INTRODUCTION
Ce n'est pas d'après le nombre des mots qu'il faut calculer la richesse d'une langue, mais d'après celui de leurs valeurs et des idées qu'ils expriment. Cette vérité vulgaire suffit pour faire sentir l'importance de l'étude des synonymes.
Le caractère de la langue française donne encore pour nous un degré de plus à cette importance. Peu riche par le nombre des mots, notre Dictionnaire doit suppléer à cette indigence par la variété des significations. Un mot susceptible de trois acceptions est l'équivalent de trois mots ; il ne s'agit que de déterminer positivement la différence de ces acceptions ; cette détermination ajoute aux ressources de la langue par des distinctions fines, mais toujours vraies.
Les synonymes, d'après une étymologie rigoureuse, sont des termes qui ont le même sens : on a modifié cette acception, et on appelle synonymes les termes dont le sens a de grands rapports, et des différences légères, mais réelles.
Les rapports frappent au premier coup d'oeil ; c'est à saisir les différences qu'il faut s'appliquer.
Le premier pas à faire vers ce but est de fixer avec exactitude le sens propre de chaque mot, considéré d'une manière absolue et indépendante : il sera facile ensuite d'assigner les modifications que ce sens peut recevoir ; il ne restera plus alors qu'à comparer le sens propre des mots et leurs modifications pour découvrir clairement la diversité de leurs significations primitives et accessoires.
Pour déterminer le sens propre d'un mot, il faut le considérer sous deux points de vue : l'un logique, l'autre grammatical. Quant au premier, l'analyse des idées dont le sens du mot se compose est le guide qu'il faut suivre ; pour le second, l'examen de son étymologie est le principal moyen à employer.
L'analyse des idées constitutives d'un mot a pour résultat une bonne définition ; c'est donc par cette définition que doivent commencer tous les Synonymes : elle se fait en rassemblant les diverses acceptions dont le mot est susceptible dans la langue, en voyant ce qu'elles ont entre elles de commun, et en prenant l'idée qui se retrouve dans toutes pour le sens propre du mot
" Définissons les termes, dit l'abbé Roubaud, tirons de leurs définitions leurs différences, et justifions-les par l'usage. "
L'étymologie apprend aussi à connaître le sens primitif et par conséquent le sens propre des termes. Je ne répéterai pas que si les erreurs où sont tombés quelques savants en s'occupant de ce genre de recherches, si les vains systèmes qu'ils ont rêvés ont pu décrier l'étymologie auprès de ceux qui sont plus frappés d'un tour de force ridicule que de cent vérités découvertes, il n'en est pas moins vrai qu'elle est le seul flambeau à la lumière duquel on puisse étudier les langues, et surtout les rapports de synonymie qui existent entre les mots. Si l'abbé Roubaud, qui en avait senti l'importance, s'est laissé aller quelquefois à des hypothèses sans fondement, c'est qu'il voulait, comme plusieurs philologues, trouver tout dans les débris du celte, et tirer du langage d'une peuplade toutes les langues modernes : son exemple montre un écueil à éviter, et ne fait aucun tort à l'étymologie en général, dont il a d'ailleurs profité souvent avec finesse et vérité.
Il est une espèce d'étymologies plus claire et moins incertaine que les autres, dont on se sert avec succès dans l'étude des synonymes ; je veux parler de celle des onomatopées.
Les onomatopées sont des mots qui rappellent par leur son l'objet ou l'action qu'ils désignent. Les langues, dans leur origine, n'ont dû être composées que d'onomatopées, et il en reste encore plus qu'on ne le croit vulgairement. Cette qualité seule, reconnue dans un mot, ne laisse aucun doute sur son sens propre ; elle lui donne, pour ainsi dire, un corps, en l'unissant d'une manière inséparable avec son objet : le signe devient l'image fidèle du signifié, et se trouve distingué par lui-même de ses synonymes.
Parmi les autres moyens que l'on peut employer pour reconnaître la signification primitive des mots, le plus remarquable est celui que fournit leur terminaison. Comme les langues se sont formées avec plus de régularité qu'on n'est d'abord, tenté de le croire, il est aisé de voir que les mots (les noms, par exemple), sont susceptibles d'être rangés, d'après leur terminaison, sous diverses classes essentiellement distinctes : ainsi la terminaison eur désigne en général celui qui agit, compétiteur, agriculteur, etc. ; la terminaison ion indique l'action de faire, suspension, sédition, etc. ; la terminaison té marque l'état où se trouve celui qui agit. L'inaction, par exemple, est l'acte de ne rien faire, de rester inactif, tandis que l'oisiveté est l'état de celui qui ne fait rien. Ces distinctions une fois établies déterminent sur le champ, du moins sous certains rapports, le sens propre des mots(1).
La comparaison de notre langue avec le latin dont elle dérive, et avec les langues vivantes, surtout avec celles qui, nées de la même source, ont suivi à peu près la même marche dans leurs progrès, peut encore ne pas être inutile. Comme il arrive souvent que de deux mots synonymes, le premier est emprunté à une langue, le second à une autre, il importe de connaître leur sens dans la langue originaire, afin de savoir quelle est leur acception propre dans la nôtre : je prendrai pour exemple les synonymes bannir, exiler. Le premier vient de l'ancien mot allemand bann, qui signifia d'abord ce qui gênait la liberté d'un homme, désigna dans la suite l'acte de l'autorité judiciaire par lequel un homme était privé de sa liberté, exclu d'une communauté civile ou religieuse, et s'appliqua enfin à cette exclusion même qui était toujours le résultat d'une condamnation juridique(2). Exiler vient du latin exsilium (exsilire, qui veut dire simplement sauter dehors). Exsilium, dit Cicéron, non supplicium est, sed perfugium portusque supplicii. " L'exil n'est pas une condamnation, mais un refuge, un port contre elle. " (Orat. pro Coecina ; 100, 34). A la vérité, les Latins connaissaient aussi l'exil judiciaire ; mais, dans son sens primitif, l'exilé était simplement celui qui se trouvait contraint, par un motif quelconque, de vivre loin de sa patrie ; tel est aussi le sens dans lequel nous avons emprunté ce mot du latin, et c'est sur cette différence d'origine que repose la distinction établie par l'abbé Roubaud entre exiler et bannir. " Le bannissement, dit-il, est la peine infamante d'un délit jugé par les tribunaux ; l'exil est une disgrâce encourue sans déshonneur, pour avoir déplu : l'exil vous éloigne de votre patrie, de votre domicile ; le bannissement vous en chasse ignominieusement... Ainsi on ne se bannit pas, on s'exile soi-même, etc. "
Cet exemple suffit pour montrer que l'on petit, souvent avec fruit, appeler à son secours la connaissance des langues étrangères ; mais c'est un moyen dont il ne faut user qu'avec circonspection. En passant d'une langue à une autre, les mois changent, pour ainsi dire, de patrie ; leur ancienne figure, leur première signification s'altèrent et se décomposent : ce serait donc à tort qu'on voudrait tirer de leur origine des inductions positives ; c'est un guide qu'on peut consulter, mais qu'on ne doit pas toujours suivre. Ajouterai-je enfin que pour déterminer, avec justesse le sens propre des termes, il faut connaître l'histoire des moeurs, des usages de la nation qui les emploie, et de celle à qui ils ont été empruntés? La langue est intimement liée avec les habitudes, les principes de ceux qui la parlent ; elle en dépend comme l'image dépend de l'objet, comme le signe dépend du signifié : cette liaison, moins sensible lorsque la grammaire formée et perfectionnée s'est mise en quelque sorte à l'abri de la variation des opinions, ne laisse pas d'avoir toujours une influence réelle. Que l'on suive l'Histoire de la langue française depuis François 1er jusqu'à nos jours, en la comparant avec celle de nos moeurs et de nos coutumes, on sera frappé de leur conformité : nous verrons notre langue, revêtue d'abord d'un caractère de franchise et de naïveté chevaleresque, perdre de sa simplicité à mesure que disparaissait celle de nos idées, pour gagner en urbanité et en sagesse proportionnellement aux progrès de la civilisation. Hérissée, sous Louis XIII, des pointes et des jeux d'esprit qui faisaient les délices de ce temps, elle prit une tournure pleine de prétention et de subtilité qu'elle échangea bientôt, sous Louis XIV, contre un caractère de noblesse, d'élégance d'ostentation conforme à celui de ce siècle. Le siècle suivant lui donna plus de clarté : elle était formée, il la fixa, mais en laissant l'empreinte de l'esprit qui régnait alors. "Ce serait, a-t-on encore sur elle dit, une chose assez curieuse à savoir, pour l'histoire des mots de connaître celle des mœurs. Cette influence réciproque des usages et des opinions sur le langage, et du langage sur la direction et le progrès des connaissances s'étend plus loin qu'on ne le suppose au premier coup d'oeil.
Elle n'est donc pas à dédaigner pour la détermination du sens propre des synonymes ; mille exemples le prouvent. Ainsi le mot libertin ne désigna probablement d'abord que ceux qui faisaient usage de leur liberté. Pendant le siècle de Louis XIV, on l'appliqua aux hommes trop libres dans leurs opinions politiques et religieuses. Madame de Motteville, dans ses Mémoires, se plaint des esprits libertins qui décrient le gouvernement. Orgon, dans Tartufe, dit en parlant de Valère :
Je le soupçonne encor d'être un peu
libertin
Je ne remarque pas qu'il hante les églises.
Il était donc à peu près synonyme d'esprit fort, incrédule, noms d'invention plus récente.
