Dictionnaire général de la politique, par M. Maurice Block (1864, 2 vol. in-8°). V. pour le compte rendu de cet excellent ouvrage, la préface du Grand Dictionnaire (vol. Ier, p. 48 et 47). Il en a été fait une seconde édition (1873, 2 vol. in-8°) nécessitée par les changements survenus en France depuis 1870. Ce qui avait assuré le succès de la première, c'était le caractère d'impartialité, de modération, de libéralisme qui était un de ses mérites les plus appréciés. Le même esprit a présidé à l'édition nouvelle. Tous les articles, revus avec soin par leurs auteurs, ont été annotés de plus par M. Maurice Block, dont les travaux de statistique et d'économie politique sont bien connus. Quoique les rédacteurs de la plupart des articles soient des savants d'une compétence avérée dans les matières de politique générale, d'économie politique, de jurisprudence, de finance, etc., dont ils avaient à traiter, M. Maurice Block a tenu souvent à accompagner leur travail soit d'éclaircissements utiles, soit de réserves formelles sur les points où ses convictions s'éloignaient des leurs. Aujourd'hui que notre pays, rendu à lui-même, porte naturellement un grand intérêt à toutes les questions qui concernent la politique extérieure, l'économie politique et sociale, le mécanisme des impôts, etc., l'ouvrage de M. Maurice Bock est précieux en ce qu'il fournit des opinions réfléchies, des faits exacts sur ces questions qu'il est impossible d'aborder sans des connaissances suffisantes.
Dictionnaire lyrique ou Histoire des opéras, par Félix Clément et Pierre Larousse (1869, in-8°). Cet ouvrage est comme une annexe du Grand Dictionnaire ; la plupart des articles qui le composent, au moins les plus importants, ont d'abord figuré dans cete vaste encyclopédie. M. Félix Clément, le savant auteur de l'Histoire générale de la musique religieuse, avait été chargé spécialement de l'analyse des œuvres lyriques ; ces analyses, augmentées d'un certain nombre de mentions d'opéras trop peu importants pour figurer dans le Grand Dictionnaire, forment le Dictionnaire lyrique. Cet ouvrage offre dans son ensemble une histoire complète de l'opéra et de toutes les œuvres musicales qui s'y rattachent : l'oratorio ou drame sacré ; la tragédie lyrique, première forme de l'opéra en France ; l'opéra seria et semi-seria, la comédie mêlée d'ariettes, de venue en France l'opéra comique et en Italie l'opéra bouffe ; enfin l'opérette et le ballet. Les œuvres les plus importantes ont une analyse détaillée, suivie de l'énumération des morceaux les plus saillants et de celle des artistes qui ont tour à tour brillé dans les principaux rôles. Les œuvres secondaires n'ont qu'une mention de quelques lignes faisant connaître le titre, le nom de l'auteur et la date de la première représentation. " On se demandera peut-être, dit M. Félix Clément, à quoi bon s'être donné tant de peine pour rappeler un nombre si considérable d'ouvrages oubliés, de partitions qui sont restées manuscrites, d'opéras allemands, anglais, polonais, tchèques, italiens même qu'on ne joue plus dans les pays où ils ont été écrits. La réponse sera facile. Il est vrai, la peine a été grande. Sept années d'un travail assidu n'auraient même pas suffi à l'achèvement de sa tâche, si l'auteur n'avait eu dès sa jeunesse le goût de la lecture des partitions et la passion indiscrète d'interroger le passé sur les secrets du présent. Qui peut répondre que ce qui était obscur hier ne sera pas célèbre demain ? N'est-ce pas dans des partitions manuscrites et depuis longtemps enfouies dans la poussière qu'on a retrouvé cette pavane charmante du temps des Valois qui, sous le nom de Romanesca, a fait le tour du monde trois siècles après ? Et ce chœur du XVe siècle : Alla Trinità ? et cet air d'église : Pietà, signore, attribué à Stradella. N'est-ce pas des manuscrits du XIIIe siècle, appelés par Boileau un
que j'ai tiré ces séquences, cantilènes si profondément religieuses, dont plusieurs font partie depuis plus de quinze ans du répertoire de tant d'églises en France, en Angleterre, en Italie et jusqu'au Canada ? " L'histoire, d'ailleurs, ne peut s'écrire qu'avec des documents complets, en accumulant tous les renseignements ; de si mince valeur qu'il soit, un opéra tient toujours sa place dans l'histoire de l'art, et il est bon qu'il soit au moins mentionné. Tout en accordant une large place à la musique ancienne, pour laquelle il a gardé une certaine prédilection, l'auteur est loin d'avoir négligé les contemporains ; toutes leurs œuvres sont signalées, même les plus légères, et quelques-unes avec de grands développements.
Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, par MM. Daremberg et Saglio (Paris, Hachette, 1873, in-4°). Ce remarquable ouvrage avait été entrepris par M. Daremberg, avec la collaboration d'un certain nombre de savants. La mort le surprit au cours même de la préparation et avant la publication du premier fascicule ; mais des matériaux considérables étaient déjà recueillis, et M. Edmond Saglio n'eut qu'à reprendre et continuer l'œuvre sur le même plan. Il a, outre la direction générale, rédigé un grand nombre d'articles spéciaux relatifs aux ustensiles, aux meubles, aux vêtements, à la mythologie, sujets qui étaient éminemment de sa compétence. Un grand nombre d'articles du même genre portent la signature de M. Vinet ; l'architecture a été traitée par M. Guillaume et M. Heuzey, le droit romain par M. Humbert et M. Baudry. Aux textes sont jointes environ 3,000 figures, d'une exécution irréprochable et qui ne sont pas le moindre attrait d'un ouvrage de ce genre. Dans son ensemble, ce Dictionnaire des antiquités grecques et romaines est un des plus beaux recueils entrepris de notre temps ; il est très-complet et peut être mis au niveau de ce qui s'est fait de plus sérieux en Angleterre et en Allemagne.
Dictionnaire de la langue française, abrégé du Dictionnaire de E. Littré, par M. A. Beaujean (Paris, Hachette, 1874, in-8°). Le succès du grand ouvrage de M. Littré a décidé son éditeur à en donner un abrégé, plus portatif et moins coûteux. M. Littré a chargé de ce soin M. Beaujean, qui l'avait aidé, non dans la rédaction mais dans la révision typographique du Dictionnaire de la langue française et que ce long travail avait familiarisé avec toutes les parties de ce vaste ouvrage. Il s'est acquitté de ce soin avec beaucoup d'habileté, malgré toutes les difficultés d'une pareille tâche : " Conserver, retrancher, proportionner, voilà, dit M. Littré dans la préface, les trois grandes difficultés de tout abrégé fait consciencieusement. Beaucoup de sacrifices souvent pénibles sont imposés ; il faut, avec une vigilance qui ne se démente dans aucun article, les racheter par toutes les utilités essentielles. " L'embarras consistait, en effet, à choisir, entre tant de renseignements accumulés dans le grand ouvrage et qui en font l'originalité, ceux qui sont de l'utilité la plus immédiate et qui convenaient le mieux à un plus nombreux public. Les suppressions ont porté spécialement sur les citations, qui sont cependant d'un si haut intérêt, mais qu'on ne pouvait songer à reproduire dans un abrégé, et sur la partie historique. La nomenclature a été conservée presque complètement ; on a seulement supprimé un certain nombre de néologismes des moins usités et des termes techniques ; ainsi l'abrégé présente encore 8,500 mots environ de plus que le Dictionnaire de l'Académie et distingués de ceux-ci, qui s'y trouvent tous, naturellement, par un astérisque. M. Beaujean a également conservé, outre les définitions, la classification des divers sens de chaque mot, telle qu'elle se trouve dans le grand Dictionnaire ; il n'a supprimé que ceux qui semblaient trop archaïques ou tout à fait particuliers à tel ou tel écrivain ; cette classification, à l'aide de la quelle on va du sens simple et primitif pour arriver par les intermédiaires aux significations plus éloignées ou métaphoriques, est une des parties les plus importantes de cet abrégé. Pour l'étymologie, il a fallu se restreindre, se contenter d'indiquer le mot dont le terme français est dérivé, sans entrer dans la discussion ni dans les preuves ; c'était là un sacrifice pénible, car le Dictionnaire de M. Littré laisse peu à désirer sous ce rapport. Enfin, pour la prononciation, elle est indiquée dans l'abrégé toutes les fois qu'elle offre quelque difficulté ou qu'elle peut faire d'un doute, ou que le mot appartient à une langue étrangère. Cet abrégé ne dispensera pas de recourir, dans bien des cas, aux richesses du Dictionnaire de M. Littré, mais il n'en est pas moins appelé à rendre de grands services à la grande masse du public studieux.
