AVIS INDISPENSABLE

SUR L’USAGE ET L’UTILITÉ DE CE DICTIONNAIRE

POUR LES PERSONNES QUI PARLENT, LISENT OU ÉCRIVENT LE FRANÇAIS

Le Dictionnaire Universel d’une langue doit contenir tous les mots

de cette langue qui représentent une idée.

 

 

Ce Dictionnaire, réellement universel, doit réformer (si l’auteur a atteint son but) tous les genres d’utilité générale et particulière qu’un Dictionnaire portatif peut offrir à toutes les classes d’AUTEURS et de LECTEURS nationaux ou étrangers qui connaissent ou qui veulent apprendre la Langue française.

Chacun des Dictionnaires français, indépendamment de leur utilité, a son mérite, ses richesses particulières; le Lecteur qui ne consulte qu’un Dictionnaire, se prive donc de ce que les autres renferment de plus; mais s’il en parcourt plusieurs, il reconnaît que, plus on a de livres, plus on a d’incertitudes qui ne pourraient être levées qu’en les consultant tous. En effet, ces Dictionnaires ne sont pas d’accord entre eux pour les Acceptions et les Définitions, encore moins pour l’Orthographe; les nomenclatures, en général, offrent un très-grand nombre de mots admis par les uns, rejetés par les autres; mots toujours nécessaires au Lecteur qui les voit dans un livre quelconque, et n’en connaît pas le sens.

L’Auteur de cet ouvrage a entrepris : I° de réunir sans confusion, pour les LECTEURS et les AUTEURS, tous les genres d’utilité, toutes les richesses communes à tous les Dictionnaires ou particulières à chacun d’eux; 2° de lever les incertitudes que l’on éprouve en consultant plusieurs de ces ouvrages; 3° de délivrer de la pénible nécessité de les consulter tous pour faire pour faire un choix ou fixer son opinion.

Il a rassemblé, pour y réussir, tous ces Dictionnaires; il les a comparés les uns avec les autres; il a noté toutes les différences d’Acceptions, de Définitions; d’Orthographe, recueillant avec soin tout ce que chacun d’eux donnait de plus, avec les citations de noms des Lexicographes; opposant le plus grand nombre au plus petit, ou l’autorité la plus respectable aux autorités plus faibles : il doit résulter de ce long et fastidieux travail, s’il a été bien fait, un EXTRAIT COMPARATIF DES DICTIONNAIRES , Extrait qui donne en même temps leur CONCORDANCES GÉNÉRALES, leur CRITIQUES et leur SUPPLÉMENT.

Ce travail n’aurait pas encore suffi pour atteindre le but proposé. Les Dictionnaires ont, en général, été stationnaires; ceux qui les ont publiés n’avaient pas consulté les ouvrages des bons Auteurs anciens, et encore moins les ouvrages des Modernes : cependant le génie des écrivains des 17e et 18e siècles, et du 19e, les progrès des Sciences et des Arts ont apporté de grands changements dans la langue, et l’ont enrichie ou modifiée; ils ont étendu ou éclairé les connaissances humaines : l’Auteur a recueilli dans les Écrivains anciens et modernes ces richesses, et particulièrement d’excellentes définitions négligées par les Lexicographes; il les a caractérisées et réunies à elles celles des Dictionnaires dont le sien est encore le SUPPLÉMENT sous ce nouveau rapport. (Voyez ci- après, page XV.)