Lorsque, sous la régence, la corruption des moeurs fut devenue le caractère de la société, on n'appela plus libertins que ceux qui se piquaient de penser librement sur les devoirs à observer dans le commerce des femmes, et ce mot devint synonyme de licencieux, débauché, etc. Ce dernier sens lui reste aujourd'hui, mais on voit quels changements lui a fait subir l'altération progressive des principes. Le mot preude a éprouvé le même sort : preude femme signifiait autrefois une femme vertueuse et prudente, comme preud'homme signifiait un homme sage et vertueux. Quand les moeurs se relâchent, la vertu est souvent traitée d'hypocrisie aussi, dans les temps modernes, le mot prude n'a-t-il plus désigné qu'une sagesse, une vertu affectée, il a cessé d'être un titre honorable et s'est trouvé lié par des rapports de synonymie avec des termes dont jadis il était bien éloigné.
On voit, d'après cela, quelles ressources peut fournir la connaissance des moeurs et des habitudes de la nation aux diverses époques de son histoire : on en profitera d'abord pour établir le sens propre des mots, et ensuite pour découvrir les modifications qu'ils ont subies. Ce second travail n'est pas le moins essentiel : chaque modification met un mot en contact avec de nouveaux synonymes, et lors même qu'elle tombe en désuétude, le mot en conserve l'empreinte ; quelque positif que soit 1e sens qui lui est définitivement assigné, il lui reste toujours quelque chose des diverses acceptions qu'il a reçues ; ce sont des nuances que l'on ne doit jamais négliger : on apprendra à les connaître dans deux source principales, l'usage écrit et l'usage parlé.
L'usage écrit se détermine d'après l'emploi qu'ont fait des termes les auteurs classiques de la langue. On n'a pas assez fait sentir encore la nécessité d'appuyer les distinctions établies entre les mots synonymes sur des exemples tirés des grands écrivains ; c'est le seul moyen d'assurer une autorité reconnue à des distinctions précaires tant qu'elles ne sont fondées que sur un avis isolé. Non-seulement celui qui suivra cette marche donnera de la solidité à son travail, il découvrira de plus une infinité de modifications à travers lesquelles ont passé les termes dans les ouvrages de différents genres et de divers temps. Les bons auteurs sont les témoins irrécusables des variations de la langue ; ils lui en font subir eux-mêmes que leur nom seul fait adopter ; eux seuls peuvent nous apprendre à les connaître.
Cette, étude est d'autant plus importante que nous voyons quelquefois le même mot employé par certains auteurs dans une acception différente de celle qui lui a été donnée par d'autres, et liés ainsi à diverses familles de synonymes : cela est arrivé surtout à l'époque où la langue s'est fixée. L'expression d'honnête homme nous en offrira un exemple frappant : dans Saint-Evremond, elle est constamment synonyme de celle d'homme de bon ton, de bonne compagnie : dans ce sens, il appelle Pétrone un des plus honnêtes hommes du monde ; c'était même ainsi qu'on l'entendait dans la société. Cependant Boileau a pris honnête homme pour synonyme d'homme vertueux, lorsqu'il a dit que Lucilius, dans ses satires,
Vengea l'humble vertu de la richesse
altière,
Et l'honnête homme à pied du faquin en
litière.
Aujourd'hui, l'expression d'honnête homme n'est susceptible que de l'acception adoptée par Boileau ; celle d'homme honnête ne semble pas éloignée du sens que Saint-Évremond donnait à la première ; et cependant celle-ci doit avoir conservé quelque chose de son ancienne signification puisque l'abbé Roubaud a considéré honnête homme et homme honnête comme étant encore synonymes.
J'ai insisté sur cet exemple, pour montrer la nécessité d'étudier chez nos auteurs eux-mêmes, seuls régulateurs et seuls juges de l'usage écrit, les modifications, soit simultanées, soit successives, que le sens propre des mots a pu on peut encore admettre.
Quant à l'usage parlé, on vient de voir qu'il n'est pas toujours d'accord avec l'usage écrit ; c'est une raison de plus pour ne pas le négliger. Il est d'ailleurs une infinité de mots qui sont plutôt du ressort de la conversation que de celui du style, et dont les modifications nous sont connues uniquement par la tradition, de quelque manière qu'elle arrive jusqu'à nous. Cet usage, plus arbitraire et plus passager que l'usage écrit, parce que celui-ci devient une règle dès qu'il est consacré dans les livres classiques, est plus difficile à reconnaître ; il faut en chercher les traces chez les poëtes comiques, dans les correspondances et dans les mémoires des contemporains. On observera que je n'ai encore parlé que de l'usage des temps antérieurs au nôtre ; celui-ci cependant ne paraît pas devoir être oublié : peut-on s'en servir avec fruit dans l'étude des synonymes ?
Il est aisé de sentir que nous ne pouvons avoir d'usage écrit moderne il n'appartient qu'aux auteurs classiques de le former, et les auteurs ne deviennent classiques dans la langue que lorsque la postérité les a honorés de ce titre ; elle a le droit de juger ceux dont les exemples doivent faire règle pour elle. Quel que soit donc le mérite de nos contemporains, il ne faut user de leur autorité qu'avec une grande circonspection, dussions-nous d'ailleurs les prendre pour modèles dans nos propres ouvrages.
Il n'en est pas ainsi de l'usage parlé : incertain et fugitif, il n'a sur la postérité aucune influence positive ; l'histoire de la langue est le seul rapport sous lequel il puisse l'intéresser. Formé presque au hasard, fondé souvent sur des motifs de peu de valeur, il n'oblige que les contemporains, qui eux-mêmes en sont plutôt les témoins que les juges ; c'est à eux de transmettre aux générations à venir les modifications qu'il fait subir aux mots, puisqu'elles sont des règles pour eux, et ne seront peut-être pour elles que des faits isolés et sans pouvoir. Celui qui s'occupe de la synonymie des mots doit donc y avoir égard ; et cette précaution est d'autant plus nécessaire, que, ne pouvant prévoir les variations que subira la langue, il écrit essentiellement pour ses contemporains.
Tels sont les principaux moyens à prendre pour déterminer la signification propre des mots et les modifications dont elle est susceptible, en examinant chacun d'eux d'une manière indépendante, abstraction faite de tout synonyme et de toute comparaison. C'est par là que doit commencer notre travail. Après l'avoir considéré sous ce premier point de vue, j'arrive au moment où finissent ces opérations préliminaires ; le sens propre des divers synonymes est fixé ; leur histoire, leurs alternatives sont connues ; il ne reste plus qu'à les rapprocher, à les comparer, à les adapter, pour ainsi dire, les uns aux autres, afin de voir par quels points ils ne se touchent pas, quelles nuances les distinguent, et quelles conséquences en résultent pour l'emploi qu'on peut en faire.
La question la plus importante qui se présente dans l'examen des principes généraux qui doivent présider à ce travail est celle de savoir quelles sont les conditions nécessaires pour que des mots soient synonymes ? La plupart de nos auteurs ont attaché à ces conditions peu d'importance ; ils les ont laissées dans le vague ; l'usage seul leur a servi de guide, et souvent même ils l'ont abandonné pour établir des rapports de synonymie et des distinctions entre des mots si différents que personne ne se serait avisé de les confondre. Les uns n'ont cherché qu'à faire briller leur esprit, les autres ont voulu développer des étymologies favorites. Le moindre inconvénient qui résulte de là est la perte d'un travail sans fruit, puisqu'il est sans nécessité.
Nous avons appelé synonymes les termes dont le sens a de grands rapports et des différences légères, mais réelles. Les synonymes les plus parfaits seront ceux qui auront entre eux les rapports les plus grands et les différences les plus légères. C'est d'après ceux-là que nous devons raisonner pour résoudre d'une manière rigoureuse la question que nous nous sommes proposée : il faut donc tracer la limite qui sépare la plus grande ressemblance possible d'une parfaite similitude ; tous les mots qui se trouveront sur cette limite seront synonymes.
Les idées exprimées par des mots synonymes sont ou subordonnées ou coordonnées. Les idées subordonnées à une autre idée sont celles qui reproduisent cette idée mère, avec de certaines modifications. Ainsi les idées de reproche, blâme, censure, etc., sont des idées subordonnées à celle de désapprobation, parce que celle-ci se trouve dans chacune d'elle, quoique diversement modifiée. J'appelle idées coordonnées celles qui contiennent la même idée mère avec des modifications différentes : ainsi les idées de reproche, blâme, censure, etc., sont des idées coordonnées entre elles.
Les termes qui expriment les idées subordonnées ou des idées coordonnées peuvent seuls être considérés comme synonymes.
La synonymie des premiers, c'est-à-dire celle des mots qui expriment les idées subordonnées avec celui qui exprime l'idée mère, a été révoquée en doute par quelques philologues, entre autre par l'Allemand Fischer. Mais à tort. Examinons, en effet, quel est le vrai caractère des synonymes.
Les synonymes ne peuvent être des noms propres (propria) ; ils doivent être des noms génériques (appellativa). Il n'y a point de synonymie entre les mots qui désignent des choses individuelles ; ils sont distincts par leur nature même ; ils n'offrent aucune nuance à saisir, car du moment où il y en aurait une, ils n'exprimeraient plus le même, objet individuel. Pour que des mots puissent être synonymes, il faut donc qu'ils expriment des choses générales.
