DICTIONNAIRE

UNIVERSEL

DE

LA LANGUE FRANÇOISE,

AVEC LA PRONONCIATION FIGUREE

PAR C.-M. GATTEL

Professeur émérite du lycée de Grenoble, Officier de l'Université, etc.

QUATRIEME EDITION

Revue, Corrigée, et Augmentée

1° Des termes de tous les arts et de toutes les sciences, avec leurs défintions;
2° Des étymologies de tous les mots dérivés des langues anciennes et modernes,
puisées dans les meilleures sources;
3° D'un extrait des synonymes français d'après Girard, Beauzée, Roubaud, etc.;
4° Des mots nouveaux et des autres changemens introduits dans la langue,
soit que l'usage les ait adoptés ou non;
5° D'un relevé critique et raisonné des fautes échappées aux Ecrivains les plus célèbres,
et dont les noms peuvent faire autorité.

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Quominùs sunt ferendi qui hanc artem (Grammaticam) ut tenuem ac jejunam cavillantur:
quae nisi oratori futuro fundamenta jecerit, quicquid superstruxeris corruet:
necesseria pueris, jucunda senibus, dulcis secretorum comes,
et quae vel sola omni studiorum genere plùs habet operis quàm ostentationis "
Quintilianus, de Institutione oratoria,
Lib. I, Cap. V.

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TOME PREMIER

A LYON

CHEZ LUGNE et CELLARD, RUE SAINT-DOMINIQUE

A VILLEFRANCHE

CHEZ PIERRE BEUF, LIBRAIRE

1827


AVERTISSEMENT DES EDITEURS

Le meilleur éloge de cet ouvrage est le grand succès qu'il a obtenu; aussi cette quatrième édition étoit-elle attendue depuis long-temps. Nous osons nous flatter que les nombreuses améliorations qu'on y a faites lui mériteront les suffrages du public.

1° Une foule de transpositions de mots ont été rectifiées, de nombreuses fautes typographiques corrigées; on a élagué quelques termes non reçus, qu'une main étrangère avoit introduits dans la troisième édition.

2° Le petit Vocabulaire de la fin des autres éditions renfermoit beaucoup de mots déjà mis, des noms devenus historiques, et offroit deux nomenclatures dans un seul livre; pour simplifier, nous l'avons fondu dans le corps de l'ouvrage; seulement nous en avons distingué les termes par un signe particulier (|).

3° Le texte de Gattel une fois rétabli, nous y avons ajouté diverses acceptions et des mots oubliés que nous avons marqués d'un astérisque (*). Voici quelques-unes de ces additions:

Ab, abaliénation, abannation, Abassides, abatoir, abesta, ab irato, Abélonites, ab ovo, accentuation, accessoirement, albinos, Androciniens, angora, anisette, antimachies, ambulance, antiphlogistique, aliptérion, accortise, assoler, acceptilation, andries, bandagiste, Bollandistes, bavardage, bivouaquer, bonbonnière, boston, cachemire, casimir, celtique, céréale, cérium, chacal, civilisation, confidentiel, comptabilité, dégonfler, dégrever, déguster, démonétiser, dérisoire, diverger, écrivailler, écrivaillerie, énumératif, énumérer, envahissement, envahisseur, épellation, épiménies, évasif, exécutable, expertise, fandango, fendiller, Helvétique, huaille, illatif, immangeable, imprévoyant, imprévoyance, improbateur, incalculable, incarcération, incarcérer, incoercible, incohérence, indisputable, inexécutable, inlisible, illisible, innavigable, insaisissable, insalubre, insignifiant, instable, insubordination, intempestif, irrécusable, irréfléchi, inspecter, lézardé, libelliste, longévité, loto, massage, macédoine, mélomanie, morosité, morphine, Nazaréens, obligeance, oblitérer, obrepticement, observable, officiel, officiellement, ombrelle, onctueusement, ondulatoire, onduler, ossuaire, ostensiblement, pagination, pamphletier ou pamphlétaire, pandémonion, pantin, paperassier, parallèlement, paralyser, paraphraser, passagèrement, patronal, percepteur, perdable, perforer, perkinisme, pérorer, persévéramment, pervertissement, pétitionner, philhellène, picpus, pionner, pisé, plagal, plaque, pratiquement, prépondérance, présentable, primaire, primordialement, productif, progressivement, prolongement, prostration, provisorerie, putridité, rassemblement, réélection, réélire, remiser, rempailler, rempailleur, reniflement, répressif, répression, reproductibilité, reproductible, romantisme, saccageur, salification, sanbénito, scruter, servilité, sibarite, sigisbée, silhouette, simplification, soupeur, stage, stagiaire, stéréotypie, stimuler, superposer, surveillance, temporisation, territorial, textuel, textuellement, thésauriser, torturer, vache, vagabondage, vendable, versement, vexatoire, vicinal, vitalité, vocable, Vaux-Hall, etc., etc.

Enfin, cette quatrième édition a été confiée à un imprimeur distingué, et tirée sur des caractères neufs.


NOTICE HISTORIQUE

SUR CLAUDE-MARIE GATTEL

La flatterie s'attache à encenser les grands pendant leur vie, et les éloges que l'intérêt ou l'ambition leur prodiguent, ne les garantissent point du blâme ou des reproches qui quelquefois les suivent au tombeau. Les gens de lettres qui se sont acquis eux-mêmes un nom digne d'estime, ont un sort tout différent; critiqués ou bien oubliés pendant qu'ils vivoient, ils acquièrent en mourant l'avantage d'être appréciés avec plus de justice. L'homme a disparu, mais d'utiles travaux lui survivent. La jalousie et la malignité se taisent; et le Public, qui finit presque toujours par être juste, met quelque intérêt à connoître de plus près celui qui a eu le bonheur d'ajouter quelques connoissances utiles à celles que nous possédions déjà, de faciliter l'instruction et d'augmenter la masse de nos lumières.

Parmi ces hommes estimables, notre siècle assignera un rang distingué à Claude-Marie Gattel, proviseur-émérite du lycée de Grenoble, officier de l'Université, membre du conseil académique et de la société des sciences et des arts de la même ville. Il naquit à Lyon, le 20 avril 1743, de parens peu favorisés de la fortune, et fut destiné à l'état ecclésiastique, carrière ouverte à presque tous les talens utiles, et dans laquelle tant d grands hommes ont offert en tous genres des modèles à suivre à ceux qu'une noble émulation a portés à marcher sur leurs traces.

Il fit ses premières études au collège des Jésuites de Lyon; il les continua à l'Université de Paris, dans un temps où le souvenir récent des Rollin, des Coffin, et les chefs d'œuvres qui immortalisèrent le siècle de Louis XIV, enflammoient encore les professeurs et les élèves. De l'université, le jeune Gattel passa au séminaire de Saint-Sulpice, et dès lors se voua à l'instruction publique, à laquelle il a depuis consacré les trente-quatre plus belles années de sa vie.

En 1764, appelé à professer la philosophie au séminaire de Saint-Irénée de Lyon, il s'en acquitta avec distinction jusqu'en 1766. Porté sur un plus grand théâtre, il remplit pendant une année les fonctions de maître de conférences de théologie au grand séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Bientôt après (en 1767), il fut nommé professeur de philosophie, physique et mathématiques à Grenoble, et successivement sous-principal du collège de cette ville; l'exercice de cette place pendant dix-neuf ans consécutifs y avoit fixé son séjour. Il trouva une nouvelle patrie dans une ville aussi distinguée par son amour pour les lettres que par l'esprit naturel, qui caractérise ses habitans.

A cette époque, le collège ayant été confié à la congrégation de Saint-Joseph, l'abbé Gattel se retira avec une pension modique. Dès lors, devenu plus libre, il se voua plus particulièrement à la culture des lettres. De nouvelles circonstances le forcèrent à s'ouvrir une nouvelle carrière.

Reçu avocat au parlement de Dauphiné, il remplit depuis 1786 jusqu'à la dissolution des parlemens, l'importante fonction de secrétaire en chef de la première présidence de cette cour souveraine.

L'orage d'où devoient éclore les troubles qui dans ces derniers temps ont agité la France, commençoit à s'élever sur notre horizon; il ne tarda pas à éclater. Enlevé à des travaux auxquels ses succès devoient l'attacher, l'abbé Gattel fut victime dans plus d'un sens, de la subversion presque universelle des fortunes. Il vit s'anéantir la portion la plus essentielle de la pension qui étoit le prix de ses veilles. En même temps, le fruit de ses épargnes, qui formoit un objet de vingt mille livres, s'évanouit par le discrédit des assignats. Une détention de dix-huit mois, comme suspect, vint ajouter aux disgraces de sa fortune.

Ses talens et l'esprit de douceur dont il étoit doué ne pouvoient le laisser ni sans ressources ni sans occupation; il avoit su en trouver dans la direction qui lui fut confiée de la correspondance d'une administration des subsistances militaires. Des événemens, dont le bouleversement général de la société devoit être le principal résultat, travestirent ainsi l'homme de lettres en chef de bureau militaire; mais l'estime dont M. Gattel jouissoit à si juste titre, lui préparoit un dédommagement honorable. Ses concitoyens, habitués à jouir de ses talens et de son zèle, ne laissèrent pas échapper l'occasion de les mettre encore une fois à profit. Le directoire du département de l'Isère le nomma professeur de grammaire générale à l'école centrale de Grenoble. Personne mieux que lui ne pouvoit y porter cet esprit d'analyse et de méthode, cette finesse de tact et de goût qui l'ont distingué. Il occupa cette chaire depuis le 5 ventose an 4 jusqu'à la fin de l'an 12 (1804).

Il étoit réservé à une main plus puissante de décerner à cet homme estimable un prix de ses travaux plus honorable encore et mieux assorti à leur mérite. Le 25 frimaire an 12, un arrêté du premier Consul nomma M. Gattel proviseur du lycée de Grenoble. IL remplit cette place importante jusqu'au 1er janvier 1810; et nous avons pour garans de ses succès dans ces nouvelles fonctions la pension de retraite de 1800 francs que son Exc. le Grand-Maître de l'Université lui accorda le 27 juin 1809. A cette première faveur, S. Exc. En fit bientôt succéder une seconde, en conférant à M. Gattel les titres de proviseur-émérite et d'officier de l'Université, avec le droit d'en porter la décoration.

M. Gattel déjà chargé d'années commençoit à jouir d'un repos qu'une santé délicate et délabrée lui rendoit indispensable. Il obtint quelques loisirs, il s'appliqua à les rendre utiles, il les consacra à des travaux littéraires dont nous aurons bientôt à rendre compte. Une nouvelle faveur du chef illustre de l'Université l'appela (20 mai 1812) au conseil académique de Grenoble, et cette faveur étoit la dernière qu'il eût à obtenir. Il venoit d'être installé le 9 juin suivant, lorsque le 19 du même mois en moins d'une heure et au moment où il rentroit le soir chez lui, une mort soudaine l'enleva aux lettres, à ses amis et aux espérances que permettoient encore de former son activité et des talens que les glaces de l'âge n'avoient point affoiblis. Le concours nombreux des élèves, des professeurs, des administrateurs, des membres du lycée, du corps académique et de la société des sciences et des arts, ainsi que des citoyens les plus distingués qui assistèrent à ses obsèques, a été un témoignage non équivoque des regrets donnés à sa mémoire et de la considération qu'il s'étoit acquise.

Les talens que M. Gattel avoit reçus de la nature et que le genre de ses occupations l'avoit mis à portée de cultiver, auroient certainement pu lui permettre d'aspirer à un rang plus distingué dans la carrière des lettres; mais tout semble indiquer que sa première, son unique ambition a été de se rendre utile. Se défiant peut être trop de lui-même, il a dans le choix de ses travaux donné la préférence à ceux qui ne lui laissoient aucun doute sur les moyens d'atteindre à son but. Combien n'auroient pas gagné nos livres élémentaires et usuels, si des plumes aussi exercées que la sienne eussent daigné s'en occuper et descendre jusqu'à des soins qui, quoi qu'on en puisse dire, ne sont pas indignes d'exciter leur émulation !

Ceux qui ont connu particulièrement M. Gattel, ne douteront point de l'ascendant que ce sentiment a pu avoir sur lui; mais à son étonnante et féconde facilité se joignoit l'abandon de la paresse; il aimoit le plaisir, et craignoit la peine; il avoit besoin de fournir un aliment à l'activité de son esprit et redoutoit un travail trop profond. Voué en entier à celui de l'instruction, il sembloit ne chercher qu'un délassement dans ses occupations littéraires. Son ambition s'étoit circonscrite dans un cercle borné, duquel il paroissoit craindre de sortir. Comme homme de lettres, ses relations et ses correspondances ne s'étendoient pas au-delà de Grenoble et de Lyon; les liaisons douces et paisibles de l'amitié lui étoient plus chères que les attraits d'une brillante renommée, à laquelle il fût aisément parvenu, s'il eût cherché à l'obtenir.

Son premier ouvrage fut la traduction de l'italien en françois des Mémoires du marquis de Pombal, imprimés à Lyon en 1783 en 4 vol. in-12, sous le nom d'une ville étrangère. L'Europe entière s'occupoit de la mort récente de ce ministre célèbre, homme ambitieux et tyrannique, dont l'influence momentanée produisit de si grands événements. L'ouvrage accueilli par la curiosité, dut son succès aux circonstances et à l'élégante facilité du style. Il a depuis été réimprimé à Bruxelles, et c'est à tort que M. Barbier, dans son Dictionnaire des Anonymes, dit qu'il est douteux que l'abbé Gattel en soit le traducteur. Les éditeurs de Lyon et les amis de l'auteur de la traduction à Grenoble, peuvent assurer ce fait d'une manière positive (Le manuscrit de cette traduction, tout entier de la main de Gattel, existe encore à Grenoble.)

En 1790, il enrichit notre littérature d'un Dictionnaire françois-espagnol et espagnol-françois, avec l'interprétation latine de chaque mot, Lyon, Bruyset frères, en 3 vol. in-8°. Cet ouvrage, à peine ébauché par les Lexicographes nombreux qui avoient précédé M. Gattel, étoit encore à naître; il fut accueilli en France et en Espagne avec applaudissements; aussi a-t-il été réimprimé à Lyon, Bruyset aîné et Cie, 1803, en 2 vol. in-4°, avec l'indication de la prononciation respective de chaque mot dans l'une et l'autre langue. On ne peut lire qu'avec un vif intérêt le Discours préliminaire dont l'auteur l'a fait précéder, morceau de littérature qui respire le goût le plus épuré, également plein de sagesse et de philosophie.