Des écrivains célèbres, des Savants, des Philosophes, des Littérateurs, VOLTAIRE, FÉNELON, LOCKE, D’ALEMBERT, VAUVENARGUES, RIVAROL, etc. , etc. , ont regardé la rédaction d’un Dictionnaire comme un ouvrage assez important pour en faire l’objet de leurs méditations; ils ont reconnu que plusieurs genres d’utilité manquaient au Dictionnaires; mais aucun des Écrivains n’eut la patience ou le loisir d’entreprendre ce perfectionnement : l’Auteur a tâché de l’exécuter d’après leur plan : il a réuni les genres d’utilité désirés par ces grands écrivains et négligé par les Lexicographes; il les a combinés avec ceux des Dictionnaires existants, avec celui qui résulte de leur EXTRAIT COMPARATIF et de l’EXTRAIT des ouvrages les plus estimés dans tous les genres : de cette combinaison est né le plan entièrement neuf d’après lequel il a entrepris cet Ouvrage et choisi ses matériaux. Quoique livré tout entier à son exécution, il n’a pu le réaliser que par vingt-cinq années d’un travail assidu; il a successivement mis à jour ses tentatives, et l’accueil favorable que leur ont toujours fait le Public, les Journalistes et des Chefs de l’instruction publique, a soutenu sa patience et son courage. L’auteur avait souvent senti le besoin d’un tel Dictionnaire; il a tâché de le faire pour les autres, comme il avait souhaité qu’un autre l’eût fait pour lui.

Le rédacteur d’un nouveau Dictionnaire (de 1820), éditeur lui-même du Dictionnaire de l’Académie (en 1801), a cru pouvoir dire dans son Discours préliminaire : " Il n’est pas étonnant que nous n’ayons pas un bon Dictionnaire de notre langue, surtout si l’on considère la fausse route que l’on a prise pour recueillir les mots, les tours et les expressions dont la langue s’est enrichie successivement ". L’auteur ce celui-ci, n’ayant pas de plus ardent désir que de suivre la bonne route qu’il croyait tracée par ses prédécesseurs, et par les écrivains qu’il vient de nommer, s’était proposé, après examen, de suivre celle que ce Rédacteur aurait adoptée dans son nouveau Dictionnaire, avec d’autant plus de confiance, qu’il dit encore (page Vj) : " On ne nous taxera pas de beaucoup d’amour-propre, si nous pensons que notre ouvrage est meilleur que le vieux Dictionnaire de l’Académie, et que tous ceux que l’on a publiés jusqu’à présent… parce que nous avons abandonné l’ancienne routine qui s’opposait à une bonne exécution, pour prendre une route plus naturelle, plus facile, plus sûre, plus fertile en résultats utiles "; et meilleure même, par conséquent, que celle que ce Rédacteur avait suivie dans son édition de l’Académie (en 1801), route encore suivie par le Rédacteur d’un nouveau Dictionnaire (1823) que ce dernier dit également être le meilleur de tous.

L’auteur de celui-ci n’ayant d’autre but, d’autre espoir que de faire le moins imparfait, le mois incomplet, s’était donc déterminé, d’après ces annonces de Dictionnaires successivement meilleurs, au sacrifice de ses travaux qu’il regarderait comme nuls, s’il le fallait, prêt à les recommencer pour abandonner la routine et suivre la bonne route : il a, dans cette ferme intention, fait une étude particulière des nouveaux Dictionnaires; il a d’abord recueilli toutes les additions utiles, et profité quelquefois des mille à douze cents phrases critiques; puis s’apercevant I° que le Rédacteur du nouveau Dictionnaire oubliait que les mots, " les ensembles de lettres représentant une idée ", n’ont par eux-mêmes aucun sens naturel; et que leurs significations, leurs acceptions sont de simple convention, et que, d’après cet oubli, souvent ce rédacteur changeait leur sens, leur signification, leur acception; ce qui les rend nuls, inintelligibles, même dangereux; le lecteur ne pouvant imaginer, par exemple, entre plusieurs, que le verbe ÉRIGER signifiât, dans le nouveau Dictionnaire, changer en mieux la nature des choses; et que le hasard soit une combinaison de circonstances; et la lumière, ce au moyen de quoi sont visibles, ce qui fait le jour, ce qui fait que nous voyons; 2° que ce rédacteur oubliant encore, ainsi que son successeur, qu’un Dictionnaire doit offrir tous les mots, tous les ensembles de lettres représentant une idée, et n’offrir que ces mots, supprimait ainsi des mots employés même par La Fontaine, tels que Cuider; puis admettait des mots allemands, qui pour des Français ne sont représentants d’aucune idée; voyant que du reste il avait pris la même route que tous les Lexicographes antérieurs, parce qu’il n’y a réellement qu’une seule marche, l’ordre alphabétique des mots, leurs définitions, leurs acceptions usitées, en bon français : reconnaissant que ce rédacteur, pour s’écarter de l’ancienne routine, notamment celle de l’Académie (édit. de 1765, 1778, 1798 et 1801), avait souvent changé les définitions, et toujours remplacé les exemples par des fragments de phrases quelquefois fautives empruntées à des auteurs modernes et qu’il peut être permis de ne pas préférer toujours aux premiers rédacteurs du Dictionnaire de l’Académie; l’Auteur ce celui-ci crut pouvoir, avec sécurité, reprendre pour base la 5e édition, rédigée sur le plan, avec les matériaux de tous les bons Dictionnaires anciens et nouveaux et les améliorations exigées par D’ALEMBERT, VOLTAIRE, etc. , etc. (voyez page V).

