeuvres en 1931, 4 sont devenus mouleurs. Nous n'avons pas conservé les données relatives aux ouvriers d'autres nationalités en raison d'effectifs trop faibles. Ils ne sont jamais plus de 10 à être présents lors de deux recensements successifs.
Les deux populations étudiées différent lorsque l'on observe la circulation des individus au sein de l'espace des positions peu qualifiées. Aucun des manoeuvres français de 1926 ne devient mouleur en 1931. Ils sont quelques'uns dans ce cas entre 1931 et 1936 mais ils restent significativement moins nombreux que les Polonais à opérer un tel mouvement 30 . La catégorie des mouleurs recrute largement parmi les manoeuvres polonais mais n'attire quasiment plus de Français. D'autre part, de nombreux travailleurs français sortent de ce groupe entre 1926 et 1931, alors que la plupart des mouleurs polonais de 1926 le sont encore en 1931. La position de mouleur est donc bien pour les Français une position que l'on ne recherche pas et que l'on fuit lorsque le contexte le permet.
Si nous voulons maintenant rendre compte des mécanismes qui générent et entretiennent la segmentation de l'espace social observé, il nous faut me semble-t-il distinguer deux phénomènes obéissant à des logiques différentes. L'un est le faible nombre de travailleurs polonais occupant des emplois qualifiés, l'autre est le fait qu'ils occupent presque tous les postes de travail les plus pénibles. Le choix de la oemain d'oeuvre polonais, parmi d'autres possibles, permet à lui seul d'expliquer -du fait des particularités de cette population- leur absence des emplois qualifiés sans qu'ils soit besoin de supposer que l'entreprise mette en place des dispositifs leur barrant l'accès à ces emplois.
De fait, de telles pratiques semblent absentes à Rosières. En effet, l'usine ne se prive pas d'utiliser les compétences des immigrants lorsqu'elle lui sont utiles. Nous trouvons ainsi trace de 7 ouvriers qualifiés polonais en 1926 et de 9 en 1931. Aucun de ceux présents en 31 ne l'était d'ailleurs en 1926. De ces 16 individus, 8 sont entrés dans l'entreprise comme ouvriers qualifiés, 8 sont entrés comme manoeuvres, et sont devenus ouvriers qualifiés moins de 5 ans après leur entrée dans l'usine, ce qui ne semble pas indiquer de la part de la direction une forte répugnance à utiliser les compétences ou les qualifications des nouveaux arrivants.
Il serait possible de mettre cela sur le compte de problèmes de classement. Cependant, le témoignage de M. S., évoquant la carrière de son père nous confirme que certains Polonais, ouvriers de métier, ont été employés es qualité aux usines Rosières, et traités en conséquence.
"Il était maçon de métier et surtout il
était fumiste : (...) il fabriquait les fours(...). C'est
un travail qui était pratiquement de l'improvisation, il
fallait à chaque fois que le fumiste conçoive son
four pour qu'il y ait une bonne circulation et que le four
fonctionne bien (...).Il a fait ce travail à l'usine
pendant plus de vingt ans".
31
Cela lui vaut d'ailleurs de disposer d'un logement un peu plus
grand que les autres dans le quartier de la gare, celui où
l'on retrouve tous les ouvriers qualifiés.
De tels cas sont cependant peu nombreux, d'abord parce que
beaucoup des Polonais qui arrivent à Rosières et
qui forment l'essentiel des effectifs du personnel
étrangers, sont des ruraux. Lorsqu'ils possèdent un
métier il s'agit la plupart du temps d'un métier
typique de l'artisanat rural qui trouve peu à s'employer
au sein d'une entreprise métallurgique. Ils ne peuvent
donc, à leur entrée dans l'usine, être
employés à d'autres travaux qu'à des travaux
peu qualifiés.
