Homme politique, financier et grammairien français, qui, d'après le Catalogue de l'Histoire de la Révolution française, serait décédé en 1830, mais, d'après la Grande Encyclopédie de Marcellin Berthelot, l'aurait été dès 1816. Financier, associé de Lafarge, et homme politique, Caminade a publié sous la Révolution des libelles et remarques: Considérations qui doivent déterminer la Convention nationale à rapporter plusieurs de ses décrets sur les rentes perpétuelles et viagères, an II; Mesures décisives proposées pour retirer de la circulation tous les assignats au-dessus de 50 livres, an III. Conseiller de Préfecture de la Charente, en 1801, puis sous-préfet de Cognac de 1804 à 1808, il a également publié dans le domaine grammatical, outre les Premiers Élémens..., un Abrégé des Premiers élémens, an VIII, in-8°, 88 p., 18144, et -- en concurrence immédiate à cette date avec Lequien et Collin d'Ambly -- Les Participes français, mis à la portée de tous ceux qui se font une loi de parler et d'écrire correctement, Paris, Agasse, 59 p.
Titre : Premiers Elémens de la Langue Française ou Grammaire Usuelle et Complette [sic], rédigée d'après les principes des meilleurs auteurs, tant anciens que modernes; par le citoyen Caminade, Membre de plusieurs sociétés savantes.
Descriptif :
Grammaire française descriptive et prescriptive.
Thermidor an VII, 1798, Paris, Agasse, 2 vol., in-8°, B.N. Paris [X 11202-11203]. Les années 1795-1797 voient une recrudescence de publications de ce type à la suite de l'installation des Écoles Centrales et de la publication du concours national de manuels grammaticaux.
Seconde édition; même titre que l'originale; à Paris, Chez H. Agasse, Imprimeur-libraire, rue des Poitevins, n° 18; Garnery, Libraire, rue de Seine, vis-à-vis celle Mazarine, an XII, 1803. "Il n'y a de Grammairiens par ecellence que les grands écrivains". 840 p. in-8°, 2 vol. en un tome. Environ 1380 signes par page, soit un total de 1 159 200 signes.
Pas de reproduction moderne.
L'ouvrage a connu 3 éditions: 1798-1799, 1802 et 1814; il fut dédié dès l'origine au "Citoyen de Wailly ", et fut -- en conséquence -- placé sous l'égide de ce dernier ainsi que sous celui de Domergue, qui avaient été tous deux les Commissaires de l'Institut national chargés d'examiner le manuel lors des concours de 1797-98.
Langue cible: français; métalangue: français.
Contenu : Épître au Citoyen De Wailly, Membre de l'Institut National [p. i-vi]. Suite des Notes et commentaires ayant trait à la première édition [vi-x]. Préface [xi-xxij]. Exposition: De l'ordre dans lequel sont rangées les vingt-deux Instruction que renferme cet ouvrage. Tome premier: Notions préliminaires [1-2]. Première Instruction: des Lettres [3-8]. Seconde: des Syllabes [9-21]. Troisième: des Mots [22-30]. Quatrième: des Signes orthographiques [31-43]. Cinquième: des Genres [43-55]. Sixième: des Nombres [56-64]. Septième: des Noms de nombre [65-71]. Huitième: du Nom (substantif et adjectif) [72-134]. Neuvième: de l'Article [135-147]. Dixième: du Pronom [148-206]. Onzième: du Verbe [207-292]. Douzième: du Participe [293-336]. Treizième: de la Préposition [337-345]. Quatorzième: de l'Adverbe [346-352]. Quinzième: de la Conjonction [353-357]. Seizième: de l'Interjection [358-360]. Dix-septième: de la Particule [361-368]. Dix-huitième: des Fautes contre les règles et contre l'usage [369-373]. Dix-neuvième: de la Construction et de l'analyse grammaticale [374-392]. Vingtième: de la Néologie ou de l'art de faire les mots [393- 431]. Tome second: Vingt-unième: de l'Art d'écrire en prose et en vers [433-511]. Vingt-deuxième et dernière: des Règles de la versification [512-587]. Table alphabétique [589-840].
