DICTIONNAIRE

DE

L'ANCIENNE LANGUE FRANÇAISE

ET DE TOUS SES DIALECTES

DU IXe AU XVe SIÈCLE

COMPOSÉ D'APRÈS LE DÉPOUILLEMENT DE TOUS LES PLUS IMPORTANTS DOCUMENTS MANUSCRITS OU IMPRIMÉS

QUI SE TROUVENT DANS LES GRANDES BIBLIOTHÈQUES DE LA FRANCE ET DE L'EUROPE

ET DANS LES PRINCIPALES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES

MUNICIPALES, HOSPITALIÈRES OU PRIVÉES

PAR

FRÉDÉRIC GODEFROY

PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

TOME SEPTIEME

Nouveau tirage

PARIS

LIBRAIRIE DES SCIENCES ET DES ARTS

106 bis, Rue de Rennes

1938

 


 

AVERTISSEMENT

La mise au jour de ce tome VII a été retardée par diverses raisons indépendantes de la volonté de l'auteur, en particulier par une longue abstention de tout travail qui lui a été imposée l'an dernier à la suite d'excès d'application qui auraient pu mettre sa vie en danger. Complètement rétabli, j'ai enfin la joie d'offrir ce volume au public qui le réclamait et de le soumettre à sa bienveillante appréciation.

Il offrira, je l'espère, un caractère particulier. On verra que les sources sont en grande partie renouvelées, que j'ai lu in extenso quantité de textes nouveaux, sûrs et autorisés, que j'ai voulu éviter les répétitions, les surcharges, me mettre, autant qu'il était en mon pouvoir, à l'abri des critiques que les précédents volumes avaient encourues, et, par un redoublement d'efforts, montrer l'invariabilité de mon dévouement à l'oeuvre capitale de ma vie.

En commençant ce bref avertissement, je remercie de nouveau tous ceux que, dans mes précédents avertissements, j'ai appelés mon bataillon sacré, M.M. J. Bonnard, L. Taulier, P. Maquest, A. Delboulle, Charles Royer.

A M. Maquest je joins aujourd'hui M. Dubois, son aide et le copartageant des transcriptions de tous ces textes des inépuisables archives de Tournai. D'affectueux remerciements sont dus aussi au magistrat M. Soil et à M. Ch. de Grange qui ont publié et bien voulu me donner des brochures riches de textes tirés de ces mêmes archives de Tournai, et dont les noms reviennent souvent, quelquefois pour des exemples uniques, dans ce tome VII, comme ils se verront dans les derniers volumes.

Il y a quatre ans, M. Bonnard quittait Paris pour répondre à l'appel du Chef du département de l'Instruction publique du canton de Vaud qui l'avait désigné pour occuper la chaire de philologie romane dans la Faculté des Lettres de l'Académie, bientôt devenue l'Université de Lausanne. Selon la promesse qu'il m'avait faite à ses adieux émus, pour adoucir mes regrets, non seulement il ne s'est pas désintéressé du Dictionnaire de l'ancienne langue francaise, mais, dans la lecture et la correction de toutes les épreuves, jamais discontinuées, pas même pendant ses vacances, si occupé fût-il par ses travaux personnels, il a fait profiter l'oeuvre de tout ce qu'il avait appris dans la préparation de ses cours, et de toutes les éditions critiques qu'il avait consultées pour exercer ses fonctions avec sa native conscience.

M. Bonnard a été remplacé dans mon bureau par M. Amédée Salmon, que M. Bonnard même avait avec moi, pendant plusieurs années, et, pendant plusieurs mois, avec M. Muret, élève et suppléant temporaire de M. Gaston Paris, aujourd'hui professeur à l'Université de Genève, initié à cette connaissance de l'ancien français qui ne s'acquiert qu'après un long usage. D'ailleurs M. Salmon s'était déjà occupé de littérature et il m'aidait dans divers travaux, entre autres dans la préparation de mon Répertoire universel, secondé par un de mes auxiliaires, M. Edouard Leroux, qui, depuis dix ans, n'a cessé de mettre au service de mon Dictionnaire et de tout ce qui s'y rattache un dévouement absolu et très fructueux. M. Salmon, en suivant les cours de l'École des Hautes-Etudes, pour arriver à en obtenir le diplôme, et comme auditeur libre, ceux de l'École des Chartes, a marché vite, travaillé extraordinairement, et les leçons de M. Gaston Paris et Paul Meyer, ces maîtres éminents, au bout de quelques années, ont préparé à devenir bientôt lui-même un maître cet élève d'une intelligence très grande, d'un coup d'oeil prompt, d'une habileté peu commune à résoudre prestement les difficultés, comme le prouvent les recherches qu'il fait pour moi, trop surchargé, aux diverses bibliothèques et aux Archives nationales, à l'effet, dès qu'il y a un doute, d'arriver à établir le meilleur texte, coûte que coûte. Je regrette seulement que ses travaux personnels et ses légitimes ambitions ne lui permettent pas de donner plus de temps au Dictionnaire.

