Mémoires. "Littér. On donne le nom de mémoires à des publications de genre très-différents qu'il est cependant possible de ramener à deux classes : les mémoires où l'on disserte et les mémoires où l'on raconte. A la première classe appartiennent : les mémoires diplomatiques [...] ; les Mémoires ou Journal de Trévoux (1701-1775, 265 vol. in-12) sont une oeuvre collective, mais n'appartiennent pas à un corps constitué en société savante.

[...] Mémoires de Trévoux, célèbre recueil littéraire du XVIIIe siècle, publié de 1701 à 1775 (265 vol. in-12). Ce fut une imitation du Journal des Savants. Il fut rédigé pendant plus de soixante ans par des membres de la compagnie de Jésus dont les missions et les collèges répandus dans le monde entier offraient des éléments de collaboration et un concours d'études que la société laïque était incapable de réunir. Fondé et imprimé à Trévoux, ville placée dans la souveraineté érigée par Louis XIV en faveur du Duc du Maine, ce recueil survécut à la catastrophe des jésuites en 1762 et vingt années encore, quoique sous des titres différents, il conserva une modeste place au milieu des journaux littéraires, pour s'éteindre enfin vers 1782. Publié sous le titre de Mémoires, il est connu sous le nom de Journal de Trévoux. Sans entrer dans plus de détails historiques à son sujet, nous nous occuperons exclusivement de sa bibliographie. Aucun journal littéraire du siècle dernier n'a plus d'importance au point de vue de l'histoire de notre littérature, et cependant, il n'est que de rares chercheurs qui s'avisent de le consulter. Les travaux des savants jésuites portent sur presque toutes les branches du savoir humain : la philologie sacrée, la patrologie, la théologie, les religions séparées, la jurisprudence, la philosophie, la politique, le commerce, la physique, la météorologie, la chimie, l'histoire naturelle, la médecine, l'anatomie, les mathématiques, la mécanique, l'astronomie, l'art militaire, la marine, les beaux-arts, les arts utiles, les belles-lettres, la langue hébraïque, la langue grecque, les langues modernes, la philologie, la rhétorique, la poésie, l'histoire, la géographie, la chronologie, l'histoire ecclésiastique, l'histoire de France, etc, le blason et l'histoire de la noblesse et de la chevalerie, les antiquités, les pierres gravées, la numismatique, les inscriptions, l'histoire littéraire, la biographie. Ces travaux si divers, émanant d'une véritable Académie, la plus nombreuse et la plus puissante qui ait existé peuvent se classer en deux parties : d'une part, les dissertations, les pièces originales, les mémoires insérés dans le journal ; de l'autre, les extraits, analyses et comptes rendus des ouvrages examinés et jugés par les journalistes en froc.

Les rédacteurs ont parfois, suivant les circonstances, changé de plan, mais non de méthode ni d'esprit. Attaqués et aussi défendus par la presse laïque (tous les noms littéraires du siècle figurent dans le débat), ils ont accompli une œuvre utile. " Je louangerai, dit Monteil, je louangerai volontiers les Mémoires de Trévoux ; ils ont bien mérité des sciences et des arts, ils n'ont pas moins mérité de la société. " Le premier ouvrage dont les Mémoires rendirent compte fut l'Instruction pastorale sur les promesses de l'Eglise, par Messire J. Bénigne Bossuet. C'était en même temps et un hommage rendu à un grand génie, et une sorte de profession de foi. En butte aux contradictions des écrivains protestants et aux attaques des philosophes, ils s'attirèrent l'estime de quelques dissidents, tels que Fontenelle et d'Alembert. Déjà ils avaient pris parti dans la querelle des anciens et des modernes, et Boileau n'avait pas eu lieu d'être satisfait de leurs critiques. L'esprit de corps guidait en ceci les jésuites.

Deux compilateurs ont fait des Mémoires de Trévoux l'objet d'un travail spécial, l'avocat Alletz et l'abbé Grosier. Le premier publia en 1771 un ouvrage en 4 volumes, l'Esprit des journalistes de Trévoux, recueil des principales dissertations originales. Le second donna en 6 volumes un autre choix d'articles puisés dans la collection. En 1864, le Père Sommervogel a fait paraître une Table méthodique du Journal de Trévoux, guide précieux comme l'ouvrage lui-même, et qui facilite singulièrement les recherches."

[G.D.U., t. XI, p. 3, b-c et p. 5, d]

Trévoux" Ville de France (Ain), ch.-l. d'arrond., à 54 kilom. S.-O. de Bourg, sur la rive gauche de la Saône; pop. aggl., 1,950 hab. -- pop. tot., 2,655 hab. L'arrondissement comprend 8 cantons, 112 communes et 91,817 hab. Fabriques d'orfèvrerie, affinage et tirage d'or et d'argent; fabriques de filières, fabriques d'huile, de sabots. Bibliothèque publique, chambre consultative d'agriculture, société d'agriculture, société des sciences et des arts. Trévoux s'élève en amphithéâtre sur le penchant d'une colline, dans un site pittoresque. Ancienne ville forte, flanquée de murailles dont il ne reste plus que des débris. Trévoux possédait autrefois plusieurs édifices remarquables. Il ne lui reste plus aujourd'hui que son palais de justice, fondé en 1696 par le duc du Maine, qui y transféra son parlement, installé précédemment à Lyon. On y remarque la grande salle, peinte à fresque par P. Sevin. Trévoux possède encore plusieurs églises; la plus ancienne est l'église collégiale dédiée à saint Symphorien; un hôpital fondé par Marie-Louise d'Orléans, et quelques débris de tours, dont la principale, de forme octogonale, grâce aux dégradations du temps, mesure à peine aujourd'hui quelques mètres de hauteur. […]

Au XVIIe siècle, Louis XIV fit établir une imprimerie à Trévoux et tracer le plan d'un grand collège. C'est de cette imprimerie que sortit, en 1704, la première édition du Dictionnaire universel, si connu depuis cette époque sous le nom de Dictionnaire de Trévoux. Trois ans auparavant, le Jésuites avaient fondé dans la même ville le Journal de Trévoux, qu'ils dirigèrent pendant trente ans."

