INTRODUCTION

Les linguistes et grammairiens modernes n'ont, quelle que soit l'école à laquelle ils se rattachent, que fort peu de considération pour la grammaire française des années 1800 à 1914. On estime généralement, non sans quelque raison, que cette époque qui voit naître la grammaire historique, la grammaire comparée et la dialectologie n'a pas laissé d'oeuvres durables en linguistique synchronique, à l'exception de la phonétique. Sur le plan de la grammaire française, on y observe deux phénomènes, d'ailleurs liés : la disparition progressive de la grammaire générale, et un développement considérable d'une grammaire scolaire liée non plus à l'enseignement du latin, comme au siècle précédent, mais à la pratique de l'orthographe.

Ce qui caractérise fondamentalement cette période, c'est que la théorie grammaticale qui se développe à l'école devient la "théorie" dominante. Personne, de l'extérieur, ne va tenter d'en interrompre la progression : et les débats, nombreux d'ailleurs, auxquels on assiste, se déroulent toujours entre théoriciens de la grammaire scolaire. Leur tâche consiste, dans cette période de scolarisation et d'alphabétisation de la France profonde, à découvrir les solutions théoriques et pratiques pour enseigner les principaux accords du français. Vient au premier rang le problème du participe : les enseignants du XIXe siècle sont d'abord des "marchands de participes". Ils ne tardent pas à se rendre compte que, pour parvenir à leurs fins, l'analyse grammaticale et l'analyse logique, dont ils trouvaient les premiers éléments chez les grammairiens philosophes du siècle précédent, leur sont d'un précieux secours. Et à l'époque de la loi Guizot (1833), la double analyse, encore bien différente de ce qu'on entend par là aujourd'hui, est imposée aux aspirants au "brevet de capacité" ; et elle va devenir inséparable de la grammaire.

De par leur contenu, ces manuels diffèrent fort peu les uns des autres, à une époque donnée. Qu'ils s'intitulent Analyse, Grammaire, Orthographe ou Participes, ils véhiculent tous la même vulgate, les mêms procédures, les mêmes exemples, à peu de choses près.

L'abondance de la production est donc beaucoup moins justifiée par l'innovation théorique que par les commodités pédagogiques, voire par le goût du lucre. Et Chapsal, le plus célèbre grammairien du siècle tirera une partie de ses revenus, considérables au demeurant, des procès, des procès qu'il intente pour contrefaçon à des concurrents qu'il estime déloyaux.

Ces circonstances expliquent le peu d'intérêt qu'a suscité la production grammaticale de cette longue période. Le catalogue des grammaires françaises de Stengel(1) s'arrête en 1799, et personne n'a, jusqu'à présent tenté de lui donner une suite. On trouve bon nombre d'indications dans les notes de l'Histoire de la Langue Française de Ferdinand Brunot ; mais l'hostilité qu'il témoignait, et plus encore son continuateur Charles Bruneau, à la tradition grammaticale du XIXe siècle, ne les a pas incités à présenter des dépouillements systématiques. Et les manuels bibliographiques plus récents, celui de Wagner(2), ou celui de Robert et Eveline Martin(3), négligent totalement cet énorme corpus grammatical.

C'est ce corpus qui est présenté, dans un ordre chronologique, à partir de 1800 : ce répertoire s'emboîte donc exactement sur celui de Stengel. Il est, pour chaque année, ventilé sur sept rubriques, toujours présentées dans le même ordre.

La première (codée GR) constitue à proprement parler le répertoire des grammaires proprement dites, qu'elles se presentent comme telles, ou comme des cours de langue française. C'est là qu'apparaissent toutes les grammaires générales dont j'ai pu retrouver la trace.

Deuxième rubrique (OR), celle des manuels d'orthographe qui offrent souvent, sous un titre différent, un contenu exactement identique à celui des précédents. Évidemment seule nous intéresse l'orthographe dite "grammaticale", à l'exclusion de l'orthographe d'"usage".

A partir de 1811, mais surtout après 1825, sortent des manuels d'analyse grammaticale et d'analyse logique : un total de 127 pour l'ensemble de cette période. Ils seront codés AGL.

Le gros problème d'orthographe est celui de l'accord des participes : et les nombreux manuels qui le traitent (presque 100) adordent en général la théorie syntaxique de la grammaire scolaire. On les regroupe sous le signe PP.

