Lexicographe s. m. (lè-ksi-ko-gra-fe -- du gr. lexicon, lexique ; graphô, j'écris). Auteur d'un lexique, d'un recueil des mots d'une langue, ou de travaux sur les mots d'une langue ; personne qui s'occupe d'études de ce genre : Les Lexicographes arabes pourraient fournir de données sur les dialectes des tribus. (Renan)

Lexicographie s. f. (lè-ksi-ko-gra-fî -- rad. Lexicographe). Science du lexicographe : S'occuper de lexicographie.

Lexicographique adj. (lè-ksi-ko-gra-fi-ke -- rad. Lexicographie). Qui a rapport à la lexicographie ou au lexique : Des travaux lexicographiques. La prodigieuse richesse lexicographique de l'arabe entraîne beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. (Renan)

Lexicographiquement adv. (lè-ksi-ko-gra-fi-ke-man -- rad. Lexicographique). Au point de vue lexicographique : Classement de mots ingénieux, mais lexicographiquement faux.

Lexicologie s. f. (lè-ksi-ko-lo-jî -- de lexique, et du gr. logos, discours). Art de faire des lexiques, des dictionnaires. | Science des mots de la langue, au point de vue de leur nomenclature et de leur forme. | Partie de la grammaire qui traite des mots, au point de vue de leurs différentes espèces et des formes diverses qu'ils sont susceptibles de prendre suivant l'emploi que l'on en fait.

Lexicologique adj. ( lè-ksi-ko-lo-ji-ke -- rad. Lexicologie). Qui a rapport à la lexicologie : Connaissances lexicologiques.

Lexicologique (Méthode) pour l'enseignement de la langue française, créée par M. Pierre Larousse, et appliquée par lui dans toute la série des nombreux ouvrages qu'il a publiés pour les écoles. L'idée dominante de cette méthode consiste à exercer constamment l'intelligence des élèves, non comme une faculté simplement passive, mais comme une faculté active et capable par elle-même d'exprimer des idées et d'en créer même au besoin, quand on lui trace d'avance le champ limité dans lequel ces idées doivent être circonscrites.

Le premier livre publié pour jeter les fondements de cette méthode parut d'abord sous le titre de Lexicologie des Écoles ; il a dépassé sa 18e édition, et il a pris pour nouveau titre : Cours lexicologique de style. Ce n'est point une grammaire proprement dite, c'est plutôt un recueil de devoirs combinés pour donner aux élèves des notions qui manquent dans toutes les grammaires, bien qu'elles se rattachent aux mots de la langue, aux différentes sortes de propositions, aux figures de grammaire ; mais le but principal de ces devoirs est toujours d'exercer l'esprit, de l'accoutumer à tirer quelque chose de lui-même. Le livre traite d'abord des synonymes. Après avoir expliqué ce qu'on entend par des synonymes, M. Larousse s'est attaché à rechercher toutes les manières possibles d'exercer sur ce sujet l'esprit des élèves, et il est parvenu à les faire travailler utilement de plus de dix manières différentes sur les synonymes : d'abord, étant donnés plusieurs synonymes, l'élève choisit celui qui convient pour remplir un vide laissé dans les phrases dont il doit avant tout s'appliquer à bien comprendre le sens ; puis l'élève invente lui-même des phrases où il fait entrer les synonymes selon qu'ils s'appliquent le mieux au sens général ; plus loin, il est chargé d'expliquer lui-même les nuances qui distinguent certains synonymes, et, pour l'aider à découvrir ces nuances, on met sous ses yeux des phrases où ils sont diversement employés ; il doit ensuite disposer par gradation les synonymes qui ne diffèrent entre eux que du plus au moins ; puis on lui donne des phrases empruntées à nos grands écrivains, et dans ces phrases on lui indique des mots qu'il doit remplacer par des équivalents, ou bien il doit changer la phrase toute entière et la remplacer par une autre exprimant le même sens, etc., etc.