[G.D.U., t. XV, p. 478 a - b]

Basnage de Beauval (Henri), frère du précédent [= Jacques, 1653-1723], né à Rouen en 1656, mort en 1710, suivit, comme son père la profession d'avocat au Parlement de sa ville natale. Lors de la révocation de l'Édit de Nantes, en 1685, il abandonna le barreau, et, deux ans après, il alla chercher près de son père un refuge en Hollande où il termina ses jours. Comme lui, il était d'une tolérance et d'une modération extrêmes, comme on le voit du reste dans tous ses ouvrages, dont les principaux sont : Tolérance des religions (1684); Histoire des ouvrages des savants (1687-1709, 12 vol.), intéressant recueil de critique littéraire, faisant suite aux Nouvelles de la république des lettres de Bayle. On a également de lui une édition augmentée du dictionnaire universel, recueilli et compilé par feu Antoine Furetière (1701, 3. Vol.)."

[G.D.U., t. II, p. 314]

Bougeant (Guillaume-Hyacinthe), Historien et littérateur, né à Quimper en 1690, mort à Paris en 1743. Il entra jeune chez les Jésuites, et professa successivement les humanités et l'éloquence dans plusieurs de leurs maisons. Un petit ouvrage qu'il publia en 1739, Amusement philosophique sur le langage des bêtes, badinage tiré d'une fable indienne, le fit exiler par ses supérieurs à La Flèche. Son nom se recommande surtout par l'Histoire des guerres et des négociations qui précédèrent le traité de Westphalie (1727, 2 vol. in-12), et par l'Histoire du traité de Westphalie (1734, 3 vol., in-4°), ouvrages qui le placèrent parmi nos meilleurs historiens, et dont estime surtout la partie qui se rapporte aux événements militaires. On a encore du père Bougeant quelques écrits, entre autres trois comédies spirituelles en prose contre les jansénistes adversaires de la bulle Unigenitus : la Femme docteur ou la Théologie en quenouille (1730), le Saint déniché ou la banqueroute des miracles (1732); les Quakers français ou les Nouveaux trembleurs (1732). Citons encore de lui : Observations curieuses sur toutes les parties de la physique, tirées des meilleurs écrivains (1719, 4 vol., in-12); Voyage merveilleux du prince Fanférédin dans la Romanie (1735, in-12), ouvrage dans lequel on trouve une ingénieuse critique du livre de Lenglet-Dufresnoy sur l'Usage des romans."

[G.D.U., t. II, p. 1075 c]

Buffier (Claude), Jésuite, grammairien et littérateur, né en 1661, en Pologne, d'une famille française, mort à Paris en 1737. Lorsqu'il eut terminé ses études à Rouen, il entra dans l'ordre des Jésuites (1669), professa la théologie et fit un voyage à Rome, à la suite d'une querelle théologique qui eut lieu entre lui et l'archevêque de Rouen Colbert. De retour en France, il se fixa à Paris, collabora au Journal de Trévoux, et publia, entre autres, une Grammaire française sur un plan nouveau, dont les grammairiens postérieurs ont beaucoup profité; Pratique de la mémoire artificielle pour apprendre et retenir la chronologie, l'histoire et la géographie (1701-1715, 4 vol. in-12), où il applique à ces sciences la méthode des vers techniques, déjà employée par les écrivains de Port-Royal pour l'étude des langues anciennes. On a aussi de lui quelques écrits historiques. Le P. Buffier était un homme de beaucoup d'esprit, d'érudition et de goût, et un écrivain aussi habile qu'élégant."

[G.D.U., t. II, p. 1389 c]

Caseneuve (Pierre de), Philologue et érudit français, né à Toulouse en 1591, mort en 1652. Après avoir étudié la théologie, il suivit un cours de jurisprudence, et s'appliqua en même temps à acquérir la connaissance des principales langues vivantes. Pourvu ensuite d'une prébende à l'église Saint-Etienne, il n'avait d'autre ambition que de vivre tranquille au milieu de ses livres. A la demande de l'archevêque de Toulouse, il fit des recherches consciencieuses sur les anciennes coutumes de la province, et publia le Traité du franc-alleu (1641), suivi plus tard de la Catalogne française, où il mit au jour des faits curieux et peu connus. Cependant, il travaillait à un ouvrage intitulé : Origine de la langue française, qui, longtemps après sa mort, fut communiqué à Ménage, et dont l'impression fut commencée par les soins de ce dernier, pour paraître à la suite de son Dictionnaire étymologique (Paris, 1694). Ce travail a été ensuite fondu dans les éditions ultérieures du dictionnaire de Ménage, et c'est le meilleur titre de Caseneuve au souvenir de la postérité."