D'autre part, toujours ignorant de la langue française, parfois illettrés, dénués souvent de toute expérience du travail en usine, de nombreux immigrants sont peu susceptibles d'apprendre à Rosières un métier puisque, de plus en plus, cela suppose de suivre un enseignement théorique dispensé en français. Les aspirants ajusteurs doivent ainsi retourner à l'école le soir où, "il y avait des cours professionnels pour les jeunes de l'usine dont s'occupaient les instituteurs que l'usine payait pour le faire. L'usine envoyait là pour qu'ils se perfectionnent en Français, en calcul en dessin aussi, tout ce qui est nécessaire à un ajusteur, des ouvriers en activité ou des jeunes qui voulaient passer un C.A.P." 32
D'autre part, ces nouveaux venus sont démunis du capital, fait de savoirs, de relations informelles, que représente l'ancienneté dans la place. Capital dont l'importance pour la compréhension des trajectoires au sein d'une entreprise de ce type est bien montrée par J.P. Terrail, évoquant certes une période plus récente, lorsque, étudiant les trajectoires ouvrières dans une entreprise métallurgique normande, il écrit que la réussite professionnelle s'y avère corrélée fortement quoique non exclusivement avec : "- la précocité de l'âge à l'embauche : la politique paternaliste privilégiant la promotion interne et, d'autre part, une partie des qualifications procédant de l'expérience accumulée. Ces atouts d'une bonne carrière sont massivement concentrés par ceux des salariés dont le père appartenait lui même déjà à l'entreprise". 33
Cependant, si les caractéristiques de cette main population peuvent rendre compte du faible nombre de travailleurs étrangers occupant des emplois peu qualifiés, nous ne pouvons rendre compte ainsi de la répartition des Français et des Étrangers entre les différents types de travaux peu qualifiés. En effet, aucune considération technique ne pourrait ici, prenant appui sur les caractéristiques de cette population en tant que main d'oeuvre, expliquer son cantonnement dans les travaux les plus pénibles. Nous pouvons alors supposer que la direction de l'entreprise favorise cette segmentation, décidant de l'affectation des individus en fonction de leur nationalité.
Cela suppose que l'entreprise fasse intervenir la nationalité comme critère lorsqu'elle prend une décision concernant un membre de son personnel. Cela est loin d'être une hypothèse forte. Les débauchages des années 1930, qui frappent d'abord les Polonais, le prouvent. La diminution des effectifs du personnel de l'usine n'entraîne pas de diminution des effectifs du personnel français, mais une forte diminution des effectifs de travailleurs polonais [cf. Tableau 1]. Le rapport du commissaire spécial de Bourges déjà abondamment utilisé le confirme :
"A partir de 1929-30, époque où la crise économique a commencé à sévir en France, les usines Rosières ont conçu l'espoir de trouver parmi les chômeurs des travailleurs français acceptant le travail qu'elles pouvaient leur offrir [mais,] la réduction de la proportion d'Étrangers résulta plus de licenciements préférentiels portant sur eux que de l'embauchage de français". 34
Nous sommes alors amené à penser, même si nos sources ne nous fournissent aucune preuve décisive, que ce critère est aussi pris en compte lorsqu'il s'agit de décider de l'affectation des individus à leur place dans la production.
Cependant, même si tel est le cas, ce que nous ne pouvons affirmer ici, il n'est pas sûr qu'il faille voir là la mise en pratique d'une stratégie inspirée par le patriotisme de la direction ou par le machiavélique souci de diviser le personnel pour mieux régner. En d'autres termes, il n'est pas besoin de supposer que la direction de l'entreprise souhaite exclure les Polonais de tous les postes de travail, à l'exception des postes peu qualifiés les plus pénibles, pour expliquer qu'elle contribue par ses pratiques à maintenir, voire à renforcer la segmentation de sa force de travail. L'entreprise est en effet soumise à une contrainte externe qui se fait de plus en plus forte. L'administration locale est de plus en plus hostile à l'usage de la main d'oeuvre étrangère. Un rapport du Préfet du Cher en témoigne éloquemment.
"Le groupement ethnique ainsi constitué, [la population polonaise de Rosières] sans être évidemment menaçant pour la sécurité du pays, ne m'en parait pas moins anormal. Sa dissémination pourrait être obtenue par la diminution du pourcentage de 40% actuellement autorisé dans la mesure où il serait compatible avec la marche de l'entreprise." 35
Or, la loi et la réglementation donnent à l'administration locale des moyens de pression accrus en ce domaine. Certains services ne se privent pas d'en user. Ainsi l'office départemental de placement tente-t-il de gêner l'embauche par l'usine des femmes de ses travailleurs polonais, dans l'intention évidente d'empêcher la stabilisation des familles.