Certains ouvrages réunissent sous un même titre et une même reliure l'ensemble des disciplines scolaires, ou un assortiment de plusieurs d'entre elles ; ces manuels pédagogiques, ou ces "Grammaire et arithmétique" se retrouveront dans la cinquième rubrique, codée MP. Mais le relevé qui trouve place sous ce sigle est tout à fait lacunaire. Les titres d'ouvrages sont en effet trop peu explicites. Qu'on en juge en effet. Un ouvrage intitulé Manuel peut recouvrir des contenus très différents : Le Nouveau manuel complet des écoles primaires de Castéra (1812) se borne à l'apprentissage de la lecture, qui est en dehors de notre champ. Le Manuel d'enseignement pratique des sourds-muets de Bébian (1827) est une grammaire, tandis que les deux Manuels de la méthode d'enseignement mutuel de Nyon (1816) et d'Appert (1821) ne donnent que les réglements généraux ou les méthodes pédagogiques.

Dans l'impossibilité où j'étais de procéder à toutes les vérifications, j'ai écarté les Cours de pédagogie, ou de méthodologie, les Traités des écoles primaires, et tous les Manuels ou Guides pratiques des instituteurs, ou des écoles. Et je me suis contenté des ouvrages dont j'étais à peu près sûr qu'ils comportaient bien une partie "Grammaire" : manuels de brevet de capacité, mémentos du certificat d'études, ou cours complets d'études. J'ai donc certainement laissé échapper un bon nombre de titres. Dans les 20 dernières années de notre période, par ailleurs, se développe une nouvelle formule : dans un même manuel scolaire, sont regroupés tous les ingrédients de la classe de français, non seulement la grammaire mais conjugaison, orthographe, récitation, lecture, rédaction, vocabulaire (ou lexicologie). Ces titres sont renvoyés à la première rubrique.

Outre l'orthographe, la grammaire scolaire a affirmé dès le début du XIXe siècle, sa vocation à régir l'enseignement de la ponctuation. L'analyse logique, en particulier, la première analyse logique du moins, celle de Noël et Chapsal, s'intéresse de très près à la question. On trouvera donc dans une sixième rubrique (PO) les 17 manuels consacrés à la question.

Une rubrique "Divers" (DI), enfin, réunit des études sur les différentes parties du discours, des ouvrages de critique ou de polémique consacrés à des titres des six précédentes rubriques, et des textes sur l'enseignement scolaire de la grammaire.

Problèmes d'identification

Chacune des notices du catalogue vise à donner, en principe à la date de la première édition, un descriptif relativement complet de l'ouvrage :

- NOM de l'auteur. Si les sources divergent, c'est au catalogue, ou au fichier de la Bibliothèque Natinale qu'on a laissé le soin de trancher. La divergence est signalée entre parenthèses.

- PRÉNOM, réduit à une initiale lors d'une seconde occurence du même auteur dans la bibliographie.

- FONCTION, si elle est signalée au catalogue de la B.N. (mais mon relevé n'a pas été systématique).

- les éléments essentiels du TITRE, qu'il est trop souvent impossible de donner in extenso, vu sa longueur (une page entière, dans certains cas).

- LIEU de publication, et indication d'éditeur, voire d'imprimeur. certains titres me sont parvenus sans ces mentions : je n'ai pas toujours cru devoir les écarter pour autant.

- NOMBRE de PAGES, jugé généralement peu indicatif. Il a ici un certain intérêt, surtout contrastif, car il permet souvent de distinguer des manuels de niveaux différents.

- DERNIERE ÉDITION de l'ouvrage, signalée avec sa date après le signe //.

- en outre, pour faciliter l'identification des quelques deux cents ouvrages anonyme que compte la bibliographie, j'ai précisé leur COTE à la Bibliothèque Nationale ou, éventuellement, à la Bibliothèque de l'I.N.R.P. Ces indications sont rassemblées dans un index que l'on trouvera à la fin du volume.

Les ouvrages ici relevés ont très souvent donné lieu, en leur temps, à des comptes rendus dans des périodiques pédagogiques ou grammaticaux, voire dans des revues plus spécialisées. Le travail de dépouillement reste à faire : les données très sporadiques dont je disposais n'ont pas été reportées dans les notices.

L'établissement des notices pose au moins trois problèmes délicats pour ce qui est de l'identité" du livre de grande diffusion, et en particulier du livre scolaire et deux questions annexes.

