Jean-Christophe Demard,
Une colonie française au Mexique, 1833-1926, Rio Nautla, 1833-1926, étapes d'une intégration.

Langres-Saints-Geosmes, Dominique Guéniot éditeur, 1999, 352 p.

Javier Pérez Siller,
México Francia. Memoria de una sensibilidad común, siglos XIX-XX.

Puebla, Benemérita Universidad Autónoma de Puebla / México, El Colegio de San Luis, A. C. / San Luis Potosi, CEMCA, 1998, 447 p.

" Les Français d'Amérique "

numéro spécial, Annales de démographie historique, 2000-1, Paris , Belin, 160 p.

Livres lus par Nicole Fouché (CNRS) et Philippe Rygiel(Paris I)

Septembre 2001.

Le premier ouvrage est l'oeuvre d'un prêtre bisontin passionné d'histoire. Titulaire d'un doctorat d'histoire, il a déjà produit plusieurs ouvrages sur l'émigration française au Mexique. Ici, il reconstitue la chronique d'une colonie agricole française à l'embouchure de la rivière Nautla. Quelques centaines de familles venues de Bourgogne, de Franche-Comté, plus tard de Savoie et des régions pyrénéennes s'y installent. Les arrivées s'étendent de 1830 aux années 1880. Les colons s'emploient à défricher et à mettre en culture des terres qui se révèlent moins fertiles qu'ils ne le croyaient. Ils traversent tant bien que mal une impressionnante série de catastrophes  :  ouragan, guerre, révolution ; les conflits avec les propriétaires terriens voisins se succèdent à un rythme soutenu.

Ces Français du Mexique conservent longtemps des usages (langues, pratiques culinaires) importés de France. Cependant, l'arrêt de l'immigration s'accompagne d'un relâchement des liens avec le pays d'origine et d'un déclin des pratiques héritées. Beaucoup de jeunes gens, à la fin du siècle dernier ne se plient plus aux obligations militaires, voire renoncent à la qualité de Français. En 1914, seuls deux des quatre-vingt-six jeunes gens mobilisables se rendront en France.

L'ouvrage, qui offre une étude de cas très précise, illustrée de très longues citations de pièces d'archives, intéressera tous les historiens qui étudient l'émigration européenne vers les Amériques, et particulièrement l'émigration française. Il autorise également, à travers les longues citations tirées des rapports adressés aux autorités françaises par les consuls de France successifs, l'étude du rôle des consulats  :  les activités de leurs titulaires, qui parfois surprennent, mériteraient une attention soutenue. On trouvera aussi, dans ce texte, des matériaux susceptibles de nourrir une réflexion consacrée aux conditions du maintien ou de la disparition d'une colonie européenne dans un pays neuf.

La publication de la monographie de Jean-Christophe Demard est une occasion pour reparler de l'excellent livre collectif, en langue espagnole, dirigé en 1998 par Javier Pérez Siller, México Francia . Le coordinateur a soutenu un doctorat d'histoire à l'université de Paris-I ; il est actuellement professeur à la Benemérita Universidad Autónoma de Puebla, au Mexique. Dans son introduction et dans sa propre contribution, Javier Pérez Siller fait un bilan historiographique de la présence française au Mexique (1920-1997). Cet état des lieux (plus de 400 ouvrages) indispensable à tout chercheur qui souhaite travailler sur les Français au Mexique comporte une rubrique " Immigración, memoria e identidad colectiva " dans laquelle on retrouve les œuvres de Demard, une bonne synthèse sur l'historiographie déjà très longue des " Barcelonnettes ", ainsi que de nombreux ouvrages sur d'autres implantations françaises. Dans la suite de l'ouvrage, la présence française et les migrants français sont longuement étudiés  :  les personnes, les capitaux, les objets et les idées circulent donnant corps, lentement et progressivement, à une société mondiale. Tel est l'argument du groupe de chercheurs réunis autour de Siller.

Dans une autre veine, il faut citer le récent numéro thématique des Annales de démographie historique sur " Les Français d'Amérique ". François Weil, spécialiste des États-Unis, (histoire sociale - et urbaine), a réuni cinq articles. Sa présentation s'attache à saisir le sujet dans sa globalité et à théoriser l'histoire de l'émigration française. Il montre que les migrants français aux Amériques sont bel et bien un objet d'histoire, importants tant pour l'histoire de France que pour celle des mouvements migratoires internationaux, sans négliger celle des pays d'accueil. Parmi les pays d'immigration étudiés, contrairement aux auteurs précédents, François Weil (hasard ou nécessité ?) donne une place de choix aux États-Unis (quatre études sur cinq) et aux villes (San Francisco, New York, La Nouvelle-Orléans, Montivideo / Caracas).

Ces trois publications, bien que très différentes les unes des autres, rappellent fort opportunément aux historiens que la France ne fut pas seulement une terre d'immigration.

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