Mais comme la réunion et la combinaison de genres divers d’utilité dans un format portatif, pouvaient occasionner beaucoup de confusion, augmenter les difficultés au lieu de les résoudre; l’Auteur a su éviter cet inconvénient en adoptant la méthode la plus claire, la plus précise : il s’est astreint à l’ordre le plus régulier dans la disposition de ses matériaux.

Aux AUTEURS, il donne les Mots, Acceptions, Définitions qui forment le corps de la Langue française, prise dans sa pureté académique, et recueillis dans les bonnes éditions du Dictionnaire de l’Académie ou dans les Écrivains les plus corrects, avec la citation de leur nom : il y a joint la Concordance, l’Orthographe, la Synonymie, le Latin et l’Étymologie des mots, l’indication des divers styles auxquels ils sont consacrés, celle de leur plus ou moins d’usage, et des observations critiques, lorsqu’ils en ont été l’objet : il offre ainsi les modèles à suivre et les fautes à éviter.

Aux LECTEURS, il donne, dans une nomenclature immense, mais bien caractérisée par des citations, tous les Mots du langage ancien et moderne, de l’Archaïlogie, de la Néologie et du Néologisme; tous les termes de Sciences, Art, Métiers, Manufactures, etc. , qui peuvent les arrêter dans la lecture des livres écrits en français, ou dans celle des feuilles périodiques : il les a fait suivre de leur définitions et acceptions : il indique les mots qui, rigoureusement parlant, ne sont pas français; et, soit pour les AUTEURS, soit pour les LECTEURS, il devient, sous ces deux rapport, véritablement indispensable.

 

GENRE D’UTILITÉ DE CET OUVRAGE.

 

Les différents genres d’utilité de ce Dictionnaire ne peuvent être reconnus et sentis qu’en suivant l’exposé du travail pour sa rédaction, et parcourant des exemples pour chaque genre d’utilité : ils justifieront successivement l’exactitude du titre.

EXTRAIT COMPARATIF, CONCORDANCE CRITIQUE ET SUPPLÉMENT DES DICTIONNAIRES

ACCEPTIONS. - Le Dictionnaire de l’Académie, édition de 1762, et toutes les éditions postérieures, calquées sur elle, avec quelques améliorations, seront toujours à la base de tous les bons Dictionnaires français, parce qu’il fut rédigé à l’époque où les formes de la Langue étaient fixées par les plus grands écrivains : l’Auteur a donné la NOMENCLATURE, l’EXTRAIT des définitions et acceptations de ce Dictionnaire; mais, comme ces acceptations ont subi de grandes variations, comme ces définitions sont souvent incomplètes, il a intercalé dans cette analyse les additions nécessaires et les nuances diverses d’acceptations reçues. Il a joint de plus, à chacune de ses définitions ou acceptations qui le comportent, des exemples de locutions usitées, épistolaires, familières même, placés entre (…. .), et dans lesquels le mot de l’article est représenté par un (—); enfin, et pour obtenir le résultat le plus satisfaisant possible, il a encore ajouté, à ces diverses augmentations, un choix de phrases substantielles, ou PENSÉES tirées des meilleurs auteurs (Voyez ci-après la table des Auteurs). Ces phrases, modèle d’élocution, complètent son travail, en offrant l’exemple à la suite du précepte : il les a placées, en caractère italique, en mettant le mot de l’article ou , sujet en romain.

