Folliculaire connu en littérature sous le pseudonyme d'Eugène de Massy. Recueillant peu de succès, il se lança vite dans l'entreprise grammaticale et lexicographique. Devenu l'auteur attitré de l'éditeur Didier, Landais entreprit une vaste série de compilations qui suscitèrent rapidement l'irritation, quoiqu'ils fussent parfaitement représentatifs d'une tendance de la vulgarisation linguistique de l'époque basée sur la compilation cumulative et le recul de l'esprit critique.
Titre : Grammaire Générale des Grammaires Françaises présentant la solution analytique, raisonnée et logique de toutes les questions grammaticales anciennes et modernes, par Napoléon Landais.
Descriptif :
Grammaire prescriptive, incluant des règles de style et un abrégé de rhétorique, prétendant fonder en raison les règles et le sens de l'usage: "Nous sommes convaincus que le purisme est la superstition des Grammaires; c'est donc toujours la raison, et la raison motivée, qui, développant les règles, et les épurant au creuset de l'analyse, doit consacrer et réformer l'usage, lorsque l'usage s'est égaré" [p.9].
Première édition à Paris, en 1835, au Bureau Central (in-4°, 636 p.) sous le titre: Grammaire de Napoléon Landais, Résumé Général de toutes les grammaires françaises, Paris, au Bureau Central (1834).
5e éd., revue et corrigée, Paris, Didier, libraire-éditeur, quai des Augustins, 35, et chez tous les Libraires de la France et de l'étranger, 1845. 18,6 x 27,3 cm., sur 2 colonnes, 636 p. de 5400 signes, 14 tableaux de conjugaison. Environ 3.404.400 signes.
Autres éditions: sous le titre Grammaire Générale ou résumé de toutes les grammaires françaises, par Napoléon Landais, 2e éd., Paris, Didier, 1839, in-4° 636 p.; sous le titre: Grammaire Générale des Grammaires Françaises par Napoléon Landais, 3e éd. Paris, Didier, 1843, in-4° de 636 p. Id., 9e et dernière édition, Paris, 1865. Malgré le discrédit qui entoura assez rapidement l'oeuvre grammaticale de Landais, jugée compilatoire, superficielle et souvent erronée, notamment dans sa critique à l'égard des manuels classiques ou modernes de grammaire et du Dictionnaire de l'Académie française, cette entreprise a connu un certain succès de librairie et neuf éditions jusqu'en 1865. Son titre exploitait habilement l'ambiguïté dissimulée par l'adjectif "générale", soit qu'on le comprenne d'abord comme la survivance d'une grammaire soucieuse de principes métaphysiques; soit qu'il apparaisse simplement comme l'expression d'un souci d'exhaustivité fondé dans la recension des grammaires antérieures.
Langue cible: français; métalangue: français.
Contenu : Liste alphabétique des Auteurs et des Ouvrages consultés pour la Grammaire [p. 5-6]. Introduction [7-11]: Préface de la Première édition [8-9]; Avertissement de l'Auteur sur cette nouvelle édition [10]. Notions de Grammaire générale [11-14]. Grammaire française [15-16]. De l'Alphabet [17-19]. Des Voyelles [20-36]. Des Syllabes dites improprement voyelles nasales [37-39]. Des Diphtongues [40-44]. Des Consonnes [45-67]. Des Syllabes [68-68]. De la Prosodie des mots [70]. De l'Accent [71]. De la Quantité des mots [74]-73]-82]. Des Mots [85-87]. Des Tropes [88-91]. De la Catachrèse [92]. De la Métonymie ou de la Métalepse [92]. De la Synecdoque [94-95]. De l'Antonomase [93]. De l'Hyperbole [94]. De la Litote [94]. De la Métaphore [95]. De la Syllepse ou synthèse [96]. De l'Allégorie [96]. De l'Allusion [97]. De l'Ironie [97]. De l'Euphémisme [98]. De la Périphrase [98]. De l'Onomatopée [99]. Des Synonymes [100]. Des Homonymes [102-107]. Des Figures de construction [108]. De l'Inversion ou de l'Hyperbate [109]. De l'Ellipse [109-110]. Du Zeugme [111]. Du Pléonasme [111]. De la Répétition [112]. De la Gradation [112]. De la Régression [113]. De la