Atelier de recherche sur l’histoire du concept « assimilation».
G. NOIRIEL

Décembre 99

Laboratoire de sciences sociales
ENS-EHESS
48 boulevard Jourdan 75 014 Paris
tél :  01 43 13 62 27, e mail :  Gérard Noiriel , noiriel@elias.ens.fr

Le point sur les activités de l’atelier Histoire du concept "assimilation".

L’atelier que nous avons mis en place sur l’histoire du concept " assimilation " est enfin sur les rails. Comme je l’avais indiqué, il comporte trois niveaux. Le premier a une vocation surtout pédagogique. Un petit groupe de travail se réunit une fois par mois pour étudier des corpus de textes qui ont été publiés depuis le XIXe siècle sur la question de l’assimilation (cf. plus bas le calendrier et les thèmes prévus pour ces séances). Le deuxième niveau, désigné ici par l’expression " séances plénières ", a pour but de présenter, une fois par mois, les travaux scientifiques qui ont été publiés récemment sur la question de l’assimilation du XVIIIe au XXe siècles (cf. ci-dessous le calendrier et le programme). Le troisième niveau s’adresse surtout à ceux qui s’intéressent à ces questions, mais ne peuvent pas participer " physiquement " à l’atelier. Grâce au petit site que nous avons ouvert (merci Philippe Rygiel !), nous tiendrons ces collègues au courant de nos travaux, en diffusant un résumé des séances et les diverses informations que les participants nous transmettrons. Si vous souhaitez recevoir ces informations (ou si vous connaissez des collègues intéressés) faites le moi savoir pour que votre (leur) nom puisse figurer dans notre liste.

1. Groupe de travail  :  calendrier et thèmes des séances

En partant de l’hypothèse qu’au sens le plus large, le terme d’assimilation désigne tous les problèmes que pose le rattachement d’un (ou de plusieurs) individus à un groupe social, nous essayerons de comprendre, cette année, comment cette question a été pensée dans les discours produits par les divers milieux qui l’ont abordée depuis le XIXe siècle.

Au cours de la séance du 2 décembre, nous avons commencé par réfléchir à la façon dont les " pères fondateurs " de la sociologie ont eux-mêmes traité le sujet (qu’ils aient utilisé le terme " assimilation " ou non). Nous nous sommes donnés comme devoir de vacances un programme de lectures centré sur 6 ouvrages, ce qui nous permettra de parcourir les grandes traditions théoriques sur lesquelles repose aujourd’hui les sciences sociales : 

Au cours des séances suivantes, d’autres types de corpus seront analysés (travaux d’historiens et de philosophes, textes administratifs, discours d’experts, d’hommes politiques).

Calendrier  : 
La prochaine séance du groupe de travail aura lieu le 13 janvier 2000 à 10h30. Séances suivantes  :  2 mars, 30 mars, 20 avril, 11 mai

2. Séances plénières  : 

La séance du 16 décembre a été animée par Jacques Guilhaumou (CNRS-ENS de Fontenay/Saint-Cloud). Il nous a présenté un panorama du domaine de recherche qu’on appelle aujourd’hui " l’histoire des concepts ". Après avoir retracé l’évolution de ce champ d’études depuis les années 1960, Jacques Guilhaumou a insisté sur les mutations actuelles, notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne, en montrant comment la recherche française se situait par rapport à ces nouvelles tendances. Une version plus développée de son exposé sera publié prochainement dans la revue Genèses.

Calendrier des séances suivantes  : 

Présentation de la séance de Véronique Dimier (16/1/2000)

" L’assimilation comme moyen de gouvernement  :  réflexion sur un concept banni du discours colonial en France et en Grande-Bretagne, 1900-1950 ".