C'est de cet ouvrage qu'ont été tirés les Vocabulaires, format de poche, imprimés en 1798 et en 1803, à Paris, chez Bossange, dont le premier a pour titre Nouveau Dictionnaire portatif françois-espagnol et espagnol-françois, 2 vol. in-12; et le second: Dictionnaire espagnol-anglois et anglois-espagnol, 2 vol. in-12.

Vénéroni(1), parvenu à l'emploi de secrétaire interprète du Roi sous le règne de Louis xiv, contribua beaucoup à répandre en France et à la cour le goût de la langue italienne. Il se fit un nom par le nombre et le rang de ses écoliers, et publia une grammaire italienne, indigeste et dénuée de toute méthode, mais qui long-temps a joui d'une très grande vogue à l'ombre de la réputation de son auteur. Elle a acquis par les soins de M. Gattel dans l'édition qu'il en a donnée l'an 8 (1800), un mérite réel et plus solide. Cette édition a depuis été sept ou huit fois réimprimée.

Il ne s'est pas borné à faciliter aux François la connaissance des langues étrangères qui pouvoient le plus les intéresser. On auroit eu un reproche grave à lui faire, s'il ne se fût appliqué à nous développer les ressources et les richesses de notre langue propre, dans son nouveau Dictionnaire de la langue françoise, en 2 vol. in-8°, ouvrage important publié en 1797, et dont de nombreuses contrefaçons attestent le succès et l'utilité. Il a travaillé depuis pendant plusieurs années à rédiger une seconde édition de ce même Dictionnaire. Il l'avoit heureusement terminée et entièrement mise au net de sa main, l'impression en étoit même commencée lorsque la mort vint le frapper. Cette circonstance fut d'autant plus pénible pour les éditeurs qu'ils avoient avec juste raison chargé l'auteur du soin de suivre feuille par feuille l'impression de son ouvrage, conciliant par là ce qu'ils devoient au Public avec leurs propres intérêts. Mais ils eurent moins de regrets à exercer à cet égard lorsqu'ils eurent l'assurance que l'auteur seroit remplacé dans cette occasion par M. Champolllion-Figeac, doyen de la faculté des lettres et bibliothécaires de la ville de Grenoble, membre de la société royale des sciences de Gottingue, qui connoissoit le plan et l'ordre de travail de M. Gattel dans la nouvelle édition de son Dictionnaire, et qui par plusieurs additions utiles et un plus grand nombre de corrections, seconda avantageusement le zèle que mettoit l'auteur à rendre cet ouvrage de plus en plus digne de sa destination.

Il ne nous appartient pas sans doute de prévenir le jugement du Public sur les additions nombreuses dont l'auteur a enrichi sa nouvelle édition, et moins encore d'empiéter sur le compte qu'il en a rendu dans la savante Préface qui suit cet écrit. Il ne peut nous être permis de parler que des améliorations que sa modestie a pu l'empêcher de faire valoir ou d'apprécier lui-même.

On n'y verra pas avec indifférence rassemblée dans tous ses détails et sous un volume peu embarrassant, la langue de tous les arts et de toutes les sciences qui forment l'objet des connoissances humaines; on s'étonnera même de voir l'auteur la parler avec autant de netteté et de précision que si tous les objets qu'il décrit lui eussent été familiers; on distinguera aisément l'étude qu'il a dû faire lui-même de ceux dont les sources où il a puisé ne pouvoient pas lui donner une connoissance assez exacte.

Ceux qui se plaisent aux recherches savantes lui sauront gré de leur avoir présenté en quelque sorte l'histoire généalogique de notre langue, dans la suite des étymologies dégagées, autant qu'il a été possible, de ce que la fureur de tout expliquer a pu y introduire d'incertain ou de peu probable. M. Gattel, toujours attentif à citer ses autorités, aura bien mérité de la science en faisant parmi les explications nombreuses des étymologistes un choix éclairé de celles qui laissent le moins à désirer. C'est servir utilement la curiosité que de dégager la vérité des erreurs qui si souvent l'avoisinent ou l'accompagnent.

Dans le développement des nuances délicates qui distinguent les synonymes, de nombreuses additions ont enrichi cette partie essentielle de l'art grammatical qu'on ne peut enseigner, qui consiste tout entière dans des observations isolées, et qui, par cette raison, semble appartenir plus particulièrement à un Dictionnaire de langue.

Des remarques semées à propos sur les locutions vicieuses accréditées par l'usage dans plusieurs grandes villes, aideront à s'en défendre ceux à qui l'habitude de les entendre les aura rendu familières. Enfin, le relevé des fautes échappées à nos plus grands écrivains, appelés à servir de modèle et d'autorité, apprendra aux jeunes littérateurs et à tous ceux qui sont jaloux de la pureté du langage, combien, dans la carrière qu'ils parcourent, ils ont à se défier d'eux-mêmes, et à se prémunir contre l'autorité des noms les plus imposans. Ce travail appartient en entier à M. Gattel.

Tels sont les titres principaux et les plus connus qu'il s'est acquis à l'estime publique; il s'est rendu recommandable par plusieurs discours prononcés dans des assemblées politiques ou littéraires, et épars dans divers recueils, par des mémoires lus à l'académie de Grenoble et conservés dans ses porte-feuilles. On y distingue entre autres des Réflexions sur quelques vices d'élocution familiers aux François et spécialement aux habitans de Grenoble, résultat de l'étude approfondie qu'il avoit faite de sa langue; une Dissertation sur quelques-uns des caractères du langage primitif, sur l'origine et les progrès de l'écriture, et divers Rapports à l'académie sur différens objets.

M. Gattel a laissé en manuscrit quelques traductions de l'italien et d l'anglois, ouvrages de sa jeunesse, mais dans lesquels on reconnoît le goût délicat qu'on remarque généralement dans toutes ses productions. Doué d'une imagination vive et de beaucoup de sensibilité, il aimoit les ouvrages qui lui retraçoient les dispositions de son ame. Le talent du traducteur se rapproche sous quelques points de vue de celui du poëte; il est à la poësie ce qu'est le dessin à la peinture: il exerce l'imagination, il conduit à cette magie de style quoi est l'apanage des grands écrivains, et ce n'est jamais vainement que, dans le choix des expressions harmonieuses ou brillantes par leur justesse, on s'applique à lutter contre les grands modèles. Ed io anche son pillore, s'écrioit le Corrège en contemplant les chefs d'œuvre de Raphael.

Le talent de la poésie n'étoit en effet point étranger à M. Gattel; on le reconnoît dans un foule de pièces fugitives et de vers de société pleins de goût et pétillans d'esprit, mais adaptés à des circonstances du moment et de l'à propos qui en font le principal mérite. On le retrouve dans les inscriptions en vers qu'il a mises au bas des portraits d'un grand nombre d'hommes illustres du Dauphiné, réunis dans un même local, dont l'inauguration fut l'objet d'une cérémonie publique et d'une fête civique aussi honorable pour la mémoire de ceux à qui elle étoit adressée, que pour ceux qui la célébroient.

Dans une autre occasion où M. le baron Fourier, préfet du département de l'Isère, avoit rassemblé dans une fête élégante les principaux citoyens et les dames les plus distinguées de la ville, M. Gattel montra d'une manière aussi brillante qu'inattendue à quel point il possédoit les talens de société. Près de quatre-vingt dames, par l'effet d'une allégorie ingénieuse, s'entendirent adresser à chacune d'elles des madrigaux et des couplets pleins de sel, où, louées avec finesse, elles se trouvoient toutes caractérisées par le genre de mérite ou d'agrément qui les distinguoit; aussi l'auteur, répandu dans les meilleures sociétés, y étoit-il reçu et recherché avec un égal empressement. Une gaîté douce, un sens droit, des saillies heureuses, un caractère aimable, l'appeloient à faire l'ornement de toutes celles où il étoit admis et apprécié. Ces qualités extérieurs, ce talent de plaire qu'il posséda à un grand degré, relevoient le prix des vertus plus solides qui le caractérisèrent. Fixé dans une ville où règne le goût des arts et des connoissances utiles, il s'y fit de nombreux amis; il méritoit d'en avoir. Modeste, plein d'honneur et de talens, lui-même il cherchoit à se dérober à la gloire qu'il lui eût été facile d'acquérir. Etranger à toutes les tracasseries de société, jaloux d'un repos qu'il savoit allier avec les travaux d'une vie active quoique sédentaire, il porta dans sa conduite cet esprit de méthode et d'ordre qu'il aimoit à suivre dans toutes ses actions, qui l'a si bien servi dans ses études grammaticales, et dont on verra qu'il a fait un heureux emploi dans l'examen critique des fautes de style échappées à nos écrivains les plus célèbres. Les éditeurs de son Dictionnaire ont pu reconnaître la scrupuleuse attention qu'il donnoit aux plus petits détails dans le mis au net de son ouvrage, où il n'existoit pas la moindre confusion, quoique le nombre des renvois et des additions fût immense.

M. Gattel n'a oublié dans ses dernières dispositions, ni les amis auxquels il étoit attaché, ni à la ville qui étoit devenue pour lui une seconde patrie. Il a légué à la Bibliothèque publique tous ses livres anglois, espagnols et italiens, et enrichi le Musée de tous les tableaux ou dessins qu'il possédoit.


PRÉFACE

Si l'on pouvoit douter du rang distingué que tient de nos jours dans l'éducation l'étude de la Langue françoise, il suffiroit pour s'en convaincre de jeter les yeux sur la multitude d'ouvrages élémentaires dont elle est l'objet. Il n'y a pas de mois, presque pas de semaine, où quelque nouveau dictionnaire, quelque grammaire nouvelle n'atteste et l'importance qu'on attache à cette étude, et le soin avec lequel on s'en occupe. Jamais, il est vrai, cette belle langue, depuis long-temps illustrée par tant de chefs d'œuvre, et sur laquelle se réfléchissent aujourd'hui avec éclat tant d'autres genres de gloire, ne mérita à plus juste titre cette attention, non seulement de la part du peuple à qui elle est naturelle, mais encore de celle des peuples étrangers; jamais empire élevé à un plus haut point de grandeur, et exerçant sur les destinées du monde une plus puissante influence, n'eut le droit de faire en quelque sorte de sa langue propre la langue universelle de l'Europe, et le moyen de communication de toutes les nations polies et cultivée(2). On ne doit donc s'étonner ni de la direction générale que les esprits semblent avoir prise à cet égard, ni de l'empressement que mettent à la seconder les Grammairiens et les Lexicographes.

Je ne sais cependant, pour me borner ici à ce qui regarde les dictionnaires, si leur grande abondance n'est pas chez nous un signe d'indigence plutôt que de véritable richesse. Il me paroît évident que, s'il existoit un bon dictionnaire françois, un dictionnaire qui, pour l'utilité et l'agrément dont ce genre d'ouvrage est susceptible, réunît dans un degré supérieur, toutes les conditions qu'on peut exiger, le nombre de ceux qui se succèdent ainsi rapidement les uns aux autres, seroit moins considérable. Ce n'est pas que dans ce nombre il ne s'en trouve quelques-uns d'un mérite réel, et qui ont atteint avec succès le but que leurs auteurs s'y étoient proposé; mais ce but étoit tel, que l'attente du public n'a pu être que très imparfaitement satisfaite. Les uns ont été des dictionnaires exclusivement consacrés aux sciences et aux arts, étrangers par là même à la classe la plus nombreuse des lecteurs; d'autres sont de simples vocabulaires, bornés de leur nature à une nomenclature plus ou moins complète, et à des définitions qui, en les supposant même aussi exactes qu'elles doivent l'être, sont néanmoins trop concises, trop resserrées pour donner toujours une idée suffisante de l'objet défini; d'autres, enfin, plus étendus, ont laissé encore beaucoup de choses à désirer. Le Dictionnaire de l'Académie lui-même, qui, pour les personnes jalouses de parler et d'écrire correctement leur langue, est le meilleur guide que jusqu'à présent elles aient à suivre, la règle la plus sûre qu'elles aient pu consulter, n'est cependant encore ni si complet dans son plan, ni si parfait dans son exécution, qu'on ne puisse en concevoir et en espérer un meilleur. Cette espérance sera sans doute pleinement remplie par l'ouvrage que prépare la seconde classe de l'Institut; mais quelque activité qu'elle apporte à cet utile et important travail, il exige trop de soins et de temps, pour que nous puissions en recueillir les fruits à une époque très prochaine. Jusque là, le même vide, les mêmes besoins sembleront autoriser de nouvelles tentatives pour tâcher de les rendre un peu moins sensibles.

D'après ces considérations, j'ai cru, malgré ce grand nombre de Dictionnaires françois, et sans avoir, à beaucoup près, la ridicule prétention de suppléer entièrement à tout ce qui m'a paru y manquer; j'ai cru, dis-je, pouvoir en offrir au public encore un, dont je ne me dissimule pas les imperfections, mais qui pourra néanmoins être, j'ose le croire, de quelque utilité. Ce n'est, au reste, ni un ouvrage absolument neuf, ni la simple réimpression d'un ouvrage déjà existant: c'est une nouvelle édition du Dictionnaire que je publiai en 1797, mais faite sur un nouveau plan et une plus grande échelle, avec des corrections presque à chaque article, et des additions telles, que, sous un même format, du moins en apparence, l'ouvrage est devenu presque double de ce qu'il étoit.