La construction grammaticale, la distinction des diverses natures de propositions, la gradation, l'inversion, l'ellipse et le pléonasme, les périphrases et les définitions offrent ensuite la matière de nouveaux exercices tout aussi variés et non moins ingénieusement combinés.

On passe au syllogisme, et là c'est l'art de raisonner qu'il s'agit d'enseigner, toujours d'une manière pratique : l'élève s'exerce à trouver la conséquence quand les prémisses seules sont connues, puis à trouver les prémisses, ou l'une d'elles, quand la conséquence est donnée. Les proverbes ont leur tour : on les donne d'abord à l'élève, et celui-ci est chargé d'en expliquer le sens, puis, renversant le procédé, on lui indique le sens, et il doit retrouver le proverbe dans sa mémoire ou créer lui-même une phrase exprimant la même pensée sous une forme proverbiale. Les fabulistes ont quelquefois négligé de déduire la morale de leurs fables ; eh bien, dans ce cas, l'élève sera chargé de la déduire lui-même ; mais il le fera en prose, car il ne s'agit pas encore de faire des poëtes, c'est dans d'autres ouvrages spéciaux que M. Larousse traitera de la versification et de la poésie ; pour le moment, il s'agit seulement de faire des enfants intelligents, ayant confiance dans la force propre de leur esprit et sachant déjà en tirer quelque chose de sensé, d'utile.

Enfin l'ouvrage se termine par cinquante sujets de narrations françaises. Ces sujets ont tous quelque chose de piquant qui doit naturellement plaire à de jeunes intelligences, et le travail de rédaction qu'ont à faire les élèves leur est singulièrement facilité quand ils ses ont exercés à bien faire la série parfaitement enchaînée de devoirs dont nous avons essayé de rendre compte.

La Lexicologie des Écoles ne tarda pas à être adoptée par un grand nombre d'instituteurs et d'institutrices, non-seulement en France, mais encore en Belgique et en Suisse. Si les maîtres la jugèrent, dès le premier moment, d'une manière très-favorable, elle fut ensuite singulièrement goûtée par les élèves eux-mêmes, et les maîtres remarquèrent avec joie que des enfants, qui jusqu'alors ne s'étaient distingués que par leur paresse d'esprit, prenaient goût au travail et promettaient pour l'avenir des résultats jusque-là inespérés. Mais M. Larousse ne s'endormit pas sur cette première victoire, il se flatta d'en remporter beaucoup d'autres, et c'est alors qu'il se mit à composer cette série de grammaires graduées et d'ouvrages classiques de tout genre, toujours conçus dans l'esprit de la méthode lexicologique, mais dont nous ne parlerons pas ici, parce que nous leur avons consacré dans ce Dictionnaire, des articles spéciaux sous leurs titres divers.

Lexicologue s. m. (lè-ksi-ko-lo-ghe -- rad. lexicologie). Celui qui s'occupe de lexicologie : Un savant lexicologue.

Lexicon s. m. (lè-ksi-konn -- mot gr. formé de lexis, mot). Lexique grec, dictionnaire grec : Le Lexicon de Scapula.

Lexigraphie s. f. (lè-ksi-gra-fî). Syn. de lexicographie.

Lexilogie s. f. (lè-ksi-lo-jî). Syn. peu usité de lexicologie.

Lexiologie s. f. (lè-ksi-o-lo-jî). Syn. Peu usité de Lexicologie.

Lexique s. m. (lè-ksi-ke -- gr. lexicon, de lexis, mot qui vient de legeia , dire, parler, le même que le latin legere). Dictionnaire, et particulièrement Petit dictionnaire grec ou latin : Se servir d'un lexique. Un excellent lexique. | Nom donné autrefois à des recueils qui contenaient certaines catégories de mots, particulièrement tous les mots employés par un auteur. Le lexique d'Homère, d'Hérodote, de Platon.

-- Adjectiv. Manuel lexique, Petit dictionnaire.

-- Syn. Lexique, dictionnaire, glossaire, vocabulaire. V. Dictionnaire.

