Réseau Migrations Etudiantes
Studentische Migration Forschungsnetzwerk

Coordinateurs/Koordinators : Natalia Tikhonov, Hartmut Peter

Sur un réseau de recherches " MIGRATIONS ETUDIANTES EN EUROPE ET VERS L’EUROPE" du milieu du XIXe siècle jusqu’à la Seconde guerre mondiale

Hartmut Rüdiger Peter

 

I
Les discussions de la table ronde tenue dans le cadre du colloque de Coppet en juin 2003, de même que les conversations informelles ont montré que la poursuite de notre collaboration apparaît unanimement comme très souhaitable. L’objectif consisterait à analyser la migration étudiante comme phénomène international complexe, dans ses dimensions véritablement internationales et en le corrélant avec diverses recherches actuelles, par exemple dans le domaine de l’histoire des idées, des élites et de l’enseignement supérieur, en le coordonnant avec des projets déjà existants et en suscitant de nouveaux, de même qu’en intégrant un nombre aussi important que possible de chercheurs. Compte tenu de la multiplicité des problèmes, du caractère interdisciplinaire du sujet, des inégalités de développement des recherches sur ce thèmes et des intérêts de recherche divergents, un projet aux structures étroitement formalisées se déroulant selon un agenda rigoureusement défini n’aurait pas grand sens. Nous proposons pour la poursuite de la collaboration des pistes suivantes :
1. La collaboration devrait se produire sous la forme de colloques thématiques et d’ateliers réguliers qui permettraient de construire un réseau permanent de chercheurs intéressés. Il s’agirait de l’élargir afin que les pays de départ et d’arrivée importants pour la migration à l’intérieur de l’Europe et vers l’Europe soient mieux représentés. Cela concerne tout autant des régions de départ en Europe que des pays d’arrivée, tels que la Belgique, la Grande Bretagne, l’Autriche, la Scandinavie, la péninsule ibérique, la Pologne, les pays tchèque et slovaque, et d’autre part la migration extra-européenne vers l’Europe en provenance, par exemple, d’Asie (sur laquelle travaille déjà notre collègue japonais, le professeur Hayashima), d’Afrique du Nord (étudiées par Dr. Abdelkader Latreche), des Etats-Unis et du Canada.
2. Un minimum de structures est nécessaire pour un travail effectif. Deux coordinateurs (actuellement Hartmut R. Peter et Natalia Tikhonov) assument l’organisation de la collaboration. Le comité scientifique du colloque de Genève (Wladimir Berelowitch, Philippe Braillard, Anatolij Ivanov, Victor Karady, Michael G. Müller, Claudie Weill) devrait être maintenu de manière informelle et soutenir le travail par ses conseils.
3. Des groupes de travail devraient être constitués sur des thèmes précis, pour le travail sur les banques de données ou pour la préparation de colloques et de publications.
4. Pour la communication et la présentation rapide des résultats de la recherche, on peut songer à un la mise sur pied d’un site web. Nous disposons déjà d’une proposition concrète de Philippe Rygiel pour effectuer la présentation sur le site Web de Clio.
5. Suggérer la création d’une série scientifique à la maison d’édition Peter Lang. Hartmut R. Peter et Natalia Tikhonov pourraient se charger de sa conception. Environ tous les deux ans, devraient paraître des actes de colloques, des recueils thématiques et des monographies scientifiques des collaborateurs constants du réseau ou d’autres collègues

