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J.-Ch. Th. de Laveaux et la cinquième édition

du Dictionnaire de l’Académie Française1

Jacques-Philippe Saint-Gérand

Université Blaise Pascal

ENS Ulm - Paris

Équipe "Réseaux Savoirs Territoires"

1° Éléments de contextualisation biographique

Jean-Charles Thiébault de Laveaux est né à Troyes le 17 novembre 1749 et meurt à Paris le 15 mars 1827. Humaniste, grammairien et homme de lettres français, Laveaux commença ses études littéraires dans sa ville natale, Troyes, où d’ailleurs il n’obtint pas de très bons résultats, pour les continuer à Clermont de l’Oise et les achever brillamment à Paris.

Son expérience en langue germanique

Laveaux fut tout d’abord professeur de langue française à Bâle, puis il enseigna la littérature française et devint membre de l’Académie Caroline à Stuttgart. Par la suite, Frédéric II, qui appréciait ses talents, le fit venir à Berlin afin de lui confier une chaire à l’université de cette ville. Laveaux qui maîtrisait parfaitement la langue allemande, participa à de grands travaux sur la Monarchie prussienne sous Frédéric-le-Grand, publiés en 1788. Ceci lui conféra le titre honorifique d’historien du grand roi.

L’engagement révolutionnaire

Après la mort de ce prince, au moment où éclate la révolution française, Laveaux regagna la France et s’établit à Strasbourg afin de ne pas rester étranger à ces grands événements auxquels il croyait. Le libraire Jean-Georges Treuttel (1744-1826) lui confia alors la direction du journal politique et littéraire Le Courrier de Strasbourg (1791-1792). Mais, ses opinions politiques très marquées l’obligèrent à quitter l’Alsace. Laveaux, jacobin enragé, clamait en effet son mépris envers l’église et le clergé, ce qui lui valut de nombreux ennemis. Il s’établit alors à Paris en 1792. Après le 10 août de cette même année, l’Assemblée législative le nomma membre du tribunal instauré le 17 août, pour juger ceux qui avaient pris la défense du roi. Son attitude, en cette occasion, fut dénuée de tout excès. Pendant la terreur, il devint rédacteur en chef du Journal de la Montagne (1793-1796). Ses articles, témoignant fortement de son ardeur politique, lui coûtèrent de nombreuses dénonciations, incarcérations et libérations. Mais, commencèrent à l’époque quelques insinuations relatives à la clarté de son engagement. Laveaux fut alors suspecté d’être une sorte d’agent double au service de la monarchie déchue. Soupçonné, désappointé et déçu par la politique, il renonça au rôle de journaliste et revint alors à ses goûts littéraires, en traduisant notamment des ouvrages allemands.

Un grammairien lexicographe

Laveaux fut successivement professeur des langues anciennes, chef de bureau à la préfecture de la Seine sous le consulat et inspecteur général des prisons et hospices de ce département sous l’Empire. Et il se fit connaître par une édition remaniée d’Acad-5 Ac qui se proposait d’en augmenter la nomenclature de 20 000 mots, et qui suscita un interminable procès ainsi que d'interminables discussions. Dès cette époque Laveaux rassembla les matériaux de son futur Dictionnaire de la langue française, édité après vingt années de travail. Ses différents postes lui laissèrent le temps de coordonner ses travaux et de les publier. A la seconde restauration, il fut destitué et il mourut à Paris à l’âge de 78 ans.

C’est en tant que grammairien et lexicographe que Laveaux se fit connaître. Son premier ouvrage fut donc la publication d'une nouvelle version d’Acad5-Ac, en 1802, sur laquelle je souhaite m’arrêter aujourd’hui. Suivit le Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales et littéraires de la langue française, publié à Paris en 1818, (troisième édition par Marty-Laveaux, 1844, in-8°), qui est une compilation des articles les plus représentatifs des volumes Littérature, Langue, Rhétorique de l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke. Puis vint un Nouveau Dictionnaire de la langue française, où l’on trouve tous les mots de la langue usuelle, les étymologies, l’explication détaillée des synonymes, etc., publié à Paris en 1820 (in-4°; seconde édition, Paris 1828, deux volumes, in-4°), qui donne l’occasion à Laveaux de juger sévèrement celui de l’Académie Française, trop préoccupée, selon lui, d’inventer des phrases, plutôt que de citer des exemples empruntés aux auteurs reconnus. Pourtant, le Dictionnaire de Laveaux mentionne peu d’écrivains et ne prend absolument pas en compte le XIXe siècle. Mais, par l’exactitude et la rigueur de ses définitions, par son armature méthodologique, si je puis dire, le dictionnaire de Laveaux est à l’origine des dictionnaires modernes.

On lui doit aussi un Dictionnaire synonymique de la langue française (Paris 1826, deux tomes ou un volume, in-8°). Cet intitulé lui semble plus approprié que celui de « Dictionnaire des synonymes » puisque ce dernier ne regroupe pas vraiment des mots synonymes, qui n’existent pas, mais des mots dont les sens présentent des ressemblances partielles. De plus, l’édition de 1802 du Dictionnaire de l’Académie française, augmenté de plus de vingt mille mots, fut rééditée à Paris en 1842.

Laveaux est également l’auteur de nombreux autres ouvrages, dont la liste ci-après donne une idée de la variété :

Le Maître de langues ou Remarques sur quelques ouvrages français écrits en Allemagne, Berlin 1783, Leipzig 1786, in-8° ;

Tableaux philosophiques, historiques et moraux, première partie, Berlin 1783, in-12° ;

Cours théorique et pratique de langue et littérature françaises, ouvrage entrepris par l’ordre du roi de Prusse, Berlin 1784, in-8° ;

Dictionnaire français-allemand et allemand-français, 1784-1785, deux volumes, in-8° ;

Les vrais Principes de la Langue Française, oder neue franz. Grammatik, Berlin 1785, in-8° ;

Leçons méthodiques de Langue Française pour les Allemands, Stuttgard 1787, 1789, in-8° et Tubingue 1790, in-8° ;

Vie de Frédéric II, roi de Prusse, Strasbourg 1788, sept volumes, in-12° ou in-8° ;

Frédéric II, Voltaire, J-J Rousseau, d’Alembert et l’Académie de Berlin vengés du secrétaire particulier de cette académie, Paris 1789, in-8° ;

Histoire de Pierre III, empereur de Russie, trouvée dans les papiers de Louis-Victoire-Lux de Montmorin (1762-1792), Paris 1799, trois volumes, in-8° ;

Nouveau Dictionnaire Français-Allemand et Allemand-Français, Paris 1803, deux volumes, in-4°.

Laveaux a par ailleurs traduit du latin l’Éloge de la folie, d’Erasme (1782, in-8°) et de l’allemand Muserion, ou le Philosophe des Grâces, de Wieland (1784, in-8°). Indéniablement, une personnalité dont l’œuvre « linguistique » mériterait d’être plus attentivement étudiée.

2° L’Imbroglio juridique de la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie : 1798 et 1802 ?

On sait que — compte tenu des conditions historiques — la cinquième édition d’Acad. fut particulièrement controversée. Après les travaux anciens d’A. Gazier, un article de J.-P. Seguin a fait le point sur cette question, et a bien montré qu’en dépit du besoin exprimé dans le discours préliminaire le résultat du travail lexicographique est rien moins que révolutionnaire. Je ne reviendrai aujourd’hui sur cette conclusion que de manière incidente ou latérale car mon propos est un peu différent. A cet égard, malgré bien des travaux dignes d’intérêt, l’histoire structurelle d’Acad. reste à écrire et devrait tenir compte d’une analyse spectrale qui prenne en considération toute la complexité de l’historicité de cet objet.

N’envisageant en effet les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie française que comme les occurrences diverses, en différents temps historiques d’un même objet, et incluant sciemment dans ces éditions les contrefaçons et retirages du prototype, je me place d’emblée dans une perspective structurelle plus complexe que celle qui consiste à mettre en regard les unes des autres des éditions et les conditions de leur rédaction. Dans ce cas, l’histoire externe assure un rôle déterminant, et l’historien peut être tenté d’en faire le principe essentiel de la causalité ; il y a là ce que l’on peut appeler l’historialité du dictionnaire, son contexte historique le plus général. En revanche, dans le cas où je me situe ici, les données sont différentes, puisque l’on passe d’une extériorité à une intériorité de l’objet, qui, non seulement s’accorde parfaitement à la représentation d’Acad. comme étant à la fois le même et l’autre, le même et les autres, mais qui spécifie aussi son historicité, son appartenance à l’épistémè de son époque. Et, du même coup, on se trouve immédiatement dans un rapport différent à l’objet. Je m’explique.

Il est loisible d’envisager Acad5-Ac comme le successeur, qu’il est au reste, de Acad4 (1762). J.-P. Seguin a démontré tout ce que cette édition révolutionnaire devait à l’édition des Lumières (1762)… En comparant terme à terme les deux objets, on met en miroir une édition, historiquement déterminée, et sa représentation ultérieure, ou son image, sous une autre lumière de l’histoire. Comme le dictionnaire est avant tout un ensemble de dictions, de choses dites, et que l’Académie française a pour principe de ne donner que des exemples, jamais des citations attestées, cette comparaison historiale ne permet de dégager que des faits de discours, si je puis dire, assez superficiels en eux-mêmes puisqu’ils ne peuvent justifier que le discours du dictionnairiste, sa vision et ses jugements des pratiques de l’époque. Or, il est évident que pour bien des raisons l’on ne pratique pas la langue française en 1798 comme on la pratiquait en 1762. Le célèbre et provocant Foutre du Père Duchêne n’avait aucune raison d’être dans la bouche des usagers du français académique de l’époque.

Mais il est également loisible d’envisager Acad5-Ac (1798) comme une reconfiguration historique d’un prototype du dictionnaire de l’Académie française dont Acad1 (1694) a été la première occurrence, suivie de plusieurs autres, tant officielles qu’officieuses et contrefaites. Dans ce cadre, Acad5-La trouve sa place et dans la série officielle et dans la série des publications parallèles, qui, on le sait, se sont multipliées au XVIIIe siècle, à la suite de l’abandon — en 1777 — du privilège royal d’imprimer dévolu aux Académiciens et à leur imprimeur. L’ouvrage étant dès lors tombé en quelque sorte dans le domaine public, et la Révolution ayant de plus aboli tous les privilèges de quelque ordre qu’ils soient, le Dictionnaire de l'Académie française. était bien devenu désormais la propriété de tous et, notamment de la Nation.