L'accueil que le public daigna faire à ce Dictionnaire au moment où il parut, m'imposoit depuis long-temps l'obligation de redoubler d'efforts et de soins pour tâcher de le rendre moins indigne de cette extrême indulgence. Je ne me rappelle point sans un vif sentiment de reconnoissance le compte favorable qu'en rendirent à cette époque les Rédacteurs du Magasin encyclopédique(3), et surtout le suffrage flatteur dont voulut bien l'honorer un des juges les plus compétens en cette matière, le savant et respectable Instituteur des sourds-muets(4). Ne m'aveuglant point sur les nombreux défauts d'un ouvrage entrepris et terminé dans les circonstances les plus difficiles de la révolution, mais encouragé par ces témoignages de bienveillance, je formai dès lors le dessein de travailler autant qu'il seroit en mon pouvoir, à faire disparoître les premiers et à justifier les seconds. Ce dessein ne se borna pas même aux corrections dont je sentois mieux que personne l'indispensable nécessité. Aidé des conseils d'amis éclairés, mettant à profit les observations d'une critique judicieuse, je méditai un nouveau plan, je rassemblai un grand nombre de matériaux; et je me disposois à les mettre en œuvre, lorsque des fonctions importantes auxquelles je devois tout mon temps, ne m'en laissèrent plus le loisir. Ce n'est que de puis deux ans que, graces aux bontés de S. Exc. Le Grand-Maître de l'Université, jouissant d'un repos que mon âge, ma santé me rendoient nécessaire, et que ces mêmes bontés me rendent encore plus précieux, j'ai pu reprendre ce travail et y consacrer tout ce qui me restoit de forces. Je n'ignore pas combien peu de titres à la renommée donne en général à son auteur un ouvrage de ce genre, qui n'est et ne peut jamais être qu'une sorte de compilation; mais abjurant toute espèce de prétention à la gloire littéraire, je n'ai eu d'autre ambition que celle d'être utile. Si j'ai pu y parvenir, je me croirai amplement payé des peines et du temps que m'a coûté ce dernier fruit de mes veilles.

Je dois maintenant au public quelques détails sur le plan que je me suis tracé et le mode d'exécution que j'ai suivi. Ce que j'ai à en dire peut être rangé sous six chefs principaux: la nomenclature, l'orthographe, la prononciation, la signification des mots, leur emploi dans le discours, et leur étymologie. Telles sont en effet, à quelques légères modifications près, les différentes parties que, suivant d'Alembert(5), on peut considérer dans un Dictionnaire de langues.

I. NOMENCLATURE.

J'entends par nomenclature le nombre et la nature des mots dont se compose un vocabulaire. Ces mots appartiennent ou à la langue usuelle, ou à celle des sciences et des arts; et parmi les premiers, les uns sont de création plus ou moins nouvelle, les autres sont consacrés par un long usage, par l'autorité du corps littéraire spécialement chargé en France de veiller sur la pureté de la langue, et par l'emploi qu'en ont fait les grands Écrivains dont s'honore la littérature françoise. Pour commencer par ceux-ci, j'ai dû sans doute, et ç'a été un de mes soins principaux, ne rien négliger pour en compléter le recueil. Mon premier guide à cet effet a été le Dictionnaire de l'Académie, dont j'ai consulté les différentes éditions, notamment celle de 1762, la dernière qui ait été publiée avant la révolution, et celle qui, ensuite d'un décret de la Convention nationale, fut trente-sept ans plus tard, en l'an vii, imprimée par le libraire Smits, d'après les notes laissées par l'Académie, et sous la principale direction de Wailly, un de nos Grammairiens les plus distingués. Ce n'est pas que ce dernier travail n'ait encore laissé des lacunes que j'ai cherché à remplir, en puisant, soit dans le grand Vocabulaire françois, soit dans divers autres Lexiques, soit enfin dans ceux des Écrivains à qui le mérite reconnu de leurs productions semble avoir acquis le droit de faire autorité dans la langue. Dans le dernier cas, et surtout lorsque cette autorité ne m'a pas paru assez grave, j'ai eu soin d'indiquer d'où le mot a été tiré, pour ne pas donner à celui-ci plus de crédit et de cours que ne pouvoit lui en assurer cette espèce de garantie.

C'est particulièrement ce que j'ai fait pour un petit nombre de mots que j'ai empruntés du Dictionnaire de Trévoux, et que je n'ai trouvés que là. Cet ouvrage, recommandable sans doute à beaucoup d'égards, mais qui malheureusement avoit peut-être trop à cœur de justifier ses prétentions au titre de Dictionnaire universel, s'est, entre les mains des différens auteurs qui y ont successivement travaillé, grossi d'une multitude de termes hasardés, vieillis, ou quelquefois même tout-à-fait étrangers à la langue. Sur ce point comme sur quelques autres, c'est souvent un guide peu sûr qu'on ne doit suivre qu'avec défiance et une sage circonspection.

En prenant une semblable précaution pour les mots du langage usuel qui y ont été nouvellement introduits, j'y ai ajouté celle non seulement de les désigner toujours comme tels, mais encore d'indiquer jusqu'à quel point ils paroissoient avoir été adoptés par l'usage, et quelquefois même à quel titre ils pourroient être conservés.

Les termes exclusivement propres aux sciences et aux arts, peuvent également se subdiviser en deux classes: les uns sont purement scientifiques; les autres forment ce qu'on appelle la langue des arts, soit mécaniques, soit libéraux.

D'abord, pour ce qui concerne les sciences, et particulièrement les sciences physiques, le goût en est aujourd'hui si universellement répandu; tant de personnes les cultivent, et tant d'autres mêmes, sans en faire leur occupation habituelle, aiment du moins à en connoître les principes généraux et les plus importantes applications; leurs avantages mieux sentis, et leur étude mieux dirigée ont fait à juste titre assigner à cette étude une place si distinguée dans l'instruction actuelle, que j'ai cru, je l'avoue, donner à mon ouvrage un grand degré de plus d'intérêt et d'utilité, en y insérant la plupart des mots de cette classe. On y trouvera donc rassemblés soigneusement les termes de mathématiques, d'astronomie, de marine, de mécanique, d'optique, et des autres branches de la physique générale et particulière; ceux de médecine, de chirurgie, d'anatomie, de chimie, d'histoire naturelle, etc., etc.

Je n'ai pas besoin d'annoncer que pour la chimie je me suis spécialement attaché à en faire connoître la nouvelle nomenclature, qui, en recommandant la mémoire de ses illustres créateurs, les Guyton de Morveau, les Lavoisier, les Fourcroy, etc., à la reconnoissance des chimistes de tous les âges, a pour jamais assuré à la chimie moderne une supériorité si marquée sur l'ancienne, et à laquelle peut-être elle doit d'être enfin devenue une véritable science. Cependant, je n'ai pas pensé que l'obligation d'indiquer avec exactitude cette nomenclature nouvelle dût me faire négliger entièrement celle qu'elle a si heureusement remplacée. Comme les termes dont se compose celle-ci, quelque impropres, quelque bizarres qu'ils fussent, sont néanmoins nécessaires à entendre pour la lecture des anciens ouvrages de chimie, je ne pouvois sans doute me dispenser d'en conserver ici le vocabulaire. Souvent même, pour faciliter la comparaison et l'intelligence respective de ces deux nomenclatures, je les ai dans le même article rapportées mutuellement l'une à l'autre; de manière que les substances dont il est question sont alors désignées à la fois, mais toujours sans qu'on puisse confondre ces dénominations diverses, et par le nom sous lequel elles étoient précédemment connues, et par celui qu'elles portent aujourd'hui.

La même concordance a eu lieu pour un grand nombre de termes de minéralogie, de crystallographie, etc. Ceux qu'avaient employés les anciens minéralogistes, ont été rapportés, lorsque l'occasion s'en est offerte, à ceux qu'y a substitués le savant M. Haüy. Dans ces rapprochemens, qui ne m'ont pas paru sans utilité, j'ai fait un fréquent usage du Dictionnaire des nomenclatures chimiques et minéralogiques anciennes, comparées aux nomenclatures modernes, par Sewrin.

Quant aux deux autres grandes parties de l'histoire naturelle, la botanique et la zoologie, j'ai pour celle-ci suivi avec la plus scrupuleuse fidélité, les classifications nouvelles, telles qu'elles sont établies dans l'excellent Traité élémentaire de M. Constant-Duméril, d'après nos grands naturalistes modernes, MM. de Lacépède, Cuvier, etc. Mais, en donnant la nomenclature exacte des classes et sous-classes, des ordres et de toutes les familles, je n'ai pu embrasser avec la même universalité, ni tous les genres, ni à plus forte raison toutes les espèce; les limites dans lesquelles j'avois à me circonscrire ne me l'auroient pas permis. J'ai dû me borner, pour ces deux subdivisions, à ce qu'elles m'ont paru avoir de plus connu ou de plus digne de l'être, soit sous le rapport de l'utilité, soit sous un autre rapport quelconque.

Dans la botanique, trois systèmes principaux se sont partagé successivement l'attention des savans: celui de Tournefort, le plus ancien de tous; celui de Linné, et celui de Jussieu.

Le système de Linné, qui considère principalement dans les plantes leurs organes générateurs mâles et femelles a été par cette raison appelé Système sexuel. Si cette union de la fonction la plus importante de la plante, sa reproduction, à ses autres caractères, le rend séduisant pour l'esprit, il n'offre pas à l'imagination moins d'attrait et d'intérêt, parce que, rapprochant dans un point aussi essentiel la nature végétante de la nature animale, et fondé sur l'amour, la plus poétique des passions, il peut se revêtir de toutes les couleurs dont cette passion est susceptible, s'embellir en quelque sorte de tout le charme qui lui est propre: témoin le joli poëme traduit par M. Deleuze; témoin encore des Lettres sur la botanique, en vers et en prose, publiées en 1802 sans nom d'auteur, et attribuées à M. de Montbrison, ancien officier du génie militaire, etc.

Mais, peut-être d'un autre côté ce système, quelque régulier qu'il soit dans son ensemble, n'est-il point assez naturel dans ses principes, assez facile dans ses applications ? peut-être exige-t-il un examen des plantes trop minutieux pour les simples amateurs de la science, et qui même dans les arbres leur devient presque impossible. En conséquence, j'ai bien fait connoître sous leurs dénominations respectives, les divisions et subdivisions principales du système sexuel; mais ce n'est point à ce système que j'ai rapporté les caractères des plantes dont j'ai eu à faire mention.

Je n'ai pas rapporté davantage ces caractères au système de la nature, qui, bien plus conforme que celui de Linné aux indications de la nature, a mérité justement le nom de Méthode naturelle, par lequel il est spécialement désigné. Mais cette méthode est longue à apprendre, plus difficile encore à graver dans la mémoire; elle demande, surtout pour la détermination des espèces, une habitude que tout le monde n'a pas et plus d'attention qu'on ne peut ou qu'on ne veut en apporter. Elle est par là bien plus convenable aux botanistes de profession, qu'aux personnes qui ne cherchent à faire de cette étude qu'un objet d'amusement ou de curiosité, c'est-à-dire au très grand nombre de celles à qui ce Dictionnaire doit servir.

Je me suis donc borné pour la méthode naturelle de Jussieu, comme pour le système sexuel de Linné, à en donner la nomenclature générale, et tout au plus à en indiquer quelques familles, en ayant soin, pour éviter toute confusion, de les désigner comme appartenant à cette même méthode.

Dans tout le reste, j'ai cru devoir préférer, comme le plus approprié à mes vues, le système de Tournefort, le véritable créateur de la science botanique, et qui, surpassé à certains égards par ses illustres successeurs, a conservé sur eux l'avantage de la simplicité et de la clarté. Sa méthode, fondée sur la structure de fleurs et des fruits, ne demande pour être saisie et appliquée, ni convention pénible, ni étude bien profonde. La plus légère attention suffit pour reconnoître dans les classes la forme variée des corolles, ou l'absence de quelqu'unes des parties de la fleur; dans les genres, la structure du calice et du fruit; dans les espèces, la forme ou la disposition des feuilles, etc. Linné, en ajoutant, d'après les découvertes nouvelles, un grand nombre de genres à ceux de Tournefort, crut n'avoir rien de mieux à faire pour l'avantage de la science que d'adopter pleinement les caractères sur lesquels ces genres étoient établis, sans y introduire d'autres changemens que ses additions(6): comme Jussieu, de son côté, par l'addition des familles naturelles de Tournefort, devenues en quelque sorte la base de la méthode naturelle, a rendu à ce botaniste célèbre un hommage qui honore également l'un et l'autre.

Les termes de médecine, de chirurgie et d'anatomie ont été pris dans les meilleurs ouvrages. Le Dictionnaire portatif de Lavoisien m'en a fourni un très grand nombre, auxquels j'ai eu soin d'ajouter non seulement ceux que l'auteur avoit pu omettre à l'époque où il écrivoit, mais encore les mots de création plus récente, et notamment ceux dont le docteur Pinel a, dans sa Nosographie philosophique, enrichi la langue médicale.

J'ai également, pour les mathématiques et les sciences qui en dépendent, pour la physique et ses différentes branches, puisé dans les sources les plus accréditées, soit anciennes, soit modernes. Tels sont le Dictionnaire des mathématiques de l'Encyclopédie méthodique par d'Alembert, Bossu, La Lande, Condorcet, etc.; le Dictionnaire de marine, qui fait partie du même ouvrage; l'Histoire de l'astronomie par Bailly; les Traités d'Astronomie de La Caille, La Lande, etc.; les Élémens de la même science par M. Biot; les Cours de physique publiés à diverses époques par Désaugiers, Musschenbroeck, Nollet, Sigaud de La Fond, et plus récemment par M. Haüy; les Dictionnaires de Paulian, Brisson, et celui surtout de M. Libes, le dernier et le plus complet de tous.

On voit par ces détails qu'il n'a pas tenu à moi que les personnes qui voudront consulter, sur ces diverses matières, le nouveau Dictionnaire que j'offre au public, ne soient parfaitement au courant de la science.

Si mon plan m'a conduit ainsi à compléter, autant que je l'ai pu, le vocabulaire des sciences dont je viens de parler, et de plusieurs autres, on sent assez que je n'ai pas dû m'occuper avec moins d'exactitude et de soin de la littérature et de ses différentes parties, l'éloquence, la poésie, l'histoire, l'archéologie, etc. Je n'ai même cru devoir exclure du moins entièrement, ni les termes de mythologie, dont quelques-uns m'ont paru à beaucoup d'égards utiles à conserver; ni ceux de relation, absolument nécessaires pour la lecture des voyageurs; ni ceux qui sont exclusivement propres au blason, pour lesquels l'Encyclopédie méthodique m'a encore été d'un grand secours.