Objectif de l'auteur : Confronté dans sa tâche d'éducateur de ses propres enfants aux difficultés de la métaphysique grammaticale, Caminade -- insatisfait de ce qu'apportait la Grammaire de de Wailly sur le verbe et le participe -- a souhaité "éclaircir ce que la métaphysique a de plus obscur" [p. j] et rédiger un ouvrage qui pût servir à tous les jeunes gens des "Écoles primaires et des Écoles secondaires" [p. xvij] apprenant la grammaire du français.
Intérêt général : Caminade est un des premiers grammairiens de la fin de la période révolutionnaire à s'insurger contre la prédominance de l'enseignement des langues anciennes sur le français, et notamment du latin, alors que l'on sait que la tendance culturelle est à l'inverse. Reprenant l'argumentation de Dumarsais et de Beauzée dans l'Encyclopédie, selon laquelle le français -- quoique descendant du latin -- "n'en tient pas ses articles, ses noms, l'usage des pronoms personnels dans la conjugaison, ses verbes auxiliaires, ni une multitude de temps différenciés dans ses conjugaisons, et confondus dans les conjugaisons latines", Caminade s'insurge contre le principe qui consiste à faire de la méthode de la première le modèle d'explication de la seconde, et il plaide en conséquence en faveur d'une clarification des principes méthodologiques de la grammaire: "Ce qui est relatif à la composition de toutes les langues forme la Grammaire générale; ce qui est seulement relatif à la composition de tel ou tel idiome, forme la Grammaire particulière: c'est la raison que l'on donne dans un ouvrage, de ce qui constitue les vrais principes, qui le rend plus ou moins philosophique" [p. xxj]. L'ouvrage de Caminade porte ainsi témoignage explicite au nom de la raison du clivage d'un champ épistémique, et des basculements qui vont l'affecter dans les vingt ans qui séparent la 5e éd. du Dictionnaire de l'Académie française [1798] et la 1ère éd. du Dictionnaire des difficultés grammaticales et littéraires de la langue française de Laveaux. [1818].
Intérêts spécifiques : Le traitement plutôt classique des parties du discours que propose Caminade ne doit pas masquer les spécificités de sa démarche, qui le distinguent de l'ensemble contextuel des grammairiens métaphysiciens de la période révolutionnaire : 1° une attention soutenue portée à la catégorie du nom, " mot qui fait connaître chaque objet, non seulement par sa nature, mais encore par sa qualification ", d'où le nom substantif et le nom adjectif. La première sous-catégorie est elle-même subdivisée en trois sous-classes : les noms propres ou noms d'individus, les noms communs ou noms de genre ou d'espèce, et les noms collectifs -- soit partitifs, soit généraux -- renfermant plusieurs êtres ou plusieurs choses sous un nom indifféremment singulier ou pluriel. 2° une identique acribie à l'endroit des modes du verbe, infinitif, indicatif, suppositif, impératif et subjonctif, conduisant à esquisser [p. 218-226] des règles de correspondance ou concordance entre ces modes. 3° le souci de proposer une présentation pédagogique des difficultés causées par le participe, et d'offrir les moyens de les lever au moyen de tableaux commentés [pp. 304-328]
Innovations terminologiques : Travaillant l'inscription d'une méthode grammaticale dans une épistémologie rationnelle de la langue fracturée par l'irruption des besoins de sa diffusion scolaire, Caminade est contraint de produire une série de distinctions terminologiques qui jusqu'alors ne semblaient ni devoir s'imposer, ni être en mesure de s'appliquer avec rigueur, cohérence et constance: "Quoique les élémens de la langue française aient de l'analogie avec ceux de la langue grecque ou latine, il s'en faut bien que les principes de ces langues soient les mêmes; les élémens assignent ce qui est commun à plusieurs langues; les principes déterminent ce qui est propre à chacune; ainsi, éléments et principes sont deux termes différents." [p. 1]
Corpus illustratif: Caminade s'appuie sur le témoignage des auteurs de la littérature classique, Racine, au premier chef, puis Boileau, Corneille, La Fontaine [dans l'édition révisée de 1660], Vauvenargue, Voltaire, Massillon, et sur ceux des grammairiens ou lexicographes qui leur sont les plus apparentés, Vaugelas, l'Académie, Thomas, Marmontel, Beauzée.