Il suit de là qu'une idée générique commune est nécessaire aux mots synonymes : plus cette idée générique qui fait leur rapport sera voisine de celle qui fait leur différence, plus la synonymie sera grande : si les mots n'ont en commun qu'une idée générique très-éloignée, ils ne seront pas vraiment synonymes, car alors leur sens propre et leurs caractères distinctifs seront aisés à assigner. Ainsi les mots mer et fleuve ne sont pas synonymes, parce qu'ils n'ont en commun que l'idée générique éloignée, d'eau , tandis que les mots fleuve et rivière peuvent être considérés comme tels, parce qu'ils ont en commun l'idée générique très-rapprochée d'eau courante.
Or, les mots qui expriment les idées subordonnées ont en commun avec celui qui exprime l'idée mère cette idée elle-même, et ils peuvent en être peu éloignés ; rien ne s'oppose donc à leur synonymie. Les mots déserteur et transfuge me serviront d'exemple. Déserteur contient l'idée mère ; il désigne un soldat qui abandonne, sans congé, le service auquel il est engagé : transfuge exprime une idée subordonnée, car il ajoute au sens propre de déserteur l'idée accessoire de passer au service des ennemis ; cependant ces deux mots sont de vrais synonymes, et Beauzée les a traités comme tels.
A la vérité, les synonymes de ce genre sont moins parfaits que ceux qui ont pour objet des mots représentatifs d'idées coordonnées. Il est plus aisé de voir ce que l'idée subordonnée ajoute à l'idée mère, que d'assigner les nuances différentes par lesquelles des idées coordonnées se distinguent entre elles ; mais cela n'empêche pas que les premières ne soient aussi du domaine de l'étude qui nous occupe, domaine qu'une rigueur extrême rendrait trop borné.
Il arrive parfois qu'un mot a deux significations, dont l'une correspond à une idée principale, l'autre à une idée particulière ; celle-ci peut avoir des idées coordonnées, celle-là des idées subordonnées ; en sorte que le mot se trouve lié à des synonymes des deux genres. Ainsi le mot poids désigne arbitrairement la qualité qui fait tendre les corps vers le centre de la terre ; sous ce rapport il exprime une idée coordonnée à celle des mots gravité, pesanteur, avec lesquels il est synonyme, mais il est de plus lié par des rapports de synonymie avec les mots charge, faix, un fardeau, qui expriment des idées subordonnées à celle de poids, à laquelle ils ajoutent l'idée accessoire de porter. Une charge, un faix, un fardeau, sont des poids que l'on porte : on dit figurément soutenir le poids des affaires, comme on dirait, soutenir le fardeau des affaires.
C'est pour avoir négligé de distinguer la synonymie qui résulte de la subordination des idées à une autre, de celle qui résulte de leur coordination entre elles, que l'abbé Girard a soutenu contre l'Encyclopédie que le mot poids n'était pas synonyme des mots charge, fardeau, faix, mais seulement des mots gravité et pesanteur.
Il n'est pas même nécessaire, pour qu'un mot se rattache à différentes familles de synonymes, qu'il ait avec les unes des rapports de subordination et avec les autres des rapports de coordination ; il suffit qu'il soit susceptible de différents sens. Le mot imputer, par exemple, est dans une acception synonyme de déduire, retrancher ; et dans une autre, il est synonyme d'accuser, inculper, quoiqu'il n'ait avec ces deux familles de mots que des rapports de coordination : cette multiplicité de sens ayant presque toujours pour cause le nombre des idées simples qui forme l'idée composée que le mot exprime, l'analyse de ces idées simples est la voie la plus sûre pour découvrir les divers sens du mot, et par conséquent ses diverses branches de synonymie.
Il ne sera pas inutile de joindre à ses réflexions un tableau de synonymes successifs qui puisse offrir une application claire et complète de la théorie que je viens d'exposer.
On voit, par ce seul exemple, à combien de synonymes un mot peut se trouver associé par des rapports éloignés sans doute, mais réels, quoique incapables d'établir entre ce mot et les derniers de ceux qui s'y attachent une synonymie proprement dite. Il suffit de jeter les yeux sur ce tableau pour reconnaître la nécessité des deux conditions sans lesquelles, comme nous l'avons dit, les mots ne sauraient être synonymes : 1° Ils doivent être liés par une idée générique commune ; 2° et différenciés par des idées particulières assez peu distantes, soit de l'idée générique, soit entre elles, pour qu'une analyse fine puisse seule les distinguer.
Gardons-nous de croire cependant que tous les mots où ces conditions sont réunies soient synonymes : ils peuvent avoir des propriétés qui s'y opposent. Je vais en indiquer quelques-unes.
1° Les termes dont le sens propre, peut être saisi au premier coup d'oeil, c'est-à-dire dont la composition est telle qu'elle indique clairement ce qu'il y a de commun et de particulier dans les idées qu'ils expriment, ne sauraient être synonymes. C'est à tort que Mrs Piozzi a fait entrer dans sa synonymie anglaise les expressions chien de chasse, chien couchant, chien basset, etc. : elles ont, à la vérité, une idée générique commune et une idée particulière qui les différencie ; mais cette dernière, énoncée d'une manière positive, les distingue trop spécialement pour qu'une analyse quelconque soit nécessaire.
2° Les mots qui expriment des objets physiques, susceptibles de tomber individuellement sous les sens, ne peuvent être traités comme synonymes, parce que la seule inspection de l'objet suffit pour faire connaître leurs caractères distinctifs ; tels sont un grand nombre de mots qui désignent des ouvrages de l'art ou des productions de la nature. Un chêne, un tilleul sont de grands arbres ; une tasse, un verre, sont des vases à boire ; un palais et une cabane sont des habitations, et cependant ces mots ne seront jamais dits synonymes, car la simple représentation de l'objet les distingue clairement.
Il y a ici une exception à faire. Les objets qui sont du domaine des sens appartiennent quelquefois à diverses classes de choses ; ils sont liés avec chacune de ces classes par différents rapports, et diversement modifiés par chacun de ces rapports ; ils tirent souvent leur nom de ces modifications mêmes. Ainsi la copie faite par un peintre de la tête d'une personne quelconque s'appelle une image et un portrait ; elle est image en tant qu'elle offre la ressemblance de l'original, et portrait en tant qu'elle est peinte ; image peinte. En voyant cette copie, je vois en même temps une image et un portrait ; mais cette vue ne m'apprend rien de ce qui distingue le portrait de l'image ; elle ne me découvre pas leurs caractères particuliers ; il faut donc avoir recours à l'analyse des synonymes.
Ce cas se présente toutes les fois que les mots représentatifs des objets physiques ne les désignent pas d'une manière positive et spéciale.
3° Enfin, les termes techniques ou scientifiques dont la signification propre est fixée dans la science on dans l'art auquel ils appartiennent et hors duquel ils ne se présentent pas ordinairement, ne sauraient être synonymes ; ainsi une houe n'est pas synonyme d'un hoyau, quoiqu'on les confonde souvent, parce qu'en agriculture un hoyau est une houe à deux tranchants.
Il est des mots qui, bien qu'appartenant à une science, se reproduisent fréquemment hors de son domaine, et sont d'un grand usage, soit dans la prose, soit dans la poésie ; sous ce dernier point de vue, on peut, je pense, les considérer comme synonymes, bien qu'ils ne le soient pas dans la science à laquelle ils appartiennent ; ainsi les mots fleuve et rivière ne sont pas synonymes pour un géographe, qui n'appelle fleuve que la rivière qui a son embouchure dans la mer, mais ils peuvent l'être pour le poëte, qui sans doute n'est pas obligé à une exactitude plus minutieuse que celle du Dictionnaire de l'Académie, où l'on ne met entre fleuve et rivière d'autre différence que celle de la grandeur.
Je range dans la classe des termes techniques les noms des jeux, des danses, etc, qui sont distincts par leur nature même, et ne sauraient être confondus par ceux qui les connaissent, quelques rapports qu'ils aient d'ailleurs entre eux. Maintenant que les conditions nécessaires pour rendre des mots vraiment synonymes sont assignées, nous n'aurons plus qu'à voir si elles se trouvent dans ceux qui font l'objet de notre travail : nous connaissons leur sens propre et leurs modifications : la comparaison qui reste à faire est facile et doit avoir pour résultat la détermination des caractères distinctifs de chaque mot.
Pour donner à ce résultat plus d'évidence, il est essentiel de placer les synonymes, chacun d'après son sens particulier, dans des phrases qui fassent ressortir les nuances qui les séparent. J'ai déjà dit qu'il y avait de grands avantages à citer à cet effet les écrivains dont le nom seul est une autorité. Au défaut de citations, des exemples sont nécessaires, mais il faut prendre garde surtout à ne pas choquer l'usage ou la langue, en s'efforçant de les ramener aux distinctions que l'on a établies d'avance.
Comme rien n'est plus propre à répandre du jour sur une théorie que son application, je vais développer ici un synonyme d'après les principes que je viens d'exposer ; et pour ne pas nuire à la simplicité par un trop grand nombre de termes, je me bornerai aux deux mots peuple, nation.
PEUPLE, NATION.
Définitions
Un peuple est une multitude d'hommes, vivant dans le même pays et sous les mêmes lois.
Une nation est une multitude d'hommes, ayant la même origine, vivant dans le même Etat et sous les mêmes lois.
Idée générique commune.
Assemblage d'hommes vivant dans le même pays et sous les mêmes lois.
Idées particulières qui forment la différence.
Peuple vient du latin populus, qui vient lui-même du grec plusieurs, par réduplication popolus, comme on le trouve dans la loi des Douze-Tables, et dans la suite populus. Il rappelle donc essentiellement l'idée de nombre, de multitude.