-- Encycl. Les anciens ne donnaient pas au mot lexique un sens aussi restreint que celui qu'il a aujourd'hui : leurs lexiques étaient des dictionnaires unissant aux préceptes du langage des notions historiques, des commentaires importants sur divers points de la littérature. Ainsi l'ouvrage grec d'Harpocration, intitulé Lexique des mots des dix orateurs attiques, contenait, outre l'explication des termes légaux et politiques, de notices sur les personnes et les choses mentionnées par les orateurs, de nombreuses observations sur la législation civile et politique d'Athènes, sur ses antiquités, son histoire et sa littérature. Le Lexique grec de Suidas, qui contient beaucoup d'emprunts fait à celui d'Harpocration, est tout à la fois un lexique, une encyclopédie et une biographie. Le Lexique latin de Verrius Flaccus, tel que nous le possédons abrégé par Festus, contient encore pour la partie grammaticale, des notions précieuses sur les antiquités romaines et sur la mythologie.

Parmi les lexiques modernes, on remarque surtout les Thesaurus des Estienne, les Lexiques grecs-latins de Scapula et de Schrevelius, l'excellent Lexique de toute la latinité, rédigé par Facciolati et Forcellini, les deux Lexiques de J.-Chr.-Th. Ernesti, comprenant, l'un les termes de la rhétorique grecque, l'autre les termes de la rhétorique latine.

Lexique de Suidas, composé vers le Xe siècle ; édité pour la première fois, à Milan, en 1499, puis à Cambridge, en 1705, à Oxford, par Thomas Gauford, en 1834, et par G. Bernhardi, à Halle, en 1853. Tel que nous le possédons, ce dictionnaire a subi des remaniements complets, comme l'atteste une sorte de préface ainsi conçue : " Ce livre est de Suidas ; les savants qui l'ont mis en ordre sont : Eudème, rhéteur ; Helladius, contemporain de Théodose le Jeune ; Eugène d'Augustopolis, en Phrygie ; Sozimus Gasaeus ; Caecilius le Sicilien ; Longinus Cassius, Lupercus Berytius, Vestinus Sulius, sophiste ; Pacatus, Pamphile et Pollion d'Alexandrie. " Un grand nombre d'interpolations ont altéré ce glossaire, le plus célèbre des dictionnaires grecs, en même temps que des copistes infidèles le mutilaient, et que de glossateurs inintelligents le dénaturaient. Savants et éditeurs semblent s'être donné le mot pour le maltraiter. Juste-Lipse seul a montré quelque équité en disant : " Suidas est un mouton, soit ! mais un mouton à toison d'or. " Son glossaire n'est pas seulement, en effet, une compilation d'extraits d'anciens grammairiens, scoliastes et lexicographes : outre la partie purement philologique, il comprend un dictionnaire historique renfermant des notices sur les auteurs les plus célèbres et des extraits de leurs ouvrages. Ce travail est défectueux comme composition littéraire ; mais c'est un répertoire précieux pour le philologue et l'historien ; car, en dépit des fautes de l'auteur et des notes des commentateurs, qui redoublent l'obscurité du texte, ce lexique est d'une haute importance par le grand nombre de fragments qu'on y trouve d'écrivains qui ne nous sont pas parvenus, ainsi que par des détails vraiment curieux qu'il fournit sur les poëtes, les orateurs et les historiens de l'antiquité. C'est un trésor d'érudition, sans lequel l'histoire littéraire des Grecs et des Romains aurait offert d'énormes lacunes, qu'il n'eût jamais été possible de combler. Sans doute, dans un pareil ouvrage, le rôle du style est secondaire ; on serait néanmoins autorisé à désirer dans celui de Suidas un peu plus de clarté et de concision.

