La prononciation de chaque mot est donnée d'une manière figurée ; elle suit, entre crochets, le mot qui fait la tête de l'article.
Nous avons essayé de rendre cette figuration aussi simplement et aussi rigoureusement que possible ; mais comme notre alphabet confond des sons différents sous une même lettre, et attribue souvent à une même lettre des valeurs différentes, nous avons dû recourir à un certain nombre de signes et de conventions. Les tableaux suivants établissent tous les sons, voyelles et consonnes, qui existent dans la prononciation commune actuelle, ainsi que les signes qui nous servent à les représenter.
I. -- VOYELLES
Le français possède aujourd'hui au moins douze voyelles pures et quatre voyelles nasales. Ces voyelles présentent, suivant la nature des mots où elles se trouvent, des différences de longueur. En général, les voyelles pures sont longues quand elles sont suivies, dans une même syllabe, d'une consonne douce ; elles sont brèves quand la consonne est forte ; dans les autres cas elles sont moyennes. Les voyelles nasales sont longues quand elles sont suivies d'une consonne qui se prononce ; elles sont moyennes dans le cas contraire : elles ne sont jamais brèves.
Les voyelles présentent également, suivant leur place dans le mot, des différences d'intensité, étant prononcées avec plus de force quand elles sont accentuées, c'est-à-dire frappées de l'accent tonique, et étant prononcées moins fortement quand elles sont inaccentuées ou atones.
Les voyelles considérées dans le tableau suivant sont toutes accentuées (sauf l'e féminin, nº 10).
A. -- VOYELLES PURES
exemples. | orthographe figurée. | |
1. A ouvert long : à | (la) vague, | vàg'. |
moyen : à | lame, femme, | làm', fàm'. |
bref : à | acte, | àkt'. |
2. A fermé long : á | pâte, | pát'. |
moyen : á | pas (négation), | pá. |
bref : á | ne paraît pas être en usage. | |
3. E ouvert (1) long : | è tête, peine, aime, | tèt', pèn', èm'. |
moyen : è | paix, procès, perte, | pè, prò-sè, pèrt'. |
bref : è | secte, | sèkt'. |
4. E fermé long : é | ne paraît pas être en usage. | |
moyen : é | bonté, | bon-té. |
bref : é | ne paraît pas être en usage. | |
5. I long : i | dire, lyre, | dir, lir. |
moyen : i | dit, | di. |
bref : i | dite, | dit'. |
6. O ouvert long : | ò mort, | mòr. |
moyen : ò | homme, pensum, | òm', pin-sòm. |
bref : ò | poste, | pòst'. |
7. O fermé long : | ó hôte, rose, pauvre, | ót', róz', póvr. |
moyen : ó | beau, | bó. |
bref : ó | ne paraît pas être en usage. | |
8. OU long : | ou douze, | douz'. |
moyen : | ou doux, | dou. |
bref : | ou douce, | dous'. |
9. EU ouvert long : | eu neuve, | neuv'. |
moyen : eu | ne paraît pas être en usage. | |
bref : eu | neuf, | neuf'. |
10. EU mi-ouvert, très bref : e | me, te, se, le, de, | me, te, se, le, de (2). |
11. EU fermé long : eu | heureuse, | eu-reuz'. |
moyen : eu | heureux, | eu-reu. |
bref : eu | ne paraît pas être en usage. | |
12. U long : u | dur, | dur. |
moyen : u | du, | du. |
bref : u | duc, | duk'. |
B. -- VOYELLES NASALES
exemples. | orthographe figurée. | |
AN = ã, nasale de l'a ouvert (3), long : an | tante, chambre, science, fente, | tant', chanbr', syans', fant'. |
moyen : an | sang, champ, | san, chan. |
EN = e, nasale de l'è ouvert (4), long : in | limbe, sainte, feinte, Reims, tinte, | linb', sint', fint', Rins', tint'. |
moyen : in | rien, saint, faim, rein, vin, | ryin, sin, fin, rin, vin. |
ON = ô, nasale de l'ò ouvert (5), long : on | honte, onze, once, | hont', onz', ons'. |
moyen : on | bon, | bon. |
EUN = œ, nasale de l'eu ouvert (6) long : un | humble, | unbl'. |
moyen : un | commun, | cò-mun. |
II. - DIPHTONGUES
Il existait autrefois des diphtongues pures : ia, ie, ii, io, iu, iou, ieu ; ua, ue, ui, uo, uu ; oua, oue, oui, etc., ai, ei, ou, etc., et des diphtongues nasales : ian, ien, ion ; uan, uen, uon, etc. On prononçait également comme diphtongues oi et oin.
La prononciation moderne, dans sa rapidité, a fondu les diphtongues en voyelles simples (ai=è, au=o), ou a transformé en consonne (7) le premier élément vocalique, si bien qu'aujourd'hui notre langue ne connaît plus de diphtongues.