1 - La recherche de la Première édition. Dans de très nombreux cas, l'édition la plus ancienne attestée dans les sources auxquelles j'ai eu accès (cf. ci-dessous), est la 2e, la 3e, voire la 6e ou la 10e édition. Par exemple la Grammaire mnémonique de Montry, dont plusieurs sources, et mon exemplaire personnel, donnent : "Sixième édition" (1836). Impossible de remonter plus haut (et pas d'édition ultérieure). Deux solutions à ce petit mytère. La première : les cinq éditions précédentes n'ont jamais existé, et l'auteur a voulu dès le début lancer son ouvrage comme un best-seller confirmé. La pratique semble avoir été courante. Elle est évoquée, contre Chapsal, par ses détracteurs (cf. notice n° 686, préface p. V). Deuxième solution : le dépôt légal, surtout pour les ouvrages de province aux prétentions souvent uniquement locales, ne semble pas avoir été toujours respecté ; et du même coup la Bibliographie de la france ne fait pas mention de l'ouvrage. La célèbre Grammaire des grammaires de Girault-Duvivier (1811) n'entre à la Bibliothèque Nationale qu'à sa 9e édition (1840). J'ai donc signalé l'édition la plus ancienne à laquelle je pouvais remonter.

2 - Autre cas de figure du même problème. Il arrive qu'un ouvrage donné par la Bibliothèque Nationale et par la Bibliographie de la France comme étant paru à telle date soit signalé, dans la presse pédagogique, plusieurs années auparavant (cf. notice n° 1866). Il faut bien admettre l'existence de l'ouvrage avant sa date de naissance officielle. Pourtant, faute d'indications précises, c'est celle qu'on conservera.

3 - L'identité d'un ouvrage à travers ses rééditions. En fait de réédition, tout serait simple si le même ouvrage était constamment repris avec le même titre, le même texte et le même nom d'auteur. Mais ce n'est pas le cas général. Chacun des trois éléments, peut changer, ou deux des trois, ou tous les trois. A quel moment a-t-on un livre différent, nécessitant une nouvelle notice ? Le problème est ici d'autant plus fréquent que la grammaire scolaire constitue dès le début du XIXe siècle une espèce de "vulgate" dont on emprunte sans scrupule à tel ou tel devancier non seulement le contenu, mais aussi bien souvent les temres mêmes. C'est, entre autres, tout le problème du Lhomond qui est ici posé. On connaît l'extraordinaire succès, au XIXe siècle, des Élémens de la grammaire françoise de 1770 : près de 800 éditions entrées à la Nationale ! Je me suis inspiré sur ce point de l'avis de Chapsal. Chargé du compte rendu de la Grammaire française d'après Lhomond de Le Tellier (1811 ; n° 175) dans le Manuel des amateurs de la langue françasie de Boniface (1813 ; n° 211), il écrit : "Ce n'est pas, à vrai dire, la grammaire de Lhomond que nous allons examiner, mais celle de M. Le Tellier". J'ai donc arbitairement considéré que tout individu qui mettait son nom sur une réédition du Lhomond en faisiat du même coup son bien propre.

D'autant plus que nombreux ceux qui ont "écrit" au XIXe siècle des Éléments de grammaire française sans signaler qu'ils reprenaient non seulement le titre mais le contenu du Lhomond. En revanche, je n'ai mentionné nulle part les très nombreuses rééditions anonymes du même ouvrage.

Ce problème de l'identité du livre scolaire à travers ses rééditions est sans doute un des plus délicats auxquels soit confronté le spécialiste de bibliographie. Si encore il avait toujours entre les mains les ouvrages eux-mêmes, il pourrait dégager les éléments d'une méthodologie. Mais la plupart du temps il ne dispose que des titres, et c'est à partir de quelques brèves notices qu'il doit reconstruire l'histoire de l'ouvrage. La difficullé est naturellement décuplée lorsqu'il s'agit d'un de ces anonymes publiés en particulier par les confréries religieuses. Certes une partie important du travail à déjà été faite à la Bibliothèque Nationale. Le catalogue imprimé, ou le catalogue sur fiches, regroupent d'une façon apparemment correcte la série des éditions successives parvenues à cette bibliothèque. J'ai évidemment suivi ici des indications, d'autant plus fiables que les auteurs ont tenu les ouvrages entre leurs mains. J'ai souvent pu aussi moi-même établir la filiation de deux titres différents chez un même auteur, et les réunir dans la même notice, signalant que tel ouvrage "devient" à telle date tel autre ouvrage. Mais beaucoup reste à faire de cepoint de vue. Tout porte à croire, par exemple, que la Grammaire française à l'usage de Saint-Cyr de Le Tellier, 54e éd., 1838, n'est qu'un ultime avatar de sa Grammaire de 1805 ; mais elle bénéficie pourtant ici d'une notice propre (n° 660), car les vérifications indispensables n'ont pu être faites. Il en va de même pour nombre d'autres auteurs dont on se demande comment ils ont pu dans leur vie écrire tant de grammaire différentes : Henri et Louis Bescherelle, Bonneau, Capelle-Grimber, Chabert, Collin d'Ambly, Galimard, Leclair, Charles Martin, Poitevin, Saint-Germain, d'autres encore. Mais la consultation des ouvrages fait souvent apparaître que la modification du titre correspond à une transformation du contenu. Ainsi Bernard Jullien réédite à Dieppe en 1832 sa Grammaire générale. Abrégé de la Grammaire française (n° 477), déjà publiée deux ans plus tôt à Paris sous le titre Grammaire générale. Philosophie de la langue française (n° 433) : tout en reprenant intégralement des passages complets, il modifie suffisamment le texte original pour qu'on attribue une notice propre à chacun des deux livres. On ne peut donc juger que sur pièces (1).