Acad5-Ac (1798) et Acad5-La (1802) se trouvent dès lors intégrés à une série, dont l’historicité de chacun des éléments, dans un laps de temps très limité, à peine 40 ans, fait tout l’intérêt, et dont je donne ci-dessous un extrait d’après les exemplaires conservés à la Bibliothèque de l’Institut de France :

1771, Vocabulaire françois ou Abrégé du Dictionnaire de l’Académie françoise, auquel on a ajouté une nomenclature géographique fort étendue (par Jean Goulin), Paris, Regnard Demonville, Cote 8° 0160 / Usuel D.

1778, Nismes, Pierre Beaume, Cote 4° 051 A** / Usuel D

1786/87, Nismes, Pierre Beaume, Cote 4° 051 A* [Non en usuel]

1789, Paris, Servière, Cote 4° 051B / Usuel D. Utilise encore systématiquement les S longues… Publié sur deux colonnes seul

1793, Lyon, Delamollière, Cote 4° 051B** / Usuel D

5e éd. officielle : 1798.

Et autour de cette édition:

2 vol. in 4°. Cote 4° 051C / Usuel D ; daté An VI de la République.

4 vol. en 2 tomes in folio. Cote F° 057C / Usuel D. Daté : An VII de la République. Exemplaire interfolié, même pagination, et exactement même texte. Seule change en page de titre la marque de l’imprimeur [voir photocopies]

1801 : Morellet : Du projet annoncé par l’Institut national de continuer …. , Paris, Migneret, Denné, Henrichs, Cote HR6*, t. 32, n° 7

1801 : Rapport fait à l’Institut par Andrieux, Paris, Baudouin, an IX, cote 4° AA 33, t. 18, n°39.

1802 : Prospectus de l’édition procurée par Laveaux, Cote HR 13* n° 1

1802 : Laveaux, Paris, Moutardier et Le Clere, Cote 4° 051 D / Usuel D

1807 : Morellet : Observations sur un ouvrage anonyme (**** = Gabriel Feydel), Paris, Cote HR25*, n° 5.

On connaît les aléas de la gestation et de la confection de cette cinquième édition, et la consultation des Registres de l’Académie française fait clairement apparaître les différentes étapes de ce processus d’autant plus embrouillé que le corps même des Académiciens est clivé, à cette époque, entre ceux qui récusent les idées révolutionnaires : André Morellet (1723-1799), Jean-François Marmontel (1723-1799), l’abbé Gabriel Henri Gaillard (1727-1806), Jean-Baptiste Antoine Suard (1732-1817), Jacques Delille (1738-1813), Jean-François, marquis de Saint-Lambert (1716-1803), FélixVicq d’Azyr (1748-1794), et ceux qui ont embrassé les thèses de la Révolution : Jean-François de La Harpe (1739-1803), Jean-François Ducis (1733-1816), Michel-Jean Sedaine (1719-1797), Sébastien-Roch nicolas, dit Chamfort (1741-1794), Jean-Antoine de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794), Nicolas Beauzée (1717-1789), Jean-Sylvain Bailly (1736-1793) :

III, 386 : Projet d'un nouveau Dictionnaire sur un plan proposé par Voltaire le 7 mai 1778. L’ouvrage contiendrait « l’étimologie reconnue de chaque mot et quelquefois l’étimologie probable ; la conjugaison des verbes peu en usage ; les diverses acceptions de chaque terme avec les exemples tirés des auteurs les plus approuvés ; toutes les expressions pittoresques et énergiques de Montagne, d’Amiot, de Charron, etc., qu’il est à souhaiter qu’on fasse revivre, et dont nos voisins se sont saisis ; […] ce seroit à la fois une grammaire, une rhétorique, une poëtique, sans l’ambition d’y prétendre. » [Registres de l'Académie françoise, 1791-1800, p. 39]

IV, 196-198 : Un exemplaire du Dictionnaire, chargé de notes marginales et interlinéaires, est préparé pour une cinquième édition [id. p. 39]

IV, 227, 235-237 : Ordre de Romme, président du comité d'instruction publique de remettre au comité cet exemplaire bien que l'impression soit commencée. [id. p. 39-40]

IV, 228 : Décret de la convention chargeant les libraires Smits, Maradan et Cie, de le publier après son entier achèvement. [id. p. 40]

IV, 237, 238 : Un prospectus est lancé en nivôse an X, qui annonce l'apparition de l'ouvrage pour la fin de pluviôse; il paraît bientôt après sous ce titre : Dictionnaire de l'Académie françoise. Nouvelle édition augmentée de plus de vingt mille articles.

IV, 239 : Cet ouvrage donne lieu à un long procès entre ses éditeurs.

IV, 240 : Mémoires et factums contradictoires imprimés à cette occasion.

IV, 240 : Liste de ceux que possèdent les archives de l'Académie.

IV, 240-244 : L'exemplaire avec notes manuscrites remis à Smits est réclamé au ministre de l'Intérieur par les membres de l'Institut national.

IV, 242-243. Les archives de l'Académie rentrent en possession de cet ouvrage, le 9 germinal an XI.

On connaît également les circonstances du débat juridique qui s’est installé dans une période de flou réel : l’institution académique a souffert du laps qui sépare sa suppression, le 8 août 1793, de son rétablissement dans ses droits, le 25 octobre 1795 comme Institut de France des Sciences et des Arts, et, à l’issue d’un processus complexe, de la publication de sa 5e édition en 1798, qu’on lui reprochait de ne point faire paraître.

André Morellet, Dominique-Joseph Garat (1749-1833), l’abbé Simon-Jérôme Bourlet de Vauxcelles (1734-1802) et le citoyen Nicolas-Joseph Sélis (1737-1802) durent en conséquence travailler ferme entre le 8 septembre 1793, jour où Morellet répond à la demande de restitution à la Convention du travail de l’Académie, que lui avait adressée Romme, et cette échéance de 1798. Le travail des Académiciens, qui était fait de corrections manuscrites sur Acad 4 (1762), avait dû être détourné et caché, au motif que ces corrections étant désormais propriété du peuple, il était donc illicite que les anciens membres de l’Académie en détinssent toujours le matériel. Les Idéologues soutenaient majoritairement la position de la Convention, et Domergue, dans le fameux Prospectus des Amateurs de la Langue française, écrivait sans sourciller :

« Abolissons les ordres, fondons la République des lettres, et que dans notre société des amateurs de la langue, tous soient égaux en droits : l’homme, la femme ; l’académicien, le simple littérateur : l’habitant de la capitale, celui des départements : le correspondant français, le correspondant étranger » (Domergue, Prospectus, 1791, p. 4)

La haine de Napoléon, pour les Idéologues, fit que la deuxième classe de l’Institut, qui était la leur, fut supprimée, et qu’une nouvelle Commission du Dictionnaire fut mise en place le 30 janvier 1805, avec Morellet, Sicard, Boufflers, Arnault et Suard. C’est là l’historialité dans laquelle Acad5-Ac et Acad5-La trouvent leur place au sein de la série qui va de 1694 à nos jours, en passant notamment par 1762 et 1835, dont nous faisons ici les termes extrêmes de notre petite enquête.

Mais, aux yeux des survivants de l’Académie et de leurs imprimeurs, Acad5-La était une contrefaçon, une imposture, un vol. On sait quels débats s’ensuivirent et la teneur des propos de la plaidoirie de l’avocat Gaspar-Gilbert Delamalle (1752-1834) défendant les intérêts de Laveaux, Moutardier et Leclère.

Le Tribunal de première instance ayant jugé antérieurement que le dictionnaire était

une propriété commune à tous les citoyens individuellement, et que tous pouvaient l'imprimer, comme tous peuvent puiser de l'eau à une fontaine publique, comme tous peuvent aller et venir sur un grand chemin, (Procès verbaux de l'Académie française, 1803, p. 9)

tandis que le Tribunal criminel

[...] a reconnu, au contraire, que ce Dictionnaire était une propriété nationale, appartenant à la Nation, prise collectivement, (id.)

la défense de Delamalle repose dès lors sur l'observation de cinq espèces de différences dans l’ouvrage de Laveaux : 1° dans le plan ; 2° dans l'orthographe ; 3° dans l'espèce de la matière ; 4° dans la quantité de matière ; 5° dans la rédaction. On entre ici dans le domaine de l’historicité du dictionnaire, ou plutôt des historicités spécifiques de chacune des éditions connues de cet ouvrage, y compris les contrefaçons.