Les chiffres 1, 2, 3, placés en tête de ces exemples, et qui se trouvent répétés à chaque définitions indiquent, la corrélation qui existe entre les exemples et les définitions ou acceptions qui en ont été données précédemment. (Voyez la Table des Abréviations, l’avis sur la sixième édition, et le Dictionnaire.)

I. Exemples d’intercalations.

ABSTRAIT, e, adj. -tractus. séparé par l’abstraction intellectuelle; (idée — e), métaphysique qui présente un attribut séparé du sujet : ex. la bonté du cœur; détaché des choses sensibles (être, ame); difficiles à pénétrer; profond; contemplatif, plongé dans la méditation; vague, distrait; qui ne s’attache à rien de réel: —, (imagination, pensée —); sans application à son sujet; trop éloigné des idées communes; tout occupé d’un seul objet, et distrait du reste; t. de math. (quantité —) considérée sans égard à sa valeur spéciale. —, s. m. l’opposé de concret, (syn.) etc.

MARINE, s. f. science de la navigation sur mer; tout ce qui la concerne; vaisseaux, etc.; ce qui fait la puissance navale d’une nation; corps des marins; odeur, goût de la mer; plage, côte de le mer : t. de peint. tableau de la mer, d’un port, d’un vaisseau, etc.

RÉSOUDRE, v. a. -solu, e, p. Resolvere. faire cesser la consistance, l’union entre les parties; amollir; — faire prendre une résolution; déterminer (à); (de), Statuere. former un projet; arrêter, décider (— une question); casser, annuler; dissiper; réduire, changer en. —, v. n. prendre une résolution (— de faire); – de quelque chose, prendre un parti, faire un choix [Corneille. Voltaire.]. (se —), v. pers. (à), se déterminer, se résigner; prendre un parti [Voltaire.]; se dit absol.; être dissous; s’amollir; se réduire (les sels se résolvent en terre); se dit fig.; v. pron. être résous (cette substance ne peut se —); consister (se dans…). Voy. Résous.

II. Exemples de compléments de définitions.

AFFAISSEMENTs. m. Depressio. état de ce qui est affaissé; abaissement par pesanteur; (fig.) accablement, faiblesse. B. Afais-. B.

FANTAISIE, s. f. Voluntas. Imagination; faculté imaginative, t. didact.; esprit; idée fugitive, bizarre (avoir une ou des —s; il lui prit — de…); humeur; choix, vœu, envie, désir, volonté (vivre, agir à sa —); volonté passagère (pure —); —, opinion, sentiment, goût précaire (satisfaire ses –s); désir frivole, momentané; caprice, boutade, bizarrerie (plus usité) (— ridicule; être plein de —s); —, objet de fantaisie (acheter des —s; fig. , famil.); chose inventée, faite à plaisir, d’après un caprice, une idée, une inspiration du moment, et contre la rigueur des règles.

TÉMOIN, s. m. Testis… —, qui prouve, atteste qu’une chose est (— de l’effet d’un remède, de l’influence magnétique, galvanique, électrique); —, spectateur; marque, monument (monument — de la sottise de nos aïeux); ce qui sert à faire connaître, juger, estimer, retrouver, etc. , se dit absol. , pl. défaut de la tonte du drap; buttes laissées après le déblai; bord non coupé de livre; pierre placée à dessein sous une borne. N. (syn.)

III. Exemples de définitions nouvelles ou complétées.

ACIDE, s. m. Principe acidifiant, combinaison de l’air vital, ou oxygène, avec un combustible; substance d’une saveur aigre et piquante, qui fait effervescence avec les alcalis, les matières calcaires, et teint le bleu végétal en rouge, etc.

ÉLECTRICITÉ, s. f. -tas… fluide incoercible très-actif, quoique presque toujours invisible, qui se manifeste surtout par le frottement, le contact; forme la foudre. (Elektron, ambre jaune. gr.)

VITRIOL, s. m. Chalcantum. sel astringent formé par l’union d’un métal avec l’acide vitriolique; . . sulfate, voy. Ce mot. -le, s. f. pariétaire.