4 - Les manuels de niveaux différents. Plus que d'un problème, il s'agit ici d'un choix à faire. Une pratique scolaire ancienne opposait deux niveaux, le livre pour les élèves avancés et celui pour les débutants, la Grammaire et l'Abrégé. C'est celle de restaut et de Wailly ; C'est la formule qui conserve les faveurs du public et des enseignants jusque vers 1870. Dès 1845 commencent à sortir des manuels à trois niveaux (Girard, Poitevin). Mais le second Empire qui réhabilite explicitement le Lhomond repousse d'une vingtaine d'années le triomphe de cette formule : et Pierre Larousse qui met en chantier sa Lexicologie des écoles primaires en 1850 (n° 995) ne lui donnera une suite, 2e et 3e années, qu'en 1868. Avec Larive et Fleury (1871-1875) ou Leclair et Rouzé (1874), c'est la tripartition qui l'emporte : processus de diversification qui grâce aux "progrès" de la pédagogie, et conformément aux intérêts de l'industrie du livre, ne devait pas s'arrêter en si bon chemin, puisque les élèves d'aujourd'hui changent de manuel, ou peu s'en faut, chaque nouvelle année de leur scolarité obligatoire. A l'époque, on ira parfois jusqu'à distinguer 4 niveaux : certains donnent des manuels de classes enfantines ou cours préparatoire (Larive et Fleury, 1877 ; Augé, 1890). Chacun de ces ouvrages reçoit une notice propre ; et le Cours de grammaire de Larive et Fleury est donc réparti sur quatre entrées différentes.

Il en va autrement pour l'opposition entre livre de l'élève et livre du maître. dès 1820, les éditeurs scolaires offrent, à côté de recueils d'exercices vendus aux élèves, des corrigés réservés aux adultes, maîtres ou parents. La formule des années 1820-1830 est celle de la trilogie Grammaire-Exercices-Corrigé, dont Noël et Chapsal offrent le modèle dès 1823. Mais un autre type de manuel connaît une grande vogue à cette époque : c'est la "grammaire pratique", qui fait une large part aux exercices de dictées ou de cacographie. La première est celle de Vanier en 1822 ; il en viendra des dizaines d'autres. Avec elles, les exercices pénètrent dans le manuel lui-même. Situation bien délicate pour les instituteurs du temps, souvent déficients en orthographe : d'où ce dédoublement du manuel, livre du maître (avec corrigé !) et livre de l'élève. On arrive donc, dans le cas du Larive et Fleury par exemple (1871-1877) à un cours de grammaire réparti sur huit ouvrages distincts, puisque les auteurs proposent au maître de chaque niveau (même la classe préparatoire) un livre différent de celui de l'élève. Comme ils ne diffèrent que par le corrigé des exercices, l'un et l'autre entreront dans la même notice.

5 - L'identification des auteurs. Ce dernier problème ne concerne pas l'établissement des notices, mais la mise au point de l'index. Si l'on a deux notices différentes dont les auteurs s'appellent l'un et l'autre Jean Dupont, au nom de quoi peut-on considérer que ces deux auteurs ne sont qu'une seule et même personne ? Il n'est aucune information qui n'entre ici en ligne de compte : proximité ou éloignement des dates d'édition, des lieux de publication, similitude des titres, etc. Mais il n'est pas toujours aisé de trancher. Quelques problèmes non résolus : le Godefroy de la notice 1793 est-il le Frédéric Godefroy des notices 1631, 1632, 1633 (et l'auteur du fameux dictionnaire) ?

Y a-t-il un ou deux Henry A. (n° 534 et 1243) ? Combien de Lefèvre A. (490 et 1291) ? J'ai regroupé les références à Olivier P. : mais je conserve l'impression qu'il y a là un abbé de Nantes (125), et un habitant de Châlons qui ne dédaigne pas à la particule (334, 388). Inversement Peltier-Bey (1798) a quelques chances, malgré le choix que j'ai fait dans l'index, d'être le grammairien Peltier (1941, etc.) qui, "à l'intention des écoles d'Orient" aurait prolongé son nom d'une "particule" turque..

