Les permanences dans la
représentation de la vie quotidienne des Algériens en
métropole
Certains aspects de la représentation sociale des Algériens
restent inchangés dans les mentalités collectives, ce qui est
principalement le cas de leur activité professionnelle ; poids
du chômage, du prolétariat et manque de diversité dans
la nature des différents emplois exercés. Les règles
sociales qui régissent les relations entre ces immigrés sont
perçues comme très particulières dans le domaine des
mœurs familiales, de la justice clanique et dans celui de la religion.
Du fait de son origine essentiellement rurale, l'immigration algérienne
fût moins prolétaire que «prolétarisée »
à cause de son manque de formation. Ces ouvriers apparaissent dans
la rubrique des faits divers à travers les accidents de chantier dont
ils sont fréquemment victimes. L'opinion publique a conscience de l'importance
de cet apport de main-d'œuvre pour la bonne marche de l'économie
de la métropole et les journaux savent offrir des traitements compatissants
à ces travailleurs malheureux.
L'Humanité évoque
quasiment systématiquement les accidents dont ils sont victimes. Le
rendu journalistique se fait dans deux registres : récit émouvant
consacré à tout ouvrier accidenté, ou utilisation de
l'accident pour la dénonciation des conditions de travail dans le cadre
de l'oppression «bourgeoise » de la classe prolétaire.
Plus prudents que
L'Humanité sur les luttes et autres solidarités
ouvrières, certains articles des autres journaux témoignent
d'une certaine forme de considération à l'égard de ces
travailleurs. Les termes de «nord-africains », «musulman
» ou «algérien » n'apparaissent souvent pas dans
les titres et même souvent dans le contenu des articles (même
si l'énoncé du nom de la victime laisse supposer son origine).
Ceci est le cas pour
France-Soir,
Le Parisien Libéré
et pour
Le Figaro mais
L'Aurore préfère généralement
évoquer les accidents de travail lorsque la maladresse ayant provoqué
la catastrophe est due à l'inadvertance d'un Algérien. Dans
tous les cas, ces ouvriers exercent une activité professionnelle en
métropole et méritent, à ce titre, de bénéficier
de la paternelle protection que la République française doit
offrir aux «honnêtes travailleurs » (ceci étant l'expression
généralement consacrée) à la différence
de ceux qui sont au chômage. Cette honnêteté renvoie à
une forme de loyauté que les Algériens doivent ressentir à
l'égard de la France qui, dans le cadre de sa mission civilisatrice,
sait s'occuper d'eux. «Le devoir français est de les protéger
» énonce
L'Aurore le 3 mai 1955. Cet aspect paternaliste
s'accorde avec ce que se représente l'opinion publique du caractère
infantile de ces immigrés. Le danger vient souvent pour eux de leur
propre caractère de «grand enfant ». Deux Algériens
sont blessés par un train car le fait de se promener trop près
des voies de chemin de fer est «une distraction de leur part »
[8].
Généralement, de nombreux Européens considèrent
que la France prête déjà beaucoup d'attention aux Algériens.
Le Parisien Libéré fait dire à un employé
du «bureau d'assistance aux Français musulmans » que
«nous leur procurons des emplois »
[9].
En effet, la métropole sait utiliser cette main-d'œuvre en la
cantonnant dans la condition ouvrière puisqu'en 1961, selon Benjamin
Stora, 189 200 des 190 000 travailleurs d'origine algérienne
sont des ouvriers
[10]. Ils doivent aussi
fréquemment changer de localité en fonction des opportunités
d'embauche. Cette protection découle ainsi d'une forme de paternalisme
qui s'accompagne, malgré quelques efforts entrepris, d'une ignorance
(ou plutôt d'une non-prise en compte) des réels problèmes
rencontrés par les Algériens immigrés en métropole.
Pour beaucoup d'Européens, la France a su leur apporter du travail,
ou du moins leur en a proposé, et ceux-ci s'imaginent mal que des Algériens
puissent exercer un autre type d'activité professionnelle. Le 3 mai
1955,
L'Aurore présente dans un de ses articles une liste des
métiers exercés par ces immigrés : «ouvriers,
commerçants, forains ». Si le poids des commerçants reste
assez négligeable, celui des forains est quasiment inexistant. Cette
représentation est aussi péjorative puisque le monde des marchands
forains est traditionnellement perçu comme marginal, cloisonné
et particulièrement dangereux. Le journal a semble-t-il eu du mal à
réaliser cette courte liste. Ces ouvriers bénéficient,
tout de même, d'un meilleur traitement journalistique que les Algériens
chômeurs perçus comme responsables de leur non-emploi
[11].
Dans le domaine de la vie quotidienne, les récits de faits divers aiment
aussi souligner la spécificité des relations sociales entre
Algériens. Afin de stigmatiser la violence qui règne dans ces
familles immigrées, les journaux utilisent un vocabulaire qui accentue
la brutalité des gestes évoqués dans les articles. Un
Algérien peut se révéler être un «tortionnaire
», un «bourreau d'enfants » qui impose à son entourage
une «atmosphère intolérable » ou une «existence
infernale »
[12]. Pourtant, les récits
de faits divers n'apportent pas, malgré tout, de regard foncièrement
critique sur les mœurs familiales algériennes et préfèrent
présenter ces violences pour ce qu'elles sont ; des gestes isolés
perpétrés par des maris violents. Aussi, les mariages mixtes
entre Européens et Algériens, malgré les réticences
initiales des familles, mais non des journaux, sont intégrés
à la rhétorique, finalement peu particulière, attachée
à cet aspect de la vie quotidienne des familles algériennes.
Une grande particularité des relations sociales entre Algériens
avancée par les journaux réside dans le recours à une
justice clanique inspirée du droit coranique et de la loi coutumière
pour régler les problèmes entre eux. De nombreux articles sont
assez indulgents envers cette pratique peut-être plus adaptée,
selon eux, à s'occuper de ces questions relevant des rapports entre
Algériens que ne l'est la justice française. Pourtant, les assassinats
sont souvent fermement critiqués ; il y a une grande différence
entre régler à l'amiable une question de divorce et faire jouer
la solidarité familiale pour venger l'affront fait à un parent
[13].
Alors, la justice officielle entre en jeu pour montrer, comme le souligne
Le Parisien Libéré, que «le pacte n'avait court
qu'en terre d'Afrique »
[14]. Les Algériens
sont aussi des Français particuliers puisqu'ils sont désignés
comme des «Français musulmans ». Les récits de faits
divers aiment souligner cette différence en mettant sur le compte de
cette religion «peu civilisée »
[15]
un certain nombre d'archaïsmes. Ainsi, les femmes sont aveuglément
soumises et les hommes apprennent l'égorgement lors de fêtes
rituelles
[16]. Des arguments religieux se
veulent parfois explicatifs de gestes meurtriers : un Algérien
meurt «en bon musulman » en se donnant la mort après avoir
massacré toute sa famille au cours d'une crise de colère provoquée
par l'insoumission de sa femme
[17]. Même
si le recours à la violence est condamné et dénoncé,
le fait que les Algériens peuvent, entre eux, arranger certains de
leurs problèmes est désormais intégré aux thèmes
des articles de faits divers et les journaux se plaisent souvent à
traiter de ces formes d'organisations sociales parallèles au mode de
vie «normal » de la métropole.
