Glossaire s. m. (gloss-sè-re -- du gr. glôssa, langue). Philol. Dictionnaire dans lequel on donne l'explication de certains mots d'une langue, anciens ou peu connus : Aucun ouvrage ne serait plus nécessaire qu'un glossaire général de l'ancienne langue française. (Du Rozoir) | Simple vocabulaire. | Nomenclature des mots d'une langue : Le glossaire de la langue grecque est fort riche.
-- Entom. Ensemble de la langue et de la lèvre des insectes.
-- Syn. Glossaire, dictionnaire, vocabulaire. V. Dictionnaire.
-- Encycl. Il faut venir jusqu'au Ier siècle après Jésus-Christ pour trouver dans l'histoire littéraire la mention d'un ouvrage se rapportant au genre de recueils que l'on désigne sous le nom de glossaires. Le Recueil des mots qui se trouvent chez Hippocrate fut composé par Erotien ou Hérodien, au temps de Néron, comme on le voit par la dédicace qui est adressée à Andromachus, médecin de cet empereur. Un autre glossaire, d'une époque un peu postérieure, et qui paraît se rapporter également aux œuvres d'Hippocrate, nous est parvenu sous le nom d'Hérodote, le médecin cité par Galien et Oribase. Ces deux glossaires ont été publiés pour la première fois par Henri Estienne, dans son Dictionnaire medicum (Paris, 1564, in-8°).
Plusieurs ouvrages qui portent la dénomination de lexiques rentrent par leur composition dans la catégorie des glossaires. Tels sont les lexiques de Diogénien, d'Hésychius parut être de la fin du IVe siècle. Il est très-précieux pour la connaissance de l'antiquité, et joint à un grand nombre d'explications philologiques beaucoup de renseignements relatifs à l'histoire, aux mœurs, aux usages ; mais il a subi des interpolations considérables. La belle édition de cet ouvrage, donnée par Alberti et Ruhnken (1746-1766, 2 vol. in-fol.), est complétée par celle d'Ernesti, qui ne comprend que les locutions chrétiennes, glossae sacrae (1785, in-8°). Le recueil de Suidas, composé au XIe siècle, est le plus célèbre des recueils grecs du même genre. Ce n'est pas seulement un glossaire, mais aussi un dictionnaire historique, renfermant des notices sur les auteurs les plus importants et des extraits de leurs ouvrages. On en cite surtout l'édition de Bernhardy (1834-1852, 2 vol. in-4°). Le lexique de Zonaras date du XIIe siècle. On peut le regarder comme un complément de celui d'Hesychius. Il a été édité par Tittmann (1803, 2 vol. in-4°).
Les glossaires modernes dont on fait le plus d'estime sont les suivants : le Glossaire archéologique de Spielman (1664-1687, in-fol.) ; le Glossaire de la moyenne et de la basse latinité, par Du Cange (1678, 3 vol. in-fol.) ; le Glossaire du même genre sur la langue grecque, par le même auteur (1688, 2 vol. in fol.) ; le Glossaire allemand, de Wachter (1737) ; le Glossaire allemand du moyen âge, par Scherz (1781-1784, 2 vol. in-fol. ; le Glossaire de la langue romane, par Roquefort (1808) ; le Lexique roman de Raynouard (1838-1844, 6 vol. in-fol.) ; le Lexique de Sophocle, par Ellendt (1835, 2 vol. in-8°) ; le Glossaire homérique de Doederlein (1850-1853, 2 vol. in-8°), etc.
Glossaire d'architecture pour les ordres grec, roman, italien et gothique ; 15e édition (Londres et Oxford, 1850, 3 vol. in-8°). Cet ouvrage de Parker est orné de gravures sur bois d'une grande perfection.
Glossaire du latin du moyen âge et de la basse latinité, en latin Glossarium mediae et infimae latinatatis, par Du Cange (Paris, 1678, 3 vol. in-fol.), ouvrage augmenté par les bénédictins de Saint-Maur (1733, 6 vol. in-fol.), accru d'un supplément par Carpentier (Paris, 1766, 4 vol. in-fol.), et enfin refondu par MM. Didot, sous la direction de M. Henschel. V. Du Cange.
Glossaire de la langue romane, par Roquefort (Paris, 1808, 2 vol. in-8°). Sainte-Palaye n'avait laissé qu'un ouvrage incomplet et défectueux ; Roquefort reprit son idée, la compléta et donna à son œuvre une disposition moins diffuse et plus commode. Son Glossaire contient la nomenclature, l'étymologie et la signification des mots usités en France du XIe siècle au XVIIe siècle ; il est précédé d'un Discours sur l'origine des Français, par un membre de l'Académie des inscriptions, et une autre sur le Génie de la langue française, fournie par Auguis, mais volée par celui-ci au Tableau annuel de la littérature par Clément. Au lieu de faire un supplément, Roquefort eût mieux fait de donner une seconde édition de son Glossaire, en y faisant entrer, à leur ordre, les additions que de nouvelles recherches lui avaient fournies. Tel qu'il est, le Glossaire de Roquefort est un ouvrage important pour l'étude des origines de la langue, mais dont la critique laisse souvent à désirer, et qu'il ne faut consulter qu'avec précaution.