II
Jusqu’à présent, les colloques consacrés aux migrations étudiantes ont réuni un certain nombre de collègues motivés qui traitent surtout des problèmes spécifiques avec des problématiques diverses, concernant des espaces géographiques et des périodes historiques différents, dans une perspective paneuropéenne ou locale, se fondant sur des sources variées et mettant en oeuvre de multiples méthodes. Ainsi ont été présentés des résultats de recherches de longue haleine ou d’une première approche du sujet. Une collaboration durable présuppose de poursuivre l’élucidation des problèmes de méthode et de contenu, en posant les priorités suivantes :
1. Les échanges sur l’état actuel des recherches (sur le plan national et international) doivent être poursuivis de manière ciblée. Pour ce faire, il faut relever aussi bien les sujets déjà traités que les lacunes et formuler quels sont les intérêts en jeu. Ce qui est visé, c’est une vaste bibliographie sur l’histoire des migrations étudiantes.
2. Une autre tâche du réseau consisterait à s’informer mutuellement sur la situation documentaire des pays de départ et d’arrivée des mouvements migratoires, en commençant par les particularités des sources, en passant par les archives et les fonds intéressants ainsi que leurs conditions d’accès (y compris les règlements concernant la protection des données) jusqu’aux publications contemporaines et aux sources biographiques.
3. A propos des sources ou séparément, il faudrait débattre du matériel statistique utilisable et de ses qualités vraisemblablement fort diverses. C’est un des présupposés fondamentaux pour développer, à partir de banques de données des enquêtes de statistique sociale qui pourraient entrer en correspondance ou tout au moins être coordonnées.
4. Ce n’est pas le seul domaine où il faudra aborder les catégories et les concepts. Il s’agit ici, de façon tout à fait pragmatique, de surmonter d’abord les problèmes de compréhension et de communication qui résultent des différences de langues et de cultures scientifiques.
5. Une délimitation chronologique de notre champ de travail commun est nécessaire, mais elle ne devrait pas être trop rigide. Il s’agirait de définir un noyau temporel où se rencontrent les intérêts de la plupart des collègues intéressés par une collaboration constante et qui, à notre avis, s’étend de la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’à la Seconde guerre mondiale. Des phénomènes migratoires plus anciens ou des aspects actuels du sujet ne sont pas exclus pour autant mais pourront éventuellement être pris en compte en fonction des intérêts et des capacités.
6. Comme il a déjà été signalé au point 1, on peut débattre de l’échange des intérêts de recherche et des problématiques respectifs de même que de la jonction déjà existante ou vraisemblablement à développer avec d’autres thèmes de recherche en histoire sociale (voir thématiques résumées au paragraphe III). Il devrait s’agir ici surtout de définir les zones de rencontre déjà existantes dans le cadre desquelles la collaboration pourrait être rapidement productive.
7. Au-delà de ce minimum de coordination, il faudra que les collègues intéressés par une collaboration plus qu’épisodique ou par ses aspects particuliers, se mettent d’accord sur les projets de recherche qui leur paraissent féconds, précisément en fonction d’une vision internationale ou de la conjonction internationale des compétences et des capacités scientifiques.