Evolution de la représentation de la délinquance
algérienne
La délinquance nord-africaine reste un des thèmes de prédilection
de la rubrique des faits divers des années 1950 et 1960. Le fait n'est
pas nouveau et découle des mythes sur la paresse, la promiscuité
et l'infantilisme des Algériens. Selon la revue
Les Temps
Modernes, «pour certains policiers, et journalistes, non seulement
le Nord-africain est présumé coupable mais le coupable
est présumé nord-africain »
[18].
Les journaux recourent périodiquement à de violentes campagnes
de presse comme ce fût le cas en 1948-1949
[19].
Certains thèmes et termes présentant cette délinquance
sont communs à la représentation plus large de l'étranger
violent et dangereux mais nous nous intéresseront ici à la spécificité
des crimes et délits commis par des Algériens tels qu'ils sont
présentés et surtout aux récurrences et aux évolutions
de ces thèmes et termes au cours de la période. Le vol, avec
l'aide d'un couteau lorsqu'il est perpétré avec violence, est,
par la récurrence des brèves, le délit le plus fréquemment
commis par des Algériens. Les rubriques de faits divers des journaux
populaires consacrent de nombreux articles à cette manifestation, devenue
typique, de cette délinquance. Cette petite criminalité est
due essentiellement à la misère matérielle des Algériens
immigrés
[20] mais la presse pas cette
raison directe. La représentation de la délinquance sexuelle
attribuée aux Algériens relève plus fréquemment
d'un mythe que d'une réalité, pour le proxénétisme,
mais aussi, et surtout, pour le viol
[21].
De nombreux récits de faits divers relatent les réactions violentes
d'Algériens qui ont vu leurs avances repoussées par des Européennes.
Cette crainte du viol relèverait d'une peur collective, d'un mythe
s'attachant à spécifier les pratiques sexuelles des Algériens.
La revue
Les Temps Modernes souligne que l'opinion publique à
besoin de mettre en avant les déviances sexuelles des Algériens
afin de prouver leur «infériorité »
[22].
A travers les récits de faits divers, on peut aussi dresser le portrait
stéréotypé du délinquant algérien typique.
Son comportement est particulier ; il est lâche, opportuniste,
provocateur et fourbe. Sa mentalité de grand enfant lui apporte naïveté,
bêtise et esprit vindicatif. Ces thèmes sont systématiquement
utilisés, soit l'un d'entre eux, soit plusieurs en même temps,
par les faits diversiers pour décrire les délits commis par
des Algériens. Un retard de civilisation rendrait leur comportement
infantile, naïf, voire bête. «Un Arabe de 30 ans pourtant
évolué » explique le meurtre d'un gérant de commerce
avec les mots d'un enfant : «je ne l'ai pas fait exprès
»
[23]. D'ailleurs, les journaux préfèrent
souvent n'utiliser que le prénom de l'agresseur algérien pour
le désigner. Plus grave encore, une dimension proprement pathologique
accompagnerait ce comportement particulier. Ces délinquants ont une
mentalité très instable, la jalousie et l'ivresse excessive
sont les causes principales, pour la presse, des délits qu'ils commettent.
Par un manque de recul dû à ce «retard de maturation
et de développement mental »
[24],
un Algérien risque à tout moment de sombrer dans un état
proche de la folie. Sujets à l' «instabilité »,
ils peuvent subir des «changements instantanés »
[25].
Un Algérien peut massacrer sa famille «dans une crise de démence
inspirée par la jalousie »
[26].
L'alcool est une seconde cause toute trouvée des agressions étant
donné que les Algériens passent souvent pour ne sachant pas
s'adonner à la boisson de manière mesurée et deviennent
particulièrement violents lorsqu'ils sont «pris de boisson ».
Pour
Le Figaro, «le poison alcoolique détermine chez les
Nord-africains des phénomènes explosifs »
[27].
Les journaux versent fréquemment dans ces stéréotypes,
surtout
L'Aurore qui présente, par exemple, le 2 octobre 1954
un agresseur en même temps «violent (...), buveur (...), jaloux
» et lâche. Pourtant, ce portrait ainsi dressé évolue
durant la guerre d'Algérie. Ce changement dans le vocabulaire employé
pousse vers un rapprochement, dans la représentation, de la délinquance
algérienne d'avec la délinquance européenne plus «traditionnelle
». A la différence des petits délinquants européens,
les Algériens ne sont pas désignés comme des «malfaiteurs
» mais comme des «Nord-africains ». Lorsque l'agresseur
et la victime sont des Algériens, les protagonistes sont désignés
comme des «coreligionnaires », ce qui met en avant cette commune
particularité
[28]. Les victimes ne
sont pas non plus traitées de la même manière face à
un agresseur algérien puisque l'agression passe alors souvent pour
une simple bagarre entre gens de même religion. Si le terme d' «Algérien
» est parfois utilisé au début du conflit, son usage tend
à se raréfier étant donné sa forte connotation
identitaire.
L'Humanité préfère éviter
ce débat d'appellation en donnant simplement le nom ou la profession
de l'agresseur. A partir des années 1959-1960, l'emploi de l'expression
plus nuancée de «type nord-africain » se développe
pour décrire physiquement un agresseur. Les témoins et les victimes
sont aussi plus nuancés dans leur description des agresseurs même
si, pour l'opinion publique, la supposition qu'il s'agisse d'un Algérien
reste très présente. L'évolution la plus marquante dans
la représentation de la délinquance algérienne reste,
à partir de 1960-1961, les traitements plus similaires de petits délinquants
algériens et européens dans les récits de faits divers
autour d'expression comme «Jeunes Voyous » ou «blousons
noirs ». Les termes de «gangster » et de «malfaiteur
» ne sont plus exclusivement attribués aux Européens même
si les «origines nord-africaines » sont souvent rappelées.
Le développement des agressions commises par des gens assez jeunes,
européens et algériens, est présentée comme une
nouveauté par des journaux qui cherchent à l'expliquer et à
proposer des remèdes à la différence de l'attitude qu'ils
avaient face à la délinquance algérienne telle qu'elle
était perçue de 1954 à 1960. Les membres d'une bande
de «Quatre J-V », responsables d'un meurtre, sont désignés
par leurs noms dans le journal
France-Soir du 8 février 1962.
Deux d'entre eux sont des noms à consonance algérienne et l'un
de ces derniers, présenté comme plus malin que les autres (et
non présenté comme plus mauvais) est même le «chef
» de la bande. Même si les habitudes perdurent, cette évolution
des termes et des thèmes est une évolution marquante dans la
représentation de la délinquance algérienne qui tend
à être ainsi plus banalisée dans une petite criminalité
due à des «enfants sensibles » laissés à
la dérive par un manque d'autorité parentale
[29].
Les vols et les agressions parfois très mineures qui étaient
recensés dans les journaux au début du la guerre d'Algérie
le sont nettement moins au fur et à mesure que celle-ci s'éternise
[30].
Ce glissement est en grande partie explicable par le développement
de la criminalité nationaliste algérienne, par sa radicalisation
et par la «réponse » violente de l'Organisation de l'Armée
Secrète à partir de 1961.