[G.D.U., t. III, p. 491 a-b]

Castel (Louis-Bertrand), Jésuite, mathématicien, physicien français, né à Montpellier en 1688, mort en 1757. Il travailla pendant trente ans au Journal de Trévoux, fournit en même temps des articles au Mercure, et publia quelques ouvrages remplis d'idées quelquefois bizarres, mais souvent profondes et originales : Traité de la pesanteur universelle (1724), où il expose son système de la pesanteur, système dans lequel tout dépend de deux principes : la gravité des corps, qui les fait tendre sans cesse au repos, et l'action des esprits, qui rétablit sans cesse les mouvements; Plan d'une mathématique abrégée (1727), la Mathématique universelle (1728); Optique des couleurs (1740); Nouvelles expériences d'optique et d'acoustique, publiées dans les Mémoires de Trévoux (1735). C'est dans ce dernier écrit, qui a surtout contribué à sa réputation, que le P. Castel a exposé son système du clavecin oculaire, système qui l'occupa longtemps. Non content d'établir l'analogie des sons et des couleurs, il tenta de construire une machine, le clavecin chromatique, au moyen de laquelle il prétendait, en variant les couleurs, affecter l'organe de la vue, comme le clavecin ordinaire affecte celui de l'ouïe, par la variété des sons. Une partie de sa vie s'écoula à la poursuite de cette ingénieuse chimère."

[G.D.U., t. III, p. 517 d - 518 a]

Ducerceau (le P. Jean-Antoine), Jésuite, poète et littérateur français, né à Paris en 1670, mort en 1730. Il professa les humanités dans plusieurs collèges de son institut, et ne cessa pendant toute sa vie de cultiver la poésie et la littérature. Il publia d'abord des poésies latines, parmi lesquelles on distingue trois petits poëmes intitulés Papillones, Gallinae et Balthazar. Il composa ensuite un grand nombre de pièces de théâtre, soit en latin, soit en français, pour les représentations que donnaient les élèves des collèges à la fin de l'année scolaire; parmi celles qui furent jouées avec le plus de succès, on cite l'Enfant prodigue et les Incommodités de la grandeur. Parmi ses poësies diverses en français, plusieurs se lisent encore avec plaisir; telles sont les Pincettes, les Tisons, la Nouvelle Eve, et des fables qui ne manquent pas de mérite. Enfin le P. du Cerceau a aussi publié un assez grand nombre d'ouvrages en prose, dont les plus importants sont : Histoire des troubles causés par M. Arnauld après sa mort, ou Démêlés de M. Santeul avec les Jésuites; Histoire des dernières révolutions de Perse, depuis le commencement de ce siècle jusqu'à la fin du règne de l'usurpateur Aszroff; Réflexions sur la poësie française, où l'on fait voir en quoi consiste la beauté des vers, etc. Vers la fin de sa vie, le P. du Cerceau fut nommé précepteur de Louis-François de Bourbon, prince de Conti. Un jour que ce jeune prince venait d'obtenir un fusil de chasse qu'on lui avait longtemps refusé, il le retournait en tous sens pour le mieux examiner, et il vint à toucher imprudemment la détente. Le coup partit malheureusement, et le P. du Cerceau fut tué. L'enfant, dans sa terreur, se mit à courir par tout le château en poussant des cris lamentables. On s'empressa de courir au secours de l'infortuné précepteur, mais on ne trouva qu'un cadavre."

[G.D.U., t. III, p. 750]

Furetière (Antoine), lexicographe et littérateur français, né à Paris en 1620, mort en 1688. Furetière se livra d'abord à l'étude de la jurisprudence, qu'il délaissa bientôt pour le droit canon. Il obtint la charge de procureur fiscal à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, entra dans les ordres et fut nommé abbé de Chalivoy (diocèse de Bourges) et prieur de Chuines. Dès 1662, il était membre de l'Académie et se fit, dit-on un ennemi de chacun de ses collègues par son esprit satirique et railleur. Ayant entrepris de rédiger un dictionnaire de la langue plus complet que celui que préparait l'Académie, il fut accusé d'avoir profité de ce dernier travail, et chassé de la compagnie comme plagiaire. On composa alors contre lui une devise accompagnée d'une figure représentant un excrément du corps humain, avec ces mots pour légende : Ab ejecto corporis sanitas, "le corps s'en trouve mieux quand on l'en a expulsé."

Ce traitement rigoureux et peut-être injuste lui inspira une suite de factums satiriques contre les académiciens, qui ripostèrent vaillamment. Il en résulta un échange scandaleux de grossièretés entre les gens de lettres, et ces démêlés amusaient fort les désoeuvrés de la cour et du grand monde. La Fontaine, longtemps lié avec Furetière, devint ensuite son ennemi et fut mêlé à ces déplorables querelles. Les Factums de Furetière sont écrits avec beaucoup d'esprit et de verve piquante; mais ces sortes d'ouvrages n'ont qu'un intérêt de passion et de circonstance et ne survivent presque jamais à leur auteur. Le Dictionnaire est une œuvre très-estimable, qui n'a cessé d'être consultée depuis le temps de Tallemant des Réaux jusqu'à l'époque moderne. Furetière mourut sans avoir vu la fin de son procès avec l'Académie. La dernière édition du Dictionnaire est d'Amsterdam (1725, 2 vol. in-fol.). Le Nouveau recueil des épigrammatistes français , de Bruzen de la Martinière, collection précieuse pour les recherches, donne treize pièces de Furetière, dont quelques-unes ne manquent pas d'esprit. Voici un dizain qui a été souvent imité :

Puisque tu veux que nous rompions,
Et, reprenant chacun le nôtre,
De bonne foi nous nous rendions
Ce que nous avons l'un de l'autre,
Je veux, avant tous mes bijoux,
Reprendre ces baisers si doux
Que je te donnais à centaines;
Puis il ne tiendra pas à moi
Que de ta part tu ne reprennes
Tous ceux que j'ai reçus de toi.

Un homme fatigué de la vie essaye de s'étrangler et ne réussit pas. Là-dessus on le condamne à être traîné sur la claie puis pendu par les pieds. Furetière s'écrie :

Pourquoi ramener au supplice
Jean qui s'est lui-même pendu?
Croit-on qu'il lui fût défendu
De faire un acte de justice?