Dictionnaire biographique et bibliographique, par M. Alfred Dantès (Paris, A. Boyer, 1875, in-8°). La biographie proprement dite tient peu de place dans cet excellent ouvrage, remarquable surtout par la masse des enseignements bibliographiques, ou plutôt la biographie des écrivains et des artistes célèbres est de préférence racontée à l'aide de leurs travaux. L'ouvrage est divisé en trois parties. La première donne, par ordre alphabétique, tous les auteurs ayant une certaine notoriété, avec l'indication de leurs œuvres classées chronologiquement ; M. Dantès ne les a pas analysées une par une, même sommairement ; mais, à l'aide de caractères d'imprimerie de diverses grosseurs, il a rendu sensible l'importance générale ou relative de chacune d'elles ; de cette façon, parmi une longue énumération d'œuvres littéraires ou artistiques, l'œil saisit immédiatement celles qui ont une importance capitale ou sont les plus estimées. Le but de l'auteur, qui était de renfermer le plus de matière dans le moindre espace, et de donner le plus de renseignements utiles sous la forme la plus concise, est ainsi parfaitement atteint. La seconde partie est dressée d'après l'ordre chronologique. L'ordre alphabétique est précieux pour la célérité des recherches, mais il ne donne pas l'ensemble des travaux de même genre ou de même date, comme le fait une nomenclature chronologique et méthodique. L'auteur a donc repris dans cete seconde partie les principales notices de la première, en mentionnant seulement à chaque article les ouvrages principaux et en plaçant chaque auteur, chronologiquement, dans la division scientifique qui se rapportait le mieux à ses études et à ses travaux. La troisième partie offre la nomenclature chronologique de tous les chefs d'œuvre de l'esprit humain classés au nom de chaque auteur par sciences et par nationalités ; c'est un résumé des deux parties précédentes. Dans un Supplément, l'auteur a tracé un tableau chronologique et alphabétique de principaux événements de l'histoire du monde.
Ce Dictionnaire biographique et bibliographique, rédigé sur un plan tout à fait nouveau, renferme environ 10,000 notices et plus de 100,000 titres d'œuvres ; il est précieux, nous l'avons déjà dit, par le nombre et la nature des renseignements.
Dictionnaire universel des littératures, par M. G. Vapereau (Paris, 1877, 1 vol. in-8°). Voici le programme que s'est tracé l'auteur. Son ouvrage contient : 1° des notices sur les écrivains de tous les temps et de tous les pays, et sur les personnages qui ont exercé une influence littéraire ; l'analyse et l'appréciation des principales œuvres individuelles, collectives, nationales, anonymes, etc. ; des résumés de l'histoire littéraire des diverses nations ; les faits et souvenirs les plus capables d'intéresser sur tout ce qui regarde les Académies, les théâtres, les journaux et revues, etc.
2° La théorie et l'histoire des différents genres de poésie et de prose, les règles essentielles de rhétorique et de prosodie, les principes d'esthétique littéraire ; des notions sur les langues, leurs systèmes particuliers de versification, leurs caractères distinctifs et les principes de leur grammaire.
3° La bibliographie générale et particulière, les ouvrages à consulter sur les questions d'histoire, de théorie et d'érudition.
Comme on le voit, c'est là un cadre immense, et l'existence entière d'un Dom Calmet ou d'un Mabillon suffirait à peine à le remplir. M. Vapereau, dit-il, a consacré quinze années à ce travail ; quelles que soient sa compétence et son activité, que personne ne voudrait contester, ils nous semble que quinze années constituent un temps bien court pour une œuvre qui a dû exiger d'innombrables recherches en tout genre. Nous savons bien qu'il existe la ressource de la collaboration, indispensable à une époque où l'on veut par-dessus tout arriver vite ; mais ce secours même, à notre avis, aurait dû permettre à M. Vapereau d'imprimer à son livre un cachet plus original, un caractère plus neuf et plus utile. Nous remarquons en premier lieu qu'à part ce qu'on appelle ici la théorie et l'histoire des divers genres de poésie et de prose, détails stériles en eux-mêmes et qui courent les manuels où personne ne les va plus chercher ; à part les renseignements bibliographiques, dont l'utilité est incontestable, mais qui nous paraissent quelquefois incomplets, le reste, ou très peu s'en faut, fait double emploi avec d'autres ouvrages dont la réputation n'est plus à établir, tels que les Biographies Michaud et Didot, les Dictionnaires Bouillet et Dezobry, etc. Ces réserves faites, nous constatons volontiers que le Dictionnaire universel des littératures présente, sous une forme nécessairement concise, une foule de renseignements qu'on est satisfait d'avoir sous la main, condensés dans un seul livre. L'auteur du Dictionnaire des contemporains n'a certainement pas consacré quinze années de sa vie à collectionner de simples banalités ; la sûreté de son jugement en est une garantie suffisante.