La grande apparition de la
criminalité nationaliste algérienne
L'extension territoriale du conflit,
d'Algérie en métropole, ce qui se traduit principalement par
une véritable guerre civile entre les mouvements nationalistes FLN et
MNA, fait son apparition dans la rubrique faits divers des journaux
concernés. Le «terrorisme nord-africain » se
développe et les articles qui lui sont consacrés traduisent les
opinions des lectorats et des rédactions sur les opérations
menées et sur les représentations de leurs acteurs, agresseurs et
victimes. Dés 1954, le FLN doit prouver sa légitimité et
son efficacité aux immigrés algériens pour les amener
à soutenir financièrement, de la métropole, le conflit
armé en Algérie. Il n'hésite pas, pour convaincre,
à recourir à la violence car il doit aussi activement lutter
contre son rival qu'est le Mouvement National Algérien. En 1955,
les premiers «raids » nationalistes visant à
«mettre au pas » les immigrés font leur apparition
dans les rubriques des faits divers en tant qu'évènements
purement criminels. La dimension nationaliste de ces opérations est
minimisée par la mise entre guillemets de l'adjectif
«politique ». Pour
L'Aurore, il s'agit
d'une «pègre » et pour
Le Figaro
d' «extrémistes
notoires »
[31].
En 1956, la presse et le lectorat se sont habitués à la
fréquence des opérations et connaissent mieux ces mouvements
présentés comme des «organisations
terroristes ». Souvent, la dimension religieuse de la coercition, qui
passe par l'interdiction de boire de l'alcool, est mise en avant par
la presse afin de discréditer tout leur aspect politique. Au début
du conflit,
L'Humanité reste muette sur ces
évènements, hésitante sûrement entre un appui
à la dimension politique et indépendantiste de la lutte et une
dénonciation de son aspect criminel. Le système des cotisations
que le FLN impose aux immigrés est présenté, dans la
presse, comme un vaste «racket » organisé pour
mieux mettre en avant l'idée qu'il s'agit de bandes
criminelles. En 1958,
Le Figaro évoque encore le système
des collectes comme une «extorsion de fonds à main
armée »
[32]
même si ces confrères tendent à le présenter comme
une imposition afin de laisser sous-entendre que les immigrés
algériens sont tous des soutiens volontaires de la révolte
armée en Algérie. Dans les faits, même si un certain nombre
d'Algériens payaient volontiers les sommes
exigées
[33],
beaucoup d'entre eux y étaient contraints par un FLN
désormais bien organisé sur le territoire
français
[34]. Les
journaux perçoivent cette solide organisation et développent des
thèmes autour d'une stricte hiérarchie et d'une forme
de politique de terreur qui règne dans ce
mouvement
[35].
Lorsqu'un chef est arrêté, les journaux appuient son
apparente respectabilité ; tout Algérien, bien
qu'instruit et intégré, peut se révéler
être un redoutable dirigeant
nationaliste
[36]. Les
exécutants fanatisés remplissent aveuglement les ordres de ces
chefs. De plus, à la différence de la justice familiale ou
clanique, la justice nationaliste est particulièrement inacceptable sur
le sol français puisqu'elle ne semble pas avoir pour but de
réguler la vie sociale entre Algériens. Elle est
présentée comme arbitraire et violente, accompagnée de
méthodes
brutales
[37]. Les attentats
et autres «règlements de comptes » entre
coreligionnaires, ainsi que les actions menées, à partir de 1958,
par le FLN contre certains Européens, sont aussi désormais plus
volontiers classés sous le titre générique de
«terrorisme nord-africain en métropole ». La
nature de cette criminalité a évolué et la presse a aussi
changé de vocabulaire comme nous le montre ces tableaux
représentant l'évolution des thèmes abordés
rattachés aux activités nationalistes pour les mois de mai 1955 et
de septembre 1960 tels qu'ils apparaissent dans les pages faits divers des
numéros de ces quatre journaux :
|
|
Mai
|
1955
|
|
|
Le Parisien
|
|
|
|
|
Libéré
|
France-Soir
|
L'Aurore
|
Le Figaro
|
Saccages de café
|
5
|
6
|
2
|
2
|
Rackets nationalistes
|
|
|
3
|
|
Assassinats
|
|
1
|
1
|
1
|
Attentats terroristes
|
|
|
|
|
Méprises nationalistes
|
|
|
|
|
Règlements de compte
nationalistes
|
|
|
|
|
|
|
Septembre
|
1960
|
|
|
Le Parisien
|
|
|
|
|
Libéré
|
France-Soir
|
L'Aurore
|
Le Figaro
|
Saccages de café
|
|
|
|
|
Rackets nationalistes
|
|
|
|
|
Assassinats
|
|
2
|
|
|
Attentats terroristes
|
6
|
5
|
2
|
4
|
Méprises nationalistes
|
1
|
1
|
|
1
|
Règlements de compte
nationaliste
|
1
|
1
|
2
|
1
|
Entre le FLN et le MNA, la presse se contente
généralement de compter les coups. Cette lutte fratricide entre
Algériens ne concerne l'opinion publique que dans la mesure
où elle compromet l'ordre public. Mécaniquement, les
victimes sont présumées appartenir au groupe adverse. Souvent, de
simple constats sont présentés tel
que : «règlements de comptes entre
Nord-africains : 3 morts, 11 blessés
hier »
[38]. Les
lecteurs s'habituent à cet état de fait et à la
monotonie des comptes rendus. Etonnée,
France-Soir souligne le 17
octobre 1958 que «depuis quinze jours, il n'y avait pas eu de
règlements de comptes », mais un algérien
retrouvé étranglé rue d'Aubervilliers permet ce
«retour à la normale ». S'ils connaissent la
violence de cette lutte, celle-ci est cantonnée dans un statut
d'événement secondaire, en marge de
l'actualité, par leur seul classement dans les rubriques de faits
divers.
A partir de 1958, les expressions de
«terrorisme nord-africain » ou
d' «attentat terroriste » commencent à
concurrencer celle de «règlements de comptes entre
Nord-africains » afin de mieux mettre l'accent sur le non
respect de l'ordre public plutôt que sur le conflit sanglant qui
touche les immigrés algériens, mais aussi parce qu'il est
plus facile de ranger sous ce titre les arrestations et les attentats FLN commis
contre des Européens à partir de l'ouverture du
«second front » en métropole le 25 août
1958. Dans un premier temps, il s'agit, pour la presse,
d' «erreurs », de
«méprise ». Un étudiant est blessé
par balles à Issy-les-Moulineaux, les tueurs l'avaient pris pour un
militaire [...] parce qu'il portait un blouson
militaire
[39]. Les articles
mettent en avant, dans les détails de la narration, l'innocence des
victimes européennes touchées dans la banalité de leur vie
quotidienne : «un client racontait ses vacances au patron...
Deux Nord-africains surgissent et les tuent tous les
deux »
[40]. La
presse se lamente sur ce revirement du terrorisme qui touche désormais
d'innocentes victimes européennes. Les Algériens ne se
contentent plus de régler leurs comptes entre eux et ce changement passe
pour inacceptable : la perception des agresseurs et des deux
«catégories » de victimes découle de cette
représentation. En 1955, au nom du paternalisme républicain, les
journaux commencent par louer la loyauté à la France des
premières victimes
algériennes
[41].
