On ne peut ignorer les interactions propres à notre époque entre le
droit et les apports des nouvelles technologies, qui semblent provoquer de
profonds bouleversements dans l'ordre juridique établi, comme pour
toute avancée technologique substantielle. Confrontés à des usages parfois
déroutants, les théoriciens du droit ont une alternative, à défaut de
«laisser faire»: s'adapter à Internet à partir d'un terreau existant ou
créer des espèces inédites et voir naître de nouvelles racines, un droit
sui generis plus adéquat à la technologie visée.
Diverses opinions s'opposent au sujet de l'appréhension d'Internet
par le droit: les problématiques sont renouvelées à cause du caractère
transnational d'Internet, de la variété des contenus et de l'évolution très
rapide des techniques et de l'attitude des acteurs et utilisateurs.
Il est communément admis que les usages d'Internet ont une place
prépondérante sur le réseau des réseaux, qui ne connaît pas de frontières,
du moins matérielles. Dès lors, concevoir un encadrement juridique dans des
contextes nationaux distincts pour maîtriser une activité internationale
et immatérielle semble illusoire. Une telle absence de limites et de
frontières pourrait avoir pour conséquence que les régimes juridiques
nationaux, dépassés par cette technique, laissent le réseau
«s'auto-réguler» et respecter ses propres usages.
En l'espèce, c'est une réalité, les usages précèdent toujours
le droit sur Internet (cf. la «Netiquette»). Des règles
naissent, mais leur unification au niveau international paraît lointaine,
bien qu'une loi sur Internet sera débattue en France en l'an 2000. Mais
risque-t-elle d'apporter de nouveaux concepts juridiques? Il est permis
d'en douter, l'ensemble des textes à ce jour disponibles sur ce projet
se raccrochant invariablement à un arsenal existant, remettant par ailleurs
en cause la théorie selon laquelle Internet serait une zone de non-droit.
Ce propos peut être illustré par le régime juridique des noms de domaine:
leur caractère universel s'oppose aux principes de territorialité et de
spécialité du droit commun des signes distinctifs. Aucune transposition
de ces principes ne semble pertinente, les noms de domaine n'étant
finalement que des adresses ---certes, reprenant le plus fréquemment des
signes distinctifs déjà existants---, des moyens d'identifier et de
localiser un site Web.
Appliquer des solutions «rodées» ---adaptées à la spécificité d'Internet---
et émanant d'usages en apportant des éléments juridiques pertinents
semble être le régime le plus pertinent en la matière: Internet ne crée
pas de nouveaux problèmes juridiques, il ne fait que les amplifier et les
révéler. Ainsi en est-il pour le piratage, problème connu mais qui donne une
nouvelle dimension au phénomène de copie, ou encore pour les forums de
discussion transmettant des informations mensongères ou constituant des
atteintes à l'ordre public et aux bonnes moeurs.
La véritable régulation d'Internet sur laquelle il convient de méditer passe
ainsi par une application cumulative de divers modes de régulation. Elle
connaîtra cependant un réel essor si les acteurs d'Internet manifestent
la volonté de les promouvoir. On ne saurait se contenter du droit,
bien qu'il présente des «éléments de solution»; l'intégration des
réponses issues de la pratique et des usages est simplement
indiscutable.
Ce document a été traduit de LATEX par HEVEA.