Conjonction et de la Disjonction [113]. De la Périssologie [113]. Des Mots explétifs [113]. De l'Amphibologie [113]. De la Contraction [114]. De l'Hiatus [114-117]. De l'Étymologie [118-120]. De la Dérivation [121]. Des Simples et des composés [122]. Des Particules initiales [122-127]. De l'Archaïsme [128-137]. Du Barbarisme et du Solécisme [138]. De l'Usage [141]. De l'Orthographe [145-190]. Signes de Prosodie [191]. Signes généraux d'Orthographe [192]. Principes généraux de Prononciation [194]. De la Conversation [194]. De la Déclamation [195]. De la Lecture [199]. Des Éléments du discours [209]. De la Déclinaison et des cas [211-217]. Du Genre [218-223]. Du Nombre [224]. Des Personnes [225]. Des Substantifs ou noms [226-274]. De l'Article [275-277]. De l'Adjectif [278-294]. Du Pronom [295-314]. Du Verbe [314-324]. Des Conjugaison [325-359]: Tableaux et Modèles: Des Participes [362]. Du Gérondif [363]. Du Participe passé [364]. Des Prépositions [364-368]. De l'Adverbe [369-373]; des Conjonctions [374-376]. Des Interjections [377]. Ode de J.-B. Rousseau présentant la dénomination, au-dessus de chaque mot, des diverses parties du discours [378-380]. De la Construction de la Syntaxe [381]. De la Proposition [382]. De la Phrase [382]. Du Sujet et de l'Attribut [383-384]. Des différentes espèces de Propositions [385-388]. De la Proposition considérée quant à sa forme [389]. De l'Apposition [390]. Du Régime [390]. Des Compléments [392-394]. De la Construction proprement dite [396]. De la Construction analytique [397]. De la Construction figurée [398]. De la Synthèse [398]. De la Syntaxe naturelle ou figurée [403]. Construction grammaticale et raisonnée de l'idylle intitulée les Moutons, de Madame Deshoulières [404-409]. Analyse d'une pièce de vers de Crébillon fils [410-414]. Règles d'accord et règles de construction [415-427]. Syntaxe du substantif [428-434]. Syntaxe de l'article [435-446]. Syntaxe de l'adjectif [447-476]. Syntaxe des pronoms [477-483]. Syntaxe du verbe: liste des verbes dits moyens; choix des auxiliaires avoir et être; du régime des verbes; rapports des temps du subjonctif ou du conditionnel à ceux de l'indicatif et table de correspondance des modes et des temps [484-534]. Syntaxe des Participes [535-563]: participe présent; participe passé; modatifs.; participes adjectifs. Syntaxe des Prépositions [563-582]. Syntaxe de l'Adverbe [583-587]. Syntaxe des Conjonctions [588-593]. Les interjections n'ont point de syntaxe particulière [594]. De la Ponctuation [592-596]. De l'Alinéa [596]. Précis de Versification française [597-613]. Sommaire des matières [614-616] Table alphabétique des matières [615-636].
Objectif de l'auteur: Plus qu'un véritable objectif scientifique, la finalité poursuivie par Landais se révèle être celle d'une concurrence acharnée destinée à assurer à son auteur une part du marché de la langue à l'époque de la Monarchie de Juillet. Les variations du titre et l'éclectisme mal organisé du plan de l'ouvrage accusent impitoyablement ce dévoiement de l'ambition analytique et critique.
Intérêt général : La Grammaire de Landais offre l'avantage d'être un excellent représentant des tensions et des tendances qui traversent l'épistémologie de la discipline à l'heure où cessent d'être efficaces les grandes grammaires générales de la fin du 18e s., et où la tendance commence à être celle d'une description factuelle de la langue, en conformité avec les usages constatés. Entre la Grammaire générale de Serreau et Boussi et le Cours de Grammaire de Bernard Jullien, la Grammaire de Landais est une des premières grammaires à intégrer la "critique" des grammaires anciennes de la langue. La question se pose seulement de savoir de quel lieu - et selon quelles modalités - cette "critique" est énoncée.