Dés l'année suivante, les récits récurrents
évoluent en simples brèves expéditives et quasiment
identiques les unes aux
autres
[42]. Ces
récits sont généralement classés dans la nouvelle
rubrique des «règlements de compte entre
Nord-africains ». Lorsqu'un attentat blesse un Européen
et un Algérien, le traitement des deux victimes est foncièrement
inégal. Dans
France-Soir, une «voyageuse »
blessée, dont l'état n'est d'ailleurs pas
particulièrement préoccupant, occupe le titre et les onze
premières lignes d'un article qui en compte dix-huit. Le sous-titre
et les sept dernières lignes sont consacrées au
«musulman dans un état
désespéré »
[43].
Ce dernier passe pour en partie responsable de ce qui vient de lui arriver, de
cette explosion du nationalisme algérien. Quant à
l'agresseur, au «terroriste », au
«tueur », les thèmes qui étaient
attachés aux délinquants algériens se reportent sur la
représentation de ce nouveau type de criminel. Les agents FLN se cachent,
espionnent les conversations pour débusquer les Algériens
rétifs à la cause nationaliste, puis ils surgissent de
l'ombre pour les abattre
froidement
[44].
Foncièrement stupides, ces exécutants commettent très
fréquemment des erreurs. Lâches, ils s'enfuient à la
moindre opposition, tiraillés entre leur devoir de mission et leur
couardise naturelle. Lors des manifestations d'octobre 1961, la presse
présente un FLN qui se cache derrière des femmes et des enfants
qu'il envoie dans la rue. Dans
L'Aurore, ce sont même
les parents qui utiliseraient leurs propres enfants comme boucliers
humains
[45].
Présenter FLN et MNA comme des mouvements violents, qui frappent
arbitrairement, dont les membres ne peuvent être que les pires criminels
algériens de la métropole, dirigés par de faux politiciens,
permet de discréditer toute la dimension nationaliste revendicative. Pour
les victimes algériennes, la presse semble abandonner le traditionnel
paternalisme pour les amalgamer aux sympathisants nationalistes, payant
volontiers l' «impôt » et tombant dans des
«règlements de comptes ». Ainsi, l'opinion
publique européenne réagit devant le conflit par un réflexe
de défense qui touche tous les immigrés algériens de la
métropole.
Réaction de l'opinion
publique face à tout regroupement
d'Algériens
La représentation des lieux de vie et de
sociabilité des Algériens traduit cette montée de la
méfiance des Européens. Si la précarité des
logements particuliers est abordée de manière sporadique mais
continue avant et durant le conflit, les lieux de concentration de population
algérienne que sont les «quartiers
nord-africains » passent pour foncièrement et
intrinsèquement malfamés, infréquentables pour des
Européens. Même s'il s'agit d'une
réalité
[46],
l'entassement et la promiscuité que doivent subir de nombreux
Algériens apparaissent de manière si récurrentes
qu'ils deviennent une caractéristique attachée à
cette immigration. Dans certains articles, notamment dans
L'Aurore,
cet état de fait découlerait plus d'une sorte de choix,
d'un mode de vie
[47].
L'évolution perceptible de la représentation de ces lieux de
vie réside principalement dans la banalisation de la question de
l'insalubrité des immeubles et des logements occupés par des
Algériens en métropole. A partir de 1955, c'est à
dire lorsque surviennent en France les activités des mouvements
nationalistes, ce problème fût rapidement mis de côté.
L'opinion publique connaît cette question mais préfère
s'en détourner car il convient plus, à l'heure
qu'il est, d'exalter l'œuvre civilisatrice de la France
que de mettre en avant les carences de la République. L'Etat
crée des centres d'hébergement et des foyers, et les
journaux louent cette entreprise même s'il s'agit aussi de
chercher à mieux encadrer et surveiller cette
main-d'œuvre
[48].
Pourtant ces établissements eurent rapidement une image déplorable
du fait de la dénonciation des activités criminelles
découlant, directement pour les journaux, de cette concentration
d'Algériens
[49].
Les «quartiers nord-africains » sont aussi
fréquemment et violemment dénoncés comme des zones à
haut risque qu'il convient d'éviter, principalement le
quartier de la Goutte d'Or à Paris dans lequel
«les Français de la métropole sont désormais
presque des
étrangers »
[50].
A la différence de
France-Soir, du
Parisien
Libéré et de
L'Aurore,
Le Figaro
préfère éviter ce type de généralisation
hâtive alors que
L'Humanité n'évoque pas
le problème posé par les quartiers majoritairement habités
par des Algériens. De nombreux immigrés vivaient aussi dans de
réels bidonvilles aux portes même de la capitale, le plus grand et
le plus connu étant celui de la commune de
Nanterre
[51]. Les
conditions de vie y sont très difficiles et le feu reste une menace
constante du fait des matériaux de construction. La presse aborde cette
question des bidonvilles quand des drames y surviennent, et notamment des
incendies. Seule
L'Humanité,
et dans une moindre
mesure
Le Figaro, offrent des articles conséquents aux malheureux
sinistrés. Cette forme de reconnaissance publique reste néanmoins
assez «négative » puisqu'elle
n'intervient qu'à partir du moment où de graves
problèmes touchent ces bidonvilles. Cette précarité est,
elle aussi, de plus en plus banalisée. Le 16 octobre 1959, un nouvel
incendie survient à Nanterre ;
Le Parisien Libéré
et
Le Figaro choisissent de l'ignorer,
France-Soir lui
offre une brève de cinq lignes et
L'Aurore une de sept
lignes sans pour autant aborder les questions d'hygiène et de
sécurité. Les quartiers nord-africains sont aussi de plus en plus
désignés par des termes spécifiques. Il s'agit de
«cités », de «douars »,
voire de «médinas ». Les habitants semblent avoir
eux-même choisi de vivre dans la marginalisation de leurs quartiers
spécifiques afin de pouvoir suivre plus librement leur mode de vie
particulier. Cette méfiance est aussi nettement perceptible dans la
représentation des établissements, cafés et/ou
hôtels, tenus et fréquentés par des immigrés.
Principaux lieux de sociabilité entre Algériens, ils
deviennent rapidement pour cela le terrain privilégié des
«règlements de comptes » nationalistes. Cette
fonction d'espace de dialogue n'est développée par la
presse qu'à partir du moment où, a cause de la guerre, les
«discussions politiques » qui s'y tiennent
deviennent nettement plus violentes. Ils passent alors pour des lieux de
réunion des mouvements nationalistes et leurs clients pour d'actifs
militants
[52].
Lorsqu'un de ces établissements est attaqué, il ne peut
s'agir que d'un «foyer », d'un
«centre d'obédience » d'un mouvement
nationaliste pour avoir été choisi pour cible. Par ailleurs, le
«café algérien » devient, dans le langage
courant des faits divers plutôt synonyme de café malfamé que
de débit de boisson tenu et fréquenté exclusivement par des
Algériens. Certains établissements présentés comme
étant «fréquentés par des
Nord-africains » reçoivent en réalité une
clientèle plus «cosmopolite ». Les cafés
algériens deviennent ainsi, dans leur représentation, des endroits
où les violences sont
fréquentes
[53]. Un
rapport de police daté du 22 juillet 1960 fait le bilan d'une
enquête lancée à la suite d'une plainte
déposée par les habitants du quartier de la place Clichy à
Paris au sujet d'un «PMU réservé,
paraît-il, à des
Nord-africains »
[54].