Lexique latin, de Forcellini (Totius latinitatis Lexicon) [Padoue, 1771, in-fol.]. Ce grand ouvrage fut entrepris au commencement du dernier siècle par Egidio Forcellini, qui, après avoir donné en 1718 à Padoue, avec Facciolati, une nouvelle édition du vocabulaire polyglotte d'Ambroise de Calepio, vulgairement appelé Calepino, s'apercevant que ce recueil était bien loin de former un trésor complet de la langue latine, conçut avec son collaborateur le vaste projet de donner au monde savant un lexique vraiment universel de tous les âges de cette langue, fondé comme celui de la Crusca pour la langue italienne, sur l'autorité même des écrivains, et où les citations les plus exactes fourniraient à la fois la preuve et l'éclaircissement de chaque mot et de chaque locution. Le Trésor de la langue latine de Robert Estienne, malgré les additions successives de ses éditeurs, était de venu en effet fort imparfait depuis la publication de plusieurs textes jusqu'alors inédits, et surtout depuis les précieuses observations d'un grand nombre de critiques sur les monuments littéraires de l'ancienne Rome. L'abbé Forcellini dut d'abord, pour exécuter son projet, lire la plume à la main tous les auteurs de la littérature latine et leurs meilleurs interprètes, tous les recueils d'inscriptions et de médailles latines alors publiés. Commencé en 1718 et interrompu à plusieurs reprises, ce grand travail ne fut terminé qu'en 1753. Près de deux ans furent ensuite employés à la révision ; le manuscrit fut transcrit par Louis Violato, qui consacra huit ans à ce travail et l'acheva seulement en 1761. Le Lexique ne parut qu'en 1771 ; Forcellini était mort avant la publication de son œuvre.

Le séminaire de Padoue montre encore dans sa bibliothèque, à côté des auteurs latins dont Forcellini s'est servi pour composer cet immense lexique, et dont les exemplaires ont été usés, presque détruits, par les études l'infatigable savant, les douze volumes in-folio de ses propres manuscrits, surchargés de ratures et de renvois. " On ne peut, dit M. Victor Leclerc, voir sans quelque émotion, sans un vif sentiment de reconnaissance respectueuse, cette longue série de cahiers où un seul homme, pendant près de quarante ans, accumula les immenses matériaux de son grand ouvrage, les extraits de ses innombrables lectures, et on se représente alors par la pensée tout cet intervalle qu'il exprime si bien dans les simples et touchantes paroles de sa préface : Adolescens manum admovi ; senex, duim perficerem, factus sum, ut videtis.

Outre les nombreuses sources philologiques et historiques amassées autour de lui, Forcellini consultait Jules Pontedera sur les questions d'antiquité, Poleni sur les termes d'architecture, Morgagni sur ceux de médecine. Dans la première édition du Lexique, on joignit au nom de forcellini celui de Facciolati, mort également avant cette époque ; mais dans une épître latine rendue publique dès 1756, Facciolati lui-même avait déclaré qu'il n'était pour rien dans la composition du Lexique, et que Forcellini en était le seul auteur.