D'après un rédacteur du Publiciste,

l'édition donnée par Smits (Acad 5 Ac) contient le fond de l'ancien Dictionnaire de l'Académie françoise, avec des additions, des corrections et des changemens faits par l'Académie elle-même. C'est un perfectionnement réel d'un ouvrage nécessaire. (Le Publiciste, ou Nouvelles politiques nationales et étrangères, 15 novembre 1798, f° 7 v°)

Il n’est pas difficile alors pour Delamalle de défendre la thèse selon laquelle l'édition Moutardier est composée de trois parties, dont la dernière constitue un enrichissement supplémentaire destiné à alimenter le bien public : 1° le fonds de l'édition de 1762; 2° les additions et changements faits par l'Académie, et publiés par Smits; 3° quelques changements et augmentations de Laveaux [restitution d'une partie des mauvaises définitions, expressions ou locutions vicieuses ou vieillies, « termes d'art et de sciences qui n'entrent point dans la langue usuelle" que l'Académie avait supprimées]. Je cite, ci-dessous, quelques extraits de cette plaidoirie :

En 1741, l'Académie françoise donna sa troisième édition. Celle de 1762 fut la dernière. Peu de temps après, intervint la loi qui fixa, sous l'ancien ordre de choses, le dernier état de la législation, sur le droit d'imprimer, publier et vendre les ouvrages. C'est celle de 1777. […]

Cette loi restreignoit le droit des auteurs, leur propriété, et l'usage, pour eux, du droit d'imprimer, publier et vendre; et ce fut le premier pas qu'on fit pour limiter la propriété individuelle des auteurs en faveur du public : au lieu qu'avant cette loi de 1777, les auteurs et leurs héritiers avoient la propriété de leurs ouvrages à perpétuité, pour les imprimer, publier et vendre comme il leur plaisoit. Cette loi de 1777 ne les a maintenus dans ce droit qu'autant qu'ils l'exerceroient personnellement et pour leur compte. Mais, dans le cas où les auteurs céderoient leur droit à des imprimeurs, alors ces imprimeurs n'en pourroient user que pendant la vie des auteurs; et après la vie des auteurs, jamais leur privilège ne pourroit s'étendre au delà de dix années, terme que la loi mettoit à toute espèce de privilège. […]

Il est à remarquer que l'Académie françoise remercia le roi de ce qu'il venoit de faire pour l'intérêt public, en restreignant ainsi la propriété pour le progrès des sciences, des arts et de la littérature. […]

L'Académie françoise n'obtint plus de privilège, à partir de 1750, pour son Dictionnaire spécialement. […]

On vous a parlé d'un dernier privilège de 1775. Cette question des privilèges, je le répète, est parfaitement indifférente à la cause, puisque tous privilèges sont maintenant abolis, et que, ne le fussent-ils pas, celui de 1775, accordé pour vingt années, seroit aujourd'hui plus qu'expiré. Mais la vérité est que le privilège de 1775, dont on parle, fut celui qu'on accordoit, et qui fut alors renouvelé, pour les ouvrages particuliers des académiciens, et non point pour le Dictionaire, dont ce privilège ne parle pas. C'étoit un privilège qu'on donnoit à tous les membres de l'Académie collectivement, pour leurs ouvrages personnels. […]

Alors, Magistrats, on vit paroître beaucoup d'éditions du Dictionnaire même de l'Académie françoise. A Avignon, en 1764; à Lyon, en 1772; une autre à Nîmes, en 1778. On vous a dit que toutes ces éditions étoient faites en fraude, que c'étoient autant de contrefaçons, qu'il y eut des réclamations, et que si ces éditions subsistèrent dans la librairie, c'est qu'il y avoit eu transaction avec l'imprimeur de l'Académie. […]

Tout porte à croire que ces prétendues transactions, dont on ne voit aucunes traces, n'ont jamais existé; mais leur existence fût-elle prouvée, seroit encore très-indifférente à la cause. (Plaidoyer de G. G. Delamalle, in Essai d'institutions oratoires à l'usage de ceux qui se destinent au barreau, Paris, Delaunay, 1822, t. II, pp. 11-13)

Delamalle développe à la suite une argumentation visant à montrer qu'il n'y a point de relation nécessaire entre cette propriété prétendue et les privilèges des imprimeurs. Il rappelle alors l'épisode des scellés, puis la divulgation au public des notes et additions marginales du Dictionnaire de 1762, dont purent être faites de nombreuses copies avant que le décret [de 1795] n'attribue l'édition et l'impression de l'objet à Jean-Joseph Smits (1756-1807) et Claude-François Maradan (1741-1803).

Le citoyen Laveaux s'est présenté aux libraires Moutardier et Leclere, le citoyen Laveaux, que vous avez entendu traiter avec tant de mépris, et je puis dire avec tant d'insulte, comme un homme indigne de figurer parmi les gens de lettres. […]

Qu'a donc fait le citoyen Laveaux dans cette cause? Il a fait un meilleur dictionnaire que celui de Smits et Maradan. Et ce n'est pas sa première oeuvre en ce genre. Le citoyen Laveaux s'est occupé, toute sa vie, de ce genre de travail : il avoit déjà donné un dictionnaire françois et allemand, qui a eu cinq éditions."

[id., p. 24]

En procédant de la sorte, Delamalle réinstaure non seulement Laveaux dans les droits du citoyen, ce qui est conforme à son éthique politique, si l’on peut dire, mais il lui reconnaît aussi une ambition supérieure qui, au nom de la contemporanéité, cette qualité dont le XIXe siècle va faire valeur et vertu, devrait le décharger de toute accusation de plagiat ou de contrefaçon :

Le citoyen Laveaux, comme beaucoup d'autres, [...] avoit lui-même conçu la pensée d'une nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie françoise. Il avait lui-même pris copie des fameuses notes marginales, lorsque le décret parut, et que l'entreprise de Smits et Maradan fut autorisée. Le citoyen Laveaux, croyant que le but de leur entreprise alloit être rempli à la satisfaction du public, abandonna son projet; mais quand cette oeuvre parut, et quand elle fut connue; quand l'opinion publique s fut prononcée; quand il fut constant que ce Dictionnaire ne pouvoit remplir son objet, le citoyen Laveaux reprit son premier dessein, ne voyant rien dans la loi, qui le lui interdît : il y vit, au contraire, l'autorisation la plus complète et la plus illimitée.

Il fit donc sa proposition aux libraires Moutardier et Leclere. Elle fut acceptée; elle le fut sans mystère, et à la connoissance de tout le monde. L'entreprise se poursuivit; elle fut mise à fin, et on publia, en l'an 9, [...]

"Le Dictionnaire de Moutardier et Leclere a été acheté par les étrangers; il y a pris une telle valeur, qu'en Angleterre il se vend cinq guinées, ce livre qui se donne ci pour 30 francs. [id., p. 28]

et Delamalle de souligner qu'à l'heure "où l'Institut s'occupe d'un nouveau dictionnaire, celui-ci est sous les yeux des membres de l'Institut, qui ne dédaignent point d'en faire usage pour leur travail." [p. 28]

Ainsi, ces conditions définissent l’historialité dans laquelle s’inscrivent Acad5-Ac et Acad5-La, mais ne rendent pas exactement compte de l’historicité de ces deux objets, puisque le premier fait référence à Acad4-1762, tandis que le second, quoiqu’il n’écarte point la référence à cette édition, préfère ricocher sur le projet de Voltaire de 1778 et intégrer à sa composition

les mots et locutions adoptées depuis la dernière édition de 1762 ; l’explication des termes et des expressions synonymes ; les termes des sciences, des arts et des métiers, et particulièrement ceux de la nouvelle nomenclature chimique », en tout plus de vingt mille articles. (Prospectus de l'édition de 1802)

On voit par la se développer une ambition qui se confirme dans la largeur de distribution de l’ouvrage, qui, peut-être, choqua le sens de l’équilibre des Académiciens, car, manifestement, là, le seul territoire français ne suffit plus :

A Amsterdam, chez Dufour.

A Avignon, chez Chambeau et compagnie.

A Basle, chez Decker;

A Bordeaux, chez Bergeret.

A Bayonne, chez Gosse.

A Berlin, chez Delagarde, Voss, père et fils.

A Bruxelles, chez Lecharlier.

A Dijon, chez Coquet.

A Gènes, chez Fantin, Gravier, et compagnie;

A Genève, chez Paschoud.

A Leipsig, chez Voss et compagnie.

A Lille, chez Lefort, Vanakere.

A Lisbonne, chez Borel Borel, et compagnie.

A Livourne, chez J. H. Gamba.

A Londres, chez Deboffe

A Lyon, chez Bruyset aîné et compagnie.

A Orléans, chez Berthevin.

A Perpignan, chez Alzine.

A Poitiers, chez Guilleminet.

A Rennes, chez Mlle Marion-Vatard.

A Rouen, chez les frères Vallée.

A St-Omer, chez Huguet.

A Strasbourg, chez Koenig, Levrault, frères.

A Toulouse, chez Vitrac, Bellegangue.

A Verdun, chez Fourault.

A Versailles, chez Blaizot, Leblanc.

On voit assez clairement par là se mettre en place une stratégie externe de diffusion qui n’a de véritable chance de réussir que si l’objet qu’elle veut promouvoir recèle pour sa part une caractéristique différentielle, innovante, ou positivement discriminante, comme on dit aujourd’hui.

3° Le Dictionnaire de 1802 : péritextes et intentions

Offrir au public, dans ces conditions historiales, un ouvrage différent de l’édition révolutionnaire si controversée en 1798, implique de trouver des arguments justificatifs dirimants d’Acad5-Ac, et non contestables. Sans que l’on puisse véritablement prouver aujourd’hui, en l’état des recherches, que le citoyen de 1801 avait déjà en projet son Nouveau Dictionnaire de la langue française de 1820, il est certain, toutefois, que son ambition était non seulement d’enrichir l’édition standard d’un certain nombre de mots nouveaux issus de la révolution — jusque là, rien de bien neuf : les listes circulaient déjà, et Claude-Marie Gattel (1743-1812), en 1811, poursuivra l’exercice ! — et d’expurger de l’édition d’Acad4 (1762), un certain nombre de mots obsolètes ou obsolescents2, mais de proposer aussi une extension de la nomenclature académique par l’inclusion de terme et de définitions relevant d’une toute autre conception de l’art lexicographique, et, à l’instar de Boiste, prenant en considération une dimension universelle qui déplace les limites du dictionnaire de langue au sens strict du terme. Dans l’adresse qu’il rédige pour les Sociétaires de la Caisse d’Escompte du commerce (23 Germinal an X) qui furent ses premiers souscripteurs, Laveaux écrit :

Nous avons cru devoir rendre un service important aux Sciences et aux Arts, en donnant cette nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie françoise, augmentée de tous les termes qui leur sont consacrés. Sans votre secours, nous n'aurions jamais pu faire une entreprise aussi considérable. C'est donc à vous, en grande partie, qu'elle doit sa naissance et son exécution. (Acad5-La, Adresse...)

En incluant dans son propos les sciences et les arts, Laveaux se place d’emblée sous l’égide de l’Encyclopédie, qu’il réduit cependant immédiatement à n’être qu’une source terminologique, puisque des planches et l’illustration des notices ne sauraient à cette époque être envisagées dans un dictionnaire mettant la langue au centre de sa description.

Avec les instruments d’analyse qui sont les nôtres aujourd’hui, sans ana- ou parachronisme, il est alors possible de mieux comprendre la portée de la révision qu’opère Laveaux.