Quelquefois ces définitions, ou trop abstraites, ou trop longues, ont été refaites en entiers, sans en altérer le sens.

IV. Exemples de définitions refaites.

DÉCHAUSSER, v. a. Excalceare. mettre les jambes et les pieds nus; ôter la chaussure; dégarnir le pied, la base, les fondations; l’enveloppe du pied, etc. (se —), v. pers. ôter sa chaussure.

ÉMETTRE, v. a. -mis, e, p. produire; publier; faire circuler. — un appel, l’interjeter. — un vœu, l’exprimer, le faire.

RÉCOMPENSER, v. a. -sé, e, p. Remunerare. (de), reconnaître une bonne action, etc. par des bienfaits (— quelqu’un, une belle action; — des services; en — l’auteur); compenser; dédommager (— des pertes, des sacrifices); punir; (se —), v. pers. se dédommager; se donner de récompense; v. pron. Être récompensé.

On pourra reconnaître à l’ouverture du livre, et en le comparant avec les autres Dictionnaires, que les définitions y sont, en substance, plus étendues que dans aucun d’eux, même dans les in-folio. Voyez les mots Acide, Bois, Corps, Coup, Eau, Herbe, Terre, puis tous les verbes.

LOCUTIONS. — Le Dictionnaire de l’Académie renferme toutes les locutions familières ou proverbiales de la Langue française, usitées lors de sa rédaction; mais plusieurs sont actuellement oubliées; on ne les retrouve même pas dans les auteurs comiques : cet ouvrage ne présente donc que celles dont on se sert encore dans la conversation, ou que le Lecteur étranger peut trouvé dans les recueils épistolaires et dans ces auteurs comiques.

V. Exemples de locutions familières.

ABOYER, v. n. -yé, e, p. Latrare. japper (— après ou contre les voleurs; — aux voleurs). v. a. (— les passants); (fig. , fam.) médire, pester, crier après quelqu’un, le poursuivre importunément; le blâmer, le reprendre avec aigreur; c. désirer ardemment (— après une succession); A. (suran.) — à la lune, crier inutilement contre quelqu’un. A. AL. (inus.)

MÉTIER, s. m. Arts. Profession d’un art mécanique (bon, rude, mauvais — pénible, difficile , lucratif; faire son, un, le —; apprendre, exercer son —; être de tel —); (fig.) famil. conduite, suite d’actions; ironiq. plus usité. (joli, vilain — à se faire pendre); profession; machine qui sert à manufacturer (des bas, etc.); corps d’artisans. fig. écrit, ouvrage sur le —, commencé; (famil.) plat de son —, adresse, subtilité du métier; tour de son —, adresse, subtilité du métier…

OS, s. m. Os. Partie du corps, compacte, dure, solide, insensible qui soutient et unit les autres parties (gros, petit — dur, long, mol); t. de véneries, ergots : (fig. , famil.) faire de vieux —, vivre long-temps; laisser un — à ronger, susciter un embarras; donner un — à ronger, accorder une faible grace pour amuser, pour tromper le désir, l’attente.

CONCORDANCE GRAMMATICALE. — Le Dictionnaire de l’Académie est grossi par des colonnes entières d’exemples; il est impossible et peu nécessaire de les rapporter, ces exemples n’ayant d’utilité que parce qu’ils offrent la Concordance grammaticale des mots : l’Auteur a analysé et réduit ces exemples à cette concordance; les verbes sont toujours accompagnés des prépositions ou conjonctions qu’ils gouvernent.

VI. Exemples de l’accord des verbes avec les prépositions, etc.

DÉSIRER, v. a. –ré, e, p. –cupere. avoir envie, désir (— faire, ou de faire; — que). (diffi.)

ESPÉRER, v. a. et n. –ré, e, p. Sperare…. (ex. de la bonté du prince). — en Dieu; — que l’on fera, et non de faire, (syn. diffi.)

SITUER, v. a. Ponere. placer, poser. –tué, e, p et adj. (maison — à mi-côte, sur le bord, dans un vallon; bien, mal —).

UNIR, v. a. –ni, e, p. Aequare. (à) joindre deux ou plusieurs choses ensemble… (— avec).