Les arts, ainsi que je l'ai dit plus haut, se divisent naturellement en arts libéraux, appelés aussi beaux arts, et en arts mécaniques.

Au nombre des premiers, sont la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique, la danse, tous les arts en un mot, ou qui appartiennent uniquement à l'esprit, ou dans lesquels l'esprit a plus de part que la main. Presque tous ont leur langue particulière; je n'ai rien négligé pour tâcher d'en faciliter l'intelligence. Le Dictionnaire de musique de J. J. Rousseau; celui de peinture, sculpture, etc., par Watelet; celui d'architecture par Roland-le-Virloys; celui des beaux-arts, par M. Millin; traités, dissertations, journaux même, j'ai tout mis à contribution et j'ose assurer qu'aucun autre Dictionnaire, du moins du genre de celui-ci, n'a jusqu'à présent offert une nomenclature de ces arts ni plus exacte ni plus complète.

Quant à la langue propre aux arts mécaniques, à la technologie, je n'ai pas dû sans doute lui faire occuper dans cet ouvrage une place hors de proportion avec l'espace dans lequel j'avois à me renfermer; mais je n'ai pas dû non plus l'en bannir tout-à-fait. J'ai même cru, aux termes de cette nature que contenoit ma première édition, pouvoir utilement en ajouter encore un grand nombre d'autres, surtout pour les arts ou plus connus, ou plus intéressans à connoître. La plupart de ces termes nouveaux ont été pris dans le Dictionnaire des arts et métiers de l'Encyclopédie méthodique.

Ces additions se sont encore grossies d'une foule de termes relatifs à l'équitation, à l'escrime, à la chasse, à la pêche, à l'agriculture, au commerce, à la banque, aux monnoies, aux poids et mesures, il est inutile de dire que j'ai donné au système métrique toute l'attention et l'étendue dont son utilité reconnue et la loi qui en prescrit l'usage en France me faisoient un devoir. J'en ai soigneusement indiqué, sous leurs noms respectifs, toutes les divisions et subdivisions, que j'ai même le plus souvent rapportées à celles qui leur correspondoient dans l'ancien système.

En conservant le vocabulaire des mots introduits dans la langue aux diverses époques de la révolution françoise, j'ai mis tous mes soins à le compléter. J'ai joint en conséquence aux termes dont se composoient déjà ce vocabulaire, et tous ceux qui y avoient été omis, et tous ceux qui sont relatifs aux institutions nouvelles, soit qu'elles subsistent encore, soit qu'elles aient été remplacées par d'autres plus durables.

Je terminerai en ce qui concerne la nomenclature, en annonçant que pour mettre à portée de juger du nombre de mots que cette édition contient de plus que la première, j'ai fait constamment précéder du signe +(7) chacun de ces mots nouvellement ajoutés.

Aux termes ainsi désignés, il faut joindre encore une infinité d'acceptions diverses d'un même mot, de locutions, d'expressions proverbiales, etc., qui n'étoient point dans l'édition précédente, et qu'aucun signe ne distingue ici de celles qu'elle renfermoit déjà.

II. ORTHOGRAPHE

L'orthographe est dans les langues, et particulièrement dans les langues vivantes, une des choses sur lesquelles la raison grammaticale a le moins de prise, qui peuvent le moins être déterminées par des principes certains, et surtout par des règles invariables. Sans doute la parole écrite n'étant que le tableau de la parole prononcée, il sembleroit naturel que ce tableau fût toujours la représentation fidèle de son original. Dès que les sons d'une langue ont été fixés; dès que l'alphabet en a été établi, c'est-à-dire, dès qu'il a été convenu qu'à telle voix simple ou articulée dans la prononciation, correspondroit dans l'écriture tel signe ou telle combinaison de signes, rien n'a dû être plus facile, du moins en apparence, que de rendre cette correspondance toujours aussi parfaite qu'elle peut l'être. Je ne doute point qu'en effet ce n'ait été là l'état primitif des choses; mais je suis également convaincu que cet état n'a pu subsister très long-temps. Trop de causes ont dû inévitablement concourir à l'altérer: la tendance naturelle qu'ont toutes les langues à l'euphonie; le commerce avec les étrangers; la bizarrerie et l'extrême mobilité de l'usage, qu'on a appelé le tyran des langues, et qui, comme je l'ai dit ailleurs, exerce en effet sur elles un empire si absolu, et même à quelques égards si légitime(8), etc. Des sons originairement durs, gutturaux, sifflans, deviennent plus doux, et par là changeant de nature, ne peuvent plus être représentés par les mêmes signes, quoique ceux-ci continuent d'être affectés à cette représentation. Aux sons, et quelquefois même aux caractères propres à la langue, s'en mêlent d'autres qui lui sont étrangers; des mots, par exemple, empruntés du grec, y introduisent des lettres doubles, le ph, le th, dont la valeur est tout-à-fait semblable à celle de l'f simple et du t simple, fait qu'un son absolument le même pour l'oreille, est, selon les circonstances, peint aux yeux par deux signes différens. Dans d'autres mots, des lettres, qui d'abord étoient prononcées, cessent ensuite de l'être, sans cesser cependant d'être écrites, ce qui à la longue ne peut manquer d'introduire dans le système de la langue une extrême confusion et des embarras sans nombre.

Il suit de là que la concordance originairement établie entre la langue écrite et la langue parlée étant détruite, et les causes qui ont amené cet effet ne cessant d'agir progressivement avec la même activité; la prononciation se trouvant pour ainsi dire chaque jour moins en rapport avec les signes destinés à la représenter, il doit, après un laps de temps plus ou moins considérable, venir à la fin une époque où l'on n'a plus, où l'on ne peut plus avoir pour se diriger dans l'orthographe, de règle proprement avouée par la raison, et qu'on soit fondé à regarder comme fixe et invariablement la même. Non seulement l'inspection des caractères ne suffit plus aux étrangers; mais, ce qui est plus fâcheux, les sons prononcés laissent souvent les nationaux eux-mêmes dans une pénible incertitude sur les caractères par lesquels ils ont à les peindre.

Il faut bien alors, au défaut de cette règle que ne peuvent fournir les principes grammaticaux et la nature de la chose, en chercher une dans l'usage, et surtout dans l'usage consacré par une autorité assez imposante pour lever tous les dotes et dissiper toutes les incertitudes; telle fut, pour nous, telle doit être encore, du moins jusqu'à la publication du dictionnaire que prépare la seconde classe de l'Institut, l'ancienne Académie françoise. Aussi pleinement convaincu qu'en cette matière comme en beaucoup d'autres, si l'on ne se rallie à un centre commun il n'y a plus que confusion et désordre, me suis-je fait un devoir, malgré l'exemple de divers grammairiens, etc., de suivre en tout(9) l'orthographe de l'Académie, à l'exception d'un infiniment petit nombre de mots, où cette orthographe m'a paru être trop sensiblement en contradiction avec l'étymologie. Tel est, entre autres, le mot crystal, que l'Académie écrit cristal, et qui, dérivé du grec erussalos doit évidemment s'écrire avec un y.

Je viens de dire: malgré l'exemple de divers grammairiens, etc., parce que personne n'ignore qu'à différentes époques de la langue, des écrivains blessés de cette discordance entre la prononciation et l'orthographe, ont tenté, par des réformes plus ou moins judicieuses, plus ou moins étendues, de rapprocher la seconde de la première. Régnier-Desmarais, dans sa grammaire publiée il y a plus de cent ans(10), rapporte historiquement la suite de ces tentatives faites, pendant deux siècles, par les néographes françois; et, comme dit Beauzée(11), " il met dans un si grand jour l'inutilité et les inconvéniens de leurs systèmes, que l'on sent bonne qu'il n'y a de sûr et de raisonnable que celui de l'orthographe usuelle. "

Depuis Régnier(12), deux écrivains philosophes, dont l'un a traité la grammaire en homme de génie, et l'autre avoit du moins infiniment d'esprit et de goût, Dumarsais et Duclos, ont également proposé pour l'orthographe françoise, diverses réformes qui toutes sont demeurées à peu près sans effet. Le premier(13) supprimoit toutes les lettres doubles qui ne se prononcent point et ne sont pas autorisées par l'étymologie: ainsi il écrivoit home, come, doner, persone, honeur, naturèle, etc. Le second(14) portoit cette suppression encore plus loin: il y comprenoit, sans restriction et sans avoir égard à l'étymologie, toutes les lettres muettes, et vouloit qu'on écrivît diférentes, lètres, admètent, èle, téatre, il ut au lieu de il eut, etc. Le P. Buffier, l'abbé Girard et quelques autres grammairiens ont fait, pour arriver au même but, de semblables efforts, et n'ont pas eu plus de succès.

On trouve dans l'Encyclopédie méthodique(15) un système de néographisme par Beauzée, grammairien aussi exact que profond, et qui avoit sans doute assez bien mérité de la langue, pour acquérir le droit de travailler à rectifier l'orthographe. Si ce système, très bien lié et à peu près complet, pouvoit être adopté, il seroit très propre à purger enfin notre manière d'écrire des superfluités, des bizarreries, des inconséquences qui la surchargent ou la défigurent, et la mettent si souvent en opposition avec notre manière de prononcer. Mais en supposant même, ce que je suis bien loin de penser, cette réforme praticable, l'avantage qui en résulteroit ne seroit jamais que momentané. Les mêmes causes ne tardoient pas à ramener les mêmes inconvéniens; car, ainsi que l'observe ailleurs avec beaucoup de vérité, le même écrivain(16), " c'est… une prétention chimérique que de vouloir mener l'écriture parallèlement à la parole; c'est vouloir pervertir la nature des choses, donner de la mobilité à celles qui sont essentiellement permanentes, et de la stabilité à celles qui sont essentiellement changeantes et variables. "

Plus récemment, le grammairien Dommergue a, dans un ouvrage assez bizarre(17), essayé de déterminer par des signes invariables la prononciation françoise. Il a pensé avec raison, que c'étoit par cete détermination qu'il falloit commencer avant de s'occuper de la réforme de l'orthographe. Mais il n'a pu remplir cet objet sans bouleverser en entier le système de la langue écrite: et il est au moins douteux si, en la présentant aux yeux sous une forme surtout aussi différente de celle sous laquelle les signes déjà connus se sont imprimés dans l'esprit avec les ouvrages des grands écrivains qui l'ont immortalisée, ses essais de prononciation notée n'ont pas plus effrayé qu'encouragé ceux qui auroient voulu suivre son exemple.

Je ne parlerai point ici des innovations du même genre proposées successivement par d'autres grammairiens modernes, tels que Wailly(18), l'abbé Féraud(19), etc. Je n'examinerai pas pourquoi ces innovations dont plusieurs seroient utiles, peut-être même quelques-unes nécessaires, ont fini par être universellement rejetées. Cette discussion n'est pas de mon plan et me méneroit beaucoup trop loin. D'Alembert en donne plusieurs raisons(20): peut-être n'en faut-il chercher d'autres que l'impossibilité presque absolue de faire jamais dans notre orthographe une réforme totale et complète, et la difficulté de s'arrêter à un point précis, si l'on veut se circonscrire dans de certaines bornes.

La plus spécieuse de ces innovations orthographiques est, sans contredit, le changement proposé par Voltaire de l'a à la place de l'o, dans la diphtongue oculaire oi des mots françois, j'étois, je ferois, paroître, etc. Ce changement, auquel l'illustre auteur de La Henriade, de Zaïre et de Mérope avoit donné pour appui l'autorité imposante de son nom, et en quelque sorte tout l'éclat de sa gloire, fut d'abord adopté avec un empressement général, à l'exception de l'Académie qui, fidèle à ses principes, conserva toujours l'ancien usage; et par un singulier retour, il a été ensuite, après la mort de Voltaire, abandonné presque avec la même facilité, du moins par le grand nombre des gens de lettres.

Peut-être en effet la base sur laquelle repose cette substitution de l'a à l'o a-t-elle plus d'apparence que de solidité réelle. Le judicieux Dumarsais a sagement remarqué(21), que la diphtongue ai étoit par sa nature moins propre encore que oi à représenter le son dont il est ici question, c'est-à-dire de la voix simple è; parce que ce son n'est point primitivement celui de cette diphtongue, laquelle se prononçoit autrefois, et se prononce encore aujourd'hui dans quelques départemens méridionaux, notamment celui des Hautes-Alpes, a-i, en faisant sonner distinctement les deux voyelles, a-imer, vra-i, pala-is, etc. " Si, continue Dumarsais, vous avez à réformer oi dans les mots où il se prononce è, mettez è, autrement c'est réformer un abus par un plus grand, et c'est pécher contre l'analogie. Si l'on écrit françois, j'avois, c'est que nos pères prononçaient françois, j'avois, comme loi, emploi; mais on n'a jamais prononcé françois, en faisant entendre l'a et l'i. En un mot, si l'on vouloit une réforme, il falloit plutôt la tirer de procès, succès, très, auprès, dès, etc. que de se régler sur palais et sur un petit nombre de mots pareils qu'on écrit par ai, par la raison de l'étymologie, et parce que telle étoit la prononciation de nos pères. "

A l'appui de ces réflexions, on peut ajouter que ce changement de prononciation dans les mots françois, anglois, etc., date originairement d l'arrivée en France des Italiens qui y accompagnèrent les deux Reines Catherine et surtout Marie de Médicis, et qui ne trouvant point, dans leur idiome naturel, de son analogue à la diphtongue oi, y substituèrent celui de l'èit, tel qu'ils étoient accoutumés à le prononcer dans francèse, anglèse, etc. Ainsi en adoptant cette prononciation italienne, on auroit dû, ce me semble, si l'on vouloit absolument changer l'orthographe, prendre du moins celle qui appartient de même à cette langue, et non en substituer une tout à la fois étrangère à l'italien et au françois.

III. PRONONCIATION

Lorsque je publiai la première édition de ce Dictionnaire, ce qui contribua en grande partie à lui obtenir l'accueil favorable dont on voulut bien l'honorer, ce fut l'idée d'y indiquer avec toute l'exactitude et la netteté qui pouvoient dépendre de mes soins, la prononciation de chaque mot. Cette idée, au reste, n'étoit ni de moi, ni entièrement nouvelle. Ainsi que je m'empressai de l'annoncer, je l'avois empruntée de l'abbé Féraud dans son excellent Dictionnaire critique de la langue françoise. Seulement, j'avois cru devoir faire aux moyens d'exécution employés par cet estimable grammairien, un petit nombre de légers changemens qui m'avoient paru utiles et plus appropriés au but commun que nous nous étions l'un et l'autre, proposé d'atteindre. Je rendis compte, dans l'avertissement qui est à la tête de cette première édition, de ces changemens et de mes motifs: je n'ai rien à ajouter à ce que j'en dis alors.