Nation vient du latin natio (de nascor, natus) naissance, origine ; il rappelle donc d'abord l'idée d'origine commune. Nationem... Cincius genus homimun qui non aliunde venerunt, sed ibi nati sunt, significaree ait : " Cincius dit que nation signifie une race d'hommes qui ne sont pas venus d'ailleurs, mais sont nés dans le pays même. " Vid. S. P. Fest. De Verb. Signif.
Ainsi, être de la même nation ne désignait pas seulement chez les Romains être de la même origine, mais encore être né dans le même lieu. C'est dans ce sens que Cicéron a dit : Societas propior est ejusdem gentis, nationis, linguae ; " une alliance plus intime est celle qui unit les hommes de la même race, de la même nation, parlant la même langue, etc. " Nous avons négligé ce dernier sens, et nous traduisons indifféremment par le mot de nation celui de gens et celui de natio, quoique les Latins fussent loin de les confondre.
De cette diversité d'étymologies proviennent toutes les nuances que l'on peut établir entre peuple et nation. Comme on trouvera dans ce Dictionnaire le synonyme de l'abbé Roubaud sur ce sujet, je ne donnerai ici que peu d'exemples des caractères distinctifs de ces deux mots.
La nation fait corps ; le peuple fait nombre, aussi dit-on les droits des nations, l'émigration des Peuples.
La nation est la masse des citoyens ; le peuple est celle des habitants. De peuple on a fait populace, parce qu'une multitude peut inspirer le mépris ; on ne tirerait pas de nation un mot avilissant, parce qu'une société organisée est toujours respectable.
On se sert du mot peuple lorsqu'on veut porter les idées sur les individus eux-mêmes, leur nombre, etc. C'est ainsi que Racine, en parlant de l'apparition de Dieu sur le mont Sinaï, a dit : Voyez Athalie, acte 1, scène 4.)
Il venait à ce peuple heureux
Ordonner de l'aimer d'une amour éternelle.
Il n'eût pu employer le mot de nation ; tandis que Bossuet, voulant peindre la rapidité de l'existence d'un corps social, a dit " La vie de nations s'écoule comme celle des individus. "
J'aurais pu donner beaucoup d'étendue au développement de cet exemple, en faisant suivre pas à pas l'application de la théorie, mais les lecteurs feront aisément eux-mêmes un travail aussi simple ; je passe aux autres questions que présente mon sujet.
Les philologues se sont demandé souvent s'il pouvait exister des synonymes parfaits. D'après la définition que nous avons adopté du mot synonyme, cette question nous est étrangère, puisque nous avons donné ce nom aux termes qui ont entre eux de grands rapports et des différences légères : ceux-là seulement peuvent faire l'objet de notre étude, puis qu'eux seuls offrent des nuances à assigner ; mais en rendant au mot son acception rigoureuse, l'abbé Girard, Dumarsais et autres, ont répondu qu'il n'y avait point de vrais synonymes, " parce que, dit le dernier, s'il y avait des synonymes parfaits, il y aurait deux langues dans une même langue. Quand on a trouvé le signe exact d'une idée, on n'en cherche pas un autre. " (Voy. Dumarsais, Traité des Tropes, 3e part., art. 12.)
Si la langue s'était formée d'après une délibération réfléchie, une convention reconnue de tous ceux qui devaient la parler, ces philologues affirmeraient avec raison qu'elle ne peut contenir de vrais synonymes ; les inventeurs auraient évité tout double emploi. " Mais la signification des mots, dit Dumarsais lui-même, ne leur a pas été donnée dans une assemblée générale de chaque peuple, dont le résultat ait été signifié à chaque particulier qui est venu au monde. " La langue est un composé des divers langages des hordes éparses qui, dans l'origine, constituaient la nation : ces hordes ayant très-peu de rapports entre elles, les mots n'étaient connus d'abord que dans un cercle fort étroit ; dans un autre cercle on en inventait d'autres pour désigner les mêmes choses, faute de savoir qu'il en existait déjà : il se trouva donc nécessairement, lors de la réunion des hordes et des langages, plusieurs mots représentatifs des mêmes objets, c'est-à-dire parfaitement synonymes. C'est sur les mots représentatifs des objets physiques, des premiers besoins de l'homme, des productions les plus communes de la nature, que cette synonymie dut surtout tomber : aussi a-t-il fallu que les naturalistes créassent une langue scientifique en définissant soigneusement les mots, et qu'ils indiquassent les dénominations synonymes des divers dialectes. La botanique en offre un exemple frappant.
A la vérité, ces mots, par leur nature même, n'ont pour nous aucun intérêt ; mais ils n'en font pas moins partie de la langue, et c'est pour avoir trop généralisé une vérité particulière, pour avoir négligé l'analyse exacte et complète du langage, que nos philologues ont nié l'existence des synonymes parfaits.
Ce qu'on peut dire, c'est qu'à l'époque, où les progrès de la civilisation ont rapproché les peuplades et formé de leurs dialectes particuliers une langue commune, on a dû s'apercevoir de l'inutilité des synonymes, et ne conserver qu'un seul mot pour chaque objet. Plus les langues se sont perfectionnées, plus le double emploi a dû devenir rare, et l'on a raison d'affirmer qu'une langue parfaite n'aurait point de vrais synonymes ; c'est le seul cas où l'on puisse répondre affirmativement ainsi que Dumarsais et l'abbé Girard : mais comme aucune langue ne peut se glorifier d'avoir atteint une perfection qui probablement ne sera jamais que théorique, gardons-nous de croire qu'il ne peut exister des synonymes parfaits : bornons-nous à dire que ceux qui existent n'ont aucun intérêt pour nous, et que ce sont d'ailleurs presque toujours des mots représentatifs d'objets physiques et individuels. Quant aux autres mots qui, dans l'origine, ont pu être vraiment synonymes, l'usage établit graduellement entre eux des nuances qu'il faut saisir, auxquelles on peut même ajouter, et qui deviennent de jour en jour plus nombreuses ou plus frappantes.
Dumarsais lui-même paraît avoir le sentiment de cette vérité, lorsqu'il ajoute : " Les mots anciens et les mots nouveaux d'une langue sont synonymes : maints est synonyme de plusieurs, mais le premier n'est plus en usage. C'est la grande ressemblance de signification qui est cause que l'usage n'a conservé que l'un de ces termes et qu'il a rejeté l'autre comme inutile. " Ce n'est donc qu'en considérant la langue française comme parfaite, comme arrivée à ce point où les langues peuvent mourir, mais ne vieillissent plus, qu'il a pu dire qu'elle ne contenait point de vrais synonymes.
Maintenant, dira-t-on, comment les synonymes (nous revenons au sens que notre définition donne à ce mot) se sont-ils introduits dans la langue ? les causes de leur origine sont si multipliées que je me bornerai à indiquer les principales.
1° La diversité des dialectes. Toutes les peuplades d'une grande nation, presque indépendantes les unes des autres, avaient chacune leur dialecte particulier. Lorsque le dialecte de l'une d'elles a prévalu et est devenu la langue commune, il a été contraint de s'associer en quelque sorte les autres dialectes ; de là une infinité de synonymes qui se sont distingués insensiblement s'ils ne l'étaient pas déjà à cause de la marche différente qu'avaient suivie les diverses peuplades dans la formation des mots.
2° La variété des sources étymologiques. Ce n'est pas du latin seulement que le français dérive ; plusieurs autres langues ont concouru à sa formation ; les Phéniciens et les Grecs, ayant formé des colonies le long des côtes de la mer Méditerranée, y laissèrent des traces de leur langage et de leurs moeurs. Les Francs, lors de leur invasion dans les Gaules, y apportèrent le teutonique, qui s'associa bientôt au gaulois ; on en trouve des exemples dans la préface que Borel a mise en tête de son Dictionnaire du vieux français. Avant les Francs étaient venus les Romains, dont la domination s'était établie dans une partie des Gaules, et dont la langue constituait l'ancien roman qui a servi de base au français actuel. Les irruptions des Anglais en Bretagne, la conquête de l'Angleterre par Guillaume, donnèrent lien à de nouveaux mélanges, et cette multiplicité de langues qui se réunirent pour former le français a été la source d'un grand nombre de synonymes. On en a déjà vu une preuve dans les mots bannir, exiler. Je pourrais en citer beaucoup d'autres ; je me bornerai à une seule, tirée des mots guerrier, belliqueux. Belliqueux a été formé du latin bellum ; guerrier est l'adjectif du substantif guerre, dérivé du vieux mot tiois(3) werra, qui signifiait sédition, guerre intestine, et qui se retrouve dans les Capitulaires de Charles le Chauve (tit. XXIII, chap. xv), ainsi que dans l'Épître de l'empereur Henri. (Voy. les Annales du moine Geoffroy, sur l'an 1195.). C'est originairement le teutonique wahren, garder, garantir ; sich bewahren, se défendre se tenir sur ses gardes, d'où les Anglais ont tiré les mots war, guerre ; to ward, garder, etc. La filiation de ce mot est susceptible de grands développements, mais il me suffit de montrer par cet exemple quelle infinité de synonymes ont dû naître de la variété des langues qui ont concouru à la formation de la nôtre.
3° La facilité que les savants avaient, dans l'origine, pour former de nouveaux mots par des alliances étymologiques souvent obscures et bizarres fût une nouvelle source de synonymes ; elle y contribua encore indirectement en répandant sur le sens propre des mots une détermination que le petit nombre des gens lettrés et des livres était peu propre à dissiper. Nous savons que l'orthographe a demeuré longtemps incertaine ; sous Louis XIV même, la plupart des gens de la cour en ignoraient les règles ; c'est le siècle de Louis XV qui l'a rendue vulgaire, et cependant une incorrection qui blesse à la fois l'oeil et l'entendement devait être, plus facile à écarter que l'indécision du sens des mots, dont l'entendement seul est offensé. Or cette indécision est, comme nous l'avons vu, ce qui s'oppose le plus à la distinction des synonymes.