L'auteur avait fondé sur ce travail de grandes espérances. Il lui dut son entrée à l'Académie celtique. Mais quand il crut devoir se présenter devant l'empereur pour lui faire hommage de son livre : " La langue romane ! demanda l'autocrate ; qu'est-ce que c'est que ça ? -- Sire, c'est la langue que parlaient nos ancêtres. -- Ah !… Vous avez dédié ce livre à mon frère Joseph ? -- Oui, sire. -- C'est très-bien. Comment vous nommez-vous ? -- Roquefort. -- Qu'êtes-vous ? -- Homme de lettres. -- rien que ça ? " Et il lui tourna le dos. Le pauvre Roquefort, malgré son érudition, ne savait pas, ou avait oublié, qu'il ne faut pas jeter les perles aux… empereurs.
Glossaire des mots français tirés de l'arabe, du persan et du turc, par Pihan (Paris, 1842, 1 vol. in-8°). Ce glossaire reproduit par ordre alphabétique les mots empruntés par notre langue aux principaux idiomes de l'Orient. Ces idiomes, en effet, et surtout l'arabe, nous ont donné un assez grand nombre de mots, soit au moment des croisades, dans lesquelles la France joua le principal rôle, soit par les relations commerciales, soit enfin par l'intermédiaire de la langue espagnole, qui a pris une multitude d'expressions à la langue des Arabes musulmans, dont la domination dans la péninsule ibérique dura plusieurs siècles. Depuis quelques années, les relations plus intimes que la politique et le commerce, la marche progressive de la civilisation ont établies entre la France et les puissances de l'Orient, mais surtout l'occupation de l'Algérie, ont aussi naturalisé parmi nous bien des termes qui, auparavant, n'étaient connus que des orientalistes.
Parmi les mots que nous avons empruntés aux langues de l'Orient, les uns, en grand nombre, ont été reproduits presque sans aucune altération ; ils sont alors faciles à reconnaître et à expliquer. D'autres, au contraire, ne sont arrivés jusqu'à nos jours qu'en passant au travers de l'ignorance du moyen âge, ou nous ont été transmis par les Espagnols, dont le système de transcription rend quelquefois ces termes difficiles à reconnaître. Dans ce cas, il faut souvent une sagacité réelle pour distinguer la véritable forme au milieu des changements qu'elle a dû subir. M. Pihan a essayé de donner, relativement à l'explication des mots des détails exacts et précis. Il ne s'est pas borné à présenter une nomenclature sèche et grammaticale. Mais il a fourni sur chaque objet les renseignements nécessaires pour en bien faire apprécier la nature.
Glossaire étymologique et comparatif du patois picard ancien et moderne, par l'abbé Corblet (Amiens, 1851, in-8°). La première partie de cet ouvrage contient des recherches historiques et littéraires sur les origines de l'idiome picard, sur ses caractères généraux, ses monuments littéraires, se formes grammaticales, sa prononciation, son orthographe, se proverbes et dictons, ses rébus, ses armes parlantes et se sobriquets, ainsi que sur les noms de lieux, de mesure, de baptême, de famille et de corporations. La seconde partie offre un glossaire étymologique et comparatif du dialecte picard ancien et moderne, qui contient environ six mille mots. Cet ouvrage contient beaucoup d'indications précieuses, mêlées à un grand nombre de rapprochements erronés.
Glossaire du centre de la France, par le comte Jaubert (Paris, 1857, 2 vol. in-8°). Ces deux volumes, où M. le comte Jaubert a réuni les mots et certaines locutions du langage présentement usité dans le Berry, sont d'une lecture non-seulement instructive, mais attrayante. " Les mots, dit à ce sujet M. Littré, portent tant de choses avec eux, tant de vives empreintes de l'esprit qui les jeta comme une monnaie dans la circulation, tant de marques des temps et des lieux, tant de traces d'histoire, tant de ressouvenirs de leur voyage à travers les siècles et les contrées lointaines, qu'on se complaît sans cesse à les voir défiler un à un dans le glossaire qui les contient.
Les règles que s'est tracées M. Jaubert dans cet excellent ouvrage méritent certainement l'attention. Tout mot qui brigue l'honneur de faire partie du Glossaire doit être vraiment en usage dans le patois et ne pas être dans la langue française, représentée par l'Académie ; toute locution dont l'apparence suspecte rappelle l'argot des faubourgs de Paris, toute expression née d'une prononciation vicieuse, est impitoyablement proscrite.