Les limites de ce catalogue

1 - Dans le temps. Sont ici répertoriés d'une part tous les ouvrages de grammaire française publiés après 1800 (et avant 1914), et d'autre part toutes les rééditions d'ouvrages antérieurs, du XVIIIe voire du XVIIe siècle. Ce dernier choix s'explique par deux raisons. D'une part les lacunes du Verzeichnis de Stengel, établi essentiellement à partir des fichiers des bibliothèques allemandes : plusieurs titres, dont les différentes rééditions sont à cheval sur le XVIIIe et le XIXe siècle, risquaient de n'être mentionnés ni dans son catalogue, ni dans le mien. D'autre part les bouleversements de l'époque révolutionnaire, qui affectent aussi les titres. De même que le Cours pour l'Instruction du Prince de Parme devient en 1821 le Cours d'Études pour l'Instruction des jeunes gens, de même, nombre de grammaires sont rééditées après 1800 avec des titres renouvelés. Il eut été peu cohérent de retenir celles-ci, et non celles qui maintenaient inchangé le titre originel : j'ai préféré unifier, et l'on trouvera à leur première occurence après 1800 toutes les rééditions qui connaissent un changement de millésime. A l'exception du Lhomond, qui reçoit un traitement particulier (cf. p.5).

A l'aure extrémité, 1914 n'est qu'une date limite des premières éditions. J'ai, autant que cela m'a été possible, signalé dans chaque notice l'édition la plus tardive de l'ouvrage, que ce soit la grammaire de Destutt de Tracy (1803-1970), ou le Cours de langue française (CE) de Maquet, Flot et Roy (1913-1953).

2 - Dans l'espace, et dans les langues. Entre une grammaire française et une "French grammar", il y a beaucoup plus qu'une différence de langue. Celle-là vise au perfectionnement, essentiellement orthographique, dans la langue maternelle ; celle-ci à l'acquisition d'une langue seconde. Les relevés biliographiques auxquels je me suis livré depuis 7 ou 8 ans pour mon Histoire de la grammaire scolaire portaient sur les premières : c'est aussi dans leur direction que j'ai ensuite effectué des recherches. Pour donner à ce catalogue des limites claires, il fallait dégager des conditions formelles d'accueil conformes à mes choix de départ. Sont donc reçus dans ce catalogue les ouvrages qui présentent les deux caractéristiques suivantes :

- être rédigés en français, c'est-à-dire à l'intention d'élèves francophones, confrontés au problème d'acquisition de l'orthographe ;

- être publiés à l'intérieur des limites de la "francophonie" (réelle), qui se trouve être, et ce n'est pas un hasard, le domaine effectif d'extension d'une théorie syntaxique précise. (Elle est la même, à peu de choses près, en Suisse, en Belgique et en France ; et très différente de l'allemande ou de l'italienne). N'ont donc été retenus que les ouvrages publiés en France, en Belgique (y compris le pays flamand) en Suisse (la totalité de la Suisse), au Québec, plus deux cas particuliers (l'Algérie, l'île Maurice). On a considéré cependant que la période napoléonienne méritait un traitment particulier à cause d'une part de l'extension de l'émigration, et d'autre part des conquêtes impériales. Et pour les années 1800-1815, seule la première des deux conditions d'accueil a été exigée.

Sont donc absents de ce catalogue, 1°, tous les ouvrages étrangers (publiés à l'étranger en langue étrangère), en particulier toutes les thèses des universités allemandes ou suédoises ; 2°, les ouvrages publiés en france, mais en langue étrangère, le Compendium of French Grammar de John Cashin (Paris, Stassin and Xavier, 1845), le Chantreau reformado, Nueva grammatica francesa de Torrecilla, (Paris, Rosa, 1850), la Grammatica elementar da lingua franceza du Père Roquette (Paris, Aillaud, 1861), et la Grammatica elementare della lingua francese de Luret (Nizza, Caisson et Mignon, 1863), et bien d'autres ; 3°, les ouvrages publiés en français, mais à l'étranger, après 1815, et dont on donnera en annexe un échantillonage.

En revanche ont été accueillis tous les manuels qui présentent les caractéristiques formelles énoncées ci-dessus, même s'ils sont explicitement "à l'usage des Allemands" (n° 1078) ou des Chinois (n° 1918) ou "d'après le système de Becker" (n° 736) qui est un peu le Chapsal de la grammaire scolaire allemande.

Dernier cas de figure un peu particulier : les rééditions de l'ouvrage franchissent les limites géographiques ici exposées. Sil s'agit d'un ouvrage français réédité, voire traduit et publié à l'étranger, j'ai signalé le fait, chaque fois que j'ai pu en prendre connaissance, dans la notice. A l'inverse, deux ouvrages, d'émigrés à Londres, commencent leur carrière en Angleterre, et la poursuivent en France (n° 9 et 17) : tous les deux sont signalés à la date de leur première édition postérieure à 1799, en Angleterre.

