Vaugelas (Claude Favre de ), célèbre grammairien français, né à Chambéry en 1585, mort à Paris en 1650. Il était le second fils du Président Favre et vint de bonne heure à Paris, où il eut pour protecteur, dès son arrivée, Gaston, duc d'Orléans, qui le fit gentilhomme ordinaire de sa maison, puis son chambellan. Ce prince étant tombé en disgrâce, Vaugelas lui resta fidèle, et le Cardinal de Richelieu le punit de son attachement à ce prince en lui retirant une pension de 2.000 livres que Louis XIII avait accordée au père, et dont le fils avait la jouissance. L'étude lui offrit ses consolations et il s'acquit rapidement le renom d'un homme profondément versé dans la connaissance de la langue française, et la parlant fort correctement ; aussi fit-il partie de l'Académie française lors de sa création. Aimant la linguistique, il travailla toute sa vie à épurer la langue française, dont il devint l'arbitre. D'après lui, un mauvais raisonnement faisait moins de tort qu'un mauvais mot. Fort assidu aux séances académiques, toutes consacrées alors à des discussions grammaticales, il notait soigneusement les points en litige, pour les étudier à loisir et trouver la solution. Telle fut l'origine des Remarques sur la langue française [1647]. Une circonstance heureuse rendit à Vaugelas la faveur de Richelieu et la pension qu'on lui avait enlevée. On travaillait au Dictionnaire, mais lentement, faute d'une bonne direction ; le grammairien fut chargé de cette direction et s'acquitta de l'emploi à la satisfaction générale. Le cardinal récompensa Vaugelas de son zèle. Celui-ci alla le remercier : " Eh bien ! dit Richelieu, vous n'oublierez pas dans le Dictionnaire le mot pension. -- Non, Monseigneur, répliqua spirituellement Vaugelas, et encore moins celui de reconnaissance ". Les Remarques qui valurent à l'académicien le nom d'Oracle de la langue française furent critiquées par Dupleix, Ménage et La Mothe Le Vayer ; mais elles furent défendues chaudement par Patru et par le Père Bouhours : " Quelques-unes peuvent être puériles, dit Pellisson, mais la matière en est, en général, excellente et le style merveilleux, surtout dans la préface qui est un vrai chef d'œuvre ; de plus, il y a, dans tout le corps de l'ouvrage, je ne sais quoi d'honnête homme, tant de franchise et d'ingénuité qu'on ne saurait s'empêcher d'en aimer l'auteur ".
Après l'Académie, l'endroit que Vaugelas fréquentait le plus était le fameux hôtel de Rambouillet ; il s'y lia avec Voiture, Faret, Conrart, Chapelain, etc. Il ne sut jamais faire des vers français, mais il réussissait assez bien dans la poésie italienne. Son auteur de prédilection fut, qui le croirait ? Coëffeteau. Sa vénération pour l'Histoire romaine de ce prélat allait si loin, qu'on disait plaisamment que, selon lui, il n'y avait pas plus de salut hors de l'Église que de l'histoire romaine. Sa traduction de Quinte-Curce, fruit d'un travail de trente années, fut imprimée pour la première fois en 1647 (in-4°) ; elle eut du succès presque autant que les Remarques. Balzac a dit, en parlant de cet ouvrage : " L'Alexandre de Quinte-Curce est invincible ; et celui de Vaugelas est inimitable ". Malgré sa vie réglée, Vaugelas mourut pauvre. Son attachement au duc d'Orléans l'avait mis dans la triste nécessité de contracter des dettes qu'il ne put jamais acquitter. Après sa mort, il fallut que, pour rentrer en possession de son dictionnaire, l'Académie plaidât contre de nombreux créanciers qui avaient mis la main sur tous les manuscrits de l'auteur. " [GDU, t. 15, pp. 813 a-b]