Josef Breitenbach est un photographe allemand reconnu et installé lorsque les nazis arrivent au pouvoir. Juif et lié à la social-démocratie, il prend dès 1933 le chemin de l'exil et entame une nouvelle carrière à Paris avant, en 1941, de parvenir à nouveau à échapper au péril en gagnant les États-Unis. Keith Holz et Wolfgang Schopf évoquent dans cet ouvrage son exil français et présentent la partie de son oeuvre parisienne qui a trait aux activités politiques des intellectuels allemands réfugiés en France.

Très lié à la gauche exilée et aux organisations qui tentent de fédérer les intellectuels anti-fasciste allemand et de produire une expression politique commune, Joseph Breitenbach est à la fois un acteur et un témoin privilégié de cette période. Il réalise plusieurs reportages à l’occasion de manifestations organisées par les exilés allemands dont les négatifs ont été retrouvés dans ses archives confiées au Center for Creative Photography de Tucson. La présentation de ces clichés constitue le cœur de l’ouvrage. Après un premier chapitre qui évoque la vie et l’œuvre allemande de Breitenbach, chacune des manifestations couvertes par lui fait l’objet d’un chapitre. Nous visitons ainsi l’exposition " Le livre allemand libre " de 1936, assistons à la création des pièces parisiennes de Brecht, Die Gewehre der Frau Carrar et 99%, parcourrons les expositions " cinq ans de dictature " (1938) et "l’art allemand libre" (1938), avant d’examiner les panneaux préparés par le cartel culturel allemand en vue d’une exposition new-yorkaise qui ne put jamais être organisée. Chacune de ces manifestations est resituée dans son contexte, et décrite minutieusement en croisant, lorsque cela est possible le travail de Breitenbach et les autres données disponibles. Un dernier chapitre évoque le dernier volet du parcours français du photographe, qui interné en 1939 parvint à recouvrer sa liberté puis à s’embarquer pour l’Amérique grâce à l’appui de personnalités américaines.

Rédigé par un historien de l’art et un historien de la littérature, l’ouvrage tient du beau livre et du catalogue d’exposition. Il en a également le format et bénéficie de reproductions, très nombreuses, de bonne taille et d’excellente qualité. Il constitue à ce titre un précieux et précis document pour tout historien de la culture allemande ou de l’exil anti-nazi, d'autant que les clichés présentés sont dans certains cas les seules sources permettant de reconstituer les dispositifs scénographiques ou les accrochages représentés.