Depuis, quelques objections m'ont été faites sur la manière dont j'avois indiqué la prononciation de l'l mouillée dans abeille, bataille, etc., et de la diphtongue oi dans abois, octroi, etc.

Ce son mouillé de l'l italienne n'est point particulier à la langue françoise: on le trouve également dans l'italienne et l'espagnole; avec cette différence qui est toute à l'avantage de ces deux derniers idiomes, que dans l'un et dans l'autre, il est représenté par un signe, ou plutôt par une combinaison de signes, non seulement toujours les mêmes, mais encore destinés exclusivement à cet usage. Chez les Italiens, c'est gli, miglia, gliele, figlio, etc.; chez les Espagnols, ce son simplement deux ll, llama, lleno, llorar: car il est à remarquer que lors de la réforme de l'orthographe castillane, faite vers le milieu du dernier siècle, par l'Académie royale espagnole, toutes les lettres doubles qui étoient nulles pour la prononciation ayant été supprimées, les deux ll surtout n'ont été très rigoureusement conservées que dans les mots où elles avoient le son mouillé dont il s'agit.

Chez nous ce son mouillé est représenté par ill, maille, oreille, famille, bataillon, etc., mais cette réunion de signes ne lui est pas tellement propre qu'elle ne se retrouve aussi dans plusieurs mots, où les deux ll ne sont pas mouillées; soit que de ces deux ll la prononciation n'en fasse sentir qu'une seule, comme dans tranquille; soit qu'elle les fasse sonner distinctement l'une et l'autre comme dans illusion, etc. Pour tâcher de peindre aux yeux ce même son mouillé, il falloit donc employer d'autres signes que ceux dont se sert l'orthographe actuelle. Or, si l'on fait attention aux sons élémentaires dont il se compose, on y sentira ce me semble celui du g un peu adouci, celui de l', et celui de l'i; en sorte que l'orthographe italienne me paroit être sur ce point non seulement la plus conforme de toutes à la prononciation, mais encore la seule qui soit véritablement propre à la représenter. J'ai donc cru, en l'adoptant, faire ce qu'il y avoit de mieux pour l'objet que j'avois en vue; et en cela, j'ai suivi l'exemple de Féraud, dont à cet égard la méthode est parfaitement la même que la mienne.

Du reste, je n'ai pas besoin de prévenir que dans cette prononciation mouillée de l'l, le son de l'i qui s'y fait sentir réellement, y est néanmoins si faible, si léger, si rapide, qu'il se confond et se perd pour ainsi dire dans celui de la voyelle qui le suit. En ayant soin de ne lui donner ainsi que le degré de force qui lui appartient, on ne craindra pas, comme quelques personnes m'ont paru le faire, que ma manière d'indiquer la syllabe mouillée d'abeille [a-bè-glie], conduise à prononcer a-bè-gli-e, en séparant l'i de l'e muet: il est évident que, si cette séparation avoit dû avoir lieu, je l'aurois fait connaître en écrivant tout autrement.

Quant à la diphtongue oi, dont la prononciation naturelle est, ainsi que l'observe Dumarsais(22), celle que l'on sui en France dans le mot grec logoi, en faisant entendre l'o et l'i; je n'ignore pas que l'usage lui en a donné, chez nous, une autre susceptible de plusieurs nuances pour ceux du moins qui, suivant les expressions du même grammairien, ont les organes extrêmement souples et délicats. C'est tantôt le son d'œ ou plutôt d', comme dans foi, loi,; tantôt celui d'oa, comme dans mois, noix; tantôt celui d'oua, comme dans bois, etc.; mais ces nuances m'ont paru en général si légères, si difficiles à saisir, et quelquefois même leur indication si sujette à erreur, que pour ne pas tomber dans des inconvénients pires que ceux que j'aurois cherché à éviter, j'ai jugé plus convenable, à l'exemple encore de Féraud, de désigner toujours et indistinctement le prononciation d'oi par oa, en prenant la seule précaution d'affecter ou non l'a de l'accent circonflexe, suivant que le son en devoit être plus ou moins fortement appuyé.

Je ne quitterai point cette matière sans parler de deux mots dont on s'est depuis quelques années efforcé, et même avec une sorte de succès, de dénaturer la prononciation, sous prétexte de l'adoucir. ces mots sont enorgueillir et enivrer, que beaucoup de personnes prononcent avec un é fermé, énorgueillir, énivrer, en faisant une voix simple de la voix nasale qui en forme la première syllabe. L'Académie [édition de Smits, an VII] dit expressément de l'un et de l'autre, qu'ils se prononcent comme s'il y avoit deux nn, la première nasale, et la seconde articulée; et cette décision est fondée sur leur signification et leur étymologie respectives. Si l'on considère, en effet, que ces mots sont formés, le premier, de la préposition en ou dans, en latin in, et du verbe inusité, mais très significatif orgueillir; le second, de la même préposition et du verbe également hors d'usage, ivrer, orgueillir; en, ivrer en, comme qui diroit donner de l'orgueil; dans, causer de l'ivresse dans, rendre intérieurement orgueilleux ou ivre, on ne pourra sans doute s'empêcher de convenir que la seule prononciation vraie, la seule propre à rappeler la formation du mot, et par conséquent à en fixer la signification, ne soit comme je l'ai indiquée, an-norgueillir, an-nivrer. Prononcer é-nivrer, é-norgueillir, c'est supposer que dans la composition de ces deux mots entre, non plus la préposition en, mais une autre préposition é, c'est-à-dire cette préposition latine qui signifie extraction, retranchement. Il en seroit sous ce rapport, d'é-nivrer et d'é-norgueillir, comme des verbes é-nerver, é-têter, é-ffeuiller, dont le premier signifie ôter les nerfs, et figurément les forces; le second, couper la tête, le sommet d'un arbre, et le troisième, le dépouiller de ses feuilles. E-norgueillir, ce seroit ôter quelque chose exprimé par norgueillir; é-nivrer, ôter quelque chose exprimé par nivrer. On avouera que ces mots ainsi analysés, ne présentent plus aucun sens ou n'en offriront qu'un absolument étranger, ou plutôt diamétralement contraire à leur signification propre.

IV. SIGNIFICATION DES MOTS.

La signification des mots est fixé par leur définition. D'Alembert observe(23) que, même dans un Dictionnaire de langue nationale, tout mot ne doit pas être défini; et cette observation est très judicieuse. Il y a des mots si clairs, qui expriment des propriétés si générales, et par conséquent des idées si simples qu'on ne peut entreprendre de les expliquer, sans courir risque de les obscurcir. Mais ces mots d'évidence première sont d'un petit nombre, du moins relativement à ceux qui, énonçant des idées plus ou moins composées, exigent par là des explications plus ou moins développées, et tous, des définitions aussi justes que précises. J'ai apporté à cette partie importante de mon travail tout le soin, toute l'attention qui étoient en mon pouvoir; et il n'a pas tenu à moi que, sous le rapport de la clarté et de l'exactitude, elle laissât le moins de choses possibles à désirer. Dans cette vue, je n'ai pas craint de donner quelque foi à mes explications plus d'étendue que ne sembleroit, au premier coup d'œil, devoir le comporter la nature de mon Dictionnaire: persuadé avec Quintilien(24) qu'il n'y a proprement de longueur que là où il y a superfluité, et qu'en tout genre, le pire des inconvéniens est celui de n'être pas entendu.

Les acceptions diverses d'un même mot le faisant équivaloir à plusieurs mots différens, je n'en aurois offert sans doute qu'une définition très incomplète, si à sa signification principale, j'avois négligé de joindre les autres acceptions dont il est susceptible. On les trouvera dans cet ouvrage, réunies en aussi grand nombre que me le permettoient et les bornes que je me suis tracées, et la nature même des choses. J'ai rassemblé avec soin, sous chaque mot, non seulement toutes celles qui appartiennent à la langue usuelle, mais encore, ainsi qu'on l'a vu par ce que j'ai dit de la nomenclature, la très grande partie de celles qui sont relatives aux sciences, aux arts, etc.

Il en est de même, mais en sens inverse, de la synonymie. Ici, ce n'est plus un seul mot qui équivaut à plusieurs; ce sont plusieurs mots qui, du moins dans leur signification générale, équivalent à un seul. Rapprochés par cette signification commune, des traits de divergence souvent peu prononcés, de légères nuances qui, pour être saisies demandent quelquefois une grande finesse de tact, une délicatesse exquise de sentimens et de goût, beaucoup de pénétration et de sagacité en esprit:voilà tout ce qui les distingue les uns des autres. Mais ces différences, pour être assez souvent peu sensibles, n'en sont pas moins réelles; Et c'est principalement du soin qu'on met à les observer que résultent, dans le discours, la propriété des termes et la justesse de l'expression. La synonymie forme donc une partie très essentielle de la signification des mots: qui ignoreroit ou négligeroit entièrement la première, ne pourroit manquer de se tromper presqu'à chaque instant sur la seconde.

C'est d'après ces considérations que je crus devoir, dans la première édition de ce Dictionnaire, insérer beaucoup de synonymes extraits, non seulement de ceux de Girard, auxquels s'étoit borné Wailly dans son Abrégé de Richelet, mais encore de Roubaud, de Beauzée, de d'Alembert, de l'Encyclopédie, etc. Le Public, en jugeant cette idée utile, m'a imposé l'obligation de lui donner toute l'extension qui pouvoit être compatible avec mon plan. En conséquence, j'ai considérablement augmenté ce nombre de synonymes; il est ici au moins triple de ce qu'il étoit auparavant.

Pour ne pas me faire un mérite de ce qui ne m'appartient point, et pour assurer en même temps à ces synonymes une garantie convenable, j'ai eu soin en général d'indiquer la source d'où chacun d'eux est tiré.

V. EMPLOI DES MOTS DANS LE DISCOURS

L'emploi des mots dans le discours, ou, comme dit d'Alembert, l'usage des mots consiste dans la place respective qu'ils occupent, et dans les formes dont ils sont revêtus, conformément aux règles de la syntaxe. Quoique cet objet paroisse être et soit en effet du ressort d'une grammaire, beaucoup plus que de celui d'un dictionnaire, je ne pense pas qu'il doive être entièrement négligé par un lexicographe, par celui surtout qui, ne voulant pas se borner à un simple vocabulaire, s'est proposé dans son travail un plus haut degré d'utilité. Je ne dissimule pas que tel a été mon but, et qu'en conséquence, j'ai saisi, j'ai recherché même soigneusement les occasions d'enrichir cet ouvrage, mais toujours avec la mesure convenable, de tout ce qu'il m'a été possible d'y faire entrer, soit des principes généraux de la grammaire, soit surtout des règles de syntaxe particulières à la langue françoise. Dans cette intention, je n'ai rien oublié pour qu'à défaut de discussions grammaticales qui ne pouvoient se concilier avec mon plan, on trouvât au moins dans les explications et les exemples joints aux définitions de chaque mot, une application exacte de ces règles et de ces principes; pour que le choix de ces exemples, et le soin que j'ai mis à rassembler les expressions qui caractérisent spécialement la langue, les constructions, les tours de phrase qui lui sont propres, pussent jusqu'à un certain point, tenir lieu de développemens plus étendus. Je ne me suis pas même renfermé toujours dans des bornes aussi étroites; j'ai cru dans plus d'une circonstance, devoir rappeler d'une manière plus directe et plus expresse, certaines règles qui m'ont paru ou plus essentielles, ou plus souvent négligées, ainsi qu'on le verra aux mots c'est, participe, etc.

Mais un dessein plus important que je me suis proposé, et qui, si l'exécution y a répondu, ne pourra manquer, j'ose le croire, d'assurer à ce Dictionnaire un avantage marqué sur tous ceux qui ont été publiés jusqu'à présent, c'est d'y relever les fautes de langage qui sont échappées quelquefois à nos écrivains les plus distingués, à nos grands auteurs classiques. En cela, je n'ai pas prétendu sans doute porter la plus foible atteinte à la gloire que leur ont si justement acquise leurs talens et leurs ouvrages. C'est bien plutôt, comme l'a pensé très judicieusement Beauzée(25), un hommage que je leur rends; c'est un vrai tribut d'estime et d'admiration que je leur paie, en signalant les erreurs où leur exemple pourroit entraîner. Ils sont les seuls dont les fautes soient dangereuses, parce qu'ils sont les seuls qui fassent autorité dans la langue. Lorsque d'Olivet publia ses Remarques sur Racine, on ne l'accusa pas d'avoir manqué au respect dû à l'immortel auteur de Phèdre et d'Athalie, à ce poète inimitable dont le style enchanteur, par quelques taches légères qui s'y sont mêlées, n'en est pas moins, suivant l'expression de La Harpe, d'une perfection désespérante(26): j'ose espérer qu'on ne me regardera pas comme plus coupable.

Ce que d'Olivet et à son exemple les divers commentateurs de Racine ont fait pour cet illustre tragique, Voltaire la fait également pour Corneille(27), La Harpe pour Voltaire et nos autres grands écrivains(28). Tout récemment, les membres de l'Athénée de la langue françoise ont, dans des lettres académiques dont il a paru quelques numéros, tenté la même entreprise.