Intérêts spécifiques:
Le traitement des parties du discours ne présente guère d'originalité, fondé pour partie sur Port-Royal et, pour autre partie, sur Estarac. Il constitue un mixte attendu dans lequel la place faite aux participes est la seule singularité, explicable par la subsistance d'une prééminence du substantif sur le verbe. A la faveur de ce mixte conceptuel Landais dénonce in extremis une théorie de la déclinaison et des cas [p. 211-218], qu'il reproche aux grammaires anciennes d'avoir trop communément accréditée. Sa représentation des rôles du Sujet et de l'attribut recouvre généralement celle que l'on assigne aujourd'hui à l'opposition du thème et du prédicat. On prendra toute la mesure de l'investissement rhétorique qui s'effectue alors dans la grammaire en remarquant que l'opposition de la construction analytique et de la construction figurée [p. 397] se résout dans l'assomption de la notion de Synthèse, qui n'est autre que la forme grammaticale de la Syllepse rhétorique [p. 399].
Les innovations terminologiques de Landais ne sont pas nécessairement perceptibles dans la morphologie des désignateurs grammaticaux. Le plus souvent, les déplacements conceptuels se réalisent sous l'apparence d'une identité de signifiant; ainsi du verbe "être" considéré comme "verbe substantif" ou "modificatif": le passage de l'une à l'autre définition est gagé par la permanence de la catégorie du verbe, mais, dans le premier cas, l'analyse se fait sous l'angle idéologique, tandis que, dans le second cas, le point de vue strictement logique l'emporte.
Le corpus illustratif de Landais est constitué de textes de littérature classique, le plus souvent versifiés, soit qu'ils relèvent de la tragédie (Corneille, Racine), de la comédie (Molière), de l'ode (J.-B. Rousseau) ou de la poésie religieuse (Louis Racine). Boileau, Voltaire, Bossuet et Massillon figurent aussi en bonne place dans ce florilège. Les illustrations tirées de grammairiens font appel à: Boinvilliers, Bouhours, Buffier, Chapsal, Estarac, Girault-Duvivier, Laveaux, Lemare, Lévizac, Marmontel, du Marsais, Olivet, Régnier-Desmarais, Sicard et de Wailly. Mais Landais ne s'interdit pas de faire référence aux oeuvres lexicographiques: Académie française, Boiste, Gattel et Ménage... Plus symptomatique est de constater l'importance des références faites aux articles du Journal Grammatical, Littéraire et Philosophique de la Langue française et des langues en général, dont Landais discute souvent les arrêts et les attendus, qui, à ses yeux, trahissent souvent un systématisme puriste incompréhensible.
Les tableaux de conjugaisons présentés par Landais [p. 328-342] offrent un intérêt pédagogique certain, qui sera repris ultérieurement par Litais de Gaux dans son Dictionnaire des Verbes du français [1847]. Nombre des discussions de Landais portent sur les conditions contextuelles et référentielles d'emploi des unités du lexique, ce qui confère à son ouvrage un caractère immédiatement pratique et normatif.
Influence subie : Landais ne se cache pas lorsqu'il compile les grands textes des grammairiens du passé, voire ceux de ses contemporains. Port-Royal et Beauzée, ou Condillac et du Marsais ne sont guère pour lui que des noms; on peut reprocher à Landais son manque d'esprit critique, non l'étendue de son arrière-plan informatif. Il revendique plus particulièrement l'influence des grammairiens de la fin du 18e s.: Lévizac, Estarac, qui ont passé à la postérité pour avoir été les tenants de la subsistance d'un ordre rationnel dans la langue.
Influence exercée : Landais ne revendique guère d'influence immédiate; il a été lu par les auteurs littéraires contemporains, étudié et analysé par les grammairiens contemporains. Mais les défauts de rigueur et de clarté qui lui ont été reprochés l'ont empêché d'exercer durablement une influence certaine sur le cours du développement de la recherche grammaticale.
Références : Brunot, HLF, t. 12, 1968, p.494-495; Saint-Gérand 1992a, p. 212--232.
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