Comme avocat, Furetière avait beaucoup fréquenté les procureurs et ne les ménageait guère dans ses épigrammes :

Je ne sais par quel secours
La Mort a gagné la victoire
Contre le chicaneur Grégoire;
Car on dit qu'il avoit toujours
Quelque exception dilatoire.

Voici une épigramme moins inoffensive, et qui peut étonner, venant d'un homme d'église; assez originale, du reste, la Dévote mal mariée :

Claris, que vous êtes sotte!
Pendez le rosaire au croc,
Le paradis vous est hoc.
Sans faire tant la dévote,
S'il est vrai que votre époux
Est impuissant et jaloux,
Cela vous doit bien suffire:
Vous êtes vierge et martyre.

Pour en finir avec les épigrammes de Furetière, disons que, comme J.-B. Rousseau et Gacon, il en a beaucoup lancé contre le pauvre tragique Boyer, auteur de Judith. Il nous reste à indiquer les autres productions de notre auteur; elles ont pour la plupart une réelle importance littéraire : le Roman bourgeois (Paris, 1666, in-8° avec fig.); c'est une œuvre satirique et comique qui peint les mœurs et les ridicules de la classe moyenne; la collection Janet a réédité ce livre avec le concours intelligent de M. Victor Fournel; Poésies (Paris, 1666, in-8°); il y a là des satires contre les poètes, les procureurs, les marchands, etc.; Fables morales et nouvelles; Histoire allégorique ou histoire des derniers troubles arrivés au royaume d'éloquence (Amsterdam, 1702, in-12), facétie qui manque aujourd'hui d'application; Voyage de Mercure, satire en 5 livres et en vers, dirigée contre les littérateurs et les érudits (Paris, 1673, in-12); Furetiriana (Paris, 1696, in-12), recueil d'anas concernant Furetière ou recueillis par lui.

Furetière fut lié avec Boileau, Racine et La Fontaine, ce qui ne l'empêcha point de leur faire sentir quelquefois les traits piquants de sa malignité. On croit qu'il mit du sien dans les Plaideurs de Racine et davantage encore dans la parodie de Chapelain décoiffé, qui se trouve dans les satires de Boileau.

Furetière était digne de ses illustres collaborateurs, et ceux-ci savaient apprécier son mérite."

[G.D.U., t. VIII, p. 883 b - c]

Guichard (Étienne), linguiste français, qui vivait dans la première moitié du XVIIe siècle. Il professa à Paris les langues étrangères et la philosophie. On a de lui : Harmonie étymologique des langues, où se démontre que toutes les langues sont descendues de l'hébraïque (Paris, 1606, in-8°), ouvrage curieux, plein d'érudition, mais follement systématique"

[G.D.U., t. VIII, p. 1611 d]

Jussieu (Antoine de), Médecin et botaniste français, né à Lyon en 1686, mort à Paris en 1758. Il était fils d'un pharmacien, Christophe de Jussieu, auteur d'un Nouveau traité de la thériaque (Trévoux, 1708). Son père l'envoya faire ses études de médecine à Montpellier, où il se fit recevoir docteur. Il parcourut ensemble le midi de la France, l'Espagne, le Portugal, avec son frère Bernard, vint se fixer à Paris en 1708, fut nommé professeur de botanique au Jardin Royal, et devint membre de l'Académie des sciences en 1711. En même temps, Antoine de Jussieu se livra à l'exercice de la médecine et se fit une nombreuse clientèle. Il a publié, dans le recueil de l'Académie des sciences, un grand nombre de Mémoires sur la zoologie, la botanique, l'anatomie, sur les mines de mercure d'Almaden, sur les empreintes de végétaux des houillères de Saint-Étienne, etc. Il est le premier qui ait fait connaître la fleur et le fruit du caféier. On lui doit, en outre, un Éloge de Fagon (1718); un Discours sur les progrès de la botanique au Jardin Royal de Paris (1728); un Traité des vertus des plantes, édité, après sa mort par Grandoyer de Foigny, etc."

[G.D.U., t. IX, p. 1125 a]

Restaut (Pierre), Grammairien français né à Beauvais en 1696, mort à Paris en 1764. C'était un homme sagace, studieux, logique, un homme d'un caractère honorable et qui sut se concilier l'estime générale. Restaut abandonna la carrière de l'enseignement pour étudier le droit. Pourvu de la charge d'avocat au conseil du Roi en 1740, d'Aguesseau l'en félicita de la manière la plus honorable, en lui exprimant le désir de trouver souvent de pareils sujets pour cette compagnie. Sans négliger les soins de sa profession, Restaut trouvait le temps de cultiver les lettres, les sciences et les arts. C'était là son délassement et son bonheur. Il a publié, sous le titre de Principes Généraux et raisonnés de la grammaire françoise (1739, in-12), le premier ouvrage vraiment élémentaire qui ait été fait pour l'étude de notre langue. Il en fit paraître lui-même un Abrégé en 1732. Ces deux livres, composés d'après les vœux du célèbre Rollin, adoptés par l'Université et pour l'éducation des enfants de France, eurent un succès qui se soutint pendant un siècle. On les réimprimait encore en Belgique et dans nos provinces sous l'empire et la Restauration; la dernière édition des Principes généraux est de Lyon (1817) celle de l'Abrégé est d'Alais (1824). Ils sont tout à fait abandonnés aujourd'hui. Restaut avait adopté la méthode par demandes et par réponses, la forme des déclinaisons latines et mêlé la syntaxe à la partie élémentaire. Il publia en outre : Vraie méthode pour enseigner à lire (1759) et une nouvelle édition du Traité de l'Orthographe française en forme de dictionnaire (1752, in-8°), livre connu sous le nom de Dictionnaire de Poitiers, dû à Ch. Leroy, prote dans une imprimerie de cette ville, et dont la première édition avait paru en 1739. On doit encore à Restaut, janséniste zélé, une traduction du latin d'une satire violente d'Inchoffer contre les Jésuites, la Monarchie des Solipses (1754, in-12)."