Un grand nombre d’adjectifs et de substantifs sont ordinairement alliés les uns aux autres : on ne peut rompre ces alliances sans tomber dans la bizarrerie, l’obscurité; le génie seul a pu leur créer de nouvelles : ces mots sont rapprochés dans cet ouvrage.

VII. Exemples de l’alliance des substantifs et des adjectifs.

ÂME, s. f. Anima…. Végétative, qui fait croître les plantes. — sensitive, des animaux . raisonnable; (fig.)— damnée…

DÉGOÛT, s. m. Fastidium. manque de goût, d’appétit; (fig.) aversion pour un être; répugnance pour un aliment, etc.; (fig) pour le travail, l’étude, la lecture (avoir un grand — continuel; il lui a pris un furieux —); famil. Un terrible —, un — étonnant pour…)…

La génération des idées, le goût et le goût, servirent à faire connaître les cas où le substantif doit être précédé ou suivi de l’adjectif.

VIII. Exemple de l’alliance des adjectifs et des substantifs.

ÂPRE, adj. 2 g. Asper. rude au goût (poire —); … au toucher, qui fait une impression désagréable; incommode au toucher, raboteux; (peu usit.) difficile à monter (chemin —); (fig.) (feu —), ardent; violent (réprimande —); rude, incommode, difficile (humeur —); désagréable; avide (homme —, cupide; chien —, ardent) : qui se porte avec ardeur à…

DÉLICAT, e, adj. –tus. aisé à blesser, prompt à s’alarmer; délicieux, fin agréable au goût, à l’esprit, exquis (mets, vin, table —); (fig.) fin (goût—); qui s’aperçoit aisément des qualités; sensibles, à la douleur, au plaisir, en général; scrupuleux; délié, fin, faible (trait, teint, peau, travail —); l’opposé de grossier (tissu, contexture; (fig.) pensées, réflexion, idée, remarque); l’opposé de robuste (personne, tempérament, santé —); (fig .) difficile à contenter (personne, esprit —); difficile à juger, décider, conduire (affaire, chose), difficile à faire, à remplir, à exercer, etc. (fonction, mission… —e).

ROIDE, adj. 2 g. Rigidus. fort tendu; difficile à plier (corde, étoffe, taille, bras, etc.); (fig.) opiniâtre, inflexible, dur (esprit, caractère, style —, personne —); difficile à monter (escalier)…

VIRGINAL, e, adj. –lis; (modestie, pudeur, corps —), qui appartient à une vierge…

Voyez les adjectifs Bon, Mauvais, Grand, etc.

Les adverbes sont placés ou devant ou après les verbes ou les adjectifs, pour exprimer les manières de faire, d’être, d’agir; des exemples de leur emploi le plus usité sont donnés pour chacun dans le Dictionnaire.

IX. Exemples de l’emploi des adverbes.

COMPLAISAMMENT, adv. Indulgenter. avec complaisance (écouter, céder —).

HONNÊTEMENT, adv. Honestè. d’une manière honnête (vivre —); avec honneur, probité (agir, se conduire —), avec civilité (parler, répondre —); suffisamment (famil. payer, récompenser, vendre —); passablement (manger —); beaucoup, extrêmement (— laid, vendu —, cher). (ironiq.)

NOTOIREMENT, adv. Manifestè. évidemment, manifestement (— faux, vrai).

VIVEMENT, adv. Strenuè. avec ardeur, vigueur; sans relâche (agir, parler, presser, solliciter —); …

Les alliances extraordinaires de mots, créées par les meilleurs Écrivains ou données par les dictionnaires, ont été remarquées.

X. Exemples d’alliances extraordinaires de mots.

ÂCRE, adj, 2 g. Acer. (goût —), piquant, mordicant, corrosif (bile, pituite, suc —); (fig.) humeur, (baiser — [J. -J. Rousseau.]).

HORRIBLE, adj. 2 g. -bilis. qui fait horreur (mort, spectacle, monstre, homme, action —, supplice —); excessif, extrême en mal : (faute, froid, laideur, inquiétude, peur — chemin —); (soldat) — de fer et de sang. [Montaigne.]