La première édition, qui parut sous le titre de Totius latinatatis Lexicon, était dédiée à l'évêque de Padoue, le cardinal Prioli. L'Europe savante l'accueillit avec une reconnaissance et une approbation unanimes ; il sortait des presses du séminaire de Padoue. L'éditeur de ce Lexique, Gaetan Cognolato, qui l'avait fait précéder d'une préface instructive, y avait remarqué des inexactitudes qu'il se proposait de faire disparaître dans une seconde édition ; à sa mort, arrivée en 1802, il laissa des suppléments, dont une partie seulement furent employés dans la seconde édition (très-peu supérieure, du reste, à la première), qui fut publiée en 1805 par les mêmes presses et dans le même format. L'abbé Furnaletto recueillit toutes ces notes et les joignit aux siennes propres et à celles qui lui avaient été communiquées par plusieurs savants, dans un Appendice publié en 1816, également au séminaire de Padoue. Cet appendice contient environ trois mille articles, dont plus de mille sont tout à fait nouveaux et concernent généralement des termes techniques, mythologiques, historiques, géographiques, etc. Les autres articles consistent en corrections, additions et retranchements. Furlanetto ne se contenta point de la publication de cet appendice ; il continua de recueillir patiemment des matériaux pour une troisième édition, enrichie des suppléments de l'appendice, mais dégagée des fausses interprétations d'Emmanuel Campolongo qui s'y étaient glissées, lorsqu'il fut prévenu en 1826 par un éditeur anglais, qui reproduisit en deux gros volumes in-4°, d'une très belle exécution typographique, le dictionnaire de Forcellini. Chaque mot y était traduit en anglais au lieu d'être en italien ; on avait mis les suppléments à leur place et répandu çà et là des mots nouveaux, de nouvelles observations. On y joignit en 1828 un Auctarium, composé du traité De particulis du jésuite Tursellin, du Siglarium romanum de J. Gerard, de l'Index etymologicus de J. Math. Gesner. Cet Auctarium reçoit beaucoup plus de prix d'un nouveau recueil fait par Jacques Bailey, soit de mots puisés dans les auteurs les moins lus, dans les glossateurs et les scoliastes, soit principalement de noms historiques et géographiques omis à dessein par Forcellini, dans la crainte de trop agrandir le champ déjà si vaste qui s'ouvrait devant lui. Cependant, après plus de dix ans de recherches persévérantes, Furlanetto ne s'en décida pas moins à communiquer aux savants, dans une troisième édition italienne, les nombreux suppléments qu'il avait réunis. Cette nouvelle édition parut à Padoue, en quatre volumes grand in-4°, de 1827 à 1831. " Le mérite de ce travail est incontestable, a dit M. Victor Leclerc, et si, après tant d'additions dues au savant éditeur, le lexique ne remplit pas encore tout son but, au moins peut-on dire qu'il y est plus fidèle aujourd'hui que jamais. On assure en Italie qu'il s'est accru de 5,000 mots et de 10,000 corrections nouvelles. " Cette troisième édition fut presque aussitôt contrefaite à Zwickau (Saxe) par l'imprimeur Schumann, qui réimprima, de 1831 à 1835, l'ouvrage et tous ses suppléments en quatre volumes in-folio. Il en bannit seulement, à l'exception de quelques phrases allemandes, toute traduction en langue vulgaire. Cette réimpression est maintenant l'édition la plus répandue. " Les corrections employées par l'imprimeur Schumann, a dit avec une juste sévérité M. Victor Leclerc, ont eu le tort, surtout dans le premier volume, de transcrire plusieurs des précieuses additions de M. Furlanetto, sans les marquer de son nom, peut-être parce qu'ils avaient commencé par lui reprocher amèrement de comprendre fort peu de chose à la doctrine des particules et de ne leur être bon à rien. Qu'ont-ils ajouté eux-mêmes au travail du docte Italien ? Des étymologies fort incertaines, d'obscures définitions, des discussions grammaticales à peu près inintelligibles, des exemples tirés d'inscriptions fausses, un inutile amas de variantes, une singulière confusion qu'ils appellent l'ordre logique, et, il faut bien le dire, une innombrable multitude de fautes d'impression, de barbarismes, de lacunes, d'où l'on ne peut quelquefois tirer un sens qu'avec l'aide des anciennes éditions. Cette réimpression saxone pourrait cependant être recommandée aux personnes capables de s'en servir avec discernement, comme étant aujourd'hui la plus complète et comme résumant assez bien tous les travaux faits en Italie et en Angleterre, depuis le commencement du siècle dernier, sur la lexicographie latine. Seulement, les auteurs de cette entreprise de librairie, n'auraient pas dû oublier deux choses : d'abord, qu'il est odieux d'insulter ceux que l'on copie ; ensuite, qu'il est toujours difficile, pour une main étrangère, de perfectionner à la hâte des travaux qui ont coûté plus d'un siècle d'études à une succession de savants illustres ; qu'il n'est permis de toucher qu'avec une extrême réserve à de tels travaux et qu'on s'honore en les respectant. "

Une édition plus complète du grand Lexique de Forcellini a été publiée depuis 1858 à Paris, en six volumes in-4°, sous la direction du docteur Vincent de Vit.

