François Buton (CNRS / CURAPP), Nicolas Mariot (CNRS / CURAPP), Gérard Noiriel (EHESS)

INTRODUCTION A LA SOCIO-HISTOIRE

Lundi, 16h-18h. Salle 10, ENS campus Jourdan, 48 bd Jourdan, 75014 Paris (RER B Cité U ou M° 4 Porte d’Orléans)


Présentation

Un nombre croissant d’étudiants et de chercheurs français en sciences sociales, se réclament aujourd’hui de la « socio-histoire ». Néanmoins, on constate que ce terme est utilisé dans des sens très variables et fonctionne surtout comme un label, pour désigner des recherches qui se placent sous la bannière à la fois de l’histoire et de la sociologie. Le but de ce séminaire n’est pas d’aboutir à une définition officielle de la socio-histoire, ni de délimiter strictement un nouveau territoire de la science, mais plutôt d’encourager une réflexion collective permettant de clarifier ses usages et de rapprocher les chercheurs qui se reconnaissent dans ce type de démarche.
Nous ne pouvons plus nous contenter, en effet, d’une définition qui envisage la socio-histoire comme une forme d’interdisciplinarité associant l’histoire et la sociologie. La sociologie historique ou l’histoire sociale revendiquent aussi cette double filiation. C’est pourquoi, il faut insister sur le fait que la socio-histoire repose sur une combinaison des principes fondateurs de ces deux disciplines. Elle reprend à son compte la démarche des historiens, fondée sur une analyse approfondie des archives et sur une approche « compréhensive », insistant sur l’importance du contexte pour comprendre le passé. La socio-histoire emprunte à la sociologie son intérêt pour l’étude du « lien social » et son souci de la construction de l’objet de recherche, en rupture avec le « sens commun ».
Pour être plus précis, on peut délimiter le champ du savoir propre à la socio-histoire, en le situant au carrefour de deux grandes préoccupations. La première concerne les rapports passé/présent. Le socio-historien estime qu’on ne peut comprendre le monde actuel qu’en mettant en évidence son historicité et, inversement, il est convaincu qu’une bonne connaissance du présent est indispensable à l’historien.
La seconde concerne les rapports entre les individus. La socio-histoire s’intéresse aux relations que ces derniers établissent entre eux, en accordant une importance particulière aux actions à distance (médiatisés par la monnaie, l’écriture, le droit etc.). Elle envisage ces liens sociaux comme des relations de pouvoir, entre des acteurs qui occupent des positions inégales.
Dans la première séance du séminaire on reviendra sur l’histoire de l’histoire et de la sociologie pour montrer la contribution que ces deux disciplines ont apporté à la socio-histoire. Les autres séances seront consacrées à la présentation de recherches historiques empiriques qui permettront de tester la valeur heuristique de la définition retenue ici. Trois thèmes ont été privilégiés.
La première partie s’interrogera sur le processus social de nomination et de catégorisation des individus ; envisagé comme une relation de pouvoir permettant d’agir à distance sur l’identité des personnes et d’orienter leurs conduites.
La deuxième partie tentera de montrer comment les individus qui parlent (et surtout qui écrivent) au nom de l’Etat (notamment les préfets) « fabriquent » des personnages collectifs, comme « l’esprit public », « l’opinion », « le peuple », etc. On s’intéressera aussi aux problèmes méthodologiques que pose l’utilisation de leurs écrits par l’historien.
Dans la troisième partie on montrera que ces questions ne sont pas seulement politiques, mais qu’elles concernent aussi l’histoire culturelle. En définissant un « public » comme un groupe social reliant un auteur et ses lecteurs, on se demandera comment les « producteurs » de textes (les écrivains, mais aussi les éditeurs) s’y prennent pour influer à distance sur la réception des textes, en modelant ainsi les collectifs qu’ils cherchent à mobiliser avec leurs plumes.

Calendrier

1ère partie : Introduction et présentation du séminaire

7 novembre 2005 Genèse et définition de la socio-histoire (François Buton, Nicolas Mariot, Gérard Noiriel).

2e partie : Catégorisation et nomination

12 décembre 2005
La nationalité comme lien social (Gérard Noiriel, historien).

16 janvier 2006
Nommer la révolte. La qualification des « mutineries » de la Première Guerre mondiale : un enjeu de luttes (André Loez, historien).

20 février 2006
Désignation des catégories administratives et nomination des groupes sociaux : l’exemple des « handicapés sensoriels » (François Buton, politiste).

3e partie : La construction socio-historique de « l’état d’esprit »

27 mars 2006
Les préfets et l’invention de « l’esprit public » sous la monarchie censitaire
(Pierre Karila-Cohen, historien).

24 avril 2006
A propos de « la foule en liesse » (XIXe –XXe siècle) (Nicolas Mariot, politiste).

4e partie : L’ordre des livres : socio-histoire du public littéraire

29 mai 2006
La relation auteurs/lecteurs au début du XIXe siècle (à partir de la correspondance de Balzac et d’Eugène Süe) (Judith Lyon-Caen, historienne).

19 juin 2006
Pouvoir symbolique et réception de la littérature. Les essais politiques dans l’édition française de l’entre-deux-guerres (Philippe Oliveira, historien).

 

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