Cette idée n'est donc pas à beaucoup près nouvelle; mais je ne crois pas que jusqu'à présent, on l'ait, du moins avec une certaine étendue, adaptée à aucun Dictionnaire françois(29). Pour la rendre véritablement utile, je me suis borné à un assez petit nombre d'auteurs plus spécialement distingués par la correction et la pureté de leur style, et que j'ai relus dans cette intention avec le plus grand soin. Ce sont, pour la poésie, Boileau, Racine et Jean-Baptiste Rousseau dans ses odes et ses cantates, les seuls de ses ouvrages qu'on puisse considérer comme proprement classiques, et où même encore il a quelquefois fait à la richesse de la rime peut-être trop de sacrifices. Pour la prose, c'est d'abord Pascal, dans les Provinciales, dans ces lettres, modèle de raisonnement, de plaisanterie et de style, où ce génie étonnant semble avoir tout à la fois créé et fixé la langue, au point que, malgré la distance où nous sommes de l'époque où il écrivoit, presque aucune de ses expressions n'a encore vieilli. C'est encore l'aimable et vertueux Fénélon, dans son admirable ouvrage de Télémaque; La Bruyère, aussi piquant écrivain que moraliste profond; le peintre sublime de la nature, Buffon, qui s'étoit fait du style une si haute idée que, suivant lui, les connoissances, les faits, les découvertes, toutes ces choses sont hors de l'homme, mais le style est l'homme même(30): c'est enfin ce Jean-Jacques Rousseau, si justement célèbre par ses talens, et si malheureux par son ombrageuse imagination; dont l'éloquence entraînante a réchauffé tant de sentimens, exalté tant de passions, semé parmi quelques vérités tant de germes d'erreur, et trop souvent défendu tant de paradoxes.

Si à ces grands maîtres dans l'art d'écrire je n'ai point associé Voltaire, c'est que, malgré l'éclat et la supériorité de ses talens dans presque tous les genres de la littérature, son style, du moins en poésie, et notamment dans plusieurs de ses tragédies, n'est pas toujours assez pur, assez correct, assez classique, pour devoir, ni par sa perfection, servir de règle et de modèle, comme celui des écrivains que je viens de citer, ni par ses fautes, être d'un aussi dangereux exemple. J'ai cru suffisant, parmi ces fautes, d'en indiquer quelques-unes qui pourroient le plus tirer à conséquence.

D'autres écrivains d'un ordre inférieur ont aussi quelquefois fourni matière à mes observations; mais ce n'a été que par occasion, pour ainsi dure, et sans que je me sois attaché à relever à beaucoup près tout ce que leur style a de défectueux.

Parmi les auteurs vivans, celui que j'ai cité le plus est l'illustre traducteur de Virgile et de Milton, le plus grand de nos poètes modernes, célèbre par tant d'autres chefs-d'œuvre qu'il ne doit qu'à son propre génie, et pour qui la postérité semble avoir déjà commencé. La poésie françoise a, entre autres richesses, reçu du talent créateur de M. Delille un assez grand nombre de mots nouveaux, qui peut-être ne seront pas tous également conservés, mais qui du moins ne pouvoient se produire à l'abri d'un plus beau nom et sous une garantie plus respectable.

VI. ÉTYMOLOGIE

Au nombre des avantages que j'ai taché de donner à cette nouvelle édition sur celle qui l'a précédée, je puis compter sans doute le soin que j'ai pris d'y indiquer de mon mieux l'étymologie de chaque terme. Cette partie, presque entièrement négligée par la plupart des Lexicographes françois, m'a paru cependant d'une assez haute importance, pour mériter une attention particulière. La science des étymologies n'est pas, en effet, un simple objet de curiosité. Pour peu qu'on y réfléchisse, on ne pourra s'empêcher d'en reconnoître l'utilité réelle, et, dans plusieurs circonstances, l'indispensable nécessité, pour déterminer avec précision la véritable signification des mots. C'est ce que montre clairement l'analyse grammaticale du terme étymologie, en grec etumologon, formé d'etumos, vrai, véritable, et de logos, mot, le vrai sens d'un mot. Or, comme l'enseigne Platon, la connoissance des mots est un sûr moyen pour arriver à la connoissance des choses.

Un autre avantage relativement à ceux de ces mots qui sont tirés du latin et du grec, c'est, ainsi que l'observe d'Alembert(31), " de rappeler au lecteur les mots de ces langues, et de faire voir comment elles ont servi en partie à former la nôtre. " Il me semble aussi que nous avons une foule de mots appartenant soit aux sciences et aux arts, comme Orréry, Nonius, Vernier, Tapisserie des Gobelins, Bambochade, Caryatides; soit à l'histoire, Assassins, Guelfes, Gibelins, Protestans, Frondeurs, Petit-maître; soit à certaines institutions, à divers usages, Paulette, Tontine, Andrienne, Fontange, Palatine, Falbalas, etc., etc., dont l'intelligence ne peut jamais être que très incomplète, si même en sachant ce qu'ils expriment, on néglige d'en connoître la véritable source.

J'omets ici des considérations d'un ordre plus relevé, telles que l'utilité dont l'art étymologique est aux théologiens, qui, suivant la remarque du sage Turgot(32), " obligés d'appuyer des dogmes respectables sur les expressions des livres révélés, ou sur les textes des auteurs témoins de la doctrine de leur siècle, doivent marcher sans cesse le flambeau de l'étymologie à la main, s'ils ne veulent tomber dans mille erreurs. " Tels sont encore les secours qu'en ont retirés, pour éclaircir les obscurités de l'histoire, plusieurs savans distingués, Fréret entre autres, un de ceux, ajoute Turgot, qui ont su le mieux appliquer la philosophie à l'érudition. Ces considérations quelque fondées qu'elles soient, ne peuvent s'appliquer à un Dictionnaire de la nature de celui-ci, à un Dictionnaire dont je n'ai dû et voulu faire qu'un ouvrage, à beaucoup d'égards, purement élémentaire, et propre à toutes les classes de lecteurs.

Je n'ignore pas, au reste, tout ce que l'art étymologique a par lui-même de vague, d'arbitraire et de conjectural. Je sais combien de mots n'ont qu'une origine incertaine, ou même entièrement inconnue; combien pour ceux-là mêmes qui laissent plus d'espérance de remonter jusqu'à cette première origine, il est souvent difficile d'en suivre l'exacte filiation, et de la conduire, à travers les diverses métamorphoses qu'ils ont subies, jusqu'à la dernière forme que le temps, l'usage, le génie et le caractère de la langue leur ont imprimée. Mais que faut-il conclure de là ? que les difficultés attachées à la recherche des étymologies doivent faire renoncer aux avantages qu'on a droit de s'en promettre; ou, pour me servir encore des expressions de Turgot, qu'on doit regarder cette étude " comme un jeu puéril, bon seulement pour amuser des enfans ?. " Ces deux conséquences seroient aussi fausses, aussi déraisonnables l'une que l'autre. La seule qu'il soit permis de tirer, c'est qu'en ceci comme en tout le reste, il faut savoir ne pas prétendre au-delà de ce qu'on peut obtenir; que les meilleurs choses ne sont exemptes ni d'abus, ni de dangers; et que, lorsqu'une route est embarrassée de quelques obstacles, semée de quelques écueils, on doit seulement ne s'y engager qu'avec mesure; et à force de prudence et de circonspection, tâcher d'y assurer sa marche. Je vais exposer les règles principales qui ont dirigé la mienne:

1° J'ai laissé de côté toutes les étymologies qui, à défaut de certitude, ne m'ont pas paru porter au moins un caractère de vraisemblance et de probabilité. Ainsi, plusieurs mots, dans ce Dictionnaire, n'en offriront aucune: tels sont, entre autres, beaucoup de termes de marine, et un plus grand nombre encore de ceux qui appartiennent aux arts et métiers, et dont j'ai travaillé vainement à découvrir l'origine, ou auxquels je n'ai pu en assigner une qui m'ait paru satisfaisante.

2° Comme " il est naturel de ne pas chercher d'abord loin de soi ce " qu'on peut trouver sous sa main "(33), toutes les fois que l'analyse d'un mot m'en a montré la racine plus ou moins immédiate dans un autre mot françois, je me suis abstenu d'aller la chercher ailleurs. C'est ainsi pour ne citer que des exemples très simples, qu'abonnir, vient évidemment de bon; s'aboucher, de bouche; abrutir de brute, etc. Dans ces circonstances je me suis borné, sans autre développement, à mettre en caractères italiques le mot primitif, convaincu que cette seule indication suffiroit pour en faire connoître le rapport avec celui qui en est dérivé: sauf ensuite, dans l'article de ce mot primitif, à en donner la véritable étymologie.

3° Lorsque dans cette recherche étymologique j'ai té obligé de recourir à une autre langue que la françoise, soit ancienne, soit moderne, j'ai tâché surtout de me garantir de l'esprit de système; et je me suis gardé surtout de rapporter à un seul idiome, à l'hébreu, au celtique, au tudesque, etc., tous le termes d'une langue qui s'est si bien manifestement formée du mélange et des débris de plusieurs autres. J'ai ensuite, parmi ces langues étrangère, choisi pour y chercher l'origine du mot dont il s'agissoit, choisi, dis-je, de préférence, et lorsque d'ailleurs les circonstances grammaticales s'y sont prêtées, celle du peuple de qui nous étoient venus la science, l'art, l'usage, etc., auxquels ce mots avoit rapport. C'est ainsi qu'un grand nombre de termes de la verrerie sont italiens, parce que cet art nous est venu de Venise; que la musique, la peinture, la sculpture ayant été et plutôt et plus généralement cultivées en Italie que dans le reste de l'Europe, presque tous les mots qui y sont relatifs appartiennent primitivement à la même langue. Par une raison semblable la minéralogie doit abonder en termes allemands; et plusieurs usages, etc., introduits en France à la suite des deux Reines que l'Espagne nous a successivement données(34), ne peuvent guère être exprimées que par des mots d'origine castillane; tels sont medianoche, sieste, passacaille, etc.

4° Dans le nombre de ces langues diverses qui ont ainsi, à différentes époques, concouru à former la nôtre, une de celles qui ont eu le plus part à cette formation, et dans laquelle en conséquence doit se retrouver et plus souvent et avec plus de facilité l'étymologie des mots françois, est sans contredit la langue latine. Mais ici se présente d'abord une distinction essentielle à faire entre le latin tel que le parloient les anciens Romains, et le jargon barbare connu sous le nom de basse latinité.

Ce jargon, né, comme on le sait, dans le moyen âge, du mélange de mots latins corrompus avec une multitude de termes francs, saxons, gaulois, etc., auxquels on se contenta de donner la terminaison et les inflexions latines, ne peut par lui-même offrir une garantie suffisante pour l'étymologie des mots qui en sont dérivés. Il faut en général remonter plus haut, et chercher cette garantie dans le latin lui-même, ou dans les autres idiomes dont je viens de parler.

Quant au latin proprement dit, le cas est tout différent. C'est assez sans doute qu'un mot françois y ait manifestement son origine pour qu'on ne soit pas obligé de lui en chercher une plus reculée.

Non cependant que cete langue latine, à laquelle Cicéron, Virgile, Tite-Live, et tant d'autres génies supérieurs, ont, par leurs ouvrages immortels, assigné une place si éminente parmi les langues classiques, ait été ni formée d'un seul jet, ni composée uniquement de mot tirés de son propre fonds(35). Si l'on examine combien d'élémens hétérogènes durent concourir, au milieu des Étrusques, des Volsques, des Sabins, des Osques, de tous les peuples qui se partageoient le Latium et l'Italie entière, lorsque Romulus y jeta les premiers fondemens de la cité dominatrice de l'univers; si l'on considère combien, dès ces temps antiques, ces nations indigènes avoient déjà vu probablement leurs idiomes s'altérer par le mélange, soit des Celtes, des Gaulois, des Germains qui, du fond de leurs forêts, étoient venus chercher en Italie un sol moins âpre et un ciel plus doux, soit des anciens Hellènes qu'une surabondance de population, des relations commerciales ou le simple amour du changement avoient, des pays où fut depuis la Grèce, porté à l'extrémité orientale de cette Italie, et de là jusque dans le Latium(36); si l'on calcule enfin combien, à des époques plus ou moins rapprochées de nous, d'autres mélanges, d'autres invasions durent encore à ces altérations primitives en ajouter de nouvelles dans le langage des Romains, on concevra facilement que dans ce langage, il n'a pu manquer de se trouver un assez grand nombre de mots qui, quoique sous une forme purement latine, et naturalisés par un longue suite de siècles, n'en appartiennent pas moins originairement à d'autres langues. C'est donc dans ces langues, c'est dans le celtique, dans l'ancien teutonique, dans le gaulois, c'est dans le grec surtout que les mots le plus visiblement empruntés du latin par le françois et les autres idiomes modernes, ont souvent leur véritable et première étymologie.

J'ai dit dans le grec surtout, parce que, outre cette antique transmission des Grecs ou hellènes en Italie, à une époque où leur langue informe et grossière, née du commerce des Phéniciens avec les sauvages habitans de la Phrygie, de la Macédoine, de l'Illyrie, etc., n'annonçoit point encore à beaucoup près la langue d'Homère, de Démosthène et de Platon, les rapports politiques et littéraires que les Romains eurent dans la suite avec les Grecs, durent nécessairement introduire dans le langage des premiers des expressions, des formes, des combinaisons nouvelles puisées dans la langue si riche, si harmonieuse des seconds.

On sent, au reste, que ce que je viens de dire du latin doit, avec les modifications convenables, s'appliquer au grec et à toutes les langues, soit anciennes, soit modernes, qui, par des communications plus ou moins suivies, par des emprunts plus ou moins déguisés, se sont mutuellement enrichies, et quelquefois corrompues au point qu'il n'est pas toujours facile de bien distinguer ce qui leur appartient en propre d'avec ce qui leur est ainsi arrivé d'une source étrangère. A l'exception de la langue primitive, de cette langue sur laquelle on dispute depuis si long-tems, sans que ces interminables discussions aient encore amené de résultats positifs, il n'en est aucune qui, à une époque ou une autre, n'ait subi ce genre d'altération; aucune par conséquent qui, parmi les mots qui en ont été tirés, n'en compte plusieurs dont la première origine ne remonte au delà de cette source immédiate.

Mais on sent aussi que des recherches de cette nature, quelque curieuses, quelque utiles qu'elles soient dans le fond, ne pouvoient entrer dans mon plan. Ce n'est point dans un ouvrage tel que celui-ci, destiné, ainsi que je l'ai déjà annoncé plus d'une fois, à servir à tous les âges et à toutes les classes, dans un ouvrage d'où j'ai voulu et dû vouloir écarter toutes les formes scientifiques, que je pouvois suivre la filiation étymologique de chaque mot, et me livrer à des discussions longues, arides, et le plus souvent conjecturales. J'ai dû sans doute, lorsqu'un terme françois m'a paru dériver du latin, par exemple, me borner à indiquer le mot d'où il a été tiré, et tout au plus à tâcher d'en rendre la signification plus sensible, en faisant connoître les élémens de la réunion desquels s'étoit formé ce mot primitif.

