Sicard, pseudonyme Dracis, Roch-Ambroise-Cucurron, Abbé (1742-1822)

Grammairien et enseignant français, né au Fousseret, près de Toulouse et mort à Paris. Sicard fut placé en 1786 à la tête de l'établissement des Sourds-Muets de Bordeaux, et prit en 1789 la succession de l'Abbé de l'Épée à Paris. Ayant échappé de peu à la mort après le 10 août, Sicard fut rendu à ses élèves sur la proposition de Chabot. Nommé professeur de Grammaire à l'École normale en 1794, il remplaça de Wailly à l'Institut, mais fut condamné à la déportation le 18 Fructidor en sa qualité de rédacteur des Annales Catholiques, et dut rester caché dans le Faubourg Saint-Marceau jusqu'au 18 Brumaire, qui le rendit à se fonctions. De la Restauration, Sicard obtint la croix de la Légion d'honneur, l'administration de l'hospice des Quinze-Vingts et le ministère de chanoine honoraire de Notre-Dame de Paris.

Titre : Élémens de Grammaire générale, Appliqués a la Langue française, par M. l'Abbé Sicard, Directeur de l'Institution Impériale des Sourds-Muets, Membre de l'Institut de france, de la Commission du Dictionnaire de l'Académie française, et de plusieurs sociétés littéraires de france, et étrangères.

Descriptif :

Grammaire philosophique.

Première édition: Paris, Deterville, 1798.

Troisième édition, revue, corrigée et augmentée, portant la mention: "Ouvrage adopté pour les Lycées", Paris, 1808, Deterville, Libraire, rue Haute-Feuille, n° 8. De l'imprimerie des Sourds-Muets, sous la direction d'Ange Clo. Deux vol. in-12 de 540 et 551 p. à 1920 signes par p., soit env. 2.100.000 signes pour l'ensemble de l'ouvrage.

Les Élémens de Grammaire générale ont connu trois éditions, dont la 3 a été publiée en 1808. Ils ne doivent pas être confondus avec la Grammaire Française élémentaire et Raisonnée, que Sicard a publiée à Clermont-Ferrand en 1812, avec l'aide de M. Alligier. Cet ouvrage fut revu en 1815 par F.-J. Mourier, et réédité à Paris -- sous le titre Grammaire Française Exacte et Méthodique -- comme seconde édition, en 1823, chez Moronval, Libraire-Éditeur, in-12, 118 p. En outre Ch. Ragneau a publié à Tours, en 1806, un Abrégé de la Grammaire Générale ou Leçons élémentaires de Langue Française et de Grammaire Générale, extrait en xx + 35 p. de l'ouvrage de Sicard.

Langue cible: français; métalangue: français.

Contenu:

Premier volume: Avertissement sur cette troisième édition [p. i-iv]. Introduction [v-xxxij]. Chap. 1. Notions préliminaires [p. 1-27]. Leçon I [28-40]. Chap. 2 Des Mots et des Lettres [41-53]. Leçon II [54-60]. Chap. 3. Du Nom [61-74]. Leçon III [75-92]. Chap. 4. De l'Adjectif et des noms abstraits [93-116]. Leçon IV [117-127]. Chap. 5. Des Articles ou mots déterminatifs [128-150]. Leçon V [151-174]. Chap. 6. Du Pronom [178-196]. Leçon VI [197-209]. Chap. 7. Du Verbe [210-241]. Tableau général de tous les temps [242-266]. Leçon VII. [267-284]: Conjugaison des verbes [285-296]; Système des temps du mode indicatif [297]; Système des temps du mode subjonctif [298]; Système des temps du mode conditionnel [299]; Système des temps du mode participe [300]. Première conjugaison [300-335]; Seconde conjugaison [336-346]; Troisième conjugaison [347-356]; Quatrième conjugaison [356-363]; Sixième conjugaison [372-379]; Septième conjugaison [380-387]. Chap. 8. De la Préposition [388-421]. Leçon VIII [422-440]. Chap. 9. Adverbes et phrases adverbiales [441-477]. Leçon IX [478-488]. Chap. 10. De la Conjonction [489-518]. Leçon X [519-532]. Chap. 11. De l'Interjection [533-536]. Leçon XI [537-538]. Table des divisions [539-540].