" Ce Glossaire, a dit M. Louis Passy dans un article sur cet ouvrage, est le procès verbal du patois berrichon, procès-verbal dressé " dans les foires et dans les marchés, dans les villes et les campagnes, avec le soin et l'autorité d'un officier public. M. Jaubert rédige l'acte de naissance de chaque expression ; il lui donne l'authenticité. Il ne mêle pas le dialecte ancien et le patois moderne ; il enregistre seulement les expressions qui sont encore employées aujourd'hui. De même qu'un botaniste marque le lieu qui produit une plante, M. Jaubert note la contrée où il rencontre l'expression. Mais le botaniste ne se contente pas de classer et d'étiqueter, il décrit encore la plante découverte, et c'est ainsi que M. Jaubert a essayé de décrire et d'expliquer les expressions recueillies. Dans cette nouvelle partie de sa tâche, M. Jaubert n'a point démenti sa réputation d'homme de goût. Un esprit fin et judicieux anime toutes ses remarques. M. Jaubert ne prétend point écrire l'histoire de chaque locution ; mais cette histoire ressort très-naturellement des citations d'auteurs anciens ou modernes, qu'avec une heureuse persévérance il a cherchées et ramenées de tous côté. Les romans de chevalerie, les poëtes et les prosateurs du XIVe, du XVe et du XVIe siècle, les deux grands écrivains du XVIIe siècle qui ont fait leur langue avec la vieille langue, La Fontaine et Molière, ont fourni la plus grande partie de ces pièces justificatives. M. Jaubert n'a rien dédaigné. Il a fouillé les archives du Cher et de l'Indre, et, dans les actes notariés, comptes d'hospices, registres de paroisses, règlements et transactions de toutes sortes, il a saisi l'ancien dialecte sous ses formes les plus expressives. Oublierons-nous dans cette revue rapide ces vieilles chansons, ces poésies populaires que les pères apprennent aux fils et que les rapsodes berrichons répètent dans les soirées d'hiver et dans les fêtes d'été ? Si l'on voulait définir le caractère de l'idiome berrichon, on pourrait dire qu'il est rabelaisien. Pour dix expressions gracieuses ou élégantes, on en rencontre cent grossières ou narquoises. Figurez-vous la langue d'un paysan, plaisante dans son tour, triviale dans sa franchise, bravant les convenances et même l'honnêteté, gaiement et en français. Le Berry, plus qu'aucune autre province de France, paraît avoir été la terre favorite des sobriquets. Tantôt la malice populaire les applique aux familles, tantôt aux hameaux. On ne saurait croire quelles ressources trouve l'histoire dans des études suivies sur les noms de lieux et de personnes. Le Glossaire convaincra les incrédules… Il n'était guère possible d'assigner au Glossaire des limites géographiques bien tranchées. M. Jaubert a pris pour base de ses recherches cette contrée naturelle, ce grand pays du centre, borné à l'E. par la crête du Morvan, au S. par les dernières ramifications des montagnes de l'Auvergne et de la Marche, au N. par la Loire, à l'O. par le Poitou et la Touraine…. Le livre qu'il nous a donné est donc à bon droit appelé le Glossaire du centre de la France. "
Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l'arabe, par Dozy et Engelmann (Leyde, 1869, 2e édit., 1 vol. gr. in-8°). Cet ouvrage a paru sous sa première forme en 1861. Il avait alors pour unique auteur M. Engelmann et ne formait qu'une simple brochure in-8° de 137 pages. C'était certainement un travail très estimable, et il avait été accueilli comme le premier exemple d'un recueil sérieusement critique de mots arabes adoptés par une ou plusieurs langues européennes ; car les essais du même genre qui avaient été tentés, quoique dignes d'estime pour la plupart, surtout celui de M. Pihan, laissaient beaucoup à désirer. Le savant professeur de Leyde, M. Dozy, s'est chargé de présider à la seconde édition, aux lieu et place de son ancien élève, M. Engelmann. M. Dozy en a fait un ouvrage tout nouveau, tant par le nombre que par la valeur des additions qu'il y a jointes. De ces additions, plusieurs sont empruntées à M. Muller, de Munich, ou à notre compatriote M. Defrémery ; mais la plupart appartiennent en propre à M. Dozy, ainsi qu'un grand nombre d'observations et de citations par lesquelles il a confirmé ou rectifié les étymologies proposées par M. Engelmann. On se fera une idée de l'importance du travail de M. Dozy quand on saura que le nombre des articles ajoutés par lui s'élève à 559, c'est à dire un chiffre presque égal à celui que comprenait l'ouvrage primitif, qui en contenait seulement 598. Grâce à ces additions et à celles qu'il a introduites dans le corps des articles anciens, l'étendue de la seconde édition dépasse de plus des trois quarts celle de la première. " Dans ce nouvel ouvrage, a dit M. Defrémery dans le Journal asiatique, on rencontre l'explication de plusieurs anciens termes espagnols, et d'autres appartenant à la basse latinité, qui manquent même dans la nouvelle édition de Du Cange. Mais il sera surtout précieux pour les orientalistes, en servant à compléter les lexiques arabes, où l'on cherche vainement bon nombre de mots empruntés par l'espagnol et le portugais. "
La lecture de l'ouvrage de MM. Dozy et Engelmann ne doit pas être négligée par nos lexicographes ; car il indique l'origine arabe d'un grand nombre de mots passés dans notre langue par l'intermédiaire de l'espagnol.
Cette seconde édition du Glossaire de MM. Dozy et Engelmann a obtenu de l'Académie française le prix Volney en 1869.
[G.D.U., t. VIII, p. 1308 b - d]