C'est surtout pour les mots dérivés du grec que je me suis fait une loi de cette décomposition; parce qu'elle est en général bien plus claire, et par conséquent bien plus utile. Qui ne sait en effet que cette langue, la gloire éternelle des lettres et de l'esprit humain, dont l'Université vient si sagement de réveiller le goût et de ranimer l'étude trop long-temps négligée dans l'instruction publique; cette langue qui, dans tous les genres de littérature, a laissé à la postérité des modèles si parfaits, qui pour toutes les langues cultivées, pour tous les talens, pour tous les arts, est devenue une source féconde de tant de richesses inépuisables; qui ne sait, dis-je, que le grec, aussi expressif pour l'esprit par ses combinaisons grammaticales, que, par la douceur de ses sons, il est mélodieux pour l'oreille, n'a presque aucun mot dont les élémens, dans leur heureux mélange, n'offrent, je ne dis pas le simple signe, mais le tableau le plus vrai, le plus fidèle de l'objet énoncé ? Aussi le grec est-il aujourd'hui, chez toutes les nations, la langue propre des sciences. C'est lui qui depuis long-temps a donné à la médecine, à l'anatomie,, et aux autres branches de l'art de guérir, les termes qu'elles emploient de préférence: la botanique et les autres parties de l'histoire naturelle ne s'en sont pas servies moins utilement dans leurs classifications respectives; et ce n'est, en quelque sorte, qu'en recevant du grec sa moderne nomenclature, que la chimie est, comme je l'ai dit plus haut, de venue une science réelle; nouvelle preuve de la vérité du principe établi par Condillac, que l'art de penser se réduit, en dernier résultat, à une langue bien faite.

Avant de quitter cette matière, je dois compte au public des raisons qui m'ont engagé à écrire les mots grecs en caractères ordinaires. Je ne me suis pas dissimulé que cette forme d'emprunt, qui enlève à ces mots leur physionomie propre, les dépouille encore d'un avantage plus précieux, de celui des accens, qui concourent si puissamment à l'harmonie de la langue; mais je me suis dit aussi que cet avantage seroit absolument nul pour le plus grand nombre de personnes auxquelles ce Dictionnaire est destiné, et qui ne connoissant point le grec ne pourroient le lire que sous cette forme étrangère. D'après cette considération, je me suis borné à remplacer par notre lettre h l'esprit rude ou l'aspiration, et au moyen de l'accent circonflexe mis sur l'e ou sur l'o lorsque j'ai eu à représenter l'êta ou l'oméga, à marquer soigneusement la différence des deux e et des deux o qu'admet la langue grecque. En cela j'ai suivi l'exemple de M. Noel, qui, dans son excellent Dictionnaire de la fable, destiné comme celui-ci à toutes les classes de lecteurs, a écrit les mots grecs avec les mêmes caractères que moi; réservant sagement ceux qui sont propres à cette langue pour d'autres ouvrages qui, quoiqu'élémentaires, semblent l'être néanmoins dans un moindre degré, tels que son Dictionnaire latin et françois. M. Morin, dont l'ouvrage paroît avoir été fait et pour les Hellénistes, et pour ceux qui sans l'être aspirent à le de venir, a dû par les mêmes raisons, et à l'imitation encore de M. Noel, dans son Dictionnaire historique des personnages de l'antiquité, écrire les mots grecs et sous leur forme propre, et avec nos caractères ordinaires.

5° Pour ne donner à mes étymologies ni plus ni moins d'autorité qu'elles ne doivent en avoir, j'ai presque toujours indiqué les sources d'où je les ai puisées. Ces sources sont d'abord la dernière édition du Dictionnaire étymologique de la langue françoise, par Ménage, 2 vol. in-folio, Paris, 1750. Ce n'est pas assurément que je regarde, sans exception, comme à l'abri de tout reproche les étymologies que renferme ce volumineux recueils. Celles surtout dont Ménage est l'auteur, sont quelquefois si arbitraires, si peu vraisemblables, tranchons le mot, si absurdes et si ridicules, que je ne serois point étonné qu'elles eussent suffi pour inspirer à de bons esprits, contre les recherches de ce genre, les plus fortes, les plus invincibles préventions.

Cependant à ces étymologies amenées de si loin et par de si pénibles détours, il s'en mêle assez souvent de plus naturelles et de plus heureuses. Ménage n'étoit pas à beaucoup près sans esprit et sans talens: il joignoit surtout à une érudition immense une mémoire non moins prodigieuse; mais il manquoit de goût, et la manie d'étaler à tout propos son vaste savoir, le système qu'il s'étoit fait d'arriver à son but à force de changemens de lettre, de transformations, de suppressions de syllabes purement hypothétiques, et qui n'avoient de fondement que dans sa seule imagination, le conduisent quelquefois à des résultats tout au moins très extraordinaires: témoin les fameuses étymologies des mots laquais et alfana, qu'il fait vénir, comme tout le monde sait, le premier de verna, et le second d'equus.

Dans cette édition du Dictionnaire étymologique ont été fondues les origines de la langue françoise par Caseneuve, les recherches sur le même objet par Le Duchat, Huet, et divers autres savans. J'y ai puisé souvent d'utiles lumières pour cette partie importante de mon travail.

J'ai aussi tiré quelques secours du Dictionnaire de Trévoux; mais en ce point comme en beaucoup d'autres, c'est, ainsi que je l'ai observé plus haut, un guide trop peu sûr, pour que j'aie dû le suivre aveuglément et sans réserve.

Le Glossaire de Du Cange, le Dictionnaire des termes du vieux françois par Borel, le Trésor de la langue françoise, tant ancienne que moderne par Nicot, les Recherches de Pasquier, divers autres ouvrages plus récens, tels que les Matinées sénonoises par l'abbé Tuet, contenant un grand nombre d'expressions proverbiales et leur origine; un Dictionnaire étymologique des termes d'architecture, etc., par Gastelier, le Glossaire de la langue romane par M. Roquefort, etc., etc., ont été de même constamment sous mes yeux. J'ai consulté au besoin divers Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. J'ai enfin cherché pour remplir aussi complètement qu'il m'a été possible l'objet que j'avois en vue, à m'entourer de tous les secours; j'ai mis à contribution tous mes souvenirs, toutes mes lectures: l'Histoire de France entre autres, publiée en dernier lieu par Anquetil, m'a fourni plusieurs étymologies intéressantes.

Pour les mots dérivés du grec, j'ai fait un fréquent usage de l'excellent Dictionnaire étymologique de M. Morin. Je me suis souvent rencontré avec cet estimable Lexicographe, par ce que souvent nous avons, l'un et l'autre, puisé dans les mêmes sources; mais, toutes les fois que je n'ai eu pour guide que sa seule autorité, je l'ai suivie avec d'autant plus de confiance, qu'indépendamment de celle que je devois au savant d'Ansse de Villoison, cité par M. Morin en divers endroits de son ouvrage, je me suis convaincu par les vérifications que j'ai été dans le cas de faire, qu'entre autres genres de mérite, le travail de celui-ci a, très généralement le premier de tous, celui de l'exactitude. Le nouveau Dictionnaire grec-françois de M. Planche, m'a été aussi, pour le même objet, d'une grande utilité.

J'ai tiré moins de secours du Dictionnaire des sciences et des arts par M. Lunier, non sans doute que cet ouvrage, un de ceux qui, dans la rédaction de cette nouvelle édition, ont été sans cesse sous mes yeux, ne soit recommandable à beaucoup d'égards; mais je ne sais par quelle cause il s'y est glissé une telle multitude de fautes, que je n'ai dû en user le plus souvent qu'avec sobriété et circonspection.

Les étymologies puisées dans l'arabe, l'hébreu et les autres langues orientales, ont été soigneusement vérifiées par une personne très versée dans la connoissance de ces langues. Il en est de même des mots tirés de l'allemand et de ses différens dialectes.

A tout ce que j'ai dit sur les étymologies, j'ajouterai encore que quelques-unes de celles que j'ai rapportées n'étant fondées que sur des anecdotes plus ou moins vraies, elles ne peuvent avoir plus de certitude que la base sur laquelle elles reposent n'a elle-même de solidité. Telles sont, par exemple, celles qu'on lira aux mots anguilles et point des proverbes si connus: Il fait comme l'anguille de Melun, il crie avant qu'on l'écorche. Pour un point, Martin perdit son âne, etc. Mais, en ne donnant ces étymologies que pour ce qu'elles sont, en ayant soin de citer mes garans, je n'ai pas cru que rien m'empêchât de les présenter comme objet, sinon d'instruction, du moins de curiosité.

Je finirai ce long exposé de mon plan et des moyens d'exécution que j'ai employés, par une dernière observation, sans doute superflue pour les personnes dont j'aurai l'honneur d'être connu, mais cependant trop importante en elle-même pour être passée sous silence. C'est que ce Dictionnaire devant, ainsi que j'ai été souvent dans le cas de le dire, servir aux lecteurs de tous les âges et de toutes les classes, je n'ai pas un seul instant perdu de vue cette destination. Je me suis fait en conséquence une loi très rigoureuse d'en écarter avec soin tout ce qui auroit pu porter la plus légère atteinte à la religion, aux mœurs, à la société, au gouvernement, à tout ce qui intéresse l'ordre général ou particulier: heureux, si sous les autres rapports, j'ai pu terminer par un ouvrage de quelque utilité, une longue carrière, remplie à peu près tout entière, par des fonctions ou des travaux relatifs à l'instruction publique !


LETTRE DE CHARLES NODIER

à l'éditeur du DICTIONNAIRE DE GATTEL

[sixième édition du

DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE]

Paris, Chamerot,
Libraire, Quai des Augustins, 33

Vevey (Suisse)
G. Blanchoud, Libraire

1841

Monsieur,

Je suis profondément touché de l'honneur que vous avez bien voulu me faire en soumettant à mon jugement la nouvelle édition, revue et corrigée, du Dictionnaire de Gattel. Cette marque de confiance, à laquelle j'avois si peu de droits, est sans doute fondée sur le choix que l'Académie françoise a fait de moi pour la rédaction de son grand Dictionnaire historique, et je la comprendrois peu, si elle ne se rapportoit à mes confrères et à mes maîtres. Vous me permettrez donc de leur restituer publiquement l'hommage de cette honorable déférence, avant de passer à l'examen que vous me demandez.

Vous n'ignoriez pas, du reste, Monsieur, que je me suis souvent permis de critiquer les Dictionnaires de la langue françoise, soit dans la forme, soit dans le fond ; que mon opinion sur cete matière n'étoit modifiée par aucune réticence, restreinte par aucune exception, et que le Dictionnaire de Gattel avoit eu, par hasard, plutôt que par aucun autre motif d'opposition et de répugnance, une part plus large et plus sévère que les autres dans mes censures écrites. C'est, par conséquent, votre critique lui-même que vous daignez prendre pour votre juge, en publiant une édition nouvelle de cet ouvrage, et il y a dans ce procédé quelque chose de plus que le rare témoignage d'une condescendance bien exemplaire : tout le monde y trouvera comme moi la garantie d'une révision scrupuleuse qui s'est efforcée de pourvoir à toutes les lacunes, de remédier à tous les défauts, et de répondre à tous les reproches.

La lecture attentive de votre Dictionnaire ne peut que justifier cette prévention favorable. Il est devenu plus digne, par vos soins, de la prédilection que le public semble lui accorder. Des définitions vicieuses, généralement rectifiées avec beaucoup de tact et de goût, des additions nombreuses, mais prudentes, empruntées aux meilleures autorités de notre langue nouvelle, des corrections plus multipliées encore, et toujours intelligentes et heureuses, l'adjonction très-bien entendue, mais sagement mesurée, de quelques petits Traités et de quelques petits Vocabulaires dont la nécessité se fait souvent sentir dans l'étude des mots, une exécution typographique parfaite en tout point, un format commode, que je crois propre à servir de modèle dans toutes les publications de ce genre ; tels sont les avantages du nouveau Dictionnaire de Gattel. Il mérite donc son succès, et je regrette que mon suffrage sincère ne puisse rien y ajouter.

Cependant cette publication vraiment consciencieuse ne m'a pas brouillé tout à fait avec mes anciennes opinions. Je persiste à croire qu'un bon Dictionnaire usuel de la langue françoise est encore à faire, après celui de Gattel, et même après celui de l'Académie, dont vous reconnoissez l'autorité. Je crois seulement qu'il ne se fera pas de longtemps, s'il se fait jamais, et qu'il faut se contenter, en attendant, des bons et utiles travaux dont nous recueillons aujourd'hui le fruit. Ce qu'il y a d'important, peut-être, c'est de marquer, à chaque pas que fait la lexicographie, les améliorations dont elle est encore susceptible, et c'est pour cela que je prendrai la liberté d'étendre ces observations un peu au-delà des limites que vous paroissiez me fixer. J'espère même que vous trouverez un double intérêt à ces développements rapides de quelques principes fort simples : celui de votre entreprise, qui aspire incessamment à se perfectionner, et celui de vos lecteurs, qui ont besoin d'être prémunis, par quelques éclaircissements préliminaires, contre les erreurs indispensables qu'entraînent tous les systèmes.