[G.D.U., t. XIII, p. 1056 b - c]

Richelet (César-Pierre), lexicographe français, né à Cheminon, près de Châlons-sur-Marne, en 1631, mort à Paris en 1698. Il était petit-fils de Nicolas Richelet, avocat au Parlement, et entra dans l'enseignement. D'abord régent des classes élémentaires au collège de Vitry-le-François, il quitta ce poste inférieur pour être précepteur du fils du président de Courtivron. Venu un peu plus tard à Paris, il noua commerce avec des savants et des lettrés, Patin, d'Ablancourt, etc., et se fit recevoir avocat; il fut un des habitués des réunions de l'abbé d'Aubignac. L'enseignement lui convenant mieux que le barreau, il persévéra dans ses premières études et faillit même, sur la recommandation de Tallemant des Réaux, être adjoint à Périgny, comme précepteur du dauphin. Déchu de ces grandes espérances, il se plongea dans la grammaire, la lexicographie, et composa ou édita un assez grand nombre d'ouvrages spéciaux qui tous ont gardé de la valeur.

On doit à Richelet : Dictionnaire des rimes dans un nouvel ordre (Paris, 1667, in-12), ouvrage sur lequel est fondée, bien à tort, sa meilleure part de réputation, car il n'en fut que l'éditeur et l'annotateur : le véritable auteur est Frémont d'Ablancourt; la Versification française ou l'Art de bien faire et bien tourner les vers (1671, in-12); Richelet ne fut cependant qu'un poëte très-médiocre; les Plus belles lettres des meilleurs auteurs français (Lyon, 1687, in-12); on y trouve des notes curieuses, mais dont l'exactitude n'est pas toujours irréprochable; Dictionnaire français (1680, 2 vol., in-4°); les Commencements de la langue française ou Grammaire tirée de l'usage et des bons auteurs (1694, in-12); Connaissance des genres français tirés de l'usage (1694, in-12). Richelet collabora en outre à l'Histoire de l'Afrique de Marmol, à l'Histoire de la Laponie de Scheffer, et donna une traduction de l'Histoire de la Floride de l'Espagnol Garcilasso. On lui attribua l'Apothéose de l'Académie françoise, libelle reconnu plus tard pour être de Furetière, et des traductions de l'Âne d'Or, de Psyché et Cupidon, d'un choix d'épigrammes, ouvrages de Brugières. Il avait, de plus, composé un Commentaire des Satires de Boileau et un Dictionnaire burlesque, plein d'obscénités, que son confesseur lui fit jeter au feu. L'idée a été reprise par Leroux.

Le Dictionnaire français est l'œuvre capitale de Richelet. La première édition de 1680 est toujours fort recherchée de certains amateurs, parce qu'elle contient tous les mots obscènes de la langue, appuyés de citations curieuses; ces sortes de recherches étaient la manie du savant grammairien. Il se rattache même à cet ouvrage une sorte de drame mystérieux. Le Dictionnaire avait été imprimé clandestinement à Genève par Widerhold; celui-ci eut l'imprudence de dire à un libraire de Paris, Bénard, qu'une caisse contenant 1,500 exemplaires, allait être introduite dans Paris. Bénard vendit la mèche et le syndic de la communauté fit saisir et brûler, à Villejuif, où ils se trouvaient, tous ces exemplaires?. Widerhold en mourut de chagrin trois jours après et, le lendemain de sa mort, Bénard était assassiné sous le porche même de Saint-Benoît, sa paroisse, par un inconnu qui put s'échapper au milieu de la foule. A ce dictionnaire, qui a conservé son autorité et sera toujours consulté pour la connaissance exacte du vieux langage, se rattachent encore quelques anecdotes moins lugubres. Il fourmille, par exemple, de définitions et de citations satiriques; on y remarque entre autres, une animosité singulière contre les Grenoblois, et, pour l'expliquer, les commentateurs ont prétendu que Richelet avait reçu dans leur ville, à propos d'épigrammes insolentes, une volée de coups de canne, ce qui aurait donné lieu au proverbe populaire : "Faire la conduite de Grenoble." Rien n'est moins certain que cette historiette, et deux ou trois autres origines ont été assignées à ce proverbe. Une autre anecdote paraît plus probable. Au mot zeste, on trouve cet exemple inventé par Richelet et faisant allusion à un double échec militaire du grand Condé : "Il prendra Dôle zest comme il a pris Fontarabie." Le vainqueur de Lens se vengea, dit-on, en faisant bâtonner le pauvre lexicographe; c'est peut-être vrai. L'humeur satirique de Richelet perce à chaque ligne dans les exemples de son dictionnaire, et nul doute qu'elle ne lui ait attiré çà et là quelques mésaventures.

On trouve de Richelet quelques pièces de poésie et des épigrammes dans les recueils du XVIIe siècle, surtout dans celui de Bruzen; ce sont des compositions médiocres. On cite quelquefois cette épigramme dirigée contre Hédelin:

Je me voulais venger de l'aveugle cynique
Qui toujours égratigne et pique
Et mord comme un chien enragé;
Mais il n'est pas besoin que je le satirise:
Il fait imprimer Macarise;
Ne suis-je pas assez vengé?

