Institut Fédératif de Recherche sur les Economies et les Sociétés industrielles. (IFRESI-CNRS, Lille)
Université de Valenciennes.

APPEL A MANIFESTATION D’INTERET
Coordinateurs : Judith Rainhorn et Didier Terrier

Vivre avec son étrange voisin.
Altérité et relations de proximité dans la ville industrielle,
Europe du Nord-Ouest, milieu du XIXe - XXe siècle.

OBJET DU PROJET


Le renouveau de la recherche sur les questions relatives à la construction du lien social dans la ville nous conduit à nous interroger, au plus près du terrain, sur les relations de voisinage qui existent entre les habitants de la rue, de l'immeuble et du quartier. En nous accrochant aux paroles, aux faits et aux gestes, nous tenterons de dessiner, au ras du sol, le cours ordinaire des relations entre les personnes dans la ville industrielle, lieu d'accumulation en strates successives de la main d'œuvre. C'est dans cet espace de tous les "remue-ménages" que ne cesse de s'éprouver, entre voisins, une altérité rarement définitive, toujours problématique.
Ce projet s'inscrit dans une Europe du Nord-Ouest qui présente depuis deux siècles une cohérence triple, puisque l'on y trouve :
- un contexte anthropologique et social partagé, depuis l'Allemagne rhénane et la Ruhr jusqu'au bassin de Londres, de la France du Nord (région parisienne incluse) à la Belgique et aux Pays-Bas ;
- une organisation de la production industrielle, des formes de distribution du travail et des rythmes économiques similaires ;
- des mouvements migratoires mettant en jeu des effectifs et des configurations comparables.
Il se concentre sur les villes, sans que l'on s'interdise des incursions vers des espaces industrialisés plus lâches, mais en rupture avec le monde rural. Le choix de la longue durée ne doit pas déboucher sur l'empilement des connaissances, mais sur la mise à l'expérience de procédures et de méthodes d'analyse susceptibles de mieux restituer, en deçà des représentations de la réalité construites par les travaux récents, toute la complexité du réel.

DESCRIPTION DU PROJET

Les questions de migrations, de co-existence de populations diverses dans un même espace et des rapports tissés par les individus et les groupes sont au cœur de ce projet de recherche. Celui-ci souhaite interroger plus particulièrement la notion d'altérité et ses conséquences sur les populations amenées à vivre ensemble dans un espace donné. Au cours du processus d'industrialisation massive qui s'étend sur près de deux siècles, l'Europe du Nord-Ouest voit s'accroître de manière considérable la mobilité des populations à l'échelle locale, régionale, nationale et internationale. C'est alors que se redéfinissent également des milieux de vie où la communauté d'une condition n'implique ni la confusion entre les groupes ni l'uniformité des destins. C'est bien pourquoi se pose la question des formes que prend la cohabitation effective entre des populations étrangères les unes aux autres, parfois étranges les unes aux yeux des autres, mais qui partagent toujours l'impérieuse nécessité de vivre les unes avec les autres.

L'altérité, une question de frontières

Le travail portera tout d'abord sur le questionnement et la construction de la notion d'altérité, comprise ici comme une réalité construite par une situation sociale, directement liée à la fois à des migrations de population et à des transformations qui affectent l'ensemble du corps social. L'altérité s'impose à partir de l'expérience même du multiple et, partant, de la confrontation des individus et des groupes sociaux. Cette notion peut s'envisager à travers plusieurs ambivalences problématiques : celle de l'autre ami/ennemi, avec qui l'on peut instaurer des relations coopératives ou au contraire conflictuelles ; celle de la hiérarchisation normative de stades de civilisation - dans le cadre de l'immigration étrangère assurément -, allant de l'admiration jusqu'au mépris pour le "sauvage" ; celle, enfin, de l'opposition entre diversité et différence qui peut donner lieu à la construction de frontières autour des groupes sociaux, de lignes de partage en leur sein. On se demandera également de quelle manière cette altérité est vécue par des populations amenées à vivre ensemble, selon quels modes elle est ressentie, sous quelle forme elle peut être revendiquée. S'agit-il enfin d'une réalité exogène, construite de l'extérieur à des fins normatives ou bien, au contraire, une réalité endogène secrétée par le quotidien ?