4° Le passage des mots de leur sens propre à un sens figuré n'a pas peu contribué à augmenter le nombre des synonymes. " Les langues les plus riches, dit Dumarsais, n'ont point un assez grand nombre de mots pour exprimer chaque idée particulière par un terme qui ne soit que le signe propre de cette idée ; ainsi l'on est souvent obligé d'emprunter le mot propre de quelque autre idée qui a le plus de rapport à celle qu'on veut exprimer. " De nouveaux liens de synonymie ont ainsi associé des mots jusque-là éloignés les uns des autres. L'influence de tous les tropes s'est fait plus ou moins sentir : la métaphore, en transportant la signification propre des mots à une signification qui ne peut leur convenir qu'en vertu d'une comparaison que l'esprit a conçue ; la métonymie, en prenant le signe pour le signifié, l'effet pour la cause, le contenant pour le contenu ; la synecdoche, en généralisant ou particularisant le sens propre des mots ; plusieurs autres tropes enfin ont fait naître de nouveaux rapports de synonymie. Aussi c'est par métaphore que le mot lumière, qui ne désignait d'abord que la clarté, le jour, est devenu au pluriel synonyme des mots connaissances, sciences, etc. C'est par synecdoche que l'expression les mortels ,qui comprend à la rigueur tous les animaux sujets à la mort comme nous, est synonyme des expressions les humains, les hommes, etc. La fécondité de cette cause est trop évidente pour qu'il soit nécessaire d'entrer dans de plus longs développements.
5° Les termes, en passant de l'une des parties du discours à une autre, n'ont pas toujours gardé le même sens. Les verbes formés d'un substantif se sont écartés de leur origine ; les adverbes, les adjectifs, ont suivi une marche aussi irrégulière. Voltaire a même remarqué que " les mots en passant du substantif au verbe ont rarement la même signification. " Ainsi le substantif félicité est synonyme de bonheur ; le verbe féliciter, qui en dérive est synonyme de congratuler ; l'adjectif plaisant s'est formé du verbe plaire, et a désigné d'abord ce qui plaît, ce qui charme ; ce sens s'est altéré dans la suite, il est devenu synonyme de comique, facétieux, enfin il a formé lui même le verbe plaisanter, tandis que son contraire déplaisant a gardé sa première signification ; nouvelle source d'une infinité de synonymes.
Telles sont les principales causes qui ont étendu la synonymie des mots ; je n'en indiquerai pas un plus grand nombre : ceux qui s'appliqueront avec soin à cette partie de la grammaire pourront s'occuper à les rechercher ; ils verront bientôt que cette recherche répand un grand jour, non-seulement sur l'histoire des synonymes, mais encore sur celle de la langue, et que cette branche des travaux du philologue, quelque particulière qu'elle paraisse d'abord porte des fruits qui ne sont pas à dédaigner.
Cette utilité gagnera autant en étendue qu'en importance, si l'on considère l'étude des synonymes sous un point de vue plus général : elle exerce la sagacité de l'esprit en l'accoutumant à distinguer ce qu'il serait aisé de confondre ; en déterminant le sens propre des termes, elle prévient les disputes de mots dont une équivoque, un malentendu, sont presque toujours la cause ; elle fixe l'usage dont elle devient le témoin et l'interprète ; elle recueille, pour ainsi dire, les feuilles éparses où sont contenus les oracles de cette impérieuse sibylle ; elle peut même les suppléer en s'aidant des ressources que l'analyse logique et grammaticale lui fournit ; elle fait acquérir au style cette propriété d'expression, cette précision, pierre de touche des grands écrivains ; enfin elle enrichit la langue de tous les termes qu'elle distingue d'une manière positive : ce n'est pas la répétition des mêmes sons, mais celle des mêmes idées qui fatigue le lecteur ; l'esprit se lasse plus aisément que l'oreille ; la preuve en est dans cette répétition infinie des participes, de conjonctions, etc., dont le retour continuel n'est pas pénible à l'entendement, parce qu'elles amènent ou remplacent de nouvelles idées. La variété des idées est donc plus essentielle à la richesse de la langue que celle des sons ; rien ne contribue aussi efficacement à l'augmenter que l'étude des synonymes ; elle rend aux divers mots d'une même famille leur physionomie propre et leur caractère original ; elle sépare, en quelque sorte, les rameaux d'un même tronc ; et l'influence qu'elle exerce sur la clarté des expressions, s'étend aux idées mêmes, qui acquièrent par elle une netteté plus grande.
L'importance de cette étude est donc incontestable : aussi a-t-elle été sentie dans les temps anciens comme de nos jours. Cicéron et Quintilien, peut-être les deux juges les plus compétents que l'antiquité puisse offrir sur cette matière, ont parlé positivement de la nécessité de distinguer les synonymes . " Quamquam, enim vocabula, dit le premier, prope idem valere videantur, tamen, quia res differebant, nomina rerum distare voluerunt. " " Car bien que les mots paraissent avoir à peu près le même sens, il existe toujours entre eux une différence due à celle qui existe entre les objets qu'ils sont destinés à représenter. " (Vid. Cic, Top. c. 8, § 34.) Quintilien dit aussi : Pluribus autem nominibus in eadem, re vulgo ulimur, quae tamen, si deducas, suam propriam quamdam, vim ostendent. (Inst. or. VI, 3, 17.) " Nous nous servons souvent de plusieurs mots pour exprimer la même chose ; mais si vous les analysez avec soin, vous verrez qu'ils ont chacun leur propriété particulière."
Les anciens ont dû par conséquent s'occuper de cette étude ; l'histoire de leurs travaux et de ceux des grammairiens modernes, tant nationaux qu'étrangers, est assez peu connue pour que les lecteurs attentifs y trouvent de l'intérêt : j'entrerai dans quelques détails sur les ouvrages les plus importants par leur réputation ou par leur mérite.
Le plus ancien des auteurs connus sur cette matière est le grammairien Ammonius, qui florissait au commencement (du deuxième siècle de l'ère chrétienne, et qui a écrit en grec un traité sur la différence des mots synonymes, On ne connaissait guère ni l'ouvrage ni l'auteur avant l'édition que le célèbre Valckenaer en donna à Leyde en 1739 ; le nom même d'Ammonius, l'époque où il vivait, le texte de son livre, étaient des sujets de discussion et de doute. Les uns attribuaient ce traité à un certain Herennius Philo, prédécesseur d'Ammonius ; les autres lui donnaient pour auteur un Ammonius plus moderne, dont l'historien Socrate fait mention, et qui se réfugia à Alexandrie, l'an du Christ 389, lorsque l'empereur Théodose fit renverser les temples des idolâtres. Valckenaer, après avoir réfuté ces diverses opinions et solidement établi la sienne, a défendu l'ouvrage même contre Henri Estienne, qui, tout en faisant un appendix à son Trésor de la langue grecque, s'était exprimé défavorablement sur le compte de l'auteur ; il a montré que, précieux par son antiquité et par la nature de son sujet, le livre d'Ammonius avait en outre le mérite de nous conserver plusieurs passages des auteurs anciens, qui seraient perdus sans lui ; enfin, il s'est appuyé de l'autorité de Jos. Scaliger et de Tib. Hemsterhuis, qui nomment Ammonius un des écrivains les plus utiles et des grammairiens les plus savants : scriptorem ultissimum... eruditissimum grammaticum. Valckenaer a ajouté au texte d'Ammonius un commentaire aussi instructif que détaillé.
Nous avons sur la synonymie latine un plus grand nombre d'ouvrages, quoiqu'il ne nous reste des Latins eux-mêmes aucun traité classique, comme l'est, dans la littérature grecque, celui d'Ammonius. On rencontre des synonymes épars dans Cicéron et dans Quintilien, même dans Sénèque. D'Alembert a cité celui d'aegritudo, angor, moeror, luctus, etc., tiré du 4e livre des Tusculanes, ch. vii.
Varron, Festus, Aulu-Gelle, s'étaient occupés de ce genre de recherches ; ceux de leurs écrits qui nous sont parvenus en contiennent des fragments, mais nous ne trouvons des recueils de synonymes que chez les latinistes modernes. En joignant ici la liste des principaux, je ne m'arrêterai qu'à ceux sur lesquels je puis donner quelques détails.
1° De Formulis et solemnibus populi romani Verbis lib. VIII, De Verborum quae ad jus pertinent significatione lib. XIX. Halae, 1731 et 1743. Auctore Barnaba Brissonio. Des Formules et des mots solennels du peuple romain.
Du Sens des Termes de droit. A Halle, 1731 et 1743, par Barnabas Brisson, né en 1531 à Fontenai en Poitou, président du parlement de Paris, et envoyé à Londres sous Henri III. Ces deux ouvrages, quoique spécialement destinés à l'étude du droit, contiennent un grand nombre de synonymes et, sont nécessaires pour l'intelligence des classiques.
2° Auctores linguae latinae in unum redacti corpus, adjectis notis Dionysii Gothofredi, jur. c. sti. Editio postrema, emendatior et nonnullis auctior. Caloniae Allobrogum, 1622, in-4°
Les Grammairiens latins, réunis en un recueil, avec des notes de Denis Godefroy, jurisconsulte. Dernière édition, revue et augmentée. A Genève, 4 622, in-4°.