Il ne s’agit pas simplement là d’un complément, d’une compilation additive ou de correctifs. En évoquant dans son discours préliminaire l’ombre de Voltaire, en invoquant également le projet qu’il avait eu de refonder l’entreprise dictionnairique des académiciens et de refondre son objet en y incluant une triple dimension historique, littéraire et grammaticale, Laveaux dépasse la simple historialité des faits et entrevoit les conditions d’une réflexion sur l’historicité des différentes éditions de ce dictionnaire, puisque ce sont alors les cadres épistémologiques de la pensée du lexique d’une langue qui se trouvent ici remis en question.

Certes, Laveaux n’emploie pas cette terminologie, il n’est pas même certain qu’il soit totalement conscient des présupposés de sa réflexion, des implicites de son travail et des impliqués de sa démarche, car il use d’une stratégie générale qui consiste essentiellement à dire qu’il est en cette occurrence, et n’a voulu être, que le continuateur du travail des Académiciens et le correcteur attentif de certains des dévoiements de la pensée et de l’expression auxquels ont donné lieu les événements de l’histoire. Ainsi, tout rugueux que soit au fond son discours, il présente une surface relativement lisse, soutenue par une rédaction de style policé… Je cite ci-dessous quelques fragments de cet important document :

La révolution changea la face des choses. Dans ses commotions fréquentes et diverses, elle fit subir au langage des variations analogues à la nature des causes qui produisoient ces commotions, et au caractère des hommes dominans. [...]

[…] au moment où le bouleversement étoit le plus complet; dans un temps où la France, entièrement arrachée à l'ancien régime, ignoroit encore celui auquel il seroit possible de la fixer; dans un temps où il n'y avoit ni constitution, ni institutions, ni gouvernement, on vit la Convention nationale ordonner la réimpression du Dictionnaire de l'Académie, avec des notes marginales et interlinéaires, dont étoit chargé un exemplaire déposé à la bibliothèque de son comité d'instruction publique.

Quoique le décret qui ordonnoit cette impression n'annonçât point que ces notes fussent l'ouvrage de l'Académie françoise, on avoit lieu de le présumer; et l'on s'attendoit à voir paroître le dictionnaire historique, littéraire et grammatical dont Voltaire avoit formé le plan, et auquel on savoit que l'Académie avoit travaillé plusieurs années avant sa suppression.

Cet ouvrage parut trois ans après, sous le titre de Dictionnaire de l'Académie françoise, revu, corrigé et augmenté par l'Académie elle-même; cinquième édition. Mais, au lieu de ce qu'on avoit attendu, on ne vit paroître que l'ancien Dictionnaire de l'Académie, avec tous les articles qui supposoient l'existence des anciennes institutions, mutilé par des suppressions nombreuses (*), défiguré par une multitude d'additions barbares, obscènes, ou absolument étrangères à la langue (*).

Donner un ouvrage de cette nature pour une nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie, revu, corrigé et augmenté par l'Académie elle-même, c'étoit dénaturer l'ouvrage de cette compagnie, c'étoit tromper le public, et le priver de ce Dictionnaire si utile et si précieux encore, en y mêlant tant de matières impures.

Mais l'artifice étoit trop grossier. La loi même qui ordonnoit l'impression de cet ouvrage, suffisoit pour démentir le titre. Cette loi porte, que l'exemplaire du dictionnaire de l'Académie françoise, chargé de notes marginales, sera rendu public par les libraires Smits, Maradan et compagnie, et que lesdits libraires prendront avec des gens de lettres de leur choix, les arrangemens nécessaires pour que le travail soit CONTINUÉ et ACHEVÉ sans délai.

En supposant que ces notes marginales fussent réellement l'ouvrage de l'Académie, il restera toujours incontestable, que ces notes n'étoient qu'un commencement d'ouvrage; que cet ouvrage avoit besoin d'être continué et achevé; et que cette continuation n'ayant pu être faite par l'Académie qui n'existoit plus depuis plusieurs années, le Dictionnaire publié par Smits n'est point une cinquième édition du Dictionnaire de l'Académie, revu et corrigé par l'Académie elle-même, mais le Dictionnaire de l'Académie dans lequel des gens de lettres, du choix des libraires Smits et Maradan, ont mêlé des additions de leur façon, sans prendre la peine de les distinguer du travail des Académiciens. On peut juger combien ce travail étoit avancé, par l'époque où parut ce Dictionnaire. Malgré l'ordre de la Convention de le publier sans délai, il ne fut publié que plus de trois ans après. […]

Avec tous les talens possibles, on ne pouvoit pas, dans les circonstances où ce Dictionnaire a été composé, le rendre d'une utilité générale. Alors les anciennes institutions étoient détruites, et rien de stable n'avoit encore été mis à leur place. Il falloit donc, ou présenter les anciennes institutions comme existantes, ce qui étoit faux; ou supposer que les nouvelles étoient définitives, ce qui ne l'étoit pas moins.

Les éditeurs ont pris le premier parti; de sorte que ce Dictionnaire, qui étoit déjà vieux du temps du Directoire exécutif, est moins utile aujourd'hui, sous ce rapport, que ceux qui ont paru il y a un siècle.  (Acad5-La, Discours préliminaire p. v-vi)

C’est ainsi un défaut essentiel d’historialité qui périme sans délai, aux yeux de Laveaux, l’édition d’Acad5-Ac. Sur la base de ce constat, et, prenant acte de ce que le siècle venait de passer, de ce que l’on était bien entré dans le XIXe siècle, le premier siècle à prendre conscience de lui-même comme entité et à se nommer comme tel dès le début, Laveaux peut alors développer un raisonnement selon lequel la langue doit en quelque sorte «encompasser», comme disent nos amis anglais, toute l’étendue du monde pratique spéculatif, tous les savoirs, toutes les connaissances. Nous sommes là désormais dans un projet à dimension universelle :

Nous avons cru que le moment étoit venu de donner une nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie françoise.

Un nouveau siècle commence; il sera pour les arts utiles, ce que le siècle de Louis XIV fut pour les beaux arts, la littérature et le goût.  Les préjugés, livrés à eux-mêmes, se dissipent de jour en jour; la justice et la raison rallient tous les esprits; les vrais principes sociaux sont généralement reconnus, leur développement s'opère de plus en plus; la paix doit nous rattacher à tous les peuples du monde; le commerce, les manufactures, les métiers, le perfectionnement des sciences et des arts utiles, sont devenus l'espoir, l'ambition et la gloire de tous. La France, qui ouvrit jadis à l'Europe la carrière de la belle littérature, va lui frayer aujourd'hui celle de la vraie gloire dans tous les genres. La langue commune n'aura bientôt plus d'autres bornes, que celle de toutes les sciences et de tous les arts.

C'est dans ce moment favorable, que l'on peut avec confiance fixer dans un Dictionnaire, les expressions analogues aux idées nouvelles qui ont acquis un degré suffisant de stabilité; c'est dans ce moment que l'on peut rectifier les explications anciennes, rassembler d'avance et expliquer tous les termes vers la connoissance desquels la nation se porte avec ardeur, excitée par ses nouvelles passions, ses nouveaux goûts, ses nouveaux besoins. [....] (Acad5-La, Discours préliminaire, p. vj)

Il y a ainsi dans l’ambition de Laveaux le désir de restituer au peuple et à la nation le trésor de son lexique. Ce trésor que lui avaient confisqué des Académiciens trop peu soucieux d’attester par des noms le génie de la langue et perpétuant le mythe ancien d’une langue immanente sur laquelle l’ordre et la raison divine pèsent de tout leur poids pour en empêcher les évolutions. On voit par là que l’historialité des faits pris en compte par le lexicographe conduit peu à peu ce dernier à envisager l’historicité des productions issues de son art, puisque chaque édition d’un même ouvrage, chaque ouvrage nouveau, s’inscrit différemment dans l’épistémologie consciente et réfléchie ou intuitive et spontanée de son époque :

Nous osons nous flatter que nous offrons aujourd'hui au public le dictionnaire de la langue françoise le plus exact et le plus complet qui ait paru jusqu'à présent; le seul qui donne une idée juste des institutions anciennes et nouvelles; le seul qui contienne les termes de la nouvelle langue politique, administrative, militaire, scientifique. Il sera d'une grande utilité pour les personnes de toutes les classes qui veulent s'instruire, dans quelque partie que ce soit; et l'on ne sera plus obligé d'avoir recours à une trentaine de dictionnaires différens, pour comprendre les termes de sciences, d'arts, de commerce, de manufactures, etc., que l'on rencontre aujourd'hui à chaque instant dans les actes du gouvernement, dans les papiers publics, dans les ouvrages nouveaux sur l'administration et l'économie publique. Les littérateurs étrangers qui voudront faire passer dans leur langue les bons ouvrages de la nôtre, y trouveront, pour la partie technique, des secours qui leur avoient manqué jusqu'à présent; et les François qui désirent seulement prendre une connoissance superficielle de toutes les choses qui peuvent faire aujourd'hui l'objet des entretiens des hommes instruits, ne seront plus rebutés par la difficulté de connoître la valeur des termes techniques, ou celle de savoir où ils doivent la chercher.

En un mot c'est le Dictionnaire de l'Académie Française que nous rendons au public, avec des corrections et des augmentations faites, non par l'Académie elle-même, mais par tous les bons auteurs qui ont écrit depuis la dernière édition; par les auteurs du Dictionnaire encyclopédique; par des membres distingués de l'Académie des sciences, de celle des Inscriptions et Belles Lettres; par des membres de l'Institut national; par tous le hommes de génie qui, de nos jours, ont perfectionné et complété la nomenclature des sciences, des arts et des métiers. (Acad5-La, Discours préliminaire, p. vij)

C’est ainsi que l’on passe de définitions telle que :

ABLE ou ABLETTE. s. m. Petit poisson plat & mince, qui a le dos vert & le ventre blanc. [Acad4, 1762, Acad5-Ac, p. 5 c]

à

Able ou ablette. S. m. Petit poisson de rivière, dont l'écaille fournit l'essence d'Orient, pour les fausses perles. [Acad5-La, p. 5 c]

qui fait bien apparaître que l’on est entré dans un autre ordre de la société et un autre type d’économie industrielle. Cela ne signifie pas pour autant que Laveaux est en mesure de statuer sur chaque cas avec ce même sens de l’adaptation aux conditions du progrès des temps modernes ; les termes relevant du domaine politique le prouvent, comme je le montrerai plus loin. Il y eut, certes, un Laveaux jacobin enragé, dont on devine le lexique, mais, devant les méfaits de la révolution et leurs terribles conséquences individuelles — on y faisait l’expérience nouvelle que le dire était porteur d’un faire — le sens des Lumières qui caractérisait le lexicographe dut très vite souffrir de cette exacerbation irréfléchie des passions. L’individu et le lexicographe étant intimement liés dans un identique penser du monde, nous sommes là dans la zone d’interférence de l’historialité des faits qui assaillent le premier et de l’historicité des données que produit le second.