Richelet s'était marié, par amour, à soixante ans; mais il tint son mariage secret de peur du ridicule. On peut consulter sur lui les Mémoires de la littérature d'Artigny et sa Vie par Joly, dans les Éloges de quelques auteurs.

[G.D.U., t. XIII, p. 1187 a - b]

Saumaise (Claude de), "Saumaise fut un savant des plus laborieux et des plus consciencieux. Critique, philologue, possédant à fond ses auteurs grecs et latins, ayant quelque connaissance des langues orientales, il a touché à toutes les questions relatives à l'antiquité; c'est le type le plus complet de l'érudit. Guez de Balzac disait : Non homini, sed scientiae deest quod nescivit Salmasius. Ménage, en complet accord avec J.-M. Gessner, l'apprécie fort bien ces termes : "J'ai connu M. Saumaise fort particulièrement; il me venait voir assez souvent. C'était l'homme du monde le plus agréable dans la conversation; mais il avait ce défaut en écrivant qu'un passage en attirait un autre et qu'il ne pouvait finir à force de citer." Ses livres sont une source inépuisable; mais ils sont de ceux qu'on ne lit guère que pour les dépouiller et faire d'autres livres ; nul n'a plus que lui amassé de ces copieux matériaux dont les autres profitent"

[G.D.U., t. XIV, p. 263 d - 264 a]

Thomassin (Louis de), […] Louis de Thomassin résolut d'apporter la paix dans l'Eglise en s'efforçant de concilier les doctrines des Jansénistes, dont il avait été jusqu'alors partisan, avec celles des molinistes, et, dans ce but, il composa sous le titre de Disertationes in concilia generalia et particularia (Paris, 1667, in-4°), dix-sept dissertations qui, au lieu d'être bien accueillies, comme il l'espérait, excitèrent au contraire contre lui les clameurs de tous les partis, du clergé, du parlement, de l'archevêque de Paris, et même du régent. Malgré son échec, il n'en continua pas moins à vouloir jouer le rôle si périlleux de médiateur entre deux opinions religieuses et écrivit des Mémoires sur la grâce, dont le chancelier Séguier empêcha l'impression, mais qui furent néanmoins publiés à Louvain en 1668 (3 vol. in-8°). Louis de Thomassin ne réussit pas mieux que dans sa première tentative, et le supérieur de l'Oratoire, craignant de voir sa congrégation regardée comme solidaire des écrits d'un de ses membres, ordonna à Thomassin de quitter le séminaire de Saint-Magloire et de se retirer dans la maison des Oratoriens. Ce fut dans cette retraite que le savant controversiste passa les dernières années de sa vie et qu'il composa les ouvrages auxquels il doit la plus grande partie de sa réputation."

[G.D.U., t. XV, p. 147 c]

Tournemine (René-Joseph de ), Littérateur et Jésuite français, né à Rennes en 1661, mort à Paris en 1739. Il appartenait à une famille d'ancienne noblesse qui descendait de l'illustre maison des Plantagenet, et il était l'aîné des quatre fils de Jean-Joseph Tournemine, baron de Camsillon et de Marie de Coëtlogon. Elève des Jésuites, Tournemine entra dans cet ordre et professa la philosophie et la théologie. Au bout de quinze années d'enseignement, il se rendit à Paris (1701) et prit la place de Catrou et de Rouillé pour la direction des Mémoires de Trévoux. Il remplit sa tâche avec autant de talent et de goût que d'impartialité, et, tout Jésuite qu'il fût, il témoigna de l'estime à Voltaire et proclama Mérope un chef d'œuvre. En 1718, le Père Tournemine devint bibliothécaire de la maison professe, cessa de travailler aux Mémoires de Trévoux et se fit une bibliothèque d'environ 7,000 volumes. Il mourut d'un épanchement de bile à soixante-dix huit ans. […] Ses dissertation savantes, publiées dans le Journal de Trévoux, sont très-nombreuses."

[G.D.U., t. XV, p. 365 b]

Clavecin s. m. (Kla-ve-sain -- du lat. Clava, clef). Musiq. Instrument à cordes métalliques et à touches, aujourd'hui remplacé par le piano, et dans lequel les cordes étaient pincées par des becs de cuir ou de plumes de corbeau: Toucher du Clavecin. Un Clavecin bien accordé ne fournit que des touches qui expriment la juste valeur de chaque son. (Fén.)

Elle penchait la tête, et sur son clavecin
Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main.
A. de Musset.

Fier de ses sons moelleux qu'il enfante sans peine,
Avec un flegme anglais le piano se traîne,
Et nargue, fils ingrat, le rude clavecin.
Piis

|| Clavecin acoustique, Clavecin harmonique, Clavecins inventés au dernier siècle, et qui imitaient les sons de divers instruments à corde, à percussion et à vent.|| Clavecin d'amour, Clavecin qui, avec des cordes moins longues, donnait des sons plus forts et plus soutenus que ceux du clavecin ordinaire.|| Clavecin angélique, Clavecin dont les plumes qui touchent les cordes étaient remplacées par des morceaux de cuir revêtus de velours.|| Clavecin à archet, Clavecin à cordes de boyau touchées par un archet de crin.|| Clavecin électrique, Instrument qui mettait en mouvement, à l'aide de touches électriques, les battants d'une gamme de clochette, et qui produisait en même temps des étincelles visibles dans l'obscurité.|| Clavecin organisé, Celui dont le clavier faisait jouer un petit orgue.|| Clavecin à ravalement, Celui qui avait plus de touches que les autres.|| Clavecin royal, Sorte de clavecin à trois pédales pour varier la qualité des sons.|| Clavecin-vielle, Clavecin dans lequel les cordes étaient touchées à l'aide de pièces garnies de peau ou de parchemin.