3° Ausonii Popmae, Frisii, De Differentis verborum libri IV. Item De Usu antiquae locutionis libri II, jam denuo insigniter aucti ab Adam Daniel Richtero. Lipsiae et Dresdae, 1701, in-8°.
Traité des différences qui existent entre les mots, en 4 livres ; Traité des anciennes locutions latines, en 2 livres, réaugmentés par Ad. Dan. Richter. À Leipsick et à Dresde, 1781, in-8°. Ausone Popma, né à Aist, en Frise, d'une famille noble, florissait vers l'an 1610 ; c'était un jurisconsulte distingué. Son ouvrage est devenu classique pour les latinistes modernes.
4° Les Synonymes latins et leurs différentes significations, avec des exemples tirés des meilleurs auteurs, par Gardin-Dumesnil, professeur de rhéthorique en l'université de Paris. A Paris, 1777.
Cet ouvrage, plus répandu que les précédents, est aussi plus spécial et plus complet ; mais l'auteur, qui s'était proposé de faire en latin ce que l'abbé Girard avait fait en français, s'est souvent laissé guider par la synonymie française plutôt que par une pure latinité.
Je passe sous silence plusieurs ouvrages des philologues allemands sur la même matière, tels que celui de Heinrich Braun et autres.
Quelles que soient les recherches des savants sur la synonymie des langues mortes, on devine aisément qu'elles laissent après elles beaucoup d'incertitude et de lacunes. La synonymie des langues modernes peut seule être traitée avec justesse et exactitude ; encore faut-il qu'elle le soit par des écrivains nationaux.
Ce sont les grammairiens français qui ont commencé à s'en occuper mais comme l'analyse de leur travaux est celle à laquelle je donnerai le plus d'étendue, je crois devoir placer d'abord ici quelques renseignements sur les Allemands et les Anglais.
Les premiers sont en grand nombre : le plus complet et le plus récent est J. Aug. Eberhard, professeur à Halle, qui a publié un Dictionnaire critique des Synonymes, précédé d'un Essai sur la théorie de la synonymie allemande. Un étranger peut difficilement juger par lui-même du mérite de cet ouvrage ; mais l'auteur, aussi distingué par sa profondeur philosophique que par la pureté et l'élégance de son style, est mis en Allemagne au nombre de ces écrivains classiques qui ont le mérite d'avoir fixé et même créé la langue : ce titre seul est, pour son Dictionnaire des Synonymes, le plus bel éloge et la plus puissante recommandation. Quant à l'Essai, malgré un peu de prolixité et de diffusion, il contient d'excellentes choses, et j'en ai emprunté presque littéralement tout ce qui m'a paru d'une vérité indépendante des applications particulières ; je dois entre autres à M. Eberhard plusieurs des idées qui concourent à la solution de cette question : Quelles conditions sont nécessaires pour que des mots soient synonymes ? Les Allemands, nation éminemment douée de l'esprit philosophique, se font reconnaître partout à la sagacité et à la profondeur de leurs vues ; ils ont porté spécialement dans leurs recherches philologiques une solidité, une sagesse, une étendue dans les idées, qui font de leurs livres des mines inépuisables ; je n'ai que le regret de n'en avoir pas tiré tout ce qu'ils auraient pu me fournir. Le célèbre Adelung entre autres a écrit sur la théorie des synonymes plusieurs morceaux où l'on retrouve son érudition et son génie.
Stosch, Fischer, Teller, Schlüter, etc., occupent un rang distingué parmi les écrivains de leur nation qui se sont occupés de l'étude des synonymes.
Les Anglais ne semblent pas s'être autant appliqués à ce genre d'étude que les Allemands et les Français : du moins je ne connais sur cette matière, dans leur littérature, que les Essais du docteur Hugh Blair, dans son Cours de rhétorique et de belles-lettres ; la Synonymie anglaise, publiée à Londres par Mrs Piozzi, et un recueil en 12 volumes, intitulé : Synonymes anglais, ou différences entre les mots réputés synonymes dans la langue anglaise, traduit en français en 1803, par M. P. L. Ce dernier ouvrage m'a paru incomplet et souvent inexact : celui de Mrs Piozzi est peu estimé.
Venons-en aux auteurs français, les seuls dont les travaux nous appartiennent en propre et dont nous puissions juger le mérite. L'abbé Girard est le premier qui ait fait des synonymes une étude particulière, quoique avant lui Ménage et le Père Bouhours s'en fussent occupés. Les Observations de l'un sur la langue française, et les Remarques critiques de l'autre, contiennent un grand nombre de synonymes ; mais les changements qu'a subis la langue, les variations qu'a essuyées le sens des mots, rendent la plupart des observations de ces deux savants plus curieuses qu'utiles. Ce qui m'en a le plus frappé, ce qui doit servir de leçon et d'exemple aux grammairiens modernes, c'est la scrupuleuse exactitude avec laquelle Ménage était toujours son opinion de l'autorité des écrivains célèbres de son temps.
" Dès que l'ouvrage de l'abbé Girard parut, dit Beauzée, il fixa l'attention des savants et les suffrages du public. Lamotte jugea d'après cet écrit, et sans en connaître l'auteur, que l'Académie française ne pourrait se dispenser de l'admettre dans son sanctuaire, s'il s'y présentait avec un tel ouvrage. Il subsistera, dit M. de Voltaire, autant que la langue, et il servira même à la faire subsister. "
Je n'ajouterai rien à ces éloges ; je me bornerai à faire observer que l'abbé Girard n'a presque jamais consulté en écrivant que l'usage et sa sagacité naturelle : il a bien connu l'un et a été heureusement servi par l'autre ; mais l'absence de toute étymologie, de toute citation, de toute analyse grammaticale et rigoureuse, prive souvent son ouvrage de ce caractère de solidité si essentiel dans les recherches sur la synonymie des mots, où la finesse peut si aisément séduire, où l'agrément des détails fait oublier tant de fois la faiblesse des raisonnements. L'abbé Girard ne manque ni de sagacité ni de justesse ; il possède surtout le talent d'encadrer les synonymes dans des exemples propres à en faire ressortir les nuances, mais le désir de briller l'engage parfois dans des dissertations sans intérêt et sans but. Plusieurs de ses synonymes servent moins à distinguer les termes qu'à amener des phrases spirituelles : on peut voir entre autres le long synonyme qu'il a fait sur amour et galanterie ; ces deux mots sont trop différents pour avoir besoin d'être distingués, et il a rempli cinq pages de nuances souvent recherchées, et tout au moins déplacées.
C'est là peut-être ce qui rend son ouvrage plus agréable pour les gens du monde qu'utile pour ceux qui étudient l'art d'écrire : il paraît même, d'après la préface, que c'était là le dessein de l'auteur. Malgré ces défauts, ce n'en est pas moins un ouvrage classique, digne, à plusieurs égards, de la réputation qu'il a obtenue et des éloges que Voltaire lui a donnés.
Après Girard, Beauzée s'occupa avec soin de l'étude des synonymes. Logicien plus sûr que son prédécesseur, mais doué de moins de finesse, Beauzée était plus capable de classer dans une grammaire les principes de la langue que d'assigner les nuances distinctives des mots : les synonymes qu'il a ajoutés à ceux de Girard, quoique pleins de solidité et de justesse, ont rarement tout le développement dont ils sont susceptibles. Il ne possède ni la précision nécessaire, ni l'art de choisir ses applications : en revanche. il cite à propos ; et l'usage qu'il fait des classiques anciens et modernes prouve que dans ce genre de recherches, comme partout d'ailleurs, les connaissances positives sont d'un puissant secours.
D'Alembert, Diderot et plusieurs autres, ont parcouru la même carrière avec plus ou moins de succès. Quelque mérite qu'aient leurs travaux, comme ils ne formeraient pas un corps d'ouvrage, je ne fais que les indiquer, afin de donner plus d'étendue à l'analyse de ceux d'un écrivain aussi laborieux que distingué. Je veux parler de l'abbé Roubaud.
Frappé de l'irrégularité de la marche qu'avaient suivie ses prédécesseurs, et de la légèreté avec laquelle ils négligeaient la preuve de leurs assertions, l'abbé Roubaud sentit la nécessité de donner à cette marche moins d'incertitude, à cette épreuve plus de solidité et de développement. " Nos synonymistes, dit-il lui-même, en déployant dans ce travail leur génie et leur sagacité, n'ont presque rien fait pour l'instruction du public et pour les progrès de la langue. Ils ont assigné aux termes synonymes des différences distinctives, mais les ont-ils justifiées? Et pourquoi ne pas les justifier, s'ils avaient des motifs capables de dissiper nos doutes et nos craintes ? Destituées de preuves, leurs décisions ne sont que des opinions qui, par l'autorité seule de ces écrivains, forment bien des préjugés dans mon esprit, mais n'y portent point la lumière… Voilà ce dont j'ai voulu me défendre : au lieu de deviner, j'ai voulu découvrir ; convaincu qu'on ne sait pas la vérité tant qu'on ne se la prouve pas à soi-même, et qu'on croit en vain la tenir, si l'on n'a fait que l'embrasser comme on embrasse si souvent l'erreur, j'ai donc cherché les différences des mots synonymes dans leur valeur matérielle ou dans leurs éléments constitutifs, par l'analyse, par l'étymologie et par les rapports sensibles, tant de son que de sens, qu'ils ont avec des mots de différentes langues. "
Composé d'après cette méthode, l'ouvrage de l'abbé Roubaud doit être considéré sous trois points de vue principaux : 1° l'étymologie ; 2° la classification d'un grand nombre de mots d'après leur terminaison ; 3° synonymie proprement dite.