Conclusions et perspectives : l’exemple de 1802.

Ce premier parcours effectué sur des textes jusqu’à présent peu étudiés, si rapide a-t-il été, permet néanmoins — me semble-t-il — de :

Rappeler l’importance de Laveaux comme lexicographe, non seulement dans Acad5-La, mais aussi dans le Nouveau dictionnaire de la langue française (1820)

Montrer sur des exemples précis combien historialité et historicité se trouvent mêlées dans les travaux de lexicographie.

Souligner le fait que des analyses textuelles précises, formelles et fonctionnelles, omises ici pour des raisons d’espace, peuvent contribuer à reconstruire le sens historique d’une partie du lexique impliquant une idéologie particulière, variant selon les époques.

Enfin, ce parcours comparatif offre l’avantage de mettre en lumière le fait simple mais difficile à formuler selon lequel les mouvements de pensées que l’on a trop tendance à vouloir identifier à des individus retenus dans les filets de l’histoire, trouvent souvent leur voix la plus forte, celle qui leur assure pérénité, dans les colonnes de dictionnaires plus ou moins anonymés par l’usage et souvent bien oubliés…

5 Bibliographie

5.1 Sources primaires : Dictionnaires

Dictionnaire de l'Académie française (41762), Paris : chez la Vve Brunet.

Dictionnaire de l'Académie française (5 1798), Paris : Smits.

Dictionnaire de l'Académie française (51802), Paris : Moutardier, Le Clere, Germinal an X.

Dictionnaire de l'Académie française (61835), Paris : Firmin-Didot.

Laveaux, Jean-Charles Thiébault de (1818) : Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales et littéraires de la langue française, Paris : Lefèvre.

Laveaux, Jean-Charles Thiébault de (1818) : Nouveau Dictionnaire de la langue française, où l'on trouve : 1. le recueil de tous les mots de la langue usuelle, dont un grand nombre ne se trouve point dans les autres dictionnaires, avec leurs définitions et des exemples propres à en indiquer l'usage et la construction; 2. les étymologies nécessaires pour l'intelligence de ces mots, tirées des langues anciennes ou étrangères; 3. un grand nombre d'acceptions non-indiquées ni définies jusqu'à présent, justifiées par des passages d'auteurs classiques et auxquelles ces passages servent en même tems de fondement et d'exemples; 4. l'explication détaillée des synonymes; 5. des remarques sur la prononciation et l'orthographe lorsqu'elles s'écartent des règles générales; 6. la solution des principales difficultés grammaticales; 7. les noms des outils et instrumens des arts et des sciences avec les définitions ou les descriptions des objets qui sont soumis aux procédés des uns et aux spéculations des autres; 8. la critique de plusieurs mots recueillis ou insérés mal à propos dans quelques dictionnaires modernes, 2 volumes in-4°, Paris : Deterville et Lefèvre éd.

Laveaux, Jean-Charles Thiébault de (1826) : Dictionnaire synonymique de la langue française, 2 volumes, Paris : A. Thoisnier-Desplaces.

5.2 Sources bibliographiques

Brekle, Herbert E. / Dobnig-Jülch, Edeltraud, Holler, Hans-Jürgen / Weiß, Helmut (éds.) (1997) : Bio-bibliographisches Handbuch zur Sprachwissenschaft des 18. Jahrhunderts. Die Grammatiker, Lexikographen und Sprachtheoretiker des deutschprachigen Raums mit Beschreibungen ihrer Werke, vol. 5, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, pp. 296-307.

Dantès, A. (pseud.) (1875) : Dictionnaire biographique et bibliographique, méthodique et alphabétique des hommes les plus remarquables dans les Lettres, les Sciences et les Arts, chez tous les peuples, à toutes les époques, Paris : Aug. Boyer et Cie.

Dezobry, Louis-Charles (1798-1871), et Bachelet Jean-Louis-Théodore (1820-1879) (1869) : Dictionnaire général de biographie, etc., deux tomes, cinquième édition, Paris : Dezobry, E., Magdeleine et Cie.

Hoefer, Jean-Chrétien-Ferdinand (1811-1878) (1852-1856) : Nouvelle biographie générale etc., quarante-six tomes, Paris : Firmin-Didot.

Quemada, Bernard (1968) : Les Dictionnaires du français moderne, Paris : Didier.

Seguin, Jean-Pierre (1978) : « Lexicographie et conformisme en 1798 » in La Licorne, Publication de la Faculté des Lettres et des Langues de l’Université de Poitiers, 1978/2, pp. 85-106.

Sitzmann, Édouard, Frère : Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, etc., deux tomes, 1909-1910, Matzenheim, Imprimerie Sutter.

Socard, Émile (1882, rééd. 1984) : Biographie des personnages de Troyes et du département de l’Aube, rééd. Lyon, éd. du Bastion

ANNEXE 1

ACAD 5 Ac:

MOTS ENTRANTS

ab irato

ab ovo

abdominal

abduction

abecquer

abracadabra

abstergent

abstractivement

acataleptique

accapareur

accense

accentuation

accessoirement

acclimater

accointer

accordable

accouple

accrochement

accumulateur

acens

acerbité

acéride

acescence

acescent

achéron

achromatique

achronique

aciduler

acierie

aclimater

acquêter

acrimonieux

adatis

ademption

adéquat

adjudicatif

admoniteur

adoucissant

aduler

adultération

adultérer

adverbialité

aériforme

aérographie

aérologie

aéromancie

aérostat

aérostatique

aétite

affabulation

afférent

affettuoso

affluent

affréteur

agasillis

agenouilloir

agglomération

agglomérer

agglutinant

agglutination

agglutiner

agricole

agriculteur

agronome

agronomie

agrouper

aiguillade

aiguiller

aiguisement

aimant

airer

ajonc

ajoutage

aldée

alênier

algalie

alganon

alibiforain

allantoïde

allouable

alpha

althaea

amades

ambe

ambiant

amovibilité

amphigouri

amphigourique

amplissime

amputer

amygdaloïde

anagrammatiser

anagrammatiste

analiser

analyser

anarchiste

anastomoser

androïde

anecdotier

ânée

animé

anisette

annotateur

annulaire

annulation

antécesseur

anthologie

anthropomorphisme

antipestilentiel

antisciens

antiscorbutique

antiseptique

antivénérien

antivermineux

antropologie

apercevance

aphonie

apitoyer

apoco

apollon

apparat

appointé

apprébender

appréciatif

apprehensif

approximer

arabique

arable

arachnéosites

aratoire

arbitration

arborisé

architectonique

architectonographe

architectonographie

aréostatique

aréostyle

aréotectonique

arêtier

argenture

argoter

argutie

aristotélicien

aristotélisme

arlequin

arlequinade

armeline

armoriste

aromatisation

arraisonner

arrérager

arrhement

arrière-garant

arrière-gout

arrière-pensée

arrière-voussure

arrivage

arrobe

arrosage

arrugie

arrumage

arrumeur

artériole

artillé

artisoné

assainir

assentiment

assentir

assermenter

assignable

assommoir

asticoter

astral

astronomiquement

astucieux

atrabile

atrocement

atropos

attachant

attaquable

attiseur

attrapette

autocratie

autocrator

avant-scène

avant-toit

avarié

avelanède

avénage

avilissant

axonge

bacalas

baccifére

bachelette

bagace

bajoire

baladinage

balancier

balandre

baleiné

balèvre

baliseur

ballonnier

ballottes

balustrer

balzane

bandagiste

bannissable

baragouinage

barbaresque

barbéier

barbifier

barboteuse

barcarolle

bardache

baret

baronnage

baronnet

baser

basses-voiles

bastionné

batave

batrachite

battée

baumier

bavardage

bavocher

bavure

bégueulerie

béguinage

bêlant

bellissime

benjamin

béquillard

bergère

bergerette

berlingue

bernique

besogner

bestiasse

biaisement

bibliophile

bibliotaphe

bière

billeter

billonnement

binage

biser

biser

bivaquer

blanchet

blanchissant

blêchir

blette

bobiner

boisage

boissellerie

bonbonnière

bonification

bostrychite

botal

bouchoir

bougonner

bouiller

boulaie

bouliche

bouliner

boulingue

boulinier

bouloir

bouquinerie

bourder

bourdeur

bourdonnet

boursouflage

boursouflure

bousculer

boutiquier

brachygraphe

brachygraphie

braisier

braisière

brandonner

brassiage

bravo

bredi

breloquet

bretauder

breuiller

brife

brigandeau

brillamment

brindille

briscambille

brise-glace

brise-raison

brise-scellé

brisque

brocheur

brou

brouillement

broutant

brumeux

brunissure

bucéphale

buffletin

buissonneux

burat

buratine

burèles

buret

busart

bustrophe

butée

cabanon

cacaoyère

cachectique

cacis

cadogan

cafarderie

cafetier

cagouille

cahotant

calaison

calambour

calcédoineux

calembour

calembredaine

calliope

campanille

canari

candi

cannaie

cantonnement

capitaliste

captateur

captation

capturer

capucin

capucinade

capucinière

caquetage

caracterisme

carence

caret

carmeline

carné

carnification

carnivore

carotique

carrossée

cartame

cartonnier

cartouche

carybde

casseau

castoreum

castrat

cataclysme

catalectes

catalectique

catarrhal

causalité

cautérétique

cavecé

cédrie

celtique

cémenter

cent-suisse

centumviral

centumvirat

centupler

cerbère

cercler

cérès

cerinthée

cessible

chalcographie

chaldaïque

chambellage

chamoiserie

chamoiseur

champagne

champarter

champarteur

champeaux

charade

charcuterie

charrier

charroyer

chartreuse

chasse-mouche

chatoyant

chaulage

chaumage

chaussage

chauveté

chavirer

cheik

chérissable

chersonèse

chevaleresque

chilifère

chinois

chirologie

chloris

cholagogue

cholidoque

chorège

circompolaire

cisalpin

civilisation

classer

claude

clifoire

clincaille

clio

cliver

clochement

cloque

co-tuteur

coaction

coagulum

coaliser (se)