III. - CONSONNES
Les sons consonnants de la langue actuelle sont au nombre de vingt-deux : b, p, f, v ; t, d, s forte, s douce ou z ; k, g, ch (chuintant, dans chose), j (dans je, gémir) ; l, r, m, n ; l mouillée, n mouillée ; h aspirée, et enfin i consonne (le y dans yacht), ou consonne (le ou dans ouate), et u consonne (le u dans huile, lui).
Plusieurs de ces sons consonnants sont représentés dans l'écriture par des lettres ou des groupes de lettres différents.
Ainsi le son p est noté ordinairement par la lettre p (père) et quelquefois par la lettre b (absurde, prononcez ap'-surd').
Le son f est noté ordinairement par la lettre f (faire) et quelquefois par le groupe ph (sphère).
Le son t est noté ordinairement par la lettre t (terre) et quelquefois par la lettre d (grand homme, prononcez gran-t-òm'), ou par le groupe th (théâtre, prononcez téâtre).
Le son s fort est noté ordinairement par s (sur) ; il l'est aussi par ss (dessus), par c (ce), par ç (ça), par t (nation).
Le son z ou s doux est noté par s (rose), par z (zèle), et quelquefois par x (dixième).
Le son k est noté par c (devant l, r, a, o, u : clair, croire, cap, col, cure), par k (kilo), par q (coq), par ck (shacko), par ch (loch, chrétien), par qu (quai), cqu (grecque), par g (long espoir, prononcez lon-kès'-poir).
Le son g est noté par g (gond) et quelquefois aussi par c (second, prononcez segon ; reine-claude, prononcez reineglaude) ; devant e et i, il est noté régulièrement par gu (guérir, prononcez ghérir ; guipure, prononcez ghi-pure).
Le son chuintant ch est noté par ch (chose) et quelquefois aussi par sh (shacko), par sch (schème, schisme).
Le son j est noté soit par j (jaloux), soit par g (devant e, i : gelée, gilet).
Le son de l mouillée est noté par -ill- (bata-ill-on) (8) par -il (pare-il), par -ll- (fami-ll-e), par -l (péri-l).
Les sons de i consonne, ou consonne, u consonne, sont mal reconnus ou tout à fait méconnus par l'orthographe, qui les représente d'une façon insuffisante, quand elle les représente.
Devant cette incohérence de l'orthographe moderne, il faut adopter une notation phonétique rigoureuse.
Il va sans dire d'abord que les consonnes écrites, mais non prononcées, ne sont pas notées dans notre figuration. Si quelque liaison fait reparaître dans la prononciation une consonne finale autrement muette, la figuration signale le fait. Pour marquer plus nettement la valeur des consonnes figurées, nous faisons suivre la plupart des finales (de syllabes ou de mots) d'une apostrophe qui indique qu'il faut les prononcer (dette, prononcez dèt' ; aptitude, prononcez àp'-ti-tud').
Les sons consonnants p, b, f, v, t, d, l, r, sont figurés par les lettres p, b, f, v, t, d, l, r, qui sont le plus habituellement adoptées par la langue pour les représenter.
Le son s fort est noté par la lettre s (sauce, sós').
-- s doux -- z (rose, róz').
-- k -- k (qui, ki ; creux, kreu ; coq', kòk' ; eucharistie, eu-kà-ris'-ti).
Le son g est noté par la lettre g, sauf devant e et i, où il est noté par gh (galet, gà-lè ; guérir, ghé-rir) ; final, devant un e muet, il est noté par g (orgue, òrg').
Les sons m et n sont notés, au commencement de la syllabe, par m, n ; à la fin de la syllabe, par m', n' : âme, femme sont notés par ám', fam' ; mienne, tienne, sienne par myèn', tyèn', syèn', tandis que, conformément à la notation adoptée pour les voyelles nasales, champ, enfant, sont notés par chan, anfan ; mien, tien, sien par myin, tyin, syin. Nonne est noté par nòn', non est noté par non.
Le son de l mouillée ne se fait plus entendre dans la France du nord, Paris compris ; c'est dire que ce son est appelé à disparaître dans un temps plus ou moins prochain. Conformément à la règle adoptée de noter de préférence la prononciation en usage à Paris, nous ne figurons pas ce son complexe qui est dû à la combinaison de l et de i consonne et qu'on représente d'ordinaire phonétiquement par le signe l. Nous notons seulement le son auquel elle s'est réduite, à savoir le yod ou i consonne (bata-ill-on, prononcez bà-tà-yon ; pav-ill-on, prononcez pà-vi-yon ; fam-ill-e prononcez fà-miy', péri-l, prononcez pé-riy').
Le son de n mouillée, que notre orthographe note par gn (9), est figuré par ñ (régner, ré-ñé).
Le son de h aspirée est noté par h (10).
Il nous reste à parler de l'i consonne, de l'ou consonne et de l'u consonne.
L'i consonne, noté quelquefois par y (yeux, yole), quelquefois par i (bien, rien), le plus souvent non noté (prier, hier, ouvrier, craindriez, prononcez pri-yé, i-yèr, ou-vri-yé, krin-dri-yé), est figuré par le signe y.