Le policier prenant acte de la plainte transmet à son supérieur
que «le comportement des intéressés serait, en outre,
particulièrement bruyant ». Ceci n'a rien à voir
avec une quelconque association de malfaiteurs ou avec un mouvement nationaliste
mais illustre la méfiance des populations européennes
environnantes à l'égard de cette clientèle
algérienne. Après enquête, la préfecture conclut que
le café reçoit «une clientèle cosmopolite
composée cependant en majeure partie
d'Européens », la part des Algériens étant
évaluée à 15 à 20 % des habitués. Les
cafés «fréquentés par des
Nord-africains », comme par exemple les PMU, subissent ainsi la
représentation des «cafés
algériens ». Plus généralement, l'opinion
publique semble se méfier de tout regroupement d'Algérien,
dans un bâtiment mais aussi dans la rue. En France, les Algériens
sont perçus comme vivant au sein d'une société
parallèle à la société française que les
journaux désignent comme un
«milieu »
[55].
L'expression de «milieu nord-africain »
s'attache à désigner le «groupe »
algérien immigré. Par définition, tous, et non les seuls
sympathisants nationalistes, appartiennent à ce milieu. Plus
dangereusement encore, ce milieu peut aussi rassembler ses
éléments sur la voie publique pour entreprendre de réelles
actions de «masse ». Selon
L'Aurore, une
foule algérienne aurait tentée de
«lyncher » des policiers venus arrêter un
pickpocket algérien. Il s'agit, pour le journal, d'une
tentative d'insurrection, et il évoque une «situation
qui s'aggrave chaque
jour »
[56].
France-Soir et
Le Figaro reprennent eux aussi, mais sur un ton
plus mesuré, les grandes lignes de cette représentation du
débordement. Mieux valant prévenir que guérir, des
Européens dénoncent des regroupements d'Algériens en
vue de leur caractère potentiellement violent. Ainsi, un
«rassemblement suspect (est) dispersé », celui-ci
«ayant été signalé » à la
police
[57]. Plus fermement,
la presse dénonce le caractère proprement dangereux des
manifestations d'Algériens. Les mesures vexatoires prises le 6
octobre 1961 par la préfecture de police de la Seine, comme le couvre-feu
(que des journaux, comme
France-Soir, dénoncent le lendemain)
déclenchent plusieurs grandes manifestations à partir du 17
octobre. Celles-ci sont représentées comme des tentatives
d'émeutes de la part de la «masse » des
Algériens qui forment des «contingents » pour
Le Figaro et suivent un «plan d'ensemble »
pour
France-Soir. De part la taille des articles consacrés
à ces événements, les journaux ont du mal à traiter
de ces manifestations dans les pages attribuées aux faits divers. Les
journaux, mise à part
L'Humanité, consacrent
généralement une page particulière à
«cette agitation musulmane qui déferle sur
Paris »
[58]
puis, lorsque cette agitation retombe et que les articles consacrés sont,
en conséquence, moins importants, l'événement regagne
les pages consacrés aux faits
divers
[59]. Seule
L'Humanité a abordé ces manifestations comme des
événements réellement politiques en les classant dans cette
rubrique. La dénonciation du groupe existait depuis le début du
conflit mais elle atteint son paroxysme lors des manifestations d'octobre
1961. Dans leurs logements, leurs quartiers, leurs cafés et leurs
hôtels, les Algériens peuvent à loisir suivre les
règles de leur «milieu », mais sur la voie
publique, ils passent, à partir du moment où ils sont plusieurs,
pour braver directement et systématiquement l'ordre publique
français.
La répression
s'impose
Dans le prolongement de cette
dénonciation, l'opinion publique encourage un renforcement de la
répression policière. La presse applaudit les mesures prises par
le gouvernement, le travail de la police ainsi que certaines actions populaires
présentées comme relevant de la «légitime
défense », mais elle dénonce les opérations
jugées trop radicales comme l'utilisation des
«harkis », les ratonnades populaires et les attentats de
l'OAS. Les forces de l'ordre opèrent de plus en plus
d'opérations de contrôle et de rafles
généralisées. Celles-ci passent pour le moyen le plus
efficace pour débusquer des nationalistes activistes. La Brigade des
Agression et Violences (BAV) est chargée de mener ces opérations
fréquemment commentées par la presse. A l'exception de
L'Humanité, les journaux présentent ces rafles
«pour vérification d'identité » comme
la réaction répressive la plus adéquate pour
répondre aux attentats du FLN. La presse ne cache pas leur
fréquence ni l'ampleur des contrôles et autres
«battues »
effectués
[60]. Le
terme de «rafle » se généralise même
très rapidement dans les comptes rendus
journalistiques
[61]. Selon
les chiffres des rapports de police, de nombreux Algériens furent ainsi
des habitués des postes de police pour y subir les
«vérifications d'usage » encouragées
par la presse
[62]. En
octobre 1961, le nombre de contrôles suivis de séjours au poste de
police atteint des sommets évoqués, de par leur ampleur, par
l'ensemble des journaux étudiés qui considèrent,
toujours à l'exception de
L'Humanité, cette
répression comme nécessaire pour contenir les Algériens
rendus dangereux par leur regroupement. Ils rendent compte du
«ratissage » policier et des «arrestation
préventives » effectuées les jours suivants. La
répression fit aussi certains excès, dans le sens d'entorses
faites à la légalité française, partiellement
dénoncées par les journaux. Beaucoup d'Algériens
furent purement et simplement expulsés de métropole ou
plutôt «transférés en
Algérie »
[63]
et la presse ne semble pas s'émouvoir devant ce
procédé qui touche pourtant des Français musulmans ayant
libre droit de circulation sur tout le territoire français. A la suite
des manifestations d'octobre 1961, seules
France-Soir et
L'Humanité traitent d'une manière assez
critique l'expulsion vers l'Algérie d'immigrés
arrêtés
[64].
Des violences policières accompagnèrent aussi bien souvent la
répression. Certains journaux comme
Le Figaro font de timides
allusions aux méthodes quelque peu musclées de la
police
[65].
«Faut-il que l'indignation soit grande chez les
Français pour que même
Le Figaro soit obligé de
protester » ironise
L'Humanité le 26 octobre.
Pourtant, il fallut attendre la polémique sur la responsabilité de
la police dans les assassinats de nombreux Algériens lors du mois
d'octobre 1961, pour que ces journaux émirent plus explicitement
quelques critiques. Avant ces événements, la presse ne se souciait
pas des exactions jugées et présentées comme assez
secondaires ou simplement niées dans les articles.