coalition

cocasse

cochenillage

cocheniller

cocyte

codétenteur

coemption

coercible

coexistence

coexister

cohérent

cohober

coïncident

collaborateur

collataire

colleur

colliquatif

comblement

comestible

commanditaire

commensalite

commercial

compagnonage

complaisamment

complétement

comptabilité

conchoïde

conclusif

concorder

conditionner

conduction

confédératif

confidentiel

confidentiellement

configurer

confluent

congruité

conservatoire

conservatoire

considérant

considerément

consolatif

consolidant

conspirant

constitutionnel

constructeur

contemporanéité

conteste

continence

contracte

contre-approches

contre-bouter

contre-enquête

contre-indication

contre-marée

contre-mineur

contre-murer

contre-porte

contre-ruse

contrefacteur

contrefaiseur

conventionnel

conventionnellement

converger

cooptation

coopter

copule

coquerico

corbillat

coriacée

cornac

corneur

corporation

corrégidor

corroboration

costal

costumer

couci-couci

coulée

couleuvreau

coursière

coutier

couturé

couvain

couvet

cramponnet

craquerie

craquetement

crayonneur

crayonneux

créditer

credo

crenelage

crèpe

creusement

crinier

crique

crisper

crisser

criterium

croisement

croiseur

croissant

croît

croque-note

croupé

croûtier

culbutis

cultivable

cumulativement

cuticule

cuveau

cuveler

cyclamen

cynisme

cynosure

cyprine

czarienne

daine

dalot

damasquinerie

damasquineur

dandinement

datisme

déalbation

débâclage

débagouleur

débarras

débarrassement

débaucheur

déblatérer

débloquer

débusquement

débutant

décalquer

décaper

décemviral

décevable

déchaumer

déchirage

décintrement

déconstruire

découvreur

décupler

déduit

défalcation

défausser

défavorablement

défendable

défoncement

dégénération

dégoter

dégraissage

déguignoner

déharnachement

délétère

délibérant

délivreur

démagogie

démanchement

démarcation

démissionnaire

dénantir

dénombrer

dépenaillement

dépilatif

dépister

déployement

déprédateur

déprévenir

dépuratif

dépuratoire

déraisonnable

déroidir

désapprobateur

désapprobation

désastreusement

désemballage

désembarrassé

désespérant

désheurer

déshonorable

désignatif

désinfecter

desinfection

désintéressément

désobligeance

désobstructif

désobstruer

désorganisation

désossement

dessertir

desservant

destructibilité

détacher

détalage

déterminant

détoner

détors

détranger

deutéro-canonique

dévastateur

dévier

diabétique

dialogique

dialogiste

diaphanéité

diatoniquement

dichorée

dictamen

diéser

diétine

digité

dilatable

diluvien

discordance

discrédité

disculpation

disgracieusement

dispensaire

dispondée

disséminer

dissident

dissolutif

distendre

distillatoire

distillerie

distributivement

dit

divinatoire

doctrinal

doigter

donne

doser

dotation

doucettement

dragonnade

dramatiste

dubitatif

dubitation

dulcification

dupeur

dupondius

ébéner

ébénisterie

ébrouement

écartement

échalassement

échangeable

écharner

écharnoir

écharnure

échauffant

éclairage

éclectisme

éclosion

éclusier

écofrai

écorchée

écoupe

écraigne

écrénage

écréner

écrénoir

écrille

écrivailleur

écroues

écussonnoir

effiloquer

effluence

effluent

égouttoir

égueulement

élaboration

élaborer

élagage

élagueur

électromètre

éliminer

embâtonner

embauchage

embouer

émétiser

émettre

émigrant

émigration

émigrer

emmannequiner

emmotté

émotter

empailleur

empanner

empâtement

empilement

empyreumatique

énarrhement

enchanteler

enclitique

enclumeau

encyclique

encyclopédiste

endiabler

engeancer

engraissement

engravement

enherber

enivrant

enlier

énouer

ente

entraînement

entre-bailler

entre-côte

entre-luire

entreposer

énumératif

énumérer

envahissement

enverger

envoûter

éolien

éparpillement

épellation

épichérème

épicurisme

épilatoire

épizootie

épizootique

épluchoir

escarpement

espionnage

esquicher

essette

estamet

estimatif

estompe

estrapontin

étamage

étameur

étaminier

étésien

étêtement

étisie

étoiler

étonnamment

étriqué

eulogies

euphémisme

euphonique

évasement

évasif

éventuellement

exaspération

exaspérer

excise

exécrer

exécutif

exiguïté

exotérique

expansibilité

expansif

expatriation

expertise

exploitation

exporter

exsuccion

extensibilité

extractif

extradition

faucillon

faux-fuyant

fécondant

fécondation

feuilletage

feutrage

figuriste

filoche

florales

floraux

fluctueux

fluviatile

folié

folliculaire

fonctionnaire

fondoir

forgeable

formicant

formier

forniquer

forte-piano

fossoyage

fouille-merde

fourmiller

foutelaie

frappant

frayant

frelaterie

frugivore

fumiger

gâchette

gage-mort

galantin

galbanum

garbure

garde-robe

garigue

gars

gasconner

gastroraphie

gâte-enfant

gâte-pâte

gazeux

généralisation

germanique

germanisme

gerzeau

giboyeux

glaçant

glairer

glaiseux

glissement

gloriole

glouglouter

gnostiques

gobe-mouches

goguenarderie

gommier

gorgone

gour

goureur

graillement

grainier

graissage

grammatiste

gréement

grenadin

grianneau

gribouillage

griset

grisoller

grognard

grondement

grouillement

gueulard

guide-âne

guilleri

guimbarde

gustatif

gustation

haleur

haquetier

haras

harmoniste

harpeau

hastaire

hélicon

hélose

helvétique

hémi

heptameron

herborisé

herboriseur

hilarité

hippocrène

hom

hostile

houpper

hourailler

houraillis

houssiner

hydrodynamique

hydroscope

hydroscopie

illisible

ilote

imbécilement

imberbe

imbibition

imbroglio

imitatif

immangeable

imperméabilité

imperméable

imposable

imprévoyance

imprévoyant

improbateur

improbité

improvisateur

improviser

impudeur

inaccordable

inactif

inactivité

inaliénabilité

inamovibilité

inamovible

inaperçu

inaugural

incandescence

incandescent

incarcération

incarcerer

inceste

inchoatif

incidentaire

incise

incivilisé

incoercible

incohérence

incohérent

inconstitutionnel

incorrect

incroyablement

inculture

incuriosité

indébrouillable

indemne

indicateur

indicule

indigoterie

indiscernable

indisputable

indolemment

indulgemment

inélégamment

inélégance

inélégant

inerte

inérudit

inétendu

inexécutable

inexercé

infanticide

infélicité

infibulation

infibuler

infime

inflammabilité

inflictif

influencer

inguérissable

inhabileté

inhabitude

inhospitalier

inlisible

innavigable

innombrablement

inoccupé

inodore

inquiétant

insaisissable

insalubre

insalubrité

insciemment

insignifiance

insignifiant

insipidement

insolubilité

insouciance

insouciant

insoumis

inspecter

inspirateur

instantanéité

instillation

instructeur

insubordination

insubordonné

intact

intellection

intense

intension

intensivement

intervertissement

intraduisible

invaincu

invendable

invendu

investigateur

investigation

invraisemblable

invraisemblance

invulnérabilite

ionien

irrécusable

irréductibilité

irréfléchi

irrésistibilité

irrigation

irritabilité

irritable

jambé

jaunissant

jonglerie

juda

justifiable

juteux

lainer

lancinant

lapidifier

laquéaire

laqueton

larenier

latéralement

layeur

légatoire

lentilleux

lésinerie

levretté

libelliste

libera

licet

lieur

lignette

limonière

liquidateur

lisérage

liséré

littéralité

liturgique

liure

localité

logeur

logiquement

longévité

loquacité

loquèle

lors

loto

loupeux

lourdeur

lucifer

luthérien

madone

magnats

majorat

maki

mal-en-point

mal-être

malagme

malapre

malart

malefaim

maleheure (à la)