-- Poétiq. S'est dit des ressources d'un poète, de l'ensemble de ses moyens, de l'étendue de son génie; Il y a dans mon clavecin poétique des jeux de flûte et de tonnerre, (Ducis.)

--fig. Instrument, moyen d'action : L'homme insensible est un clavecin sans cordes (Boiste.) On dirait aujourd'hui piano dans le même sens.

-- Physiq.|| Clavecin oculaire, Sorte d'instrument à touches, qui avait été imaginé pour produire sur les yeux, au moyen de couleurs que l'exécutant combinait, des sensations analogues à celles que les instruments de musique produisent sur l'oreille.|| Clavecin des saveurs, Autre instrument imaginé pour combiner les saveurs d'une manière analogue.

-- Mar. Ensemble des logements placés sous les dunettes, en avant de la chambre du conseil : Le capitaine et son état-major sont logés dans le clavecin. (Willaumez.) On dit aussi Clavesin.

-- Encycl. Le clavecin (qu'on écrivait jadis clavessin) est l'un des plus anciens instruments à clavier connu, et le dernier qui céda la place au piano. Il serait assurément très-malaisé de retrouver aujourd'hui ses origines, ainsi que le fait remarquer M. Léon de Burbure dans ses excellentes Recherches sur les facteurs de clavecins et les luthiers d'Anvers; " Il serait fort difficile, dit le savant écrivain, d'établir exactement quand et dans quel pays fut inventé et fabriqué le premier clavecin, nommé clavicymbalum en latin, gravicimbalo en italien, clavecimbel et claversingel en flamand. Jules-César Scaliger est, croyons-nous, parmi les auteurs, le plus ancien qui fasse mention de cet instrument, qui ne fut d'abord qu'un clavicorde perfectionné. Voici ce qu'il en dit, dans son ouvrage intitulé : Poetices (lib. I, cap. xlviii}, publié à Lyon en 1561 : Additae deinde plectris corvinarum pennarum cuspides; ex aereis filis expressiorem eliciunt harmoniam. Me puero Clavicymbalum et Harpsichordium, nunc ab illis mucronibus spinetam nominant. " Des pointes de plumes de corbeau furent ajoutées ensuite aux touches; elles tirent des fils de métal une harmonie plus expressive. Ce que dans mon enfance on appelait clavicymbalum et harpsichordium est nommé aujourd'hui, à cause de ces crochets, épinette. "

En réalité, on peut croire que ce fut en Italie, et vers l'an 1500 ou 1505, que furent construit les premiers clavecins.

Le clavecin, qui existait aux mêmes temps que la virginale et l'épinette, était un instrument de même genre que ceux-ci, mais beaucoup plus grand, et il avait, à peu de chose près, la forme de nos pianos à queue modernes. Ses cordes étaient en métal, et elles se trouvaient mises en vibration par des languettes de bois, armées d'un morceau de plume ou de buffle; soulevées par les touches du clavier, ces languettes ployaient en venant s'appuyer sur les cordes, et les faisaient résonner en s'échappant. On voit que cette différence avec le piano, dans lequel la corde est frappée par un marteau et résonne sous le choc, est caractéristique. Aussi le son du clavecin n'était-il susceptible d'aucune modification de la part de l'exécutant. Souvent le clavecin avait deux claviers dont on pouvait jouer simultanément, et qui faisaient sonner à la fois deux notes accordées à l'octave pour chaque touche.

Le clavecin et ses similaires, l'épinette et le clavicorde, continuèrent d'être en usage jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. (On sait que toutes les sonates de Mozart ont été écrites pour le clavecin, et que la reine Marie-Antoinette jouait très-bien de cet instrument.) Cependant, dès les premières années de ce siècle, on s'était occupé de le perfectionner, et le sons grêles et parfois désagréables qu'il produisait avaient engagé quelques facteurs à modifier sa construction pour en obtenir de plus moelleux et de plus doux. Dès 1716, un facteur de Paris, nommé Marius, avait présenté à l'Académie des sciences deux instruments d'un genre nouveau, dans lesquels il avait substitué aux languettes de bois de petits marteaux pour frapper les cordes. C'était le germe du piano. Deux ans après, un Florentin, Cristoforo, perfectionna cette invention et construisit un piano véritable, qui servit de premier type à tous ceux que l'on fit dans la suite. Mais les premiers essais de ce genre furent accueillis froidement, et ce n'est qu'à partir de 1760 que Silbermann, en Allemagne, et Zumpe, en Angleterre, établirent des fabriques régulières et commencèrent à multiplier les pianos. En 1776, les frères Erard, auxquels on doit tant sous ce rapport, construisirent en France les premiers instruments de cette espèce qui y aient vu le jour, et, vingt ans après, il n'était plus question de clavecin.

Le plus célèbre facteur de clavecins est Hans Ruckers, qui vivait à Anvers dans la première moitié du XVIIe siècle , et à qui l'on doit en ce genre de véritables chefs d'oeuvre, entre autres un instrument à deux claviers, qui est aujourd'hui la propriété de M. L F. Pigeory. Ce clavecin, qui a été décrit par M. Emile Pfeiffer en 1858 dans le journal l'Illustration, qui en même temps le reproduisait fidèlement par la gravure, est une véritable merveille, non seulement au point de vue de la construction, mais encore au point de vue de sa forme, de sa grâce, de son élégance, enfin des peintures et des ornements qui l'enrichissaient.

Disons maintenant quelques mots d'un célèbre automate connu sous le nom de Joueuse de clavecin.

Il existe au Conservatoire des Arts et Métiers, dans la salle consacrée aux instruments de précision, dite salle de l'horlogerie, un automate représentant n miniature une musicienne jouant du clavecin. Le personnage et son instrument sont au quart de leur grandeur naturelle.