Second volume: Réflexions sur les changemens faits dans cette seconde partie [p. j-xvj]. Chap. 1. De la Syntaxe. Des différentes formes de la proposition [p. 1-21]. Leçon I [22-40]. Chap. 2. Des Complémens de la proposition [41-56]. Leçon II [56-63]. Chap. 3. Théorie des chiffres ou analyse numérale de la proposition [64-103]. Leçon III: Sur la théorie des chiffres [104-110]. Chap. 4. De la Syntaxe particulière des mots [111-115]. Leçon IV [116-121]. Chap. 5. Continuation du même sujet [122-179]. Leçon V [180- 205]. Chap. 6. Syntaxe particulière de chaque élément du discours [206-229]: du pronom [229-231]; du verbe [232-249]; correspondance des modes [250-252]; de l'adverbe, ou sur-attribut [253-264]; de la préposition [265-266]. Leçon VI [267-311]. Chap. 7. De la ponctuation [312-319]; de la virgule [319-330]; du point [331-333]; des deux-points, et du point-virgule [334-346]. Leçon VII [347-358]. Chap. 8. De l'Orthographe [359-384]; des mots [385-396]; remarques générales [397-423]; des accens [424-427]. Chap. 9. De la Prononciation [428-476]; Tableau de quelques homonymes français [477-479]. Chap. 10. De la Versification française [480-510]. Table des Matières contenue dans cet ouvrage [513-551].

Objectif de l'auteur: Sicard publie sa Grammaire comme le résultat de son oeuvre de continuateur de l'Abbé de l'Épée à Bordeaux dans la rééducation des Sourds et Muets, et de son enseignement de grammaire générale dispensé en 1794 et 1795 à l'École normale. Son objectif, à une époque où de multiples grammaires sont également publiées, est de consigner une sorte de version standard de la grammaire générale condillacienne.

Intérêt général: Il réside précisément dans cette tentative d'articuler idéologie et grammaire dans un projet unique d'explication de l'univers des signes, et dans la manière typique de Sicard, qui consiste à présenter des observations empiriques sous un jour qui fait d'elles des principes de portée générale.

Intérêts spécifiques:

Le traitement des parties du discours auquel procède Sicard se révèle proche - dans la lettre - de celui auquel Condillac avait donné son formalisme terminologique. Toutefois des distorsions significatives interviennent dans la pratique de Sicard; ainsi des "Abstractifs", noms nécessairement formés des adjectifs, exprimant une qualité considérée seule, et sans liaison à aucun sujet [I. p. 102-104]; ou des "Prépositions", qui sont des qualités ou adjectifs [I. p. 22]. Il en résulte ainsi une nouvelle théorie de la proposition, notamment de la "subordonnée", à laquelle Sicard donne une valeur toute différente de celle de Beauzée ou de Condillac [I. p. 27-28].

Les innovations terminologiques, souvent reprochées à Sicard, se trouvent principalement dans la syntaxe et la morphologie du verbe: "On me reproche - écrit le grammairien - d'avoir multiplié, sans nécessité, les modes et les temps, et surtout d'avoir donné à ces derniers des dénominations qui sont en contradiction avec l'emploi qu'on fait de tous ces temps, dont on m'accuse encore d'avoir augmenté le nombre outre mesure. On trouve étrange qu'il y ait quatre présents au lieu d'un seul, et qu'il y ait des temps comparatifs" [I. p. xxxj-xxxij].

Le corpus illustratif intègre de nombreuses discussions des travaux de Dumarsais, Beauzée, De Wailly, Restaut; les exemples sont la plupart du temps forgés sur le modèle de réminiscences littéraires ou constituent des démarques habiles de l'Écriture Sainte.

Influence subie: L'influence la plus importante subie par Sicard demeure celle du sensualisme condillacien, tempéré par le descriptivisme de Domergue. Elle est redoublée par les effets du rationalisme de Harris et de l'Encyclopédie méthodique. Beauzée et Dumarsais semblent aussi avoir exercé un ascendant fascinant sur Sicard, lequel paraît aussi avoir été sensible aux thèses législatrices de Court de Gébelin. L'ouvrage de référence le plus fréquemment allégué par Sicard est - de manière assez prévisible - la Grammaire de Domergue. Interfèrent en lui les contraintes exercées sur le langage par la raison philosophique, par la religion et une forme timide de linguistique pré-contrastive, reposant essentiellement sur le modèle de l'anglais.

Influence exercée: L'influence exercée par Sicard reste problématique en termes d'acuité de la description grammaticale; elle est en revanche plus nette si l'on considère le rôle joué par Sicard dans la constitution d'un objet d'enseignement abstrait, dénommé par l'école Grammaire, et réservé à l'usage ratiocinateur des seuls grammairiens.

Références : Bourquin 1980, p. 49-56, 222-223, 235-237; Brunot 1968, HLF, t. 10/2, p. 704; Saint-Gérand 1993, 1996b; Tell 1874, p. 200.

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