malemort

malerage

malfaisance

malhabilement

malvoulu

mantille

maritorne

marli

marquant

martelet

martinet

massacreur

massivement

matutinal

mécroire

mélopée

memento

meneau

méphitique

méphitisme

mercantile

merdaille

messer

métaphysiquer

méticuleux

métrique

métromane

mezzo-termine

miasmes

miaulant

micrographie

mignotise

mijoter

minéraliser

minéralogique

minime

ministériellement

miraculé

mirliflore

miscibilité

mobiliaire

modalité

moderner

moduler

moelleusement

moinaille

molinisme

momentanément

monarchiquement

moniteur

monocle

monseigneuriser

morbidesse

mordicus

mordienne

mordiller

mordoré

morillon

morillons

morne

morosité

mort-gage

morte-saison

mosaïque

mouflé

moulinier

moyer

muscadier

musclé

musico

mutisme

myrtiforme

mystificateur

mystification

mystifier

nabab

nababie

nasalement

nasarder

nasillonner

natation

nationalement

naturalibus

naville

négligement

négrier

néographe

néographisme

nerval

neutraliser

nichoir

nitrière

nivet

noctambulisme

noliser

nominaux

nonuple

nonupler

normand

nourrissage

nuageux

nubilité

nutation

obédienciel

objurgation

obligeance

oblitérer

obrepticement

obséquieux

observable

obusier

occase

octaétéride

octavon

octupler

oculus mundi

odalisque

odontoïde

oedipe

officiel

officiellement

olibrius

olinder

olindeur

onagre

onagre

onctueusement

ondulatoire

onduler

ontologie

originalement

ostensiblement

ostensoir

outrecuidant

pacant

paillon

paléographie

palper

pancratiale

pancréatique

panification

panneauter

pansage

pantois

pantomètre

papas

papelardise

paperassier

parachevement

paralyser

paraphraseur

paresser

parfilage

parfiler

parfondre

parlage

paronomase

passagèrement

passe-cheval

passe-debout

pate-pelu

patineur

pâtissoire

patriotiquement

patronal

patrouiller

pauvresse

pavement

peccata

peinturage

peinturer

peintureur

pelucher

pensionnat

percée

percepteur

perceptibilité

perdable

pérégrinité

perfectibilité

perfectible

perforer

pergonte

perméabilité

perméable

permesse

persévéramment

peseur

petase

pétéchial

pétrifiant

philippique

phrasier

physico-mathématique

physiologique

physiologiste

piano-forte

pinde

pionner

placement

platatim

platée

platement

platonicien

plausibilité

pleurant

pleure-misère

pleurnicher

pleutre

plongeant

poétesse

poilu

polichinelle

pompier

pomponner

pondeuse

pontuseau

pope

population

populeux

porte-aiguille

porte-drapeau

porte-malheur

porte-respect

portechoux

postère

pouah

poudingue

pouf

poulevrin

pourboire

pourfendeur

pourvoirie

pratiquement

précenteur

préceptoral

préceptorat

préchantre

préétablir

prélasser (se)

préliminairement

prélire

prépondérance

présentable

prêtraille

prime-sautier

primicériat

primordialement

princerie

probabilisme

procure

proéminence

proéminent

progressivement

prolongement

prominence

prominent

prominer

proportionnalité

prosélytisme

provisorerie

punique

pupille

puritanisme

purulence

putasserie

pyramider

qu'en-dira-t-on

quarteron

quartzeux

quasi

quaternaire

quaterne

quenouillée

queussi-queumi

quintupler

raccroc

raccrocheuse

racornissement

rader

ragrandir

rancio

rapprendre

rapsode

raréfiant

rarissime

rassemblement

ratiner

raton

ravigote

réagir

réalistes

reblanchir

recepée

réclinant

recompter

reconduite

réconfortation

réconstruction

reconstruire

recopier

recorriger

recouvrir

recréér

recrépir

recroître

recruteur

rectoral

redorer

refermer

reformer

réfracter

refrapper

régalade

régénérateur

réglémentaire

regratterie

réguline

réintégration

relaver

releveur

relire

relouer

remarier

remblayer

remeubler

remiser

remous

rempailler

rempailleur

remployer

rencogner

renfoncer

reniflement

reniflerie

renseigner

reparler

reparoître

repeindre

répétailler

replacer

reporter

repoussant

répressif

réprimable

reproductibilité

reproductible

reproduire

reprouver

répugnant

répulluler

résonnance

respirable

responsabilité

responsif

ressaigner

ressaisir

ressemer

réticulé

retouche

rétraction

retroussement

révéremment

revoici

révoltant

ribambelle

ribauderie

rioteur

ritualiste

rivaliser

rixe

robustement

romanesquement

romantique

rondelettes

rondiner

ronflant

ronge

rossignoler

rossinante

rotonde

rouc

roucouer

roudou

rouge-queue

rouleur

rouleuse

rouloir

routailler

router

routiner

rouvre

rouvrir

rubanerie

rubanté

rubiacées

rueller

ruginer

rugosité

rum

sableux

sabrenas

sacret

sacriste

saducéisme

saette

sagace

sages

sagette

sagou

sainte-barbe

salaud

salicite

saligaria

sanctionner

sandalier

sanglade

sans-fleur

sans-peau

sans-prendre

saphène

sapine

sapinière

saponaire

sapote

sarcocolle

sarmenteux

satanique

satrapie

satron

saurage

sautelle

savane

savonnier

scabieux

scaramouche

scélite

scillitique

scintiller

scruter

séchoir

secondaire

semestrier

semis

semoncer

sénatorien

sénéchale

septuple

septupler

séquestration

sermenté

serre-tête

sérum

servilité

sevrage

sex-digitaire

sex-digital

sexte

sextupler

sexuel

sicaire

signifiant

simaise

simplification

simultanée

simultanéité

simultanément

singer

sloop

smille

smiller

sociabilité

sociablement

soixanter

solacier

solen

solfége

solidarité

solins

sondeur

songe-malice

sopeur

sophistiqueur

sorboniste

sordidité

sororial

sot-l'y-laisse

souchetage

soucheteur

soudaineté

soufflage

souffletade

soupeur

sourcier

sous-déléguer

soussigner

spalt

sparte

sparterie

spé

spergule

spinal

spleen

spline

spoliateur

spondyle

spongite

spontanément

stenté

stimulant

stimuler

stoïsme

stratègue

stratocratie

striures

stupéfactif

stupéfaction

sublingual

sucement

suçoir

suçoter

suiver

suraigu

surchauffures

surcroissance

surhumain

surlonge

surtaxe

surveillance

susceptibilité

susdit

suspecter

syllabaire

synonymie

synoptique

tachigraphe

tachigraphique

talle

taller

tapagimini

tapir

taquiner

tardivement

tardiveté

tarer

tartuferie

tartufier

tâte-vin

tâteur

tatou

tatouage

tatouer

taupe-grillon

tautométrie

taxateur

temporisation

ténare

tercer

terraqué

terser

testif

tétragone

tétrarchie

thaumaturge

théisme

thémis

théoricien

thésauriseur

tibial

timbreur

tiraillerie

tire-d'aile

tisseranderie

titillant

titiller

titubation

toilier

tontisse

torpeur

tortillage

tortillère

torturer

touffeur

tourbière

tourd

tourd

touret

tournailler

tournebride

toxicodendron

traditeur

traduisible

tragédien

transsudation

transverse

traque

traqueur

tré-sept

tréfonds

tri

tricot

triennat

trilatéral

trillion

tringler

triomphalement

tripette

trique

trirègne

trochaïque

trottade

trousse-pète

truanderie

truffer

tufière

typographe

ubiquitaire

ukase

ultérieurement

ultimatum

unièmement

unitaire

uranie

usine

usuellement

utensile

vadé-mecum

vagabondage

valetage

variabilité

vasistas

végétant

véloce

vendable

vendition

venette

veni-mecum

ventrouiller (se -)

vergé

verger

vermiforme

vermillonner

vermout

vernissure

vétérinaire

vexatoire

vibrant

vicennal

victimer

vieillissement

vilement

virulence

viscéral

vitchoura

volereau

voluter

votant

vote

wisk

wiski

zénonique

zénonisme

ACAD 5 Ac:

MOTS SORTANTS

accense

acéride

admoniteur

agasillis

agrouper

amades

anille

animé

annulaire

antropologie

appointé

apprébender

approximer

arachnéosites

aréostatique

arrumage

arrumeur

atropos

attrapette

bacalas

ballottes

bardache

baret

baser

basses-voiles

batave

batrachite

battée

berlingue

bibliotaphe

bière

bostrychite

botal

bouliche

boulingue

brachygraphe

brachygraphie

bracmane. bramine

bramin

breloquet

breuiller

brife

broncocèle

burèles

buret

bustrophe

cacalia

calliope

campanille

cartame

cerinthée

champagne

chaussage

chilifère

chloris

cholagogue

clio

cocyte

corneille

coursière

cyprine

damasonium

déalbation

débarrassement

déconstruire

découvreur

délivreur

déprévenir

désembarrassé

disculpation

dit

écoupe

écraigne

écrénage

écréner

écrénoir

engeancer

épicarpe

estrapontin

florales

flûte-de-berger

fouille-merde

frayant

glaucium

gour

harpeau

inceste

incivilisé

indisputable

indulgemment

inélégamment

inérudit

inétendu

inflammabilité

inflictif

inhabitude

insipidement

intellection

intension

irrésistibilité

laquéaire

larenier

lentilleux

lisérage

livèche

lonchitis

malagme

malapre

maleheure (à la)

malerage

merdaille

miaulant

miraculé

moyer

natta

négus

nerval

nille

oculus mundi

olinder

olindeur

pavot cornu

pergonte

péricarpe

platatim

pleure-misère

postère

pouf

préte-jean

procure

réclinant

réguline

router

rubanté

sacriste

sages

salicite

saligaria

sans-prendre

satron

secondaire

sermentaire

sororial

soussigner

sparsile

spé

sporade

stenté

stoïsme

surcroissance

tapagimini

tartufier

tautométrie

tête-cornue

titillant

trottade

tufière

uranie

utensile

victimer

voluter

ANNEXE 2

Les descriptifs suivants tentent de préciser, de mettre un peu d’ordre ou de corriger certaines données factuelles relatives à ces éditions parallèles :

Les deux éditions de 1765, portant les adresses de Paris et d’Avignon, avec le flou de l’indication de « Libraires associés », sont strictement conformes à celle de l’édition officielle de 1762 (pagination, colonage et italique), en vertu, comme il est stipulé sur l’édition d’Avignon, du choix du « plus petit caractère ».

a) Dictionnaire de l'Académie françoise. Nouvelle édition. Tome premier A = K. Tome second L = Z. A Paris, chez les Libraires Associés. M. DCC.LXV. Avec privilege de sa Majesté.