3 - Dans le domaine "grammatical". Une grammaire, c'est d'abord une théorie syntaxique : tel est bien le thème sur lequel est centré le répertoire qui suit. Aussi faut-il préciser qu'une quantité de titres habituellement tenus pour grammaticaux n'apparaissent pas dans cette liste. On n'y trouvera pas, en particulier :

a) les ouvrages qui s'intitulent Grammaire abusivement : la Grammaire des gens du monde de Philipon de la Madelaine (Paris, Capelle, 1807), qui n'est qu'un traité de bon usage, la Grammaire littéraire de Larousse (Paris, Larousse, 1867) ou la Grammaire logique de Brisset (Paris, l'auteur, 1878) ;

b) la Phonétique et la Prononciation, l'Essai sur la syllabation française de Collin (1872), ou la Phonologie de la langue française d'Ayer (1875), ni les traités d'éloquence comme Parlons ainsi de la voix et du geste de Gondal (1900), ni les travaux de Grammont.

c) la morphologie : les traités de la formation du féminin, ou du pluriel (1846, 1848), de Mme Charrier ; mais surtout tous les manuels de conjugaison, traités du verbe, cahiers de paradigmes, concordance des temps, verbes irréguliers, le Panorama des verbes de Lemare (1810), les Asse, les Isse, les Usse et les Insse ou la concordance des temps du subjonctif de Bonneau (1830), le Conjugateur d'Allevy (1841), le Barême des verbes français de Verlacc (1851), Tous les verbes français ramenés à une seule conjugaison de Bournot (1862), sans oublier, bien-sûr, le Dictionnaire usuel de tous les verbes français de Bescherelle (1843). Écartés également les ouvrages universitaires comme Les Substantifs verbaux d'Egger. Au total un peu plus de cent titres.

d) les manuels sur le genre des noms, une bonne trentaine pour cette période, destinés en général aux étrangers.

e) la sémantique et la lexicologie : traités des synonymes, les familles de mots, étymologies mises au service de l'orthographe d'usage, dont certains ouvrages remarquables, comme l'Abrégé d'un cours complet de lexicologie de Butet (1801), ou la Lexicologie française à l'usage des Écoles Normales de Pessonneaux, réédité pendant 40 ans (1887-1928).

f) les traités du style, les rhétoriques, comme la Philosophie de la langue française de Trédos (1840), ou le Précis de stylistique de Bally (1905) ; ni bien sûr les manuels de rédaction, qui se multiplient à partir de 1880.

g) les manuels du bon usage, traités du "langage vicieux", recueils d'expressions, provincialismes corrigés, gasconnismes (Villa, 1802 ; Lascoux, 1832), flandricismes, wallonismes (Poyart, 1806 ; Dory, 1882), périgordinismes (Caville, 1818), provençalismes (Gabrielli, 1836) et autres barbarismes (Loneux, 1807) ; toutes les "cacologies" et les "orthologies" correspondantes, les "omnibus du langage", et toutes les "remarques de langue". Les recueils de difficultés posent un problème délicat. Certains, comme les Difficultés de la langue française d'Annecou (1830) se contentent de stigmatiser quelques vices du langage : on les écarte donc ; mais d'autres, comme celui de Roy (1810 ; n° 157) exposent les problèmes de l'accord du participe, et doivent entrer dans ce corpus : je les ai, d'une façon relativement arbitraire, intégrés à la rubrique (OR).

h) La grammaire historique est évidemment en dehors de notre champ : tout ce qui se présente comme "origine", "formation", ou "développement" de la langue française ou de telle ou telle de ses composantes. Certains manuels à l'usage des lycées ont cependant été signalés dans la rubrique "Divers".

i) A l'exception de la grammaire générale, les théories générales du langage n'ont pas été retenues, ni l'Essai sur le langage de Charma (1846), ni la Philosophie de la grammaire d'Ollion (1900), ni l'ouvrage de même titre de Mayer (1908) ; ni les ouvrages de la Grasserie et Dauzat.

j) Ont été écartés également tous les manuels d'orthographe dite d'"usage", ou "usuelle", ou "radicale", ou "absolue", ou encore "étymologique", les traités des homonymes ou de noms composés, le Jardin des racines françaises de Grimblot (1883), ou la Radicologie de la langue française de Lecointe (1845), qui ne posent pas le problème de la théoris syntaxique. La difficulté était de faire le départ entre eux et ces manuels d'orthographe signalés plus haut qui, par leur traitement de l'orthographe grammaticale, constituent de véritables grammaires. Faute d'autre mention explicite, j'ai donc retenu les traités d'"orthographe française", d'"orthographe pratique" et d'"orthographe générale" (c'est-à-dire à la fois grammaticale et d'"usage") ; mais j'ai écarté une bonne centaine de titres.

k) La "question de l'orthographe", c'est-à-dire de la réforme de l'orthographe a aussi été laissée de côté, mêm si, à la fin du XIXe siècle elle porte en général le nom trompeur de "Réforme de la Syntaxe".