France-Soir, et
plus timidement
L'Humanité menacée par les saisies
gouvernementales, évoquent aussi les soupçons qui pèsent
sur la police après le nombre assez élevé (par rapport
à une petite moyenne due aux «règlements de
comptes » nationalistes) de cadavres d'Algériens
repêchés dans la Seine les jours
suivants
[66]. La
dénonciation de certains excès de la répression permit de
revaloriser quelque peu l'image, alors assez déplorable, des
Algériens auprès de l'opinion publique européenne. En
1960, le recours aux «harkis », dits aussi
«FPA » (Force de Police Auxiliaire), ou plus
généralement «supplétifs musulmans »
se développe en
métropole
[67]. A
cause des exactions et des violences qui leur sont attribuées,
l'opinion publique leur attache une représentation des plus
négatives et se désintéresse de plus en plus de leur sort
alors même que leur fonction d'encadrement de l'immigration en
fit des cibles de choix du FLN. Les agressions perpétrées contre
eux sont plus volontiers exposées dans des brèves rappelant celles
consacrées aux règlements de comptes qu'aux articles
conséquents dont bénéficient les policiers européens
victimes
[68]. Qu'il
soit du côté du nationalisme ou de celui de la France, un
Algérien armé reste quelqu'un de potentiellement très
dangereux. Une partie de l'opinion publique ne tolère pas la mise
en place de ces brigades aux méthodes inacceptables pour des
éléments, même supplétifs, des forces de police alors
que l'autre partie, en les acceptant, les représente comme des
outils «utiles » dans cette guerre de règlements
de comptes puisqu'ils passent finalement pour n'être pas si
différents des criminels et autres «terroristes »
du FLN
[69].
Parallèlement à cette action répressive de l'Etat,
des foules européennes réagissent parfois violemment contre la
criminalité nationaliste voire contre la délinquance
algérienne. Certains journaux présentent, ou même exaltent,
ce qui est présenté comme des «réflexes de
défense populaire ». Parfois, le réflexe est
préventif ; des Algériens peuvent être
«victimes de leur attitude » étant donné
qu'ils «se sont montrés
menaçants »
[70].
Ainsi, ce sont ici les victimes qui sont directement responsables de leur
agression. En fonction du degré de provocation du ou des
Algériens, la plupart des journaux tolèrent ou approuvent ce type
de réaction
[71]. Par
contre, face aux attentats nationalistes, ces réactions populaires sont
perçues comme adaptées pour faire face plus efficacement, et
«tous ensemble », au terrorisme
algérien
[72]. Il
convient aussi de remarquer que ces réactions n'ont lieu que
lorsque les attentats visent des Européens. Pourtant, ces foules doivent
uniquement maîtriser l'agresseur et, à l'exception de
L'Aurore, les journaux dénoncent les scènes de
«lynchage » au cours desquelles la police doit intervenir
pour permettre au «terroriste » de venir en bon
état au poste de
police
[73]. Certains
Européens trouvent dans la criminalité nationaliste un
prétexte adéquat pour justifier le passage de la méfiance
vis à vis des immigrés à une répression jugée
nécessaire. Par contre, la presse représente de manière
beaucoup plus critique les opérations de
«représailles » qui se traduisent par des
ratonnades organisées, et réagit fermement à la question de
l'OAS. Les «expéditions punitives » à
initiative populaire sont généralement dénoncées
même si
L'Aurore préfère éviter de les
évoquer pour ne pas avoir à prendre position dans ce
périlleux
débat
[74]. Plus
généralement, ces ratonnades furent plus présentes dans les
rapports de police que dans les pages des journaux et elle passèrent
ainsi, et assez faussement, pour des actes isolés et
particulièrement rares. Par contre, lorsque se constitue l'OAS en
1961, la dénonciation de ses actions devint rapidement très
résolue. Pour les journaux, l'enjeu de la représentation de
ce mouvement est d'importance puisque cette façon de faire face
activement au terrorisme répond aux aspirations de nombreux lecteurs.
Ainsi,
Le Parisien Libéré et
L'Aurore
évitent de présenter l'étendue des méfaits de
l'OAS et laissent souvent planer des doutes sur le
«bord » nationaliste des terroristes responsables de
l'attentat
évoqué
[75].
Si
L'Humanité est, par la censure, maintenue quelque peu
à l'écart du débat, seuls
France-Soir et dans
une moindre mesure le légaliste
Figaro prennent de front cette
question en assimilant l'action de l'OAS au terrorisme du
FLN
[76]. Ainsi, à
partir de 1961, la répression légale semble être applaudie
moins inconditionnellement par la presse alors que le traitement du terrorisme
de l'OAS soulève d'importants débats dans les
rédactions. Ce revirement est surtout visible dans
France-Soir, ce
qui est très important étant donné que ce journal est,
rappelons-le, le quotidien français alors le plus vendu. Pourtant, vis
à vis des immigrés algériens, la méfiance
s'est renforcée et peut facilement évoluer en
réaction de défiance. La séparation physique des
Algériens et des Européens entre leurs quartiers et leurs
établissements respectifs devient un clivage plus profond qui trouve de
nouvelles bases dans cette réaction. En définitive, les deux
«catégories » de Français voient, au sortir
de la guerre, leurs antagonismes se renforcer.
Les évolutions de la
représentation sociale des Algériens doivent toujours être
mises en rapport avec l'événement qu'est la guerre d'Algérie.
Présenter les Algériens comme des «grands enfants »
permet de justifier la présence française en Algérie
qui y remplit sa «mission » civilisatrice. Beaucoup d'Européens
ont violemment réagi, plus dans leur représentation des Algériens
que dans les faits, à cause d'un sentiment d'ingratitude qu'ils ressentaient.
Aussi, le choix du ton, parfois véhément, de la presse prend
ses racines dans une perception, en partie erronée, de l'attachement
de l'opinion publique à l'Algérie française. Il se reporte
ensuite sur l'attitude des lecteurs européens vis-à-vis des
immigrés. A force de dénonciation, l'opinion publique devient
plus sensibilisée sur la question des problèmes posés
par la présence des immigrés algériens en France. Par
réaction, les clivages entre Européens et Algériens sortent
renforcés du conflit, à cause de la criminalité nationaliste
pour les uns, à cause de la généralisation de la répression
pour les autres. L'infléchissement dans la dénonciation des
spécificités caractérielles des Algériens et la
progressive banalisation de la délinquance algérienne par la
prise en compte de la misère matérielle illustrent les «efforts
» que veulent bien consentir certains Européens secoués
par la violence des actions du FLN, pour tenter de palier les fausses représentations
héritées des images du passé. Pourtant, après
la guerre, et jusque dans les années 1980, cette représentation
est demeurée à peu de chose près inchangée. Il
s'agit de ce que Claude Liauzu
[77] nomme
le «syndrome algérien ». La guerre a déchaîné
des passions et la plupart des métropolitains souhaite, en 1962, ne
plus entendre parler de ce conflit, et du même coup des Algériens.
Les rapports et les perceptions se figent. La guerre d'Algérie a entraîné
un abandon du rapport «paternaliste » avec les Algériens,
mais aussi une crainte profonde et durable envers eux. L' «enfant
» n'a plus besoin que l'on s'occupe de lui, mais, devenu «adulte
», il n'en est que plus dangereux encore. La transition, sa «crise
d'adolescence », fut le recours à la criminalité nationaliste
et, sans en parler, les Européens n'oublieront pas rapidement cette
étape.
Notes
[1]. Ce travail a
été réalisé à partir d'un
mémoire de maîtrise : D'Hoop, Guillaume, La
représentation sociale des Algériens en France pendant la guerre
d'Algérie à travers l'étude des faits
divers, Paris, mémoire de maîtrise d'histoire sociale,
sous la direction de Michel Pigenet, Université Paris I Panthéon
Sorbonne, 2001, 205 pages.