Au Roi / Préface / Explication des Abréviations / Privilège du Roi,/ le trentième jour du mois d'Avril, l'an de grace mil sept cent cinquante, & de notre Règne le trente-cinquième. Par le roi en son Conseil. / SAINSON / A l'Immortalité. / 2 vol. in quarto [BML 158092]

b) Idem. Avignon « en deux Volumes in quarto sur plus petit caractère, en suivant exactement cette même Edition de Paris »

(Reste à vérifier l'exemplaire conservé à la bibliothèque de Besançon)]

L’édition de 1789 portant l’adresse de Paris, donnée par le libraire Servières3 , utilise encore systématiquement les S longues… Elle est typographiquement caractérisée par l’utilisation des deux colonnes par pages, et une excellente lisibilité. [Bibliothèque de l’Institut de France, Cote 4° 051B / Usuel D.] : on ne saurait confondre l’éditeur-imprimeur-libraire Jean SERVIERES, avec un dénommé Serrières, typographe inventeur au siècle suivant d’un procédé de clichage amélioré …

Les éditions portant sur la page de titre l’adresse de Nîmes, quant à elles, sont à étudier avec grande prudence, car elles constituent un ensemble complexe, du fait des rivalités ayant opposé les ateliers d‘imprimeurs de Nîmes et d’Avignon : un exemplaire peut porter l’adresse de Nîmes et avoir été réalisé dans des ateliers avignonnais, la date portée sur la page de titre n’étant pas fiable puisque un des procédés destinés à brouiller les pistes des instances chargées de lutter contre les ateliers de contrefaçons consistait à antidater les tirages. La complémentarité des analyses de contenu et des études de bibliographie matérielles est ici capitale comme le montrent les tirages plus que problématiques de Nîmes 1777 et 1778 ainsi que ceux de 1786-1787.

Pour la seule date de 1777, on connaît trois adresses différentes à Lyon, Nîmes et Avignon (a) Lyon, S. Duplain; b) Nismes, Gaude père et fils; c) Avignon, Carrigan, 2 vol. [Bibliothèque municipale d'Avignon, id., Jacques Garrigan, cote 4° 1683. Cette édition se présente également avec une page de titre à l'adresse d'Avignon, mais la Bibliothèque Municipame n'en possède pas d'exemplaire]

Pour 1778, sous l’unique adresse de Nîmes, se cachent vraisemblablement des contrefaçons avignonnaises, ce qui pose le problème de l’authenticité d’une première édition nîmoise réalisée en 1778, sauf s’il faut se référer à celle de 1777.

["Dictionnaire de l'Académie françoise. Nouvelle édition. A Nismes, chez Pierre Beaume, imprimeur du Roi, & Libraire, près de l'Hôtel de Ville, M D CC LXXVIII, Avec approbation et privilége du Roi." (2 vol. in 4°).

"Le prix est de trente-six livres relié en Veau" / [BM Lons-Le-Saulnier, cote 85 131 ; BM Lyon, cote BC 202/51/52 où cette impression est donnée comme la cinquième édition, par interprétation de la précision "nouvelle édition" [Bibliothèque municipale d'Avignon, id., Avignon, Jacques Garrigan, cote 4° 1682 ; Bibliothèque Municipale de Nice ; Bibliothèque de l’Institut de France, Cote 4° 051 A** / Usuel D]

On mesurera la difficulté des éditions données à Nîmes en lisant la Lettre circulaire adressée « aux Imprimeurs & Libraires du Royaume », par le magistrat De Vidaud, en mai 1787 (infra)

1787-1786, Nismes : "Dictionnaire de l'Académie françoise. Nouvelle édition, augmentée d'un Supplément, où l'on a ajouté les mots qui ne se trouvent point dans le Dictionnaire de l'Académie. A Nismes, chez Pierre Beaume, 1786, Avec approbation et permission du Roi". (2 vol. in 4°).

"Le prix est de 36 livres relié en Veau"

[Collection privée et BU de Genève, cote : Flx 63 / Bibliothèque de l’Institut de France, / Cote 4° 051 A* [Non en usuel]]

En tête du Supplément au second volume du Dictionnaire de l’Académie françoise dans l’édition Beaume de 1786 :

        1. AVIS de l’Imprimeur

Quoique la Réimpression, que nous présentons ici, du DICTIONNAIRE DE L’ACADEMIE FRANCOISE, porte le Millésime de 1786, par nos arrangemens particuliers, avec l’imprimeur de l’Académie, elle n’a cependant été commencée que le premier Juin 1787, & n’a été finie que le premier août 1788.

Cette Réimpression, à laquelle nous avons employé quatorze mois, a été aussi soignée qu’elle pouvoit l’être, quant à la Partie Typographique : les épreuves ont été lues avec la plus grande attention, & conférées sur l’édition in-folio ; & comme c’est ici la dernière qui sortira de nos Presses, nous n’avons rien épargné pour la rendre aussi correcte que la nature de l’Ouvrage l’exige.

Lettre Circulaire aux Imprimeurs & Libraires du Royaume.

A Versailles, ce 15 mai 1787.

Je vous annonce, Monsieur, que le sieur BEAUME, imprimeur à Nismes, a été autorisé à joindre à son Edition du dictionnaire de l’Académie Françoise, le Supplément que l’on voit dans une Contrefaçon étrangère ; & que, de cette sorte, il ne reste plus aucune excuse à ceux qui s’exposeroient à se charger de cette Contrefaçon, que l’on sait d’ailleurs si formellement prohibée. Il est aisé, au reste, de la distinguer de l’Edition du sieur Beaume, en ce que les quatre vignettes qu’elle a sont en fonte, au lieu que celles de l’Edition Françoise et Légitime sont en bois. En second lieu, dans l’Edition permise, la première ligne du Frontispice est en lettres ornées ; & dans la Contrefaçon, cette même ligne est en lettres ordinaires. Enfin, ici le fleuron est plus petit & en fonte ; là il est en bois & plus grand.

L’intérêt du Commerce national & la justice, demandent que vous vous refusiez absolument à accepter, acheter, ou vendre aucune Contrefaçon ; vous savez quelles peines sont prononcées contre ceux qui oublieroient une défense aussi nécessaire. Mais la sévérité de l’Administration seroit plus rigoureuse encore contre ceux qui feroient commerce de Contrefaçons étrangères, & sur-tout de Contrefaçons spécialement dénoncées, comme celles du Dictionnaire de l’Académie Françoise*.

Je m’assure donc, avec raison, que vous & vos Confrères, donnerez assez d’attention à cet objet, pour qu’aucun exemplaire de ces Contrefaçons ne pénètre dans la Librairie du Royaume.

Je suis parfaitement, MONSIEUR, votre bien humble serviteur,

Signé, DE VIDAUD.

* Vid. La Lettre Circulaire du même Magistrat, en date du 13 octobre 185, page 2 du Supplément, Tome premier de la présente édition.

Ayant déjà indiqué les différences qui distinguent cette première Contrefaçon, de mon Edition, dans un Avis, que j’ai mis au tome premier, à la suite de la Préface, page vii, j’ajouterai seulement, 1°. Qu’elle ne renferme point le Supplément que je présente ici ; 2°. Que le premier volume ne contient que 644 pages et le second 634, ensemble de 1278 pages.

La mienne en contient, savoir :

Le tome premier, appartenant à l’Académie, 684 pages, le Supplément, 40 pages, ensemble de 724 pages. Le Tome second, appartenant à l’Académie, 672 pages, le Supplément, 24 pages, ensemble de 696 pages ; soit un total de 1410 pageS.

Différence d’avec cette première Contrefaçon pour le nombre de pages 142. Je laisse au Public le soin d’apprécier celle de l’exécution. Note de l’Imprimeur.

D’après les renseignements extraits de l’observation d’exemplaires détenus dans une collection privée parisienne :

7° Nismes, 1778 :

Dictionnaire de l'Académie françoise. Nouvelle édition.

Le prix est de trente-six livres relié en Veau. (sic)

1778,

a Nismes,

chez Pierre Beaune,

Imprimeur du roi, & libraire, près de l'Hôtel-de-Ville.

in-4°,

tome 1 , A = K,: (4)-i-vj, [vij r°] :

avis de l'imprimeur*; [vij v°] : privilège

A-K : p. 1-683;

tome II: Lettres L-Z, p. 1-692

Pas de Supplément relié ni au début ni à la fin d'aucun des deux volumes. Mais Privilège de l'Académie du 30 avril 1750, cédé à Brunet puis à sa veuve en 1760 :

" […] Nous avons suivi l'Edition d'Avignon de 1765, ligne à ligne & mot à mot; mais nous ne nous en sommes pas entièrement rapportés à la fidélité de cette Edition; nous avons eu soin de relire nos Epreuves avec l'attention la plus scrupuleuse sur la dernière Edition de Paris, faite sous les yeux de l'Académie, & cette précaution nous a mis en état de corriger plusieurs fautes qui s'étoient glissées dans celle d'Avignon, & de restituer des phrases entières qui avoient été omises ou corrompues." [Référence en réalité à l’éd. de 1762]

Par opposition : Acad4, Nismes 1786-1787: tome I, p. 1-685 et Supplément p. 686-724, tome II, p. 1-689, et Supplément p. 690-711

1Dans tout ce qui suivra désormais cette 5e édition sera dénommée Acad5 ; l’édition académique proprement dite étant précisée par Ac. et celle de Laveaux par La, soit, respectivement, Acad5-Ac, ou Acad5-La.

2Je donne en annexe la liste des mots de l’édition d’Acad5-Ac (1798) qui ont été supprimés (sortis) de Acad4-1762, ou qui lui ont été ajoutés (entrants). Il conviendrait de faire la même chose pour l’édition d’Acad5-La, tant par rapport à Acad5-Ac que par rapport à Acad4-1762.

3Contrairement aux informations erronées fournies dans la bibliographie de l’ouvrage rédigé sous la responsabilité de Bernard Quemada : Les préfaces du Dictionnaire de l'Académie Française 1694-1992, Paris, Honoré Champion, 1997, 592 p., l’éditeur en question n’est pas Serrières, typographe inventeur au siècle suivant d’un procédé de clichage amélioré, mais bien Jean Servières, sans aucun lien de parenté connue avec le conventionnel contemporain, qui était installé en 1788, rue Saint-Jean de Beauvais, au bas de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris. De 1792 à 1797, cet éditeur-imprimeur-libraire eut sa boutique rue du Foin Saint-Jacques, dans le même quartier, face à la ci-devant Chambre de Commerce des Libraires de Paris, puis, en septembre 1798, il s’installa dans la même rue, en face de la librairie de Boutebrie. Précisions extraites de l’ouvrage de Paul Delalain, L’Imprimerie et la librairie à Paris de 1789 à 1813, qui porte en sous titre : Renseignements recueillis, classés et accompagnés d’une introduction par P. Delalain, avec 3 fragments du Plan de Paris en 1810, Paris, Delalain frères, 115, bd. Saint-Germain, p. 191 sqq.