L) En matière de pédagogie de la langue, la grande innovation bibliographique du XIXe siècle a été la publication de manuels d'exercices, et de "corrigés" de ces exercices à l'intention de maîtres jugés peu compétents. Ce sont d'abord des cacographies, ou thèmes français (le premier est celui de Boinvilliers, 1803) : "Recueil de phrases dans lesquelles on a violé à dessein l'orthographe des mots", dit son titre, afin de permettre à l'élève de la rétablir. A partir de 1845, les recueils de dictées prennent le relais. Entre 1800 et 1850, j'ai relevé plus de 120 ouvrages de ce type. Aucun n'apparaît dans cette bibliographie(4). Des exercices, il faut distinguer les "Questionnaires", ou petits manuels à l'usage des maîtres, leur soufflant l'énoncé des questions qui lui permettent de vérifier, en suivant le manuel ligne par ligne, l'acquisition par l'élève de la doctrine grammaticale. Ils sont assimilables à une table des matières très détaillée d'un manuel de grammaire, et sont donc intégrés à la première rubrique.

4 - Reste une dernière limitation, d'une nature tout à fait autre. Si cette bibliographie est centrée sur la grammaire française, il faut reconnaître que trois groupes de publications en sont écartés bien qu'elles soient partiellement consacrées à notre sujet. C'est qu'elles révèlent des séries bibliographiques différentes :

a) Les dictionnaires contiennent tous une théorie syntaxique implicite et souvent explicite. Il y a toute une grammaire dans le Littré, largement inspirée de son collaborateur Bernard Jullien, dont le nom revient à plusieurs reprises dans ce répertoire. Mais les dictionnaires de langue, comme les dictionnaires de pédagogie, celui de Belèze (1877) ou celui de Buisson (1887), n'apparaîtront pas ici. On retiendra en revanche les dictionnaires explicitement "grammaticaux", classés en "Divers".

b) Le programme du baccalauréat ès-lettres comporte l'étude "Des signes et du langage dans leur rapport avec la pensée", dans sa partie logique, dès l'année 1840 (celle qui voit paraître les premiers programmes détaillés) ; et celui de 1857 stipule même "Notions de grammaire générale". Tous les manuels de philosophie, puis (après 1852) de logique, développent ce point, dans leur rubrique Logique d'abord, puis dans leur rubrique Psychologie. Même question, mais dans la rubrique Rhétorique cette fois, au programme de l'examen des directrices et maîtresses de pension. Dans les trois cas, c'est la grammaire générale qui est exposée, celle-là même qui est à la base de la grammaire scolaire et de son analyse logique. L'influence de l'idéologie est claire. J'ai écarté de ma liste tous les ouvrages où un chapitre "Grammaire générale" est intégré à l'exposition du cours de philosophie (ou de rhétorique). N'ont été conservés, dans ce cas de figure, que les manuels consacrant un volume entier à la question, comme ceux de Destutt de Tracy ou de Debrun.

c) Un corpus considérable d'articles consacrés à la grammaire (surtout scolaire) pourrait être dégagé des nombreux périodiques pédagogiques ou spécialisés. Le travail de dépouillement n'ayant pas été fait, j'ai systématiquement écarté tous les articles de revue, sauf s'ils ont donné lieu à des tirages à part entrés tels quels dans les bibliothèques. On ne trouvera donc pas ici les articles importants qu'Yvon a consacrés dans la Revue de Philologie française aux concepts de la grammaire scolaire (cf. sur ce point Wagner, ou Horluc et Marinet). Manquent aussi tous les articles consacrés à l'enseignement de la grammaire et à la réforme de cet enseignement, souvent indispensables à la compréhension des problèmes grammaticaux (par exemple celui de Vanier, en 1831 dans le Journal philosophique, grammatical et littéraire de la langue française).

Mes sources

D'abord un relevé régulier de tous les titres que me faisaient rencontrer les hasards d'une recherche de plusieurs années consacrée à l'histoire de la grammaire scolaire ; puis un dépouillement systématique de certains catalogues, périodiques ou manuels bibliographiques ; enfin un point de référence : le catalogue imprimé ou le catalogue sur fiches de la Bibliothèque Nationale.