Lexique hébraïque et chaldaïque, par Glaire (Paris, 1830, in-8°; 2e édition, 1843, in-8°). Cet ouvrage que Glaire publia d'abord en 1830, et qu'il avait cherché alors à rendre aussi court que possible, obtint un brillant succès. En 1843, l'auteur reproduisit son travail avec des développements tout nouveaux. Glaire, ainsi qu'il l'annonce lui-même, a pris pour base le lexique de Gesenius, le Thesaurus hebraicus et chaldaicus, et il ne pouvait choisir un meilleur guide. Il s'est donc attaché à offrir un abrégé de son savant prédécesseur, dont il a suivi l'ordre, le plan et très-souvent reproduit les expressions mêmes ; toutefois, il n'a pas suivi sur tous les points les traces de l'illustre philologue allemand ; il a souvent pesé les assertions de ce dernier, les a comparées à celles des autres lexicographes, a lui-même proposé des sens nouveaux et ajouté à quantité d'articles des observations qui lui appartiennent en propre. Gesenius, entièrement voué aux principes d'une exégèse hardie, a, dans plus d'une circonstance, donné aux mots hébreux des sens qui s'accordent mieux avec les idées de la science moderne qu'avec l'orthodoxie ; l'abbé Glaire écarte et combat ces explications, peu conformes peut-être à la tradition et à la théologie, mais conformes assurément à la vérité scientifique. Il a aussi fait disparaître cette foule d'étymologies et de rapprochements ingénieux qu'avait fournis au docte professeur allemand son immense et solide érudition. A l'exemple de Gesenius, Glaire a adopté l'ordre purement alphabétique et rangé les mots tels qu'ils se présentent, sans les placer sous la racine à laquelle ils correspondent. Cette méthode est sans doute moins savante, moins régulière, mais elle est plus commode pour les commençants, auxquels elle permet de trouver les mots sans aucune recherche pénible.

Glaire a cru devoir placer à part le dictionnaire chaldaïque, tandis que, dans la plupart des lexiques, les mots de cet idiome se trouvent confondus avec ceux de l'hébreu. Cette marche est en effet plus commode. Enfin, malgré les imperfections que nous avons signalées, le travail de Glaire mérite une véritable estime ; il a le grand avantage de donner dans un volume de peu d'étendue tout ce qui est absolument nécessaire pour entendre le texte de la Bible.

Lexique roman ou dictionnaire de la langue des troubadours, comparée avec les autres langues de l'Europe latine, par Raynouard (1838-1844, 6 vol. in-8°). Le Choix des Troubadours, que l'auteur avait publié de 1816 à 1822, l'avait mis à même d'exécuter cette grande entreprise. Les six volumes de son dictionnaire n'en sont guère que le complément. Le Lexique se divise en six parties. La première a pour objet des observations historiques sur la langue romane ; dans la deuxième, après avoir rappelé les faits historiques qui prouvent la filiation des langues néo-latines, il fait quelques observations sur l'étude philosophique des langues. La troisième partie expose les motifs qui, selon Raynouard, devraient inviter les littérateurs à étudier la langue des troubadours, afin, dit-il, de mieux apprécier les autres idiomes néo-latins. La quatrième partie présente le résumé des règles grammaticales qui gouvernent la langue des troubadours et la langue romane provençale. En cinquième lieu vient un choix de poésies originales. Cette partie contient en outre des poésies diverses des plus célèbres troubadours, et se termine par le Bréviaire d'amour et la version romane provençale des Evangiles de Nicodème et de l'enfance. La sixième partie comprend le Lexique. Raynouard n'a pas cru devoir s'imposer l'ordre alphabétique ; il a pensé qu'il était plus convenable, pour l'objet qu'il se proposait, de placer les mots romans par ordre de racine, de famille et d'analogie : " La forme radicale, adoptée pour le Lexique roman, dit-il, comme plus logique et plus rationnelle que la classification alphabétique généralement admise dans les dictionnaires des langues parlées, exigeait pour la commodité des recherches une sorte de table générale, à l'aide de laquelle on pût retrouver aisément tous les mots, malgré la diversité de leurs désinences et de leurs signes orthographiques. " C'est cette considération qui l'a déterminé à ajouter au sixième volume un appendice et un vocabulaire où les mots sont rétablis à leur ordre alphabétique.