PÉNIBLE, adj. 2 g. Operosus. (pour, à) qui donne de la peine (travail, entreprise, fig. situation —); (chemin —), difficile, (plaisir —s) [Fontenelle.]; ce qu’il y a de — (voilà le —, famil.).

TIRER, v. a…. à quelqu’un, pour quelqu’un [Voltaire.]; … s’en —, pour se — d’embarras, réussir, venir à bout de… (voyons comme il s’en tirera)….

SANGUINAIRE, adj. 2 g. -narius. cruel, inhumain (homme, humeur —)….

XI. Exemples de l’usage des prépositions

DE, prép. de rapport, de lieu (de Rome), partitiv. particule extractive (morceau de pain); particule distinctive, désignative (prenez de cela); (prodige de vertu); pendant, durant (partir de nuit); sur, touchant (parler de…); à cause de (satisfait de…); par(aimé de tous); depuis (de Rome à Paris); quelque : indique la matière d’une chose (fil de fer); la relation (parent, ami de…); la propriété (le livre de Louis); les qualités personnelles, l’état (homme de bien, de lettres); la destination (cour de justice, etc.); la cause (mourir de douleur); lie le substantif et l’adjectif (drôle de corps); précède les adverbes et les prépositions, de près, de loin, de là, d’hier; est adverbial avec ces mots : de travers, de côté, de concert, de vue etc ?; lie les verbes (finir de lire), les adjectifs et leurs relatifs (il est difficile de…; couvert de plaies, comblé de biens); désigne l’action (penser avant de parler; il a résolu de dire). — par, adv. par l’autorité, au nom de. de pour de ce que, de cela, etc. , commence des phrases (de ce que vous dites, etc.).

POUR, prépos. Conjonct. Pro. à cause; ou en la considération de (il l’a fait — vous seul); en faveur de, en change de, au lieu de (donner — tel prix); par rapport à; afin; contre (— la fièvre; haine —); moyennant un prix, en échange de (donner — un diamant); eu égard à, par rapport à (habit froid — la saison); à ou en la place de (s’offrir — un autre); au lieu de (jouez — moi); comme, de même que; en qualité de; pendant (— deux heures); de quoi (— satisfaire); —, quelque, (vi . , inus.); quant a : marque l’origine, la cause, la parti, l’engagement, l’intérêt (— le roi, etc.); le motif, la cause finale, la destination, la convenance, la suffisance (il y en a — pour tous); l’état, la disposition (trop faible — marcher); l’échange, le troc, la comparaison (homme — homme); s. m. le — et le contre, l’avantage et le désavantage, etc.; — l’heure, adv. présentement. RR. — lors, prépos. lors. — peu que, si peu que (— peu que vous parliez, etc.); —, marque l’obligation; — ainsi dire, adv. pour s’exprimer ainsi.

SUR, prép. Super. marque la situation d’une chose posée sur une autre… (— terre)….

Plusieurs auteurs ont fait des observations critiques sur les principales éditions du Dictionnaire de l’Académie : celles qui sont bien fondées ont été recueillies.

XII. Exemples d’observations critiques.

POSTURE, s. f. Status ……(fam.) se mettre en — de faire (vicieux.) [Desfontaines.]

PENSIONNAT, s. m. pension (gasconisme.); …. G.

Cette analyse des exemples de l’Académie pour l’accord des mots, et de la citation des acceptions admises par de bons auteurs, donne le système général de la concordance des mots de la Langue; il forme un genre particulier d’utilité de ce Dictionnaire, et justifie le titre MANUEL DE GRAMMAIRE.

Deux éditions du Dictionnaire de l’Académie ont été, depuis sa destruction, publiées avec de nombreux changements; l’Auteur en a fait également l’Extrait, le rapprochement et la combinaison entres elles et avec les éditions antérieures de l’Académie; il en a désigné les additions et les variantes avec ces signes : A. pour celle de 1798, AL. Pour celle de 1801, du nom de M. Laveaux, son éditeur.