J'ai dépouillé :

Pour la France,

- Bibliothèque Nationale, le fichier méthodique 1894-1925) et le fichier Anonymes (quelques dizaines d'entrées, d'Abrégé à Traité de grammaire) ;

- Bibliothèque de l'I.N.R.P., le fichier Matières (entrée Langue française) ;

- Bibliothèque municipale de Marseille : le catalogue Linguistique du Fonds ancien ;

- la Bibliographie de la France ou Journal général de l'impression et de la Librairie (de 1810 à 1814), à l'exception des années qui ne comportent pas de table systématique (1857-1865) ;

- le Journal général de la Littérature de France (consulté pour les annnées 1800-1810)–;

- le Catalogue général de la Librairie française depuis 1840 d'Otto Lorenz ;

- le bibliographie mensuelle du Manuel Général de l'Instruction Primaire, 1833-1840, puis de l'Instituteur - Manuel Général de l'Instruction Primaire ;

- le Catalogue du Ministère de l'Instruction Publique, .. Catalogue de la Bibliothèque du Corps Enseignant, t. 1, Exposition universelle de 1878 ;

- le Bulletin de l'Enseignement Primaire des Bouches-du-Rhône, 1879-1914 ;

- Quérard, la France littéraire.., Paris, Didot, 1827-1839, 10 vol. ;

- Quérard, la Littérature française contemporaine, XIXe siècle, Paris, Daguin, 1842-1857, 6 vol. (collab., Louandre, Bourquelot et Maury) ;

- Barbier A. A., Dictionnaire des ouvrages anonymes, Paris, Féchoz et Letouzey, 1882 ;

Monglond A., La France révolutionnaire et impériale, Grenoble, Arthaud, 1938-1963, t. 5 à 9 (1800-1812) ;

- Tell J. A., Les Grammairiens français, .. 1874 (notice n° 1486) ;

- Horluc P. et Marinet G., Bibliographie de la syntaxe du français (1840-1805), Lyon, Rey, Paris, Picard, 1908 ;

- Quémada Bernard, Les Dictionnaires du français moderne, (1539-1863), Paris, Didier, 1968 ;

- Brunot F., Histoire de la langue française, t. 10 et 12 ;

- le catalogue n° 287, Linguistique française publié par la Librairie Slatkine, Genève, 1971 (2242 titres) ;

Pour la Belgique,

- De Kononck A., De Le Court J., Ruelens C., Luerquin V., Verbeke H., Bibliographie Nationale, Dictionnaire des écrivains belges et catalogue de leurs publications, 1830-1880, 4 vol., Bruxelles, Weissenbruch, 1886-1910 (j'ai abondamment consulté l'ouvrage, mais je ne l'ai pas dépuoillé ; manquait le tome 2, E-M) ;

- Muquant C., Bibliographie de la Belgique ou Catalogue général des livres belges, 1839-1868 (mais la table systématique s'arrête en 1862), Bruxelles ;

Pour la Suisse,

- Bibliothèque de l'Université de Genève, Catalogue Matières ;

- Sichler Albert, Bibliographie Nationale Suisse, fascicule V 10 c, "Éducation et instruction", 3° vol., Berne, 1908 (p. 228-258, Französische Sprache), et 4° vol. (p. 115-117) ;

Pour le Canada,

- Dionne, Narcisse-Eutrope, Inventaire chronologique des livres, brochures, journaux et revues publiés en langue française dans la province de Québec depuis l'établissement de l'imprimerie au Canada jusqu'à nos jours, 1764-1905, Québec, 1905 ; et Supplément, 1904-1912 ; Québec, 1912 ;

- Bosa, réal, Les Ouvrages de référence du Québec, bibliographie analytique compilée sous la direction de R.B., Ministère des Affaires Culturelles du Québec, 1949 ;

- N.B. pour Haïti, Max Bissainthe, Dictionnaire de bibliographie haïtienne, (Washington, the Scarerow Press, 1951) ne donne pas de grammaire française antérieure à 1914.

[Table]


Notes

1 Chronologisches Verzeichnis französischer Grammatiken vom Ende des 14. bis zum Ausgange des 18. Jahrhunderts, Oppeln, Franck, 1890. Réédition photomécanique, Amsterdam, Benjamins, 1976.

2 Introduction à la linguistique française, Genève, Droz, 1947 ; et le Supplément bibliographique, Droz, 1955.

3 Guide bibliographique de linguistique française, Paris, Klincksieck, 1973.

4 Il est cependant probable que plus d'un titre ici retenu, 'grammaire pratique" ou "Cours de langue" recouvre un manuel d'exercices.