Dès les années 1890 le concept d’assimilation tend à être de plus en plus critiqué dans le discours colonial officiel français (J. Ferry étant l’exemple le plus significatif) au point d’ailleurs d’être remplacé par celui d’association (1905). En Grande-Bretagne également ce concept n’a pas bonne presse  :  il est d’ailleurs spécifiquement utilisé pour désigner la politique (forcément inférieure à la politique indigène britannique aux yeux des doctrinaires anglais) de la principale nation concurrente, la France. Les études jusqu’ici réalisées de part et d’autre de la Manche sur la période coloniale récente ont essentiellement tenté de voir si l’assimilation, en tant que politique, était différente de l’association, et plus largement si la politique coloniale française était différente de la politique coloniale anglaise. D’où d’ailleurs de nombreuses controverses sur le sujet, controverses qui portent essentiellement sur les buts mêmes de ces politiques et qui négligent un point essentiel  :  la signification même qu’a pu revêtir le concept d’assimilation pour les personnes qui l’utilisaient. La question que nous poserons donc ici sera sensiblement différente  :  pourquoi ce concept devient à un moment donné en France particulièrement méprisé (et il le restera jusqu’à la décolonisation) et pourquoi il reste en Grande-Bretagne lié à des a priori négatifs. Quelle est sa signification pour les grands doctrinaires de la politiques coloniales de 1900 à 1950 (notamment A. Sarraut, R. Delavignette, en France, Lord Lugard, M. Perham en GB) ? Comme nous le verrons, cette signification ne peut être comprise si l’on considère que la spécificité de l’assimilation pour ces personnes réside dans ses buts ( " rendre semblable "). En effet, l’idée de civiliser, objectif de la politique indigène anglaise selon Lugard, comme l’idée d’association selon A. Sarraut, n’avaient d’autre but à terme que de rendre semblable. Nous noterons également que les buts de l’association et de politique indigène devaient varier et évoluer en fonction de la vision que ces doctrinaires avaient des sociétés africaines. Avec la remise en cause dans les années 1930 des tendances évolutionnistes (très présentes chez Sarraut et Lugard) par l’anthropologie sociale et ses théories relativistes dont R. Delavignette et M. Perham se revendiquent, il ne s’agira plus tant de rendre semblable que de protéger les société africaines et leurs cultures contre les effets négatifs de la colonisation (acculturation) tout en leur permettant d’accéder à un mieux être social et économique (l’idée d’association et de politique indigène devient ainsi synonyme de développement), but très ambigu. Si les buts de la politique indigène et de l’association ont pu varier, les méthodes de gouvernement que ces concepts sous-entendent sont par contre similaires pour ces auteurs. A notre avis, ce sont ces méthodes qui, à leurs yeux, font la spécificité du concept d’association et de politique indigène par rapport au concept d’assimilation. Dans leur langage en effet, assimiler ne signifie pas seulement rendre semblable, il signifie " imposer " une culture, un droit étranger aux peuples colonisés. Il sous-entend une méthode de gouvernement basée sur la force, le droit, la contrainte, méthode issue de considérations juridiques ou philosophiques ; or ces moyens sont précisément indignes de nations dites " civilisées ". L’association et la politique indigène impliquent au contraire des méthodes découlant d’une démarche sociologique, passant par le respect (pour certains temporaires) et par la connaissance des sociétés colonisées, connaissance qu’il s’agit d’utiliser pour " attirer l’indigène jusqu’à nous ", l’influencer et le persuader (à la manière du gouvernement défini par M. Foucault).

Adresses électroniques des collègues intéressés par l’atelier  : 

 
mgiraud@easynet.fr
Jacques.Guilhaumou@newsup.univ-mrs.fr
merle@ehess.cnrs-mrs.fr
mariefrance.piguet@wanadoo.fr
ems8@is2.nyu.edu
pschor@elias.ens.fr
simon@ined.fr
tripier@paris7.jussieu.fr
pamela.lim@ens.fr
bruno@clipper.ens.fr
laureblevis@post.club-internet.fr
martine.kaluszynski@upmf-grenoble.fr
nikolska@clipper.ens.fr
damiendeschamps@yahoo.com
gottem@wanadoo.fr
nkiwan@clipper.ens.fr
noiriel@elias.ens.fr
israel@sociens.ens-cachan.fr
Veronique.Dimier@iep.upmf grenoble.fr
LADUBOIS@UMICH.EDU
karole.gizolme@aupelf.refer.org
Martine.Hovanessian@univ-paris8.fr
rachel.geiss@caramail.com
girollet@club-internet.fr

Je rappelle que toutes les séances ont lieu le jeudi de 10h30 à 12h30 à l’ENS 48 bd Jourdan Paris XIVe. La salle A5 étant en réfection, je suis à la recherche d’une autre salle. Je vous donnerai des précisions à ce sujet prochainement. En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à la loge ou au secrétariat du laboratoire de sciences sociales (Bât. B, 2e étage)

Gérard NOIRIEL

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