Malgré la scrupuleuse attention de nous tous, les errata sont encore abondants dans ce volume, ce qui, peut-être, n'étonnera pas trop les hommes compétents. Quelques-uns ont été fournis par M. A. Delboulle, dans un article signé A. J., Revue critique du 20 juillet 1891, et dans un article de la même Revue, 16 mai 1892, signé de son propre nom. Nous avons enregistré avec reconnaissance tout ce qui était fondé, et nous examinons ci-dessous avec franchise et netteté ce qui nous a paru erroné.

M. Delboulle (Revue critique, 20 juillet 1891), corrigeant ma définition de ramuser, estime que ce mot signifie " froncer le nez, ou mieux faire un nez, comme dit la locution populaire si expressive ". Malheureusement ramuser est une coquille que je déplore vivement, résultat d'une erreur de lecture. Le manuscrit, que j'ai revu depuis l'apparition de l'article de M. Delboulle, porte : se ravisent, ainsi que l'édition de MM. de Wailly et Delisle (v. 16771). J'aurais dû vérifier encore une fois le texte avant l'impression, mais ne suis-je pas en droit de dire que M. Delboulle, avant de critiquer ma définition, aurait bien pu vérifier de son côté ?

Pour les autres corrections de cet article, on verra aux Errata celles que j'ai crues admissibles.

Pour la lettre s voici les corrections que je ne puis accepter :

Sommarer est exactement défini par " labourer ". J'aurais seulement pu ajouter : " légèrement ".

Scille. Rien ne me prouve que ce mot désigne une alouette.

Sauniere est bien défini par saloir, dont le premier sens (Cf. Littré) est : " vaisseau de bois servant à mettre le sel ".

Souvercle signifie bien " excès " comme je l'ai dit d'après l'éditeur de la Règle du Temple qui le rapporte à l'ital. soverchio. Il faut rapprocher ce passage du paragraphe 18 où il est dit :

" Celes robes doivent estre sans nule superfluité et sans nul orgueill... Et le drapier se doit estudiousement porveoir et penser d'avoir le guerredon de Dieu en toutes les choses devant dites..."

"Li drapiers se doit prendre garde que se aucuns... ou tiegne chose que il ne doie, que il le face laissier et rendre là où il doit, quar tuit li frere doivent estre contre celui qui fait ou dit desraisons."

Pour soler, la définition " rouler, pousser " me semble douteuse.

Soredent, trissyllabique, avec sa variante à forme méridionale sobredent, n'est, ni phonétiquement ni étymologiquement, le même mot que surdent, dissyllabique. D'ailleurs M. Delboulle ne change rien à ma définition.

Sevrable, mot de formation populaire, peut être synonyme de séparable, mais il ne paraît pas l'être dans l'exemple unique que je cite, où il est opposé à certe.

L'observation de M. Delboulle pour l'exemple de sauterel tiré de Courval-Sonnet est juste ; mais il aurait pu voir qu'il n'y a là qu'une simple transposition, produit d'une distraction des compositeurs. L'exemple de Courval est en effet le dernier de la première subdivision, page 330, et il devrait se trouver le premier de la page 331.

Sourdain a été donné, avec un point d'interrogation, t. IV p., 661b, sous la forme jourdain, mais c'est une mauvaise lecture d'Augustin Thierry, comme je le ferai voir à l'erratum général : le bon texte est sourdain.

Pour strindant, le wallon moderne strendan, avare, écarte la définition " criard " proposée par M, Delboulle, sans autre motif probablement que son rapport homonymique avec strident.

M. Delboulle me signale pour le Supplément une liste de mots assez longue. Celui que j'ai rangé, que j'ai maintenu et que je maintiendrai jusqu'au parachèvement de l'oeuvre dans mon " bataillon sacré ", ne peut douter de ma reconnaissance. Comme il a lu toutes les épreuves du Dictionnaire, s'il m'avait signalé opportunément ces regrettables omissions, je me serais hâté de l'en remercier, en insérant tout ce qui avait de la valeur, comme j'ai été heureux d'insérer, avec choix, ses précédentes et très obligeantes communications relatives au Dictionnaire de l'ancienne langue française, en en réservant un certain nombre pour mon Dictionnaire de la langue du seizième siècle et pour la Seconde partie, celle -- je l'ai dit plusieurs fois, -- où seront étudiés tous les mots conservés.

J'ai encore à mentionner un autre critique qui a bien voulu s'occuper du Dictionnaire. M. l'abbé Espagnolle, dans ses Origines du vieux français, a essayé de donner la clef des mots qui me sont restés inintelligibles ou de traduire autrement certains exemples. Malheureusement le système de ce vénérable ecclésiastique pèche essentiellement par la base, et, dans son travail, je n'ai rien trouvé qui fût de nature à instruire mes lecteurs. Ce serait perdre leur temps comme le mien que de discuter ses assertions. Pour l'appréciation de son ouvrage, je me contenterai de renvoyer à celle qu'en ont donnée dans la Romania et ailleurs les maîtres de cette "école néo-latine" dont M. l'abbé Espagnolle voudrait ébranler, l'autorité.