[2]. Archives de
la Préfecture de Police, série Ha-19 relative à la
délinquance et à la criminalité nord-africaines en
métropole. Tous les dossiers cités dans ce texte sont tirés
de ce carton.
[3]. R. Barthes,
«Structure du fait divers », in Essais critiques,
Paris, Ed. du Seuil, 1964, p. 188-198. M. Ferro, Fait divers, fait
d'histoire, in Revue des Annales, Paris, n°4, juillet août
1983, p. 48-54. G. Auclair, La mana quotidienne, Paris, Anthropos, 1970.
[4].
Sondages-Revue française de l'opinion publique, 17ème
année, 1955, n°3, La presse, le public et l'opinion,
cité par Didier Privat, Le fait divers à travers sa
représentation sociale (du «canard » au
«fait de société »), Paris,
thèse de sociologie, Université Paris VII, 1992, p. 316sq. :
59 % des sondés privilégient la lecture de cette rubrique sur
celle des autres, surtout les femmes à 62 % contre 54 % pour les hommes,
et surtout dans les villes de moins de deux mille habitants à 60 % contre
47 % à Paris.
[5]. B. Droz et E.
Lever, Histoire de la guerre d'Algérie 1954-1962, Paris, Ed.
du Seuil, 1991, p. 150
[6]. Ch-R. Ageron,
L'opinion publique à travers les sondages, in J-P. Rioux
(sous dir.), La guerre d'Algérie et les Français,
Paris, Fayard, 1990, p. 25-45.
[7]. Cl.
Bellanger, (sous dir.), Histoire générale de la presse
française, t. 5, de 1958 à nos jours, Paris, PUF, 1976,
p. 173.
[8].
L'Aurore du 22 octobre 1954.
[9]. dans son
numéro du 3 octobre 1961.
[10].
114 000 manœuvres, 60 500 ouvriers spécialisés et
14 700 ouvriers qualifiés selon Benjamin Stora,
Aide-mémoire de l'immigration algérienne (1922-1962),
Paris, L'Harmattan-CIEM, 1992, p. 94-96.
[11]. ce sont,
toujours dans le numéro du 3 mai 1955 de L'Aurore,
d' «inquiétants désoeuvrés que
l'on voit rôder dans des rues à eux, visiblement en
quête de quelque chose à voler ».
[12]. dans
l'ordre : Le Parisien Libéré du 29 septembre
1960, Le Figaro du 10 juin 1958 et Le Parisien Libéré
du 9 septembre 1955.
[13]. Ainsi,
L'Aurore, Le Parisien Libéré et
France-Soir abordent tous deux événements le 3 mai 1955
comme des actes de «justice » ou des
«vendettas ». Le Figaro est plus prudent et les
présente comme des «différents familiaux ».
[14]. dans son
numéro du 2 octobre 1956.
[15].
L'Aurore du 11 février 1957.
[16]. Le
Parisien Libéré, L'Aurore et Le Figaro du
10 juin 1958.
[17].
L'Aurore du 11 février 1957.
[18]. Moscat,
Henri et Peju, Marcel, Du colonialisme au racisme, les Nord-africains en
métropole. La grande colère des honnêtes gens, Paris,
Revue des Temps Modernes, n°83, septembre 1952.
[19]. Pour Le
Matin du 6 septembre 1949, «80% des agressions nocturnes sont
commises par des Arabes », et pour L'Aurore du 5
novembre 1949, «l'Arabe est très exactement le voleur
qui attend au coin de la rue le passant attardé, le matraque et lui vole
sa montre ».
[20]. Cette
réalité est pourtant connue à l'époque puisque
la revue Esprit y consacre un article (Pierre-Bernard Lafont, La
criminalité nord-africaine dans la région parisienne) dans son
numéro 206 de septembre 1953.
[21]. comme
l'explique le revue Esprit, op. cit.
[22]. Moscat,
Henri et Peju, Marcel, op. cit.
[23]. Le
Parisien Libéré du 26 octobre 1954.
[24]. expression
employée dans un rapport de la Police judiciaire à la
préfecture de police de la Seine du 22 novembre 1951, contenu dans le
dossier Nord-africains, délinquance, statistiques (1948-1964) du
carton Ha-19 des Archives de la Préfecture de Police.
[25]. selon ce
même rapport de police du 22 novembre 1951.
[26]. Le
Figaro du 11 février 1957.
[27]. dans son
numéro du 25 octobre 1961.
[28]. Dans les
vingt-neuf actes de délinquance commis par des Algériens
recensés dans les numéros du Parisien Libéré
du mois de mai 1955, les agresseurs sont désignés dix-huit fois
par le seul terme de «Nord-africain » et trois fois par
celui de «coreligionnaire ».
[29].
France-Soir du 8 mai 1961.
[30]. Onze vols
et neuf agressions commis par des Algériens sont relevés dans les
numéros du Parisien Libéré du mois de mai 1955 pour
respectivement zéro et une dans le même journal au mois de
septembre 1960.
[31].
respectivement dans leur numéro du 3 et du 11 mai 1955.
France-Soir informe ses lecteurs de six saccages de cafés
algériens au cours de ce même mois.
[32]. dans son
numéro du 23 juin 1958.
[33]. dans son
numéro du 11 septembre 1960, France-Soir présente ainsi les
déclarations d'un algérien :
«moi-même, je paie
l'impôt ».
[34]. En 1958,
la Fédération de France du FLN est désormais bien
implantée et est en mesure d'exiger 3000 francs par immigrés
algérien selon Ali Haroun, La 7ème wilaya, la guerre du FLN en
France 1954-1962, Paris Ed. du Seuil, 1986, p. 307-308.
[35]. Un des
membres de l'organisation, coupable d'avoir
«critiqué le FLN »
est «conformément aux ordre reçus [...]
exécuté à 22 heures 30 » (selon
France-Soir du 15 juin 1958 qui présente ainsi un compte-rendu de
mission trouvé sur le tueur arrêté).
[36]. Lors de
son arrestation, Aït El Hocine, un des chef de la Fédération
de France, est présenté comme
«élégant » et
«discret » par France-Soir, ayant même
gagné “ l'estime de sa concierge » pour
L'Aurore, dans leurs numéros respectifs du 1er octobre 1959.
[37].
France-soir, dans son numéro du 25 juin 1958, explique ainsi la
découverte du corps d'un Algérien dans une cave :
«il s'agit vraisemblablement d'un nord-africain
condamné à mort par un tribunal terroriste ».
[38].
France-Soir du 23 février 1957.
[39].
L'Aurore du 18 septembre 1958.
[40].
L'Aurore du 5 septembre 1960.
[41]. Ainsi, le
17 mai 1955, L'Aurore ne présente pas une de ces victimes
comme un Algérien mais comme «un Français, et
d'un patriotisme farouche ».
[42]. Le
numéro de France-Soir du 4 juin 1954 présente ainsi trois
brèves évoquant trois Algériens tués à
Aubervilliers et dans le XIIIème arrondissement dans un article de dix
lignes.
[43].
France-Soir du 2 octobre 1959.
[44]. Un
Algérien est ainsi blessé par un «coreligionnaire qui
paraissait espionner sa conversation » (Le Figaro du 1er
octobre 1956).