Tous les autres Dictionnaires de la Langue ont été l’objet d’un travail pareil, en commençant par les plus estimés, ceux de TRÉVOUX et FERRAUD; puis ceux de RICHELET, RESTAUT, GATTEL, WAILLY, etc. etc. L’Auteur les a toujours comparés entre eux, puis un seul avec tous; il en a fait une abondante récolte de Mots, d’Acceptions, de Définitions, et surtout de variantes d’Orthographe. Ce rapprochement établit une critique générale, en opposant des majorités à des minorités, à des autorités seules.

XIII. Exemples de critique née du rapprochement des autorités.

AMBOUTIR, v. a. -ti, e, p. faire bomber… AL. C. R. G. V. CO. Emb-. G.

MAGASINER, v. a. -né, e, p. mettre en magasin. G. C. R. mieux : Emma. G.

VENDREDI, s. m. 5e jour de la semaine; 6e jour de la férié; 6e jour de la semaine. R. G. C.

Le VOCABULAIRE, le GLOSSAIRE FRANÇAIS, les DICTIONNAIRES DU VIEUX LANGAGE, ont été également extraits. Ces anciens Dictionnaires fourniront l’explication de beaucoup de mots employés par des Auteurs tels que JOINVILLE, MAROT, BRANTÔME, CLOTILDE, dont la lecture est encore recherchée surtout par les étrangers, qui s'attachent moins que nous au style et plus à la pensée ou aux images; et, pour ne négliger aucune source, le même travail a été fait sur les Dictionnaires français étrangers de COTGRAVE, BOYER, alberti, SCHWAN, etc. etc; et c’est principalement dans ces ouvrages qu’il a recueilli un très-grand nombre de mots anciens ou extraordinaires, dont l’explication est nécessaire pour ceux qui lisent nos vieux Auteurs ou les Écrivains étrangers qui ont écrit en français.

XIV. Exemples de mots du vieux langage.

ABÉLISER, v. a. -sé, e, p. charmer, enchanter.

ADOLER, v. a. -lé, e, p. (vi.) chagriner, affliger quelqu’un; se plaindre. Adolorer. [Perceval.]

ÉTRIVIER, v. a. lutter. [Amyot.]

PHAÉTONISER, v. a. hasarder; risquer. [Cholières.]

PIÉÇA, adv. (de), il y a long-temps. (vi.) [Tressan.]

RAPIÉCEMENT, v. m. action de rapiécer, son effet. [Montaigne.]

SÉDER, v. a. apaiser, dissiper. [Rabelais.]

Il est un grand nombre de ces mots que leur énergie peut faire regretter.

XV. Exemples de vieux mots énergiques.

FRISSEMENT, s. m. sifflement d’une flèche. (vi.)

MATRASSÉ, e, adj. (soldat—), moulu de coups. [Henri-le-Grand.]

RÉCIDIVE, s. et adj. 2. g. qui renaît (vampire —).

SERPENTE, e, adj. (salut, inclination —), (fig.) d’hypocrite, de séducteur, de courtisan. [Montaigne.]

TITUBANT, e, adj. chancelant. [Montaigne.]

TRÉMEUR, s f. -mor. terreur, frayeur, crainte, anxiété. [Sévigné.]

Plusieurs autres rejetés par la Langue française, ont été recueillis par les Langues étrangères qui les conservent encore.

XVI. Exemples de vieux mots adoptés.

DÉSAPOINTER, v. a. rayer du rôle des officiers ou soldats apointés; ôter, couper les points de fil qui fixent les plis d’une étoffe; manquer de parole à quelqu’un; frustrer ses espérances; C. —, contrarier, tromper dans l’attente. -té, e, p. (fig.) être —, dérouté, trompé, contrarié; au propre, ne trouver personne au rendez-vous. Voy. Apointer. [Amyot. Montaigne.] (vi, adopté par les Anglais.)

NON-SENS, s. m. pl. phrase qui n’offre aucun sens, AL. absence de jugement, ses effets. [Voltaire.] (repris de l’anglais.)

REPENTI, s. m. repentir, v. -ti, e, s. repentant [Corneille.](vieux, mais bon.) [Voltaire.]

SOULOIR, v. n. avoir coutume. (vi.) [Amyot.] Voy. -ler.