Traitement de la phonétique : traditionnel, Caminade s'arrêtant rapidement aux éléments de l'alphabet ou lettres [p. 3-9], puis aux syllabes [p. 9-21], avant que d'aborder plus longuement les mots [p. 22-30] et les questions de ponctuation, dont la normalisation moderne est alors en cours. Ces remarques manifestent un intérêt certain pour la prononciation des mots étrangers, notamment grecs et anglais; des modèles sont même donnés [p. 5-6]. Dans sa tentative de réorganisation de la matière grammaticale, Caminade est amené à défendre la graphie moderne des pluriels des formes en -ant ou -ent lorsque cette dernière peut se justifier par une raison de nature morpho-graphique: "il faut écrire parents avec t, car parents, au masculin, s'écrivant parentes, au féminin, doit conserver le t." [p. xvij].
Traitement de la syntaxe : Caminade soutient, après l'abbé Morellet, la nécessité de la distinction terminologique entre Complément et Régime. Il s'en prend pour cela à Dumarsais auquel il reproche de superposer dans sa propre terminologie complément immédiat et régime direct, d'une part, complément éloigné et régime indirect d'autre part [t. 1, p. 315].
Traitement du lexique : Dans la Vingtième Instruction [t. 2, p. 393-429] on notera d'intéressantes réflexions sur la néologie et quelques néologismes contemporains [Accort, adulateur, allégeance, angoisse, calamiteux, dévouser, fallacieux, festiner, etc.].
Présentation : Caminade généralise dans son ouvrage un système de repérage et de référence à des numéros de paragraphes, doublant la pagination ordinaire, qui anticipe sur ce que Grevisse systématisera au 20e s. dans Le Bon Usage.
Influence subie : Caminade ne fait pas mystère de ce qu'il doit à de Wailly, à Domergue, mais aussi à Vaugelas, Dumarsais, Restaut, Duclos, d'Olivet, Beauzée, Rivarol et Radonvilliers.
Influence exercée : L'ouvrage de Caminade n'est pas explicitement cité comme une des références de Girault-Duvivier, de Laveaux, de Landais, ou de Bescherelle. Mais, compte tenu du degré de récursivité des manuels grammaticaux en cette période, il semble que ce travail ait exercé une réelle influence sur les contemporains. Un indice en est d'ailleurs fourni par l'exemplaire utilisé, daté de 1803 et portant un ex libris anglais au nom de l'Admiral Duff à la date de 1858. Cette rémanence, comme beaucoup d'autres dans le domaine de la langue, atteste d'une valorisation prolongée, y compris à l'étranger, que l'on trouve explicitement formulée dans des témoignages contemporains: " […] ouvrage d'un homme qui a beaucoup médité ; qui s'est familiarisé avec lesabstractions du langage ; qui a pris pour maître la nature, et pour guides les écrivains qu'ellea inspirés. Des idées nettes, une logique saine, des règles claires, un heureux choix d'exemples; tels sont les prestiges par lesquels le citoyen Caminade est parvenu à rendre facile, agréable même, autant qu'elle peut l'être, l'étude de notre langue" [Le Moniteur, 1er pluviôse, an viii]
Références : Chervel, A., 1977, p. 13, 16, 20. Bourquin, J., 1980, p. 202, 207.
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