[45]. dans son
numéro du 19 octobre 1961.
[46]. Dans le
quartier de la Goutte d'Or, les îlots quatre et sept comprennent
respectivement 39 % et 36 % d'immigrés algériens alors que
les appartements d'une seule pièce représentent 85 % et 75 %
des logements particuliers et que 90 % et 97 % de ces habitations sont
dépourvues de WC particuliers, selon J-C. Toubon et K. Messamah,
Centralité immigrée, le quartier de la Goutte d'Or,
dynamique d'un espace pluriethnique, succession, compétition,
cohabitation, Paris, L'Harmattan CIEM, 1990, p. 154.
[47].
«Ce sont des gens qui dorment entassés à dix dans la
même chambre », L'Aurore du 3 mai
1955.
[48].
France-Soir informe ses lecteurs le 19 octobre 1956 que des
Algériens «ont été
déménagés » d'un «immeuble
insalubre » pour être relogés dans un
«ultra-moderne foyer de Nord-africains ». Afin de mieux
les surveiller on confit la direction d'un de ces foyers à un
«ancien légionnaire » (L'Aurore du 10
juin 1958).
[49]. Lorsque le
cadavre d'un Algérien est retiré de la Seine, Le Parisien
Libéré et L'Aurore souligne tous les deux, dans
leurs numéros du 1er septembre 1960, la proximité du lieu de la
découverte avec un «foyer
nord-africain ».
[50]. Le
Parisien Libéré du 21 octobre 1957.
[51]. qui
regroupait alors 5 000 Algériens selon Abdelmalek Sayad, Un Nanterre
algérien, terre de bidonvilles, Paris, Autrement, 1995, p.
20.
[52]. Ainsi,
dans son numéro du 18 octobre 1957, France-Soir annonce que les
cotisations serviraient à acheter des cafés «où
se tiennent des réunions du FLN ou du MNA et où sont
organisées des expéditions
punitives ».
[53]. Pour
France-Soir (numéro du 18 octobre 1957) et pour Le Figaro
(numéro du 29 octobre 1957), les «tribunaux »
nationalistes tiennent séance dans ces
établissements.
[54]. dans le
dossier Délinquance nord-africaine, rapport de police
(1946-1963).
[55]. Pour
France-Soir (numéro du 9 mai 1961), des tenanciers de cafés
sont «menacés de mort » en raison de leurs
différents avec les «milieux
nord-africains ».
[56]. dans son
numéro du 16 mai 1955.
[57]. Le
Figaro du 1er octobre 1956.
[58]. Il
s'agit du titre choisi par L'Aurore le 19 octobre pour la
rubrique créée pour l'occasion.
[59]. Ainsi, le
23 octobre, le sort des manifestants arrêtés est abordé par
Le Figaro à côté d'un article intitulé
«Un tueur du FLN ouvre le feu sur les policiers lancés
à sa poursuite ».
[60]. A la suite
de l'agression d'un agent de police dans le bidonville
d'Argenteuil, France-Soir évoque le 20 octobre 1957 les
«incessantes allées et venues de camionnettes bourrées
de Nord-africains entre le quartier, le commissariat central et la Police
Judiciaire ».
[61]. Sauf pour
L'Aurore qui reste fidèle à l'expression plus
neutre d' «opérations
policières ».
[62]. Selon le
dossier Lutte contre le terrorisme et la délinquance, statistiques
(1950-1960), en 1958, 5 549 «battues » et 121 992
contrôles furent effectués au cours desquels 50,25 % des personnes
contrôlées furent conduites au poste de police.
[63]. expression
utilisée par la police dans le dossier Lutte contre le terrorisme et
la délinquance, statistiques (1950-1960).
[64].
France-Soir précise, le 21 octobre 1961, que ces
«refoulés » sont principalement des
délinquants et des chômeurs.
[65].
Après la grande manifestation du 17 octobre 1961, France-Soir
évoque les «matraquages » pratiqués par la
police, Le Figaro les «groupes de ratissages, casqués
et armés de longues matraques », et Le Parisien
Libéré le fait que sur les nombreuses personnes
interpellées, «85 % avait été plus ou moins
malmenées » (numéro du 20 octobre 1961 pour
France-Soir et du 19 octobre 1961 pour Le Figaro et Le Parisien
Libéré).
[66].
France-soir évoque ainsi le 28 octobre 1961 que
«quatre travailleurs nord-africains [...] auraient été
jetés par la police dans la Seine ». Le 24 octobre,
L'Humanité présente une dépêche AFP
selon laquelle les cadavres retirés de la Seine ont «les
jambes ficelées » et «les mains liées dans
le dos ».
[67]. Les
journaux emploient ces différents termes pour les désigner et les
opposer aux «policiers métropolitains ».
L'Aurore et L'Humanité utilisent plus
volontiers le terme de «harkis ».
[68]. Ainsi le 5
octobre 1961, France-Soir présente une série
d'attentats perpétrés la nuit précédente dans
des «hôtels nord-africains » et
n'évoque qu'à la fin de l'article
l'assassinat d'un de ces
«supplétifs ». L'Aurore
présente le meurtrier comme «un de ses
coreligionnaires ».
[69]. Le 2 mai
1960, France-Soir dénonce les «interrogatoires
violents » présentés comme de réelles
séances de «torture » pratiquées dans des
«caves ». Ces procédés renvoient à
ceux que les journaux attribuent généralement aux mouvements
nationalistes.
[70]. Le
Parisien Libéré et L'Aurore du 19 septembre
1958.
[71]. Le 1er
février 1957, à Pont-de-Claix en Isère, un Algérien
blesse au couteau sept personnes avant d'être abattu par deux
Européens. Le Figaro et Le Parisien Libéré
exposent simplement les faits alors que L'Aurore exalte la
réaction des «courageux commerçants ».
Seule France-Soir précise que les deux Européens sont
«inculpés d'homicide volontaire ».
[72]. Le 3
octobre 1961, après un attentat nationaliste, France-Soir critique
ainsi la passivité de
l'assistance : «personne n'a
bougé ».
[73]. comme dans
les numéros de France-Soir et du Parisien
Libéré du 9 mai 1961.
[74]. Ainsi,
seule L'Aurore n'évoque pas le 2 octobre1957 les
ratonnades organisées la veille par de jeunes Européens à
Lyon.
[75]. Ces
journaux ne commencent à s'intéresser aux actions de
l'OAS que le 17 janvier 1962 lorsque dix-sept bombes furent lancées
la nuit précédente contre des commerces algériens. Mis
à part l'usage du plastic (qui est l'arme de
prédilection des activistes de l'OAS), le traitement journalistique
renvoie directement à celui des «règlements de
comptes » entre nationalistes algériens.
[76]. Les 3 et
11 mai 1961, France-Soir désigne les criminels européens
responsables de meurtre d'Algériens comme des
«terroristes ». Plus prudent, Le Figaro expose les
faits sans utiliser ce terme pour désigner les assassins.
[77]. Cl.
Liauzu, Race et civilisation. L'autre dans la culture occidentale,
Paris, Syros, 1992, cité par Y. Gastaut, L'immigration et
l'opinion en France sous la Vème République, Paris, Ed.
du Seuil, 2000, p. 257.