Vient-on à pousser un bouton qui communique à la détente de la machine, l'artiste commence par saluer gracieusement l'assemblée en se dirigeant vers les diverses parties de la salle; puis, tandis qu'elle promène ses marteaux au-dessus des cordes de son instrument, elle lève les yeux au ciel comme pour y chercher une inspiration.

Ce préambule terminé, la petite femme se met à jouer, avec une grande sûreté d'exécution, l'un des douze airs de son répertoire. Sa main droite exécute le chant, tandis que la main gauche en fait l'accompagnement. La tête et les yeux ne cessent de suivre le jeu des marteaux, ainsi que cela se fait d'ordinaire dans le monde musical pour chaque instrument.

Cette pièce mécanique date du milieu du siècle dernier. Vers 1772, Louis XVI, dont on connaît le goût prononcé pour la mécanique, eut l'idée de commander à deux habiles mécaniciens allemands, Roentgen et Rinzing, un automate jouant du clavecin pour représenter les charmes physiques et le talent musical de Marie-Antoinette.

Les automatistes donnèrent tous leurs soins à cette oeuvre commandée par le souverain : ils confièrent à un habile sculpteur l'exécution du gracieux personnage; l'étoffe des vêtements sortit d'une fabrique lyonnaise, et le meuble fut exécuté par un ébéniste allemand, d'après un dessin envoyé de France.

Cet ensemble de travaux produisit un chef d'oeuvre qui fut soigneusement emballé et expédié au royal destinataire. L'automate fit longtemps l'admiration et les délices de la cour, et tout porte à croire que le mécanicien monarque dut, plus d'une fois, rectifier de ses propres mains les écarts inévitables d'une machine aussi compliquée. La Révolution arriva : le jouet aristocratique dut, dans l'intérêt de son salut, quitter les lambris dorés des Tuileries pour un simple réduit dans les bâtiments de l'Institut, où il eut à subir pendant près de quatre-vingts ans plus que les ravages du temps.

En 1864, l'Institut offrit cette précieuse épave au conservatoire des Arts et Métiers. M. Le général Morin, directeur de cet établissement, comprit la possibilité d'une restauration. Il s'adressa à un mécanicien, qui se chargea de cette tâche difficile, et qui fut assez heureux pour la mener à bonne fin. Il ne fallut pas à celui-ci moins de deux années d'un travail suivi pour rendre à la Joueuse de clavecin sa forme et ses fonctions premières. "

[G.D.U., t. IV, pp. 409 d - 410 a]

Dombes (principauté de), en latin Dumbensis pagus, anciennement principauté de France, dans l'ancien gouvernement de Bourgogne; entourée au N., au S. et à l'E. par la Bresse, au S.-O. par le Franc-Lyonnais, et à l'O. par la Saône, qui la séparait du Beaujolais et du Mâconnais. Sa superficie peut être évaluée à 144,820 hectares; lors du dernier recensement qui se fit sous Louis XV, la population se montait à 22,000 âmes. Trévoux en était la capitale; les autres villes étaient Beauregard et Ambérieux.

-- Histoire. La principauté de Dombes, qui forme aujourd'hui une partie du département de l'Ain, était habitée, au temps de la conquête de César, par les Segusioni et les Ambarri; sous Honorius, ce pays fit partie de la première Lyonnaise, puis successivement des deux royaumes de Bourgogne. A l'époque de la décadence du second royaume de Bourgogne et de sa réunion à l'empire, la plupart des grands feudataires s'étaient constitués indépendants et le pays de Dombes passa sous la suzeraineté des seigneurs de Beaujeu et de Villars. Les premiers possédaient la partie septentrionale, située le long de la Saône, depuis Montmerle jusqu'aux rivières de Veyle et de l'Ain; le reste était au pouvoir de la maison de Villars. Cette possession partagée occasionna de fréquentes guerres entre les deux maisons. La maison de Villars se fondit au XIIIe siècle dans la maison de Thoiré, qui hérita de ce que les Villars possédaient dans le pays de Dombes. Vers cette époque, les sires de Beaujeu, soit par violence, soit par mariage, s'emparèrent peu à peu de presque toute la principauté. Le dernier Comte de Beaujeu, Edouard, ayant légué tous ses domaines à Louis II, duc de Bourbon, en 1400, la principauté de Dombes passa dans la nouvelle maison de Beaujeu, formée par un rameau de la maison de Bourbon. Le dernier représentant de ce rameau, Pierre de Beaujeu, ne laissa qu'une fille, Suzanne de Bourbon, Comtesse de Beaujeu, qui porta la principauté de Dombes à son mari, le Connétable de Bourbon. Confisquée sur celui-ci par François Ier, elle fut rendue à ses héritiers du rameau de Bourbon-Montpensier, et demeura en la possession de ce rameau jusqu'à son extinction, en 1608, en la personne de Henri de Bourbon-Montpensier, dont la fille unique, Marie de Bourbon-Montpensier, princesse de Dombes, épousa Jean-Baptiste-Gaston d'Orléans, fils puiné du roi Henri II, et en eut une fille, dite Mlle de Montpensier, morte en 1693, qui légua le pays de Dombes à Louis-Auguste de Bourbon, Duc du Maine, fils légitime de Louis XIV. Louis-Charles de Bourbon, Comte d'Eu, second fils du Duc du Maine et successeur, en 1755, de son frère Louis-Auguste, Prince de Dombes, échangea cette principauté contre le Duché de Gisors, le 28 mars 1762. A partir de cette époque, la principauté de Dombes fut réunie à la couronne."

[G.D.U., t. VI, p. 1047 d - 1048 a]