Raynouard, étant mort en 1836, n'eut pas la joie de diriger la publication de son dictionnaire ; ce soin a été rempli par M. Paquet, son légataire.

Lexique géographique de Zamakhschari (Leyde, 1856, in-8°). Zamakhschari, écrivain arabe, originaire du Kharism, au nord de l'Oxus, florissait au commencement du XIIe siècle. Il est surtout célèbre par un commentaire du Coran fort étendu. Son Lexique, dont les exemplaires sont fort rares, car on ne connaissait jusqu'à présent que celui de la bibliothèque de Leyde, d'après lequel il a été édité par le professeur Juynboll, traite des lieux dont les noms sont cités dans les anciennes poésies arabes, composées, en général, avant Mahomet ; aussi l'auteur ne s'occupe-t-il guère que des lieux appartenant à la presqu'île de l'Arabie. Ce n'est pas le seul livre de ce genre que nous présente la littérature des Arabes. On sait que de tout temps, chez ce peuple, les monuments primitifs de la poésie ont servi de base aux études littéraires. Pour l'interprétation de ces anciens poëtes arabes, un dictionnaire géographique est particulièrement utile, car un nom de lieu mal compris suffit parfois pour rendre inintelligible un passage tout entier. Souvent Zamakhschari joint au nom de lieu la citation du vers ou des vers où le lieu a été mentionné. Ajoutons que cet écrivain, ayant résidé longtemps en Arabie, où il composa son commentaire du Coran, a pu profiter de son séjour dans le pays pour recueillir des notions qui auraient échappé à d'autres. M. Juynboll ne s'est pas contenté de revoir le texte ; il l'a fait précéder d'une préface contenant des indications intéressantes sur l'auteur et sur le manuscrit qui a servi à l'édition. A la fin du livre, on trouve plusieurs index destinés à en faciliter l'usage. Le titre particulier du traité est celui-ci : Livre des montagnes, des lieux et des eaux. Par eaux, il faut entendre les sources, les puits et les citernes, qu'il est si important de connaître dans un région où l'on est exposé à marcher pendant plusieurs jours sans rencontrer une seule goutte d'eau.

Lexique comparée de la langue de Corneille et de la langue du XVIIe siècle en général, par Fréd. Godefroy (Paris, 1862, 2 vol. in-8°). Ce Lexique a pour objet d'expliquer toutes les locutions difficiles ou tombées en désuétude qui s'offrent dans la langue de Corneille, de réfuter les jugements que Voltaire a portés, les erreurs qu'il a commises, surtout au point de vue historique, dans son commentaire sur notre grand poëte ; de donner, à l'occasion des locutions de Corneille, la solution des difficultés de la langue générale du XVIIe siècle, dont quelques-unes ont été à peine remarquées jusqu'ici. M. Godefroy fait preuve, dans ce recommandable ouvrage, d'une étude sérieuse de la philologie française, et sa méthode est excellente. Pour tous les mots, pour toutes les formes de quelque importance, il choisit ses exemples et les présente par dates, depuis l'époque des premiers monuments de notre idiome. Plusieurs de ces études grammaticales sont très-développées, notamment celles qui concernent l'ellipse du pronom personnel et la pluralisation des termes abstraits ; elles ne seront pas sans utilité pour ceux qui attachent du prix à suivre les bonnes traditions de la langue française. Une introduction étendue signale les caractères principaux de la langue du XVIIe siècle relativement au sens des mots, à l'usage des diverses parties du discours, à la syntaxe et à la construction des phrases. La seconde partie de cette introduction rappelle dans quelle disposition d'esprit Voltaire écrivit son Commentaire sur Corneille, comment cette censure a été jugée par ses contemporains, et indique comment elle doit l'être par un esprit impartial et éclairé.

[G.D.U., t. X., pp. 453 a - 454 c]