Cet ouvrage est tiré d'une thèse soutenue à l'Ehess. Consacré à l'étude des Juifs polonais arrivés en France durant l'entre-deux-guerres, il s'organise autour de trois thèmes, l'étude des activités culturelles (créateurs, scientifiques et hommes de religion sont abondamment évoqués ), celles des engagements politiques et celle de la situation et de la culture des Juifs de Pologne durant l'entre-deux-guerres. L'étude de ces thèmes est souvent menée à partir de portraits d'individus, illustres ou inconnus, ou, pour l'étude de la Pologne, de l'évocation de Radziwil, localité dont sont originaires certains des individus dont le parcours est évoqué.

De fait, la partie la plus neuve de l'ouvrage concerne le versant polonais et les liens établis entre les transformations des communautés juives de Pologne évoquées et les logiques et les parcours migratoires des individus . L'auteur insiste sur l'existence en Pologne d'un antisémitisme institutionalisé, qui se traduit par exemple par la difficulté à entreprendre des études supérieures et contribue largement au grand exode de l'entre-deux-guerres. Il montre aussi, ce qui à notre connaissance a rarement été fait, que la génération qui arrive en France durant l'entre-deux-guerres est parfois, avant l'émigration, en rupture avec la génération précédente et une partie des traditions qu'elle incarne, ce qui conduit à poser en des termes plus complexes qu'on ne le fait souvent la question des formes de l'intégration et de l'assimilation, puisque certaines des normes de la société d'accueil sont désirées, parce que synonymes de modernité et d'émancipation.

L'ouvrage est cependant à manier avec quelques précautions, tenant à la fois du livre-mémoire, de l'entreprise littéraire et de la recherche historique, il n'est pas, ou pas uniquement, destiné à un public de professionnels de l'histoire et les membres de celui-ci n'y retrouveront pas toujours leurs normes. Son organisation autour de portraits et d'évocations, qui contribue à l'agrément de la lecture et permet parfois de faire la connaissance de figures attachantes, donne au volume un tour un peu décousu. L'historien aimerait de plus parfois que soient un peu précisées les conditions de la recherche et qu'en particulier lui soient décrits le cadre et le choix des entretiens cités. L'ouvrage, enfin, a manifestement été relu vite, on y trouve quelques approximations, et plus grave des erreurs historiques parfois de taille: Pierre Laval devient un président du conseil socialiste (p.121), le gouvernement Blum renonce aux expulsions (p.128) et les Juifs Polonais arrivent à Belleville après 1944 (page 52), pour ne citer que quelques exemples. On regrettera également, d'autant que l'ouvrage fait une large place aux portraits et à l'évocation d'individus parfois célèbres, l'absence d'un index des noms propres.