Séminaire Histoire sociale de l'immigration 1999-2000. Bilan de l'année écoulée
L'année écoulée fut à certains égards une année charnière. Nous avons durant celle-ci clos notre exploration des thématiques qui étaient au centre de nos préoccupations depuis trois ans, et entamé une réflexion collective, enrichie de contributions consacrées à des travaux récents ou en cours, sur l'état du champ destinée à faire émerger une thématique nouvelle et fédératrice ayant la même fonction pour les années qui viennent.
Les contributions de G. Massard-Guilbaud, consacrée au statut des travailleurs coloniaux, en particulier ceux originaires d'Afrique du nord, et de Nicolas Manitakis, qui s'est penché sur le statut des étudiant étrangers durant l'entre-deux-guerre prolongeaient nos travaux antérieurs. Elles ont permis de montrer qu'il fallait user, lorsque l'on s'interrogeait sur le statut des populations étrangères et/ou immigrées présentes en France d'une chronologie extrêmement fine. Les ruptures pertinentes lorsque l'on étudie les travailleurs étrangers ne le sont pas nécessairement lorsque sont observés les travailleurs coloniaux ou les étudiants. Cela conduit d'ailleurs à formuler l'hypothèse que n'existe pas en France durant l'entre-deux-guerres une politique de l'immigration ou des étrangers mais un ensemble de politiques sectorielles relativement autonomes.
Nous avons d'autre part entendu plusieurs chercheurs venus présenter des recherches en cours, tels M. Esch ou P. Sahlins, ou nous proposer un aperçu de l'état des recherches en leur domaine, ainsi M.C. Volovitch Tavarès pour l'immigration portugaise, voire de l'état de l'histoire de l'immigration en France, lourde tâche dont s'est chargée M.-C. Blanc Chaléard. Si ces contributions reflétaient la diversité des approches, des interrogations, voire des tempérament de chercheurs qu'accueille le champ, quelques thématiques, quelques questions, communes à beaucoup apparurent cependant. Parmi elles la volonté de réfléchir aux modalités de l'intégration ou de l'assimilation, paradoxalement ni le vocabulaire ni les concepts utilisés n'apparaissent encore très fixés en ce domaine, des populations issues de l'immigration. Si l'on se fie aux exposés que nous avons entendus, les interrogations en ce domaine sont d'ailleurs multiples. Apparaît la volonté de procéder à une réflexion et à une clarification conceptuelle, à laquelle d'ailleurs fait écho le séminaire organisé par Gérard Noiriel en ces lieux. Il semble d'autre part que nous ne sachions plus toujours quels sont les indices pertinents en ce domaine, ce n'est donc pas seulement la définition de l'assimilation et de l'intégration qui pose problème mais aussi le choix des indicateurs permettant de décrire celle-ci.
Le second thème dont plusieurs se sont fait l'écho est celui de l'existence et du fonctionnement de réseaux familiaux et sociaux au sein de l'immigration, réseaux qui peuvent parfois enjamber les frontières et ne pas concerner seulement le pays de départ et le pays d'arrivée. L'étude de ces phénomènes pour des périodes anciennes paraît cependant particulièrement difficile, pour des raisons pratiques, et du fait de la difficulté de repérer des sources pertinentes.
Autre constat, nous avons entendu beaucoup de communications consacrées à l'après 1945 ou à l'avant 1914, ce qui semble témoigner d'une volonté de s'éloigner des terrains bien balisés de l'entre-deux-guerres, voire d'une volonté de penser les phénomènes migratoires en longue ou en moyenne durée, qu'exprimait M.C. Blanc Chaléard dans un éditorial récent du Mouvement social.
Enfin, chacune des communications entendues faisait sa place à l'État, et plus précisément à l'État législateur, dont chacun soulignait le rôle clé dès qu'il s'agissait de réfléchir aux modalités de l'intégration des populations issues de l'immigration.
Philippe Rygiel