L'ou consonne (c'est le w anglais) existe dans les mots oui, ouate, etc., et surtout dans le son composé oi. Ce dernier son, qui se prononçait au siècle dernier ouè, a maintenant la valeur de oua (avec a fermé ou ouvert, long, moyen ou bref, selon les cas). Nous représentons ce groupe par wá, wà.
Il existe un son nasal oin qui est la nasale de l'ancien oi, c'est-à-dire de l'oi prononcé wè : voilà pourquoi oin se résout phonétiquement en we (besoin.) -- Dans notre figuration, nous le notons win (be-zwin).
L'u consonne est à l'ou consonne ce que l'u voyelle est à l'ou voyelle. C'est le son qu'on entend dans lui, fruit, huile. Phonétiquement on peut le représenter par w (lwi, frwi, wil'). Nous conservons la graphie usuelle u, en unissant cette lettre à la voyelle suivante, pour montrer qu'elle n'a pas par elle-même d'existence personnelle comme voyelle : huître, huîtrier, notation figurée : uitr', ui-tri-yé.
Il résulte de ce qui précède que les signes c, ç, q, et x (11) sont inconnus à notre système de figuration ; que l'h n'y paraît qu'avec la valeur d'une aspirée ; y, avec celle d'une consonne, et que m et n figurent des consonnes au commencement de la syllabe, et aussi à la fin de la syllabe, mais seulement quand elles sont suivies d'une apostrophe ; autrement elles font corps avec la voyelle précédente et indiquent des voyelles nasales.
Nous indiquons les changements qu'apporte à la prononciation de certains mots leur emploi dans les vers. La versification a gardé, dans la mesure des vers, de nombreuses traces d'une prononciation archaïque.
Notes
1. Il existe certainement, outre l'è ouvert et l'é fermé, un troisième e intermédiaire, à son mi-ouvert. Mais l'usage ici est si hésitant, et la prononciation ramène si souvent cet e mi-ouvert à l'è ouvert ou à l'é fermé, que nous avons cru mieux faire de ne pas le noter et de le confondre, dans la figuration des mots où il se rencontre, avec celui des deux autres e dont il paraît être le plus voisin. Il est probable qu'il existe un troisième a, à son mi-ouvert, intermédiaire entre l'à ouvert et l'á fermé. Mais cet a est encore plus effacé que l'e mi-ouvert.
2. Cet eu est intermédiaire entre l'eu ouvert et l'eu fermé ; il est très bref et toujours atone. Il est généralement désigné sous le nom d'e féminin ou mi-muet, et quand il n'est pas prononcé, sous celui d'e muet. Il ne s'est maintenu que dans des monosyllabes, ou après certains groupes de consonnes : tristement, prononcez tris-te-man. Le plus ordinairement il a disparu de la prononciation courante, et nous nous abstenons, en ce cas, de le noter : heureuse, heureusement, prononciation figurée : eu-reuz' ; eu-reuz'-man.
3. Le tilde ~ placé sur la voyelle est le signe généralement adopté pour représenter phonétiquement la voyelle nasale. -- An = ã est la nasale, non de l'a ouvert, mais uniquement de l'a fermé.
4. Le son in est le son nasal de l'è ouvert et non de l'i. A partir du xiie siècle la nasale de l'è ouvert : en = ê, a pris le son nasal de l'ã, sauf après un yod (dans bien, chien, rien, mien, tien, sien, etc.) ; sa place a été reprise, vers le xvie siècle, par les nasales de ai, ei, i : ain, cin, in. Aujourd'hui la notation in est acceptée comme le représentant de ain, ein, et de l'ancien son en. Voilà pourquoi nous adoptons, malgré son inexactitude phonétique, cette notation in, qui seule est claire pour la plus grande partie des lecteurs
5. On = ô est uniquement la nasale de l'o ouvert, et non celle de l'o fermé.
6. La nasale qu'on fait entendre dans un n'est pas la nasale de l'u, mais celle de l'eu ouvert. Nous la notons cependant par un pour ne pas dérouter le lecteur.,
7. Voir plus bas, à l'i consonne, l'ou consonne et l'u consonne.
8. La graphie ill représente non seulement l'l mouillée, mais encore le groupe de i plus l double ou même simple : vaciller, prononçez non vaci-yé, mais vacil-lé ; tranquille, prononcez tran-kil'.,
9. La graphie gn a encore, comme on sait, une autre valeur, par exemple dans igné, prononcez ig-né.
10. La prononciation courante réduit l'aspiration à n'être plus que le signe d'une non-liaison. Bien des gens disent la honte comme s'il y avait la onte, sans liaison. C'est ainsi que l'on prononce le un, le onze. Nous ne parlons pas ici de l'h muette, parce qu'elle n'est pas un son, mais seulement une lettre sans valeur pour la prononciation : honneur, herbe, prononcez ô-neur, èrb'.
11. Signe simple qui représente soit ks (axe), soit gz (Xavier), soit s forte (Bruxelles), soit s douce (dixième), ou qui n'a pas de valeur (doux).