III
Dans les discussions qui ont eu lieu jusqu’à présent s’est cristallisé un spectre d’orientation de la recherche et de thématiques concrètes pour un réseau de recherches sur l’histoire de la migration étudiante en Europe. Dans ce qui suit doivent être résumés les thèmes des recherches en cours et les intérêts actuels de la recherche et projetés les contenus fondamentaux éventuels d’une collaboration telle qu’elle a été esquissée ci-dessus. La systématisation est en l’occurrence plutôt d’ordre pragmatique et ne correspond pas à des directives rigides car les questions incluses dans les divers centres d’intérêt se recoupent ou s’appuient l’une sur l’autre de manières très diverses. L’inventaire est certainement incomplet. Il doit faciliter l’insertion de projets partiels ou individuels dans le contexte global pour ouvrir la voie à des recherches parallèles, comparatives et communes.
1. Pour le premier groupe de sujets dans la perspective des pays de départ centré sur les causes, les objectifs et les motifs des études à l’étranger, se posent les questions suivantes :
- les particularités des systèmes nationaux d’enseignement supérieur et leur influence sur les processus migratoires, en particulier l’offre de places dans son rapport aux besoins et à la demande des diplômés qualifiés de l’enseignement secondaire.
- la politique de l’Etat en matière d’enseignement supérieur envers les groupes sociaux, ethniques et confessionnels ou les minorités comme déclencheur ou catalyseur de la migration universitaire
- l’attitude de groupes sociaux ou d’organisations face aux études supérieures à l’étranger (en règle générale, dans certains pays ou dans certaines matières) : des programmes délibérés aux entraves en passant par diverses formes d’encouragement et de tolérance.
- les études des femmes
- les incidences des formations reçues à l’étranger sur des parcours professionnels et sociaux
- les constellations politiques générales qui influent sur la décision d’aller étudier à l’étranger ou de rester dans le pays, tells que troubles politiques, persécutions des minorités, alliances internationales
2. Du point de vue des pays d’arrivée ou d’accueil, un deuxième groupe de sujets qui a pour objet la politique de l’Etat et des établissements d’enseignement supérieur envers les étudiants étrangers, les thèmes concrets pourraient être :
- les positions de principe sur l’hospitalité universitaire, son importance dans la perception d’une politique nationale d’éducation
- les règlements universitaires et non-universitaires à l’échelle de l’Etat (règlements d’inscription et d’examens, lois sur les passeports, exigence de preuves des moyens de subsistance ou de loyauté politique, etc.) pour l’accès aux études
- la publicité (positive ou négative) de l’Etat ou des établissements à l’adresse des étudiants étrangers, notamment ouverture ou fermeture d’établissements, cursus, diplômes, institutions spéciales de pilotage, subventions, etc.
- la différenciation de l’immigration universitaire selon les critères politiques, nationaux ou confessionnels
- les études des femmes
- le statut juridique de l’étudiant étranger en tant qu’étranger dans le pays d’études et en tant que citoyen académique dans l’établissement d’enseignement supérieur
- les débats sur la politique à adopter envers les étudiants étrangers sur différents plans : au sein des institutions politiques et administratives responsables de la politique de l’éducation, entre l’administration de l’éducation et les établissements d’enseignement supérieur, au sein des groupes de citoyens académiques et entre eux (professeurs et enseignants non titulaires, étudiants), dans l’opinion publique (presse)
3. Un troisième groupe de sujets émane de la perspective des étudiants et examine les carrières universitaires des étudiants étrangers. Les problématiques intéressantes seraient :
- les présupposés à l’admission lors du début des études (formation scolaire, aptitudes à étudier)
- les motivations des études : objectifs universitaires ou professionnels propres, ambitions sociales de carrière, motifs externes tells que les excédents de remplissage des universités du pays de départ, discriminations, événements ou situations politiques
- le choix des disciplines d’études, les préférences et les raisons de ces choix
- les cursus (durée, interruptions, changement de discipline ou d’établissement, changement du pays d’étude)
- les diplômes obtenus à l’étranger (taux de réussite, diplômes favoris, etc.)
- les qualifications scientifiques ou professionnelles à l’étranger après la fin des études (stages, postes d’assistant, doctorats)
- les itinéraires postérieurs aux études : retour, installation dans le pays d’études, émigration dans un pays tiers
- la reconnaissance de diplômes étrangers dans le pays de départ ou dans un pays tiers, leur valeur et leur utilité pour des carrières publiques, universitaires ou dans le secteur privé
- les spécificités de tous ces aspects pour les femmes
4. Un quatrième groupe de suets comprend, lui aussi dans la perspective des étudiants, leur vie sociale et leur sociabilité dans le pays d’études. Des thèmes concrets pourraient être :
- Ies structures internes ainsi que les associations et entreprises universitaires ou culturelles, l’autoéducation, les mécanismes et les structures sociaux de soutien
- les subdivisions (ethniques, religieuses) et les relations entre elles
- les femmes et leur place dans les structures organisationnelles ainsi que dans la vie sociale des étudiants à l’étranger
- les liaisons avec le pays d’origine à travers la presse, les vacances, les représentations diplomatiques
- les relations avec d’autres groupes de migrants tells que les artistes, les émigrants politiques, les migrants ouvriers
- les phénomènes et les mécanismes d’adaptation ou d’acculturation d’une part, d’isolement (dans des “colonies”) d’autre part
5. Un cinquième groupe de sujets est étroitement lié au précédent; il concerne les questions de l’interaction des étrangers avec la société du pays d’études, les perceptions réciproques et le transfert du capital culturel et du savoir. Ici ce sont les aspects suivants qui sont particulièrement intéressants :
- Les présupposés ou plutôt le cadre historico-politique des perceptions réciproques tels que formation préalable ou stéréotypes transmis
- Les niveaux ou les lieux où se produit la rencontre et la perception : l’espace universitaire, le lieu d’études, les associations scientifiques et culturelles, les communautés religieuses, etc., les niveaux politiques de la perception (ministères, parlements, partis, unions)
- Les différences de la perception réciproque des groupes et milieux différenciés socialement, ethniquement, culturellement ou confessionnellement
En ce qui concerne la perception des étudiants étrangers dans le pays d’études, on s’intéressera plus particulièrement :
- A l’observation de leur habitus social, aux jugements sur le niveau de leur formation préalable, sur leur niveau culturel (moral) et intellectuel ainsi que sur leur comportement social et politique, aux différences dans la perception des femmes ainsi que des groupes ethniques ou religieux
- Aux débats internes sur le rôle d’" hôte académique ", aux considérations sur le sens et l’utilité des étudiants étrangers
Les aspects spécifiques de la confrontation des étrangers avec le pays d’études sont :
- Les jugements sur le système universitaire, sur des universités ou des facultés spécifiques, sur les professeurs
- La perception des spécificités de la vie universitaire et en particulier de la vie étudiante avec ses organisations et ses rituels
- Les jugements sur la vie intellectuelle, culturelle et religieuse
- La perception des rapports sociaux, des mœurs et des usages
- Les jugements sur le système politique, la culture politique
- La perception de soi en tant qu’étrangers, en tant qu’hôtes universitaires, la confrontation aux discussions sur " la question des étrangers " dans les établissements d’enseignement supérieur
6. Un sixième groupe de sujets se fonde sur le projet de Victor Karady d’étudier le marché universitaire à l’échelle de l’Europe, voire du monde , susceptible d’établir à une échelle quasi mégahistorique une synthèse des résultats de la recherche au sein du réseau mais qui poursuit aussi des objectifs propres.
- Les principaux courants d’étudiants en Europe, de la périphérie universitaire vers les centres ainsi qu’entre les Etats à système universitaire développé
- Les migrations étudiantes transcontinentales, en particulier vers l’Europe, entre l’Europe et l’Amérique du Nord, vers l’Amérique du Nord
- Une description quantitative et qualitative différenciée de ces courants de migrants de l’éducation dans leur dynamique temporelle ainsi que des structures disciplinaires, nationales, confessionnelles, d’âge et de sexe
- La naissance, le développement et l’orientation de l’offre et de la demande
- Les influences réciproques des mécanismes du marché avec les mécanismes de la politique, de l’économie, du droit, de la religion et de la culture
Les stratégies méthodologiques sont aussi multiples que les groupes de sujets esquissés et dépendent de problématiques concrètes et spécifiques. Ainsi, les banques de données offrent un accès essentiel à l’analyse des aspects universitaires ainsi que sociaux, ethniques, confessionnels, sexués des mouvements migratoires étudiants, aussi bien au niveau macro d’un marché universitaire international qu’au niveau d’universités ou de groupes d’universités particuliers. Elles peuvent aussi aider des recherches prosopographiques sur des prototypes de carrières universitaires tandis qu’en l’occurrence, on peut aussi avoir recours aux résultats des recherches biographiques, voire aux banques de données biographiques existantes. Les sources biographiques mais surtout les discours publics dans la presse et les publications, les institutions universitaires, les partis et unions, les parlements et les ministères fournissent la base essentielle pour l’étude des confrontations avec les étrangers et l’étranger. Le bilan des résultats de ces recherches peut permettre de tracer une image complexe des formes essentielles, des contenus et des effets voire des limites du transfert de compétences scientifiques, professionnelles et culturelles dans le sillage de la migration étudiante (pour ainsi dire en tant que produit spécifique du marché universitaire international).