Dictionnaire de botanique, par M. Baillon (Paris, 1877). M. Baillon, professeur d'histoire naturelle à la Faculté de médecine de Paris, directeur du jardin botanique de la même Faculté, a entrepris depuis plusieurs années la publication d'un des ouvrages les plus considérables qui aient paru jusqu'à ce jour en France, en Angleterre, ou en Allemagne sur la botanique. L'Histoire des plantes, commencée bien avant la guerre, et en 1877 encore en cours d'exécution, est un travail immense qui suffirait à lui seul à bien remplir la vie d'un homme. Chacun des six volumes parus contient de cinq à six monographies, divisées en fascicules de 80 à 120 pages, et dont quelques-unes renferment jusqu'à 168 figures dans le texte. Sans avoir apporté un changement radical dans l'enseignement et l'étude de la botanique, M. Baillon y a introduit une classification nouvelle, fondée sur la théorie des transformations ou morphologie, et il l'a dégagée des divisions infinies qui rebutaient trop souvent, avec l'ancienne méthode, les botanistes les plus exercés.
C'était pour M. Baillon une tâche déjà bien lourde que de mener à bonne fin une aussi vaste entreprise que son Histoire des Plantes. Audacieux et infatigable, le savant botaniste a voulu ajouter un nouveau fardeau à l'ancien et il a publié parallèlement à cette Histoire des plantes un dictionnaire de botanique, qui complète et explique la première dans bien des cas, qui est illustrée comme elle de nombreuses gravures dans le texte, et qui contient, de plus, des planches en couleur, exécutées, ainsi que les gravures, avec une rare perfection. La nomenclature du Dictionnaire de botanique de M. Baillon est des plus étendue. On y trouve, par ordre alphabétique, l'explication raisonnée et complète de tous les termes qui, de près ou de loin, se rattachent à la botanique ou à ses applications si nombreuses à la culture, à l'industrie, à l'économie domestique, à la médecine, à la pharmacie. Toutes les plantes utiles, toutes celles qui servent à l'ornement de nos jardins, celles qui sont nuisibles à l'homme ou aux animaux, y sont signalées, et l'on y trouve résumées, de manière à faire connaître l'état actuel de la science, toutes les questions d'organographie, d'anatomie et de physiologie végétale. C'est là la partie importante de ce Dictionnaire de botanique, celle qui paraît avoir reçu le plus de développement. Ainsi le mot absorption, que nous trouvons dès le début et qui est signé de M. Baillon, ne contient pas moins de onze colonnes de texte in-4°. L'auteur y décrit tous les phénomènes de l'absorption des fluides, liquides ou gazeux, par les organes spécifiques des plantes ; il indique les questions qui peuvent être résolues dans l'état actuel de la science et celles qui restent indécises ; les opinions diverses des botanistes au sujet de l'absorption de la vapeur d'eau ; les conditions dans lesquelles les plantes et les arbres absorbent avec le plus de facilité et le plus de profit pour eux-mêmes les fluides, liquides ou gazeux, indispensables à leur développement et à leur existence ; il s'étend longuement sur les expériences faites par les naturalistes, entre autres par Biot, pour démontrer la possibilité de faire pénétrer les liquides colorés dans les racines d'une plante : admettant l'exactitude de l'expérience lorsque la racine a été coupée, la mettant en doute lorsque cet organe est resté intact, et concluant de là que les matériaux inutiles ou nuisibles à la plante, les poisons, par exemple, ne peuvent être absorbés par les racines que lorsque celles-ci offrent quelque solution de continuité ; marquant la différence qui existe entre l'absorption du gaz et des vapeurs par les feuilles et par les racines ; recherchant les agents d'absorption des fluides dans les différentes portions de la plante et démontrant enfin le lien qui existe entre la fonction d'absorption et celle d'excrétion. En donnant, comme nous venons de le faire, l'analyse d'un article consacré à un seul mot pris au hasard, nous avons voulu indiquer nettement l'importance et l'utilité incontestables du Dictionnaire de botanique. Cette œuvre considérable, qui vient se greffer en quelque sorte sur l'Histoire des plantes de M. Baillon, travail plus étendu et d'un ordre peut-être plus élevé, ajoute encore à la célébrité que cette Histoire des plantes a justement acquise à son auteur, en France aussi bien qu'à l'étranger.
[G.D.U. 1er Supplément, tome 16, 1878, pp. 682 a - d]