Le voisinage, échelle pertinente de l'étude des relations sociales

La question des relations entre les personnes, que ce soit sur un mode individuel ou collectif, n'est certes pas, en soi, une question neuve. Mais nous entendons l'envisager dans une perspective différente, à l'échelle microscopique, pour mieux saisir le "vivre ensemble". Nous espérons ainsi mettre en évidence tout ce qui relève, dans le côtoiement des individus, de la transaction implicite qui règle le plus souvent les rapports de voisinage entendus comme une échelle-clé pour comprendre l'effectuation des rapports sociaux. La question des relations de voisinage, c'est-à-dire de la nature et du contenu des liens tissés ou, au contraire, des conflits, nés de la situation de proximité, est ainsi au cœur du projet de recherche. Certes, l'indifférence laisse en général peu de traces, du moins pour les historiens, tandis que les relations de solidarité ou d'entraide, a fortiori les tensions, les litiges et les affrontements, ont généralement produit davantage de sources. Aussi, pour balayer l'ensemble du champ concerné, il ne faudra pas s'interdire d'explorer les relations non problématiques, celles qui relèvent d'un quotidien caché dont l'authenticité n'a d'égale que la banalité.
Les relations de voisinage doivent être envisagées à différentes échelles. Les rapports de mitoyenneté, les relations à l'échelle de la rue, du pâté de maisons ou de l'immeuble, voire la vie du quartier, sont autant d'éléments concernés par l'approche microscopique. Rien de ce qui, en procèdant de l'emboîtement des échelles, influe sur le cours ordinaire des relations individuelles, ne sera ignoré pour autant. Ainsi, on tiendra compte des politiques publiques qui, en œuvrant à la construction du lien social, induisent de nouveaux comportements et de nouvelles relations au quotidien dans l'espace local. Une politique de mixité en termes de logements, par exemple, et ses conséquences sur les liens d'interconnaissance, de coopération ou de conflit tissés localement entre dans le champ de nos investigations. Bien sûr, il ne saurait être question, sous peine de fragmentation abusive du réel, de décomposer outre mesure les jeux d'échelles, voire même de les disjoindre. Mais le primat de l'observation au ras du sol sera délibérément privilégié.

Aire géographique concernée

L'aire géographique concernée par le projet englobe tous les territoires industrialisés de l'Europe du Nord-Ouest entendue dans une acception large. C'est au cœur des villes que vont s'inscrire bon nombre de contributions à ce projet puisque, d'évidence, elles sont les premières affectées par les bouleversements de l'organisation et de la répartition du travail. Mais il est non moins clair que restreindre le champ spatial de ce projet à l'espace urbain stricto sensu n'aurait pas de sens. Il est des nébuleuses urbanisées sur un mode atypique, comme les zones d'habitat minier ; il est des concentrations de populations ouvrières encastrées dans des campagnes peu affectées par les mutations liées à l'industrialisation ; il est même des populations dispersées en milieu rural directement concernées par l'essaimage des activités manufacturières et qui, peu ou prou, délaissent d'autant plus rapidement un mode de vie rural qu'elles subissent les affres d'une prolétarisation qui ne dit pas son nom.
En définitive, compte tenu des attentes précisées ci-dessus, le choix délibéré de la longue durée et d'une porosité entre les disciplines permettra d'associer autour d'un même projet des spécialistes des sciences humaines et sociales ou bien encore de la littérature. Que ce soit dans l'ordre des réalités ou dans celui des représentations, il conviendra, pour mieux cerner des configurations toujours en mouvement, de faire la part de ce qui relève des différentes temporalités, depuis les structures séculaires jusqu'aux variations selon l'air du temps. Ainsi, il sera possible de conférer aux perspectives conclusives toute l'épaisseur qui leur est due.

PROGRAMME DES TRAVAUX

Ce projet commencera par une rencontre qui se tiendra à Lille au cours de l'automne 2004. Nous souhaiterions que chacun y apporte son écot, de manière à ce que nous puissions définir ensemble les grands axes d'une recherche qui sera conduite sur deux années. Il s'agira de garantir la cohérence d'une véritable entreprise collective qui ne se limitera pas à la juxtaposition de recherches parallèles. Suite à ce préalable, quatre tables-rondes seront organisées en 2005 et 2006. Elles réuniront les collègues pleinement impliqués dans le projet et, de manière ponctuelle, des invités extérieurs susceptibles de porter un regard critique sur l'avancée et le contenu des travaux. Au terme de cette première phase du projet, l'organisation d'une manifestation de plus large ampleur permettra de valoriser les principaux apports de ce travail collectif et d'ouvrir des perspectives nouvelles. Une publication est d'ores et déjà prévue à l'issue de l'ensemble de l'opération.

Vous pouvez manifester votre intérêt, faire part de vos idées et décrire le contenu et la nature de votre éventuelle collaboration en adressant, avant la fin du mois de mai 2004, vos propositions à :
Université de Valenciennes
Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences humaines
CRHiCC (EA 2444)
A l'attention de Didier Terrier et Judith Rainhorn
Le Mont Houy
59313 Valenciennes Cedex 9
Mail



Tous les frais des participants (déplacements, frais de séjour et restauration) seront pris en charge sur les crédits alloués à l'opération inscrite au contrat de plan Etat-région.

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