L'objectif de cette contribution est de proposer quelques hypothèses
pour analyser les usages émergents d'Internet dans les PME-PMI, en
particulier du point de vue de la dynamique des relations que cet outil
leur permet de tisser avec leurs partenaires (clients, fournisseurs,
prestataires...). La question du rôle des NTIC dans les relations
interfirmes a surtout été traitée dans le cadre de l'économie et des sciences
de la gestion. Dans la lignée de Porter, les travaux de gestion ont examiné
la production de la valeur tout au long des filières, les firmes
interagissant via différents régimes de transaction. Les recherches
en économie, autour de l'analyse des coûts de transaction, ont centré
l'attention sur les conséquences des NTIC sur les modes de
coordination (conduisent-elles à plus de marché ou plus de hiérarchie?), ou
sur les effets de disparition des intermédiaires qu'elles peuvent
provoquer. Ces approches doivent être complétées par une analyse de la
dynamique des réseaux de liens dans lesquels sont engagées les PME-PMI.
Pour suggérer l'intérêt de cette démarche, nous nous appuierons sur
quelques cas extraits de trois études qualitatives menées récemment au
laboratoire UCE, sur des PME et TPE (Très Petites Entreprises) et
portant respectivement sur les stratégies d'équipement en
télécommunications à la création, sur l'usage d'Internet large bande
(expérimentation ADSL en banlieue parisienne), et sur la création de sites Web
marchands.
La lecture des différents cas rend possible un premier repérage des
configurations caractéristiques de la place d'Internet dans le fonctionnement
de ces entreprises. On peut identifier dans la population des TPE un
premier type, celui des entreprises qui pensent leurs rapports aux réseaux
de télécommunications sur le modèle de l'accès à l'eau ou à l'électricité
(le moins cher possible et transparent). Leurs seuls équipements de
communication sont le téléphone et le fax, l'informatique étant dédiée à des
traitements de texte et des progiciels de gestion. Parmi ceux qui, au
contraire, s'investissent dans Internet, on trouve des TPE de services aux
entreprises ou des grossistes qui ont intégré les usages du mél et du Web
sous la pression de leurs partenaires. Enfin, on trouve, à l'autre
extrémité du spectre, ceux qui ont fait d'Internet une pièce maîtresse de la
stratégie par laquelle ils construisent les réseaux de relations leur
permettant de se développer.
Pour les PME utilisatrices d'Internet, on peut distinguer des usages qui,
au delà de la prise en compte de l'économie des filières ou de
l'abaissement des coût de recherche d'information, font sens dans
une approche structurale des réseaux. On peut ainsi s'interroger sur le cas
des PME situées plutôt en amont de la distribution, pour lesquelles
Internet permet notamment de rechercher des informations sur les prix et les
produits (nature, présentation) des concurrents.
Ces usages d'Internet se comprennent bien dans une logique dans laquelle les
ventes sont concentrées sur quelques gros clients privilégiés, qui
se fournissent également chez les concurrents: ce type de veille sur
l'état du marché est alors stratégique pour surveiller la force des liens
que l'on a construit avec ses clients... et repérer les liens que les
concurrents cherchent, de leur côté, à construire ou à renforcer.
À l'inverse de ces situations (et sans que les deux usages soient exclusifs
l'un de l'autre), on est confronté à des prestataires plus en aval, pour
lesquels Internet est essentiellement un dispositif permettant d'établir
des liens avec de nouveaux clients: leur problématique est alors de
vendre irrégulièrement des produits ou des services à un nombre relativement
important de clients finaux, d'où le primat de la recherche de débouchés
nouveaux, renforcé en cas de dépendance vis-à-vis d'intermédiaires pour une
partie de leur clientèle.
Le cas des entreprises investies dans le commerce électronique met en
évidence d'autres logiques. Pour l'offreur comme pour le demandeur, le
commerce par Internet se joue bien en effet dans les modalités de passage du
lien, au sens technique du terme («lien HTML»), au lien commercial,
c'est-à-dire à une relation dans laquelle les acteurs sont identifiés,
et conduisent leur engagement réciproque jusqu'à l'établissement effectif
d'une transaction. Les enjeux de ce passage sont tendus, dans une
situation dans laquelle la recherche du bon partenaire, la visite des
«boutiques virtuelles» et la validation des engagements ne tient parfois
qu'à quelques clics. La présentation et la discussion de quelques cas de PME
illustrant ces situations permettra de montrer l'intérêt d'une analyse fine
de la dynamique de construction des liens par Internet.
Ce document a été traduit de LATEX par HEVEA.