C'est à ses recherches étymologiques que l'abbé Roubaud paraît avoir mis le plus d'importance ; on peut même dire qu'il leur doit presque entièrement ses succès : son érudition, la nouveauté de l'application qu'il en sut faire, d'heureuses rencontres, ont fait regarder cette partie comme la meilleure, la plus solide de son ouvrage : je ne crains pas de dire que c'est la plus faible, la plus hasardée, et qu'elle aurait obtenu moins d'éloges, si le publie avait été un peut plus familiarisé avec les connaissances philologiques. Élève de Court de Gébelin, l'abbé Roubaud, grand admirateur des idées et des travaux de son maître, avait adopté sa méthode, la plupart de ses principes, et entre autres cette hypothèse, si souvent renouvelée depuis, qui fait du celtique la source de toutes les langues européennes, anciennes ou modernes, et même de plusieurs langues de l'Asie occidentale. C'est là la base, l'âme, pour ainsi dire, de toutes ses recherches étymologiques. Il serait inutile de donner ici à la discussion de ce système un grand développement ; je ne bornerai à quelques observations qui en feront sentir la faiblesse et l'inconséquence.
Rien n'est plus dangereux que de confondre les langues dont la grammaire est entièrement différente : c'est vouloir ôter à la philologie le seul guide sûr qu'elle puisse avoir, c'est éteindre le seul flambeau qui puisse l'éclairer dans sa marche : c'est cependant ce qu'ont fait les partisans de Court de Gébelin, et parmi eux l'abbé Roubaud. Avec de l'adresse, des tours de force et des assertions, on établit un système ; mais si, au lieu de contribuer au progrès de la science, il ne tend qu'à la plonger dans l'incertitude et dans le vague, s'il ne s'appuie que sur des conjectures et sur des suppositions, quelle autorité peut-il avoir aux yeux de ceux qui pensent avec raison que la philologie, comme l'histoire, ne doit avancer qu'à la lumière des faits.
L'erreur de ces étymologistes a sa source dans une méprise de mots. "Les Grecs, dit Schlozer dans son Histoire universelle du Nord, divisaient tout le genre humain en Grecs et Barbares, et ces derniers en quatre grands corps : les Celtes, les Scythes, les Indiens et les Éthiopiens. La Celtique comprenait ainsi toute l'Europe septentrionale et occidentale ; mais il est ridicule de prendre, comme l'avaient déjà fait quelques auteurs anciens, ce nom purement géographique de Celtique pour un nom historique, et d'inventer, d'après cela, les migrations de peuples les plus extraordinaires.... C'est raisonner comme le ferait un Turc (dans la langue, duquel tous les Européens se nomment Francs), qui dirait que, dans le XVIe siècle, les Francs de la race de Clovis ont envoyé des colonies à Sumatra ; dans le XVIIe, aux rives de l'Orénoque, etc. Le fait est que des Francs, c'est-à-dire des Européens, ont fondé ces colonies ; mais ce ne sont pas des Francs de la race de Clovis : c'est là cependant ce qui est arrivé pour la plupart des prétendues colonies celtiques, etc. "
L'histoire des langues a été sujette à la même méprise que celle des faits ; de là tant d'étymologies prétendues, de raisonnements spécieux, "hypothèses hasardées, auxquelles se sont livrés Court de Gébelin et ses sectateurs. Les philologues les plus distingués, tels qu'Adelung, Gaterer, Whiter, etc., ont signalé cet écueil, en rejetant tout ce qui pouvait y conduire. Gaterer, dans sa classification des langues européennes, ne reconnaît que le biscaïen, la langue erse, le finnois et le dialecte de la Bretagne et du pays de Galles, que l'on puisse considérer comme sortant du même tronc. Adelung restreint encore plus les ramifications du celtique. De pareilles autorités sont décisives ; et pour mettre dans une plus grande évidence le peu de solidité du système étymologique de l'abbé Roubaud, je citerai quelques-unes des applications qu'il en a faites.
1° " Adoucir, dit-il, vient du latin edulcare (de dulcis), rendre doux racine celte, dol, tol, qui signifie raboter, aplanir, polir, adoucir. "
Je me contenterai d'opposer à cette prétendue étymologie celle que Vossius, dans son Etymologicon linguae latinae, donne du mot dulcis. " Dulcis, dit-il, vient de delicere, charmer, attirer. On dut dire d'abord delicis, par syncope delcis ; de delcis on fit ensuite dolcis, comme d'hemo on avait fait homo, etc., et enfin dulcis. Ce mot peut venir aussi du grec dont on tira gulcis, par métathèse, et enfin dulcis. "
2° Selon l'abbé Roubaud, le mot garant est le celte ou tudesque wahren, war, garder. " Pourquoi confondre le celte et le tudesque, qui n'ont aucun rapport? le mot wahren est d'origine teutonique ; on, en retrouve la racine dans Otfried, le plus ancien traducteur des Évangiles ; on peut en voir la filiation dans les Racines germaniques de Fulda.
Il serait inutile de relever un plus grand nombre des erreurs où l'abbé Roubaud a été entraîné par son système ; il me suffit d'en avoir fait sentir l'importance. La partie étymologique de son ouvrage est très-souvent fausse ou hypothétique. L'auteur n'est même guère plus heureux lorsqu'il se borne à des origines plus simples et moins reculées ; on sent alors que l'attention particulière qu'il a donnée à tout ce qui pouvait étayer ses idées favorites lui a fait négliger la connaissance positive des autres langues. Ainsi, en faisant venir le latin austerus, du grec qui a le même sens, il donne pour racine de ce dernier mot ster, qui désigne la fermeté, la dureté, etc. ; tandis qu'en consultant Vossius, il eût trouvé que s'est formé d' qui vient d' sicco, je sèche, comme severus s'est formé de saevus, etc. (Voy. encore l'étymologie de populus ;t. III, page 260)
Si j'ai insisté sur cette partie des travaux de notre écrivain, c'est qu'il était d'autant plus important d'en montrer la faiblesse, qu'elle a été louée par beaucoup de gens de lettres, dont les uns partageaient les opinions de l'auteur, tandis que les autres ne les avaient point examinées.
Il est un autre genre d'observations plus claires, plus sûres, qui donnèrent à l'ouvrage de l'abbé Roubaud un intérêt et un mérite, très réels ;.je veux parler de celles qu'il a faites sur la terminaison des mots et les classifications distinctives que l'on en pouvait déduire. J'ai déjà indiqué l'utilité de ce travail : quelques exemples mettront le lecteur à portée d'en juger.
1° Explication des terminaisons substantives ment et ion, (Voy. Synonymes de Roubaud, édition de 1796, t. I, p. 143.)
" La terminaison substantive ment signifie la chose, ce qui fait, la cause, ou ce qui fait qu'une chose est ou est de la sorte ; monument veut dire la chose, le signe qui avertit, ce par quoi on est averti ; Ornement, ce qui orne, ce par quoi on est orné ; instrument, ce qui sert à faire, à former ; raisonnement, le discours qui établit une raison, etc.
La terminaison substantive ion annonce l'action et son effet ou son habitude, l'action qu'on imprime et celle qu'on reçoit, l'actif et le passif ; ainsi, confession c'est l'acte ou l'action de confesser ; destruction, c'est l'action de détruire ; profanation, l'action de profaner, etc.
"En appliquant ce principe aux synonymes assujettissement, sujétion, le mot assujettissement se distingue par un rapport particulier à la cause, à la puissance qui nous assujettit dans un tel état, et celui de sujétion, par un rapport spécial, à l'action, à la gêne, à la soumission dans laquelle nous sommes tenus, etc. "
2° Explication des terminaisons adjectives al, eux, ier., (Voy. Synonymes de Roubaud, même édit., t. III, p. 182).
" La terminaison al indique les appartenances, les dépendances, les circonstances de la chose, comme on le voit dans local, ce qui est propre au lieu ; amical, ce qui est propre à l'amitié ; conjectural, ce qui n'est que conjecture, etc.
" La terminaison eux désigne l'abondance la propriété, la plénitude, la force : ainsi, radieux, abondant en rayons ; vertueux, plein de vertu, etc. (Voyez tome IV, page 16 :)
La terminaison ier indique très-communément l'habitude, le métier même ; comme dans ouvrier, jardinier, cordier, etc.
"Ainsi, l'adjectif matinal signifie ce qui est du matin, propre au matin, comme l'aube matinale, la rosée matinale. Cette épithète est propre aux choses ; les personnes ne sont pas des, constances du matin. Matineux désigne l'acte de se lever de grand matin. Virgile applique à son héros l'épithète de matutinus, matineux.
Nec minus Aeneas se matutinus agebat.
(Aen., lib. VIII, v. 465.)*
Au-devant de ses pas, du lieu de son
repos,
Avec la même ardeur s'avance le héros
(Trad. de Delille)
"Matinier, enfin, exprime, l'habitude de se lever de grand matin. L'homme matinier a l'habitude, fait profession de se lever matin(4), etc. "
L'abbé Roubaud a fait le même travail sur un grand nombre de terminaisons substantives, adjectives et autres : il. serait trop long de développer ici les résultats de ses recherches ; je me contenterai d'en joindre un tableau abrégé aux exemples détaillés que je viens de citer.
TERMINAISONS SUBSTANTIVES.
La terminaison ade désigne l'action de faire telle chose marquée, ou tel genre d'action, ou un concours, un ensemble, une suite d'actions ou de choses d'un tel genre : bravade, l'action de faire le brave ; canonnade, l'action de canonner, etc.