"Il y a l'usine 75 ouvrières dont 49 Étrangères. Ce point particulier a toujours retenu l'attention du Service Départemental de Placement qui estime excessive cette proportion et s'efforce de la diminuer. C'est ainsi qu'en 1936 il a refusé en bloc 45 cartes de travailleuses industrielles, assurant que la région pouvait aisément fournir le personnel féminin nécessaire." 36
Dans ce contexte, la direction de l'entreprise, contrainte de ne pas s'aliéner une main d'oeuvre française qui, par le vote et l'action collective, peut lui causer une gêne sensible, peut difficilement ne pas débaucher en priorité des travailleurs étrangers en cas de ralentissement de l'activité. Mais, étant donnée la difficulté de recruter des Français pour certains postes, la tentation est grande de ne garder que les Étrangers qui les occupent, ce qui a pour effet de maintenir voire de renforcer la segmentation du personnel.
Si nous pouvons ainsi expliquer les conditions d'emploi proposées aux Étrangers et surtout aux Polonais, il reste à comprendre pourquoi beaucoup les acceptent. Un premier élément de réponse est qu'ils n'ont guère le choix. Dépourvus de capitaux, souvent de qualification professionnelle, ne pouvant se lancer dans le commerce ethnique parce que la compagnie n'autorise pas l'installation dans la cité d'autre commerces que les siens, ils ne peuvent guère songer se mettre à leur compte. Soumis à une réglementation qui limite de plus en plus leur liberté de mouvement et représentants d'une nouvelle immigration ne pouvant trouver refuge dans un secteur plus prometteur dominé par leurs compatriotes, ils ne disposent pas d'un éventail d'emplois possibles très large.
Il leur est donc difficile de trouver de meilleures conditions d'emploi en France. Il leur reste cependant la possibilité de rentrer en Pologne ou d'émigrer ailleurs, et si beaucoup ne le font pas, c'est je crois parce que la situation qui leur est offerte offre, à leurs yeux, un certain nombre d'avantages. Beaucoup viennent, s'il faut en croire les témoignages recueuillis, "en pensant rester deux ans, trois ans, se faire un pécule, acheter de la terre, pour pouvoir rentrer." 37 Nous sommes d'autant plus prêts à le croire que c'est sans doute le cas de la plupart des émigrants polonais de la période, ce qui permet à Janine Ponty d'écrire que : "dans la mentalité polonaise, aucun départ d'ouvrier n'est jamais définitif." 38
Or, être mouleur ou émailleur à Rosières permet d'espérer réaliser ce but. Du fait des avantages consentis par la compagnie à ses ouvriers : logement, jardin, économat, chauffage gratuit, entre autres choses, il est possible de minimiser les dépenses. De plus, payés un peu plus que de simples manoeuvres, et surtout payés à la tâche, les mouleurs polonais peuvent espérer augmenter leurs revenus en intensifiant leur travail, ce dont ils ne se privent pas. Lors des entretiens, revient souvent le souvenir de ces ouvriers polonais qui, "Alors que l'usine n'ouvrait ses portes qu'à 7 heures, ils sautaient par dessus le mur, des fois à 2 heures du matin pour aller préparer leur sable, comprenez, ils étaient payés à la tâche et ils voulaient gagner de l'argent et rentrer en Pologne." 39
Enfin, la situation de la cité, véritable, "usine à la campagne" 40 , permet, après la journée de travail, ou pendant les jours de congé, pour les parents, toute l'année pour les enfants, de s'assurer d'un revenu supplémentaire en prenant part aux travaux agricoles, que beaucoup connaissent, dans les fermes de la région. Mr. S. évoque ainsi son père :
" Il travaillait dans les fermes. Quand il était du matin, il prenait à 5 heures il finissait à 13 heures et l'après midi, en guise de repos, il allait dans une ferme avoisinante faire la moisson, quand c'était l'époque de la moisson, il revenait à 6 heures, il prenait son repas, il allait se coucher en vitesse et il recommençait le lendemain ; et puis l'hiver il faisait du bois, jusqu'à 60 stères à deux, à la hache et à la scie, et tout ça pour gagner quatre sous." 41
Notes