IV
Ainsi on peut d’ores et déjà esquisser un programme à moyen terme du travail en commun dont les angles seront tracés, comme mentionné ci-dessus par des ateliers et des colloques communs :
1. Fin 2004 : Colloque sur le thème des sources et de l’historiographie. Pour reprendre une proposition de Victor Karady et de Laszlo Szögi, il pourrait avoir lieu à Budapest. Au préalable, des études sur les situations nationales respectives de la recherche devraient être effectuées pour permettre la discussion sur les stratégies futures de recherche. Un atelier sur le thème des banques de données pour avoir lieu en marge de ce colloque.
2. Le résultat de ces rencontres devrait être publié dès 2005 dans un recueil de notre série aux éditions Peter Lang.
3. Automne 2005 ou printemps 2006 : Colloque sur un thème tel que “Etudes à l’étranger et socialisation des élites” à Halle


V
Un problème essentiel pour une collaboration dans le sens esquissé ci-dessus est, bien entendu, celui du financement. Deux voies semblent se dessiner :
1. La première consiste à poursuivre les pratiques antérieures consistant à utiliser les ressources disponibles des institutions participantes dans le cadre de projets concertés tels que les colloques et les publications. Pour des projets de plus grande envergure tels que les colloques internationaux, d’autres moyens doivent être mobilisés dans le cadre national. Au sein de notre réseau, des projets partiels en cours tels que celui de Halle doivent s’efforcer de trouver séparément des moyens tiers pour le financement.
2. Parallèlement, il faut tenter de mobiliser les possibilités d’un soutien européen. Celui-ci pourrait conférer une toute autre dimension au projet global car il pourrait permettre une planification à plus long terme et éventuellement de mobiliser des capacités de recherche supplémentaires (doctorants ou chercheurs sur contrat) pour des recherches qui nous intéressent tous.

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