I

Il seroit bon, par exemple, d'avertir les personnes qui ont à consulter le Dictionnaire de Gattel, que les innombrables articles dont vous l'avez enrichi ne sont pas des enrichissements bien réels. La plupart de ces mots nouveaux dont l'argot des sciences a infesté nos vocabulaires sont aussi étrangers à la langue françoise que les racines grecques dont ils sont formés avec une sotte outrecuidance. Comme ils se présentent cependant à tout moment dans les journaux et dans les livres, il falloit bien les recueillir et les expliquer, sauf à déclarer hautement que l'esprit de notre belle langue les désavoue et les repousse. Je vous remercie d'avoir pris ce soin à l'égard de cet abominable physionotrace, qui est si ridiculement composé d'un mot grec, d'un demi-mot grec et d'une terminaison hibride. Je vous rends également grâce d'avoir laissé là ce physionotype, qui est plus absurde et plus odieux encore. O plaisante méprise d'un néologue ignorant, qui propose à ses chalands de les représenter en buste par l'image de la figure d'un âne ! Physionotype ne signifie pas autre chose. Le nom de l'âne étoit réservé d'ailleurs, dans ses différentes formes grecques, à fournir plus d'un sujet d'erreur à nos doctes nomenclatures, car il se retrouve dans ce vocabulaire inouï des poids et mesures qu'une loi nous impose. Le mot kilomètre n'exprimera jamais, pour un homme qui connoît les premiers éléments du grec, l'idée de mille mètres ou de mille mesures : c'est tout bonnement la mesure d'un âne, avec une faute d'orthographe de plus, et nos savants n'y regardent pas de si près. Heureusement, tout ce mauvais grec n'est pas du françois : c'est du jargon, et cela n'étoit pas inutile à dire.

II

Le mérite distinctif de Gattel comme lexicographe, c'est son respect presque religieux pour l'orthographe étymologique. Il le poussoit si loin, qu'il n'a pas voulu écrire le mot cristal comme on l'écrit depuis deux siècles, et qu'il a osé rajeunir la vieille orthographe, crystal, qui est la seule bonne. Il est donc évident qu'il n'auroit jamais admis l'orthographe ridicule qui porte, assez mal à propos, le nom de Voltaire, et dont le moindre inconvénient est de faire une langue morte de la langue de Molière. Il a même manifesté hautement sa répugnance pour cette innovation sans but, en s'appuyant sur l'incontestable autorité de Dumarsais, qui a tranché la question dans quelques brèves et excellentes paroles (Voy. la Préface, p. xiv). Vous avez cependant adopté cette orthographe nouvelle, et Gattel vous en sauroit mauvais gré peut-être. Je serai moins rigoureux. Un Dictionnaire, conçu dans le sens de l'acception qu'on donne maintenant à ce mot, doit être l'expression de l'usage, et il est évident qu'un prote du Moniteur, sorti de l'imprimerie de Kehl, a imposé à la France une vicieuse manière d'orthographier, qui est devenue usuelle. C'est un malheur pour notre noble et belle langue françoise, mais c'est un malheur accompli. L'Académie elle-même a déféré à la puissance du fait ; elle a subi cette orthographe corrompue, elle a laissé sans défense l'étymologie violée, parce que l'usage est, en dernière analyse, la suprême loi des langues et qu'un Dictionnaire n'est autre chose qu'un livre composé et écrit par tout le monde, mais elle n'a pas répudié pour cela l'orthographe étymologique, l'orthographe rationnelle, l'orthographe intelligente. Vous la verrez sans doute y revenir dans son édition des Classiques françois, si elle la publie, et dans son Dictionnaire historique de la langue françoise, si elle le finit. Il étoit donc à propos d'établir, en commençant, que l'adoption d'une orthographe convenue n'implique pas nécessairement la supériorité de cette orthographe sur celle qui l'a précédée, mais qu'elle prouve seulement que l'oubli des radicaux, l'ignorance des règles de construction lexique, ou le caprice de la mode, ont introduit peu à peu de notables différences dans la manière d'écrire. Le Dictionnaire qui est aux ordres de la langue écrite la représente comme elle est, sauf à se modifier encore avec elle, s'il y a lieu. Voilà tout. Vous deviez peut-être cette explication à vos lecteurs, et ces lignes y pourvoiront, si vous jugez à propos de les reproduire dans vos Préliminaires.

III

Le seul tort sérieux qu'ait eu Gattel, dans la conception de son Dictionnaire, c'est de s'être abandonné trop facilement, sur la trace de Féraud, à l'idée séduisante, d'ailleurs, d'exprimer la prononciation par des signes. Il seroit sans doute fort avantageux de peindre la prononciation aux yeux avec des lettres, mais il faudroit pour cela que tous les sons de la prononciation eussent un signe propre dans les langues. Or, il n'a jamais existé un seul alphabet qui présentât cet avantage, et notre alphabet françois est plus éloigné de le posséder que tous les autres ; on en jugera par un seul fait : c'est que nous avons jusqu'à neuf voyelles bien distinctes et bien manifestes dans la prononciation, qui n'ont pas une lettre spéciale pour les représenter, et que nous sommes obligés de rendre par des figures d'emprunt. Il en est de même dans les consonnes. On ne pourvoira jamais à cet inconvénient que par le moyen d'un alphabet factice, vraiment phonographique, et qui aura un caractère pour chaque son, comme les instruments à clavier ont une touche pour toutes les notes. En attendant, on doit se résoudre à exprimer la prononciation par des définitions, ou à la peindre par des approximations. Le premier de ces moyens est sans doute imparfait, car il est impossible, par exemple, de donner une idée de la prononciation du mot abeille à ceux qui ne l'ont pas entendue, en disant que les ll d'abeille sont mouillées. Pour comprendre ce que c'est que des ll mouillées, il faut les entendre, et la prononciation ne peut pas s'enseigner autrement ; mais le second moyen est détestable, car c'est tromper le lecteur que de lui dire, comme Gattel, qu'abeille se prononce à peu près abéglie. Il n'y a rien de plus faux. Le lexicographe doit cependant choisir entre l'un et l'autre, à moins qu'il ne prenne avec M. Landais, le parti désespéré de nier une de nos consonnes, et de prononcer abé-i-e, comme si les ll n'y étoient point : théorie tout-à-fait curieuse et nouvelle, qui n'a prouvé qu'une chose nouvelle : c'est qu'on peut entreprendre et même exécuter un Dictionnaire sans connoître tout l'alphabet.

L'Académie françoise s'est décidée pour le premier moyen, et l'Académie a très bien fait. Le Dictionnaire écrit est très bon pour enseigner l'orthographe, mais la prononciation ne s'enseigne que par la parole, au moins quant aux sons qui manquent d'un signe alphabétique spécial.

Gattel a été trompé, en cette occasion, par son habitude particulière de la langue italienne, où les lettres gli se prononcent exactement comme nos ll mouillées ; mais on n'explique pas à un peuple une convention de la langue qu'il parle journellement, par une convention étblaie dans une langue qu'il ne parle point. C'est une erreur de cet excellent et respectable grammairien, et je suis convaincu qu'il s'en étoit aperçu lui-même, car il étoit revenu, à la fin de son travail, sur une méprise du même genre. Le gn du mot digne est aussi une de ces consonnes très-simples que les auteurs de notre système alphabétaire n'avoient su représenter que par une combinaison insignifiante et barbare. Il auroit fallu écrire dini-e comme a-bé-gli-e, pour être parfaitement conséquent, et c'est ce que l'on a fait depuis. Mais Gattel a sagement reculé devant cette imposture orthographique : il s'est borné à dire que le gn étoit mouillé dans le mot digne, et il auroit fait à merveille de dire la même chose du double ll dans abeille. C'est une rectification que votre Dictionnaire doit admettre dans ses éditions à venir. Il suffit d'avertir d'ici là vos lecteurs, que la prononciation de ces voyelles et de ces consonnes à deux figures, an, en, on, un, ai, eu, ou, ll, gn, etc. ne s'apprend pas dans les Dictionnaires, mais dans le commerce de la parole. Quant à la prononciation des sons que notre alphabet a bien voulu doter d'un signe propre, Gattel me paroît l'avoir représentée presque partout avec une irréprochable exactitude.

Je vous demande pardon, Monsieur, d'avoir été si long dans la critique de quelques parties d'un très-bon ouvrage dont je ne voulois dire que du bien. Si mes observations vous engagent à en effacer graduellement des taches fort légères auxquelles vous pouvez pourvoir dès aujourd'hui en cinq ou six mots de préface, je m'estimerai heureux d'avoir répondu à votre appel, et de prêter mon obscure et impuissante recommandation à votre belle entreprise.

Paris, ce 23 octobre 1839.
Charles Nodier
De l'Académie françoise.


1. Suivant les auteurs du Dictionnaire Historique, 1804, 13 vol. in-8°, " Vénéroni, né à Verdun, s'appeloit Vigneron ; comme il avoit étudié l'italien et qu'il vouloit en donner des leçons à Paris, il se dit Florentin et italianisa son nom. "

2. M. Gattel écrivoit au commencement de l'année de 1812. Note des éditeurs.

3. Voyez Magasin encyclopédique, IVe année, tome 3, pag. 87 et suivantes.

4. Voyez Cours d'instructions d'un sourd-muet de naissance, Paris an V, page 119.

5. Encyclopédie méthodique, Grammaire et littérature, article Dictionnaire.

6. Tournefortius suis caracteribus stupenda praestitit : cùm vero dein detecta sunt totamque multa et nova genera ; nostrum erit ejus quidem principiis inhaerrere, sed ea augere novis inventis, ut scientia accrescat. Linnaeus, Genera Plantarum, praefatio.

7. Ce signe a été supprimé dans la troisième édition, comme étant sans utilité. Note des éditeurs (voyez l'Avertissement)

8. Consuetudo vero certissima loquendi magistra : utendumque plane sermone, nummo ccui publica froùma est. Quintiolioanus, de Institutione oratori, lib. 1, cap. Ergo consuetudinem sermonis ; vocabo cpnsensum eruditorrum : sicut vivendi, consensum bonorum. Ibidem, sub fine.

9. Dans la première édition de cet ouvrage, des circonstances qui importent peu au Public, m'avoient engagé à prendre pour base de mon travail l'Abrégé du grand Dictionnaire de Richelet, publié par Wailly en 1790 ; et, en conservant dans un certain nombre de mots la nouvelle orthographe que ce grammairien justement estimé avoit cru devoir adopter, j'avois eu soin seulement d'indiquer, pour ces mots mêmes, la manière dont l'Académie les écrivoit ; mais, malgré cette précaution, je ne tardai point à sentir les inconvéniens de ce système néographique, et je l'ai fait ici entièrement disparoître.

10. Traité de la Grammaire françoise, par l'abbé Régnier-Desmarais, secrétaire perpétuel de l'Académie françoise, 1706, in-4°, p.75 et suivantes.

11. Grammaire générale, liv. 1, chap. 8, p. 189.

12. Une partie de ce qui suit concernant le néographisme est, à quelques changemens près, tiré du discours préliminaire qui est à la tête de la seconde édition de mon Dictionnaire françois-espagnol et espagnol-françois, Lyon, 1803, 2 vol. in-4°.

13. Traité de l'orthographe, des Tropes, etc.

14. Remarques sur la Grammaire générale de Port-Royal.

15. Grammaire et Littérature, au mot Néographisme.

16. Grammaire générale, li. 1, chap. 8, p. 186.

17. Prononciation notée, ou la prononciation déterminée par des signes invariables. Paris, an V.

18. Grammaire françoise. Lettre sur l'imperfection de notre orthographe, etc.

19. Dictionnaire critique de la langue françoise.

20. Encyclopédie méthodique, Grammaire et Littérature, article Dictionnaire.

21. Logique et principes de grammaire, Paris, 1769, 2e partie, pag. 487 et suivantes.

22. Logique et principes de grammaire, page 493.

23. Encyclopédie méthodique, grammaire et littérature, article Dictionnaire.

24. Nihil ex grammatica nocuerit, nisi quod supervacuum est. Quinctilianus, de Institutione oratoria, lib. I, cap. 7.

25. " C'est rendre une espèce d'hommage aux grands hommes que de critiquer leurs écrits. Si la critique est mal fondée, elle ne leur fait aucun tort aux yeux du public qui en juge : elle ne sert qu'à mettre le vrai dans un plus grand jour ; si elle est solide, elle empêche la contagion de l'exemple, qui est d'autant plus dangereux, que les auteurs qui le donnent ont plus de mérite et de poids ; mais, dans l'un et l'autre cas, c'est un aveu de l'estime qu'on a pour eux. Il n'y a que les écrivains médiocres qui puissent errer sans conséquence. "

26. Éloge de Racine.

27. Commentaires sur Corneille.

28. Cours de Littérature ;

29. L'abbé Féraud, dans son Dictionnaire grammatical, et ensuite dans son Dictionnaire critique de la langue françoise, est celui de nos lexicographes qui s'est le plus occupé de ces matières ; mais ces deux ouvrages, malgré leur titre, ne sont pas proprement des Dictionnaires. Ce sont, comme les appelle l'auteur lui-même, des Grammaires alphabétiques, où il s'est attaché spécialement et pour ainsi dire uniquement à développer les règles de syntaxe particulière de la langue, à éclaircir les doutes, et lever les difficultés que font naître chaque jour les bizarres irrégularités de l'usage : ce sont encore là ses expressions. Le Dictionnaire critique, surtout, est dans son genre un ouvrage excellent, et dont l'utilité est incontestable ; mais, encore une fois, ce n'est point un lexique.

30. Discours de réception à l'Académie françoise.

31. Encyclopédie méthodique, Grammaire et Littérature, article Dictionnaire.

32. Voyez dans l'Encyclopédie méthodique, Grammaire et Littérature, l'article Étymologie, où cet homme d'état, littérateur aussi instruit qu'administrateur éclairé, et surtout vertueux, après avoir posé sur l'art étymologique les principes les plus lumineux, donne pour en faire l'application, soit à la recherche des étymologies, soit à leur vérification, des règles également judicieuses et utiles.

33. Turgot, loco citato.

34. Anne d'Autriche, fille de Philippe III, femme de Louis XIII, morte en 1666. Marie-Thérèse d'Autriche, fille de Philippe IV, femme de Louis XIV, morte en 1683.

35. Verba aut latina aut peregrina sunt : peregrina porro ex omnibus prope dixerim gentibus. Taceo de Tuscis et Sabinis et Praenestinis… Plurima gallica valuerunt, ut rheda ac petoritum…. Et mappam Poeni sibi vindicant : et Guidos ex Hispania duxisse originem audivi. Sed haec divisio mea ad graecum sermonem praecipue pertinet : nam et maxima exparte Romanus inde conversus est, et confessis quoque graecis utimur verbis, ubi nostra desunt ; sicut illi a nobis quoque mutuantur. Quinctilianus, de Institutione oratoria, lib. 1, cap. 5.

36. Voyez Histoire littéraire de l'Italie, par M. Ginguené, tom. 1, chap. 3, page 177 et suiv.