La terminaison oir, ou oire. la destination propre des choses, le lieu disposé, un moyen préparé , pour tel dessein, tel objet : dortoir ; lieu où l'on se retire pour dormir ; observatoire, lieu élevé, pour observe ; mouchoir, linge pour se moucher, etc.
Ex. Promenade. Promenoir. Synon., t. III, p. 612.
La termin. age désigne les actions, les choses d'un tel genre, ou le résultat, le produit de ces actions ou de ces choses, ou leur ensemble, leur tout : ouvrage, l'action faite ou le travail fait : passage, l'action de passer.
La termin. erie désigne un genre ou une espèce particulière de choses, d'action, de destination, ou les choses d'un tel genre, d'une telle espèce. Ainsi nous appelons différentes sortes d'arts, imprimerie, orfèvrerie, etc.
Ex. Lainage. Lainerie. Synon. t. III, p. 9. Voyez aussi t. IV, p. 96 et 97.
La termin. aille. désigne la grandeur, la force, l'assemblage, la multitude, la collection : bataille, grand combat ; volaille, canaille, mots collectifs, etc.
Ex. Mur. Muraille. Synon. t. III, p. 243.
La termin. at désigne 1° un office, consulat ; 2° une personne pourvue d'un office, prélat ; 3° une espèce particulière d'action ou son résultat, attentat, etc.
Exemple : Aérostat. (Voyez t. 1, p. 440, à la note.)
La termin. ée. désigne l'assemblage, la réunion, un corps, armée, réunion de troupes ; nuée, amas de nuages, etc.
Ex. Nom. Renom. Renommée. Synon. t. III p. 291
La termin. ence, ance désigne l'existence, la durée, la possession d'être ; l'état de subsister, du mot ens, être, qui est : espérance, disposition habituelle de l'âme à l'espoir : concurrence, état libre et habituel de concours, etc.
Ex. Contrition. Repentir. Repentance. Remords. Synon., t. 1, p. 381.
La termin. ille désigne la quantité de petites choses d'une même espèce ; charmille, de petits charmes, etc.
Ex. Charmoie. Charmille. Synon., t. 1, p. 319.
La termin. ité, té désigne la qualité, l'état des choses ou des personnes : proximité, état de rapprochement ; habileté, qualité d'un homme habile, etc.
Ex. Connexion. Connexité. Synon., t. 1, p. 368
La termin. oie ; oye ; aie : aye. En matière de plantations, ces terminaisons désignent le lieu, le terrain planté, couvert de telle ou telle espèce d'arbre : saussaye, lieu planté de saules ; cerisaie, lieu planté de cerisiers, etc.
Ex. Charmoie. Charmille. Synon., t. 1, 319.
La termin. ude désigne l'état, la manière propre d'être ; habitude, existence habituelle ; sollicitude, état d'un homme inquiet, etc.
La termin. ure désigne l'effet, le résultat de l'action ou du travail ; créature, effet de la création ; rancissure, effet éprouvé par un corps ranci, etc.
Ex. Rectitude. Droiture. Synon. t. IV, p. 50.
La termin. yau, terminaison diminutive, désigne : noyau, petite noix ; joyau, petit ornement précieux, etc.
Ex. Tube. Tuyau. Synon., t. IV, p. 517.
TERMINAISONS ADJECTIVES
La termin. ain désigne des relations extérieures ou apparentes de lieu, de temps, d'office. Romain, né à Rome ; franciscain, qui est de l'ordre de Saint-François) etc.
La termin. ier désigne la force, la valeur, la puissance, ou l'action de cette puissance, l'habitude, etc.
Ex. Hautain. Altier. Synon., t. II, p. 306.
La termin. al désigne. ce qui concerne ou regarde, ce qui appartient ou convient à moral, ce qui regarde les moeurs, brutal, ce qui convient à une brute, etc.
La termin. ime signifie très, entièrement, parfaitement, à. fond : unanime, ce qui est d'un parfait accord : sublime, fort élevé, etc. (du latin imus).
La termin. ite désigne le participe passé du verbe, ce qui est déjà, ce qui est fait, devenu : maudit, maudite, ce qui est ou a été maudit, etc.
Ex. Légal. Légitime. Licite. Synon. t. III, p. 41.
La termin. ant, ente, terminaison du participe présent, signifie ce qui est actuel, ce qui se fait, ce qui arrive, etc.
La termin. eux désigne la propriété, l'abondance, la plénitude, la force, etc. ;
Ex. Rayonnant. Radieux. Synon. t. IV, p. 14.
La termin. aud désigne la plénitude du défaut, l'excès de grossièreté : badaud, nigaud, rustre, etc.
Ex. Rustaud. Rustre. Synon., t. IV, p. 130.
La termin. if désigne ce qui est, actif, qui fait, qui réduit en acte : oppressif, qui opprime ; négatif, qui nie, etc.
Ex. Oisif. Oiseux. Synon., t. III, p. 381.
La termin. eur désigne celui qui a coutume de faire, qui fait métier ou profession d'une chose : voleur, qui vole ; séducteur, qui séduit, etc.
La termin. ard désigne l'ardeur, la passion immodérée, l'excès : babillard, qui a la fureur du babil ; hagard, tout égaré, etc.
Ex. Patelin. Patelineur. Papelard. Synon., t. III, p. 440.
La termin. oire. désigne la cause, l'efficacité, ce qui fait qu'une chose a tel ou tel effet : illusoire, qui est fait pour faire illusion ; péremptoire, qui décide, etc.
Ex. Manifeste, Notoire. Public. Synon., t. III, p. 141.
TERMINAISON DES VERBES
"En général, les verbes composés tirent leur terminaison de quelque simple, dont ils prennent le sens, tels qu'être, avoir (habere) faire ou agir (facere ou agere), aller (ire), etc. : ainsi, d'être on fait connaître ou être connaissant ; paraître ou être apparent, etc. D'ire, ir, aller, on fait sortir, aller dehors ; secourir, aller au secours, etc. " Cette seule idée peut donner la clef de la composition et du sens d'un grand nombre de verbes. (Voy. Synonymes de Roubaud, t. IV, p. 470.)
TERMINAISONS ADVERBIALES
La term. ment désigne la qualité d'une action prudemment, avec prudence, etc. C'est, selon Court de Gébelin, le vieux mot mant, beaucoup, qui fit l'italien et le provençal manto, l'italien tamento, si grand, et notre mot maint, par lequel nous désignons un grand nombre. (Voy la préface de l'abbé Roubaud, p. 43.) Un grand nombre de ces explications sont hasardées, vagues, particulières, susceptibles d'exceptions nombreuses, mais elles offrent dans leur ensemble un travail utile, dont l'abbé Roubaud doit avoir l'honneur comme il en a le mérite.
J'ai dit que la synonymie proprement dite faisait la troisième partie de son ouvrage ; elle en est peut-être la meilleure. Logicien sûr, habile dialecticien, l'abbé Roubaud n'écrit ni pour plaire ni pour amuser, mais pour trouver la vérité et pour instruire ; il choisit, non les applications les plus propres à le faire briller, mais celles qui présentent les principes avec le plus de clarté et d'évidence ; il ne perd jamais de vue cette analyse rigoureuse qui doit servir de fil conducteur dans la découverte des nuances distinctives du sens des mots ; il sait mettre dans ses dissertations de la variété et de la chaleur ; enfin, on voit en lui un homme nourri de la lecture des classiques anciens et modernes, qui sait puiser chez eux ses exemples, et qui cherche toujours à donner au développement de ses idées un intérêt propre, tiré du sujet même. (Voyez entre autres le développement des synonymes balancer, hésiter, dans les Synonymes de Roubaud, t. 1, p. 216.)
Ces qualités assurent à l'abbé Roubaud un rang distingué parmi ceux qui se sont appliqués à l'étude des synonymes : il est, dans mon opinion, supérieur à tous ses rivaux, quoique son ouvrage ne soit ni aussi agréable à lire, ni aussi facile à juger que celui de l'abbé Girard.
Je terminerai ici cet Essai sur la théorie des synonymes, il aurait été susceptible de plus grands développements, mais j'ai dû me borner aux principes les plus essentiels, et je n'ai eu d'autre ambition que celle d'indiquer la route. En général, on cherche peu, en France, à donner aux études une direction philosophique : les théories générales nous sont peu familières ; on dirait que la contention d'esprit, et l'examen qu'elles nécessitent nous font peur ; elles seules cependant peuvent contenir de grandes vues et des règles positives ; elles seules peuvent mettre de l'ensemble dans nos idées et dans nos opinions ; je vois entre ces théories et les recherches particulières la même différence qu'entre les livres faits pour des hommes et les livres faits pour des enfants ; ceux-ci doivent précéder les autres, ils doivent être placés à l'entrée de notre carrière d'instruction et de travail ; mais ne pas aller au delà, ne pas s'avancer jusqu'aux principes généraux dont ils contiennent l'application, c est perdre le fruit des lumières acquises et des matériaux amassés.
1. Je ne fais ici qu'indiquer l'utilité de ce travail, dont on trouvera plus loin le développement.
2. Voyez le Dictionnaire d'Adelung.
3. On appelle langue tioise celle qui se forma du mélange de l'allemand et du gaulois lors de l'établissement des Francs dans les Gaules : on appelle aussi cette langue theulh-franc ou franc-theulh.
4. matinal aux personnes, et borne celle de matinier à l'expression d'étoile matinière. C'est ainsi du moins que le prononce le Dictionnaire de l'Académie.