NOUVEAU

DICTIONNAIRE CRITIQUE

DE

LA LANGUE FRANÇAISE

OU

EXAMEN RAISONNÉ ET PROJET D'AMÉLIORATION DE LA SIXIÈME ÉDITION DU DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE, DE SON COMPLÉMENT, DU DICTIONNAIRE NATIONAL ET D'AUTRES PRINCIPAUX LEXIQUES, Y COMPRIS LE NOUVEAU DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE PAR M. POITEVIN

Par B. LEGOARANT

Ancien élève de l'École Polytchnique, Capitaine retraité du Génie, Auteur d'une orthologie française

(édition épuisée), membre de plusieurs Sociétés littéraires et scientifiques

Un bon dictionnaire complet est impossible sans le concours

de toutes les classes de l'Institut. (Avis préliminaire)

Librairie de Veuve Berger-Levrault et fils

Paris
Rue des Saint-Pères, 8

Strasbourg
rue des Juifs, 26

1858


AVIS PRÉLIMINAIRE.

Occupé de travaux scientifiques ou d'art militaire jusqu'en 1808, époque à laquelle j'étais chargé des ouvrages de fortification couvrant la ville de Palais à Belle-Île, j'y fus atteint d'une affection qui dégénéra bientôt en une cécité complète; de sorte qu'au lieu d'un avancement espéré, je me trouvai contraint de solliciter une modique retraite. Rendu à la vie civile et sentant la nécessité de me créer de nouvelles occupations, je me livrai à des études grammaticales et lexicographiques auxquelles je pris un tel goût que pendant plus de cinquante années elles m'auront tenu lieu de bien d'autres jouissances. Il en est résulté d'abord (en 1832) un traité d'Orthologie française qui, promptement écoulé, m'a permis d'entreprendre et de continuer depuis vingt-deux ans ce Dictionnaire critique, dont je ne puis, ce me semble, mieux donner une idée qu'en faisant réimprimer ici, avec quelques modifications, le préambule d'un spécimen que j'en publiai dès 1841.

Bossuet, tout en confessant que l'usage est le père des langues, et que le droit de les établir, aussi bien que de les régler, n'a jamais été disputé à la multitude, aimait à voir dans l'Académie "un Conseil souverain et perpétuel, dont le crédit, établi sur l'approbation publique, peut réprimer les bizarreries de l'usage, et tempérer les dérèglements de cet empire trop populaire." Ce passage, inséré dans la belle et savante préface mise par M. Villemain à la tête de la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie, peut être considéré comme une critique indirecte de ce grand travail, puisque le principe si sage de Bossuet n'y est pas suivi, et qu'on y lit, sous le titre Usage "L'Académie ne prétend pas régler l'usage de chaque mot; elle indique l'usage qu'on en a fait."

Mais quand cet usage est vicieux, pourquoi ne pas chercher à le réformer? Si l'on reconnaît, par exemple, que Sorbétière donne parfaitement l'idée d'un vase destiné à préparer des sorbets, par quelle raison l'Académie renvoie-t-elle de ce mot à Sarbotière, corruption évidente, qui ne paraît même pas généralement reçue dans l'art culinaire, puisque M. Viard, se qualifiant homme de bouche, se sert constamment, dans son Cuisinier impérial, de la variante Salbotière ?

Les nombreuses personnes qui ne connaissent ni le substantif féminin Hélice ni l'adverbe Verticalement, les remplacent par Spirale et Perpendiculairement : ce que je déclarerais abusif.

Le terme Érysipèle peut avoir été mal prononcé, comme on entend dire parfois Lubréfier, Paralésie, etc.; mais tous les grammairiens se sont accordés pour flétrir le barbarisme Érésipèle, conformant en cela, du reste, à l'Académie, qui jusqu'à présent se contentait de l'insérer à son rang alphabétique pour renvoyer à Érysipèle, orthographe à laquelle il faut espérer qu'elle donnera de nouveau la préférence, à l'instar des ouvrages de Médecine.

Il est à observer que cette édition, où l'Académie renvoie d'Érysipèle à Érésipèle, est la première dans laquelle elle déclare sa préférence pour Scarlatine sur Écarlatine, et j'aurai lieu d'indiquer un très-grand nombre de semblables rapprochements.

Une autre critique dirigée contre cette oeuvre de l'Académie par son éloquent secrétaire perpétuel, consiste à employer, en les faisant imprimer en italique, des vocables omis dans le monument auquel son discours sert d'élégant frontispice. Des additions sont donc urgentes, et sous ce rapport il y aura beaucoup à puiser dans le Complément publié par MM. Didot, aussi bien que dans le Dictionnaire national, qui tous deux ont même négligé plusieurs termes utiles insérés par Laveaux.

On peut être surpris de voir la 6e édition rejeter de la précédente le mot Ost et quelques autres, nécessaires pour l'intelligence de La Fontaine ou d'auteurs plus récents, tandis qu'elle conserve le barbarisme Accouple (voyez cet article dans le Dictionnaire critique), ainsi que Adatis, Afforage, Aigremore, Alganon, Appaumé, Arrugie, Bavois, Bijon, etc., en y ajoutant Arases, Babal, Baudine, etc. tous fort déplacés, selon moi, dans un vocabulaire qui ne dit rien sur Archangélique, Armurerie, Asthénie, Aurifère, Autoclave, Bureaucrate, Caléfacteur, Calorimêtre, Carlovingiens, Céramique, Chouan, Coloration, Commémoratif, Contrepaulette, Créditeur, Décigramme, Déraisonnement, Destructible, Diorama, Enrayage, Évoluer, Fumivore, Incorrectement, Lexicologie, Médius, Myriagramme, Pactole, Pétrissable, Putrescible, Révolutionner, Sustentation, Terroriser, Translucide, et mille autres, qu'on, trouve dans les ouvrages modernes ou dans les discours de nos meilleurs orateurs.

" Les mots qu'on regrette, dit la préface (p. 20), sont souvent remplacés par d'autres"; mais où sont-ils? Si je lis dans un auteur, Asimptote, écrit conformément à la précédente édition, et que je veuille en connaître la valeur, ne dois-je pas croire ce terme omis, en ne le trouvant pas à son rang alphabétique avant Asine, et puis-je supposer qu'il a été placé huit pages plus loin en lui restituant son y étymologique ? La plupart des personnes qui feuillettent les dictionnaires ne font pas tant de réflexions, et l'on ne saurait trop les aider dans leurs recherches. Je tirerais, au reste, un plus grand parti des renvois, et j'en ai fait l'application pour différentes séries. Ainsi à Métagitnion , j'ai mis . "Voyez Hécatombéon", à ce dernier : "Voyez Scirophorion,", etc.; ce qui m'a porté, d'une part, à découvrir l'omission de quatre de ces mois athéniens par Laveaux de l'autre à relever les erreurs du Complément que j'ai signalées sous les titres Moemactérion et Pyanepsion.

On peut regretter aussi, de la 5e édition, les articles : Calliope, Clio, Imprégnation, Incivilisé, Indiscernable, Indolemment, Inélégamment, Inhabitude, Insipidement, Instantanéité, Uranie, etc., lesquels sont, au surplus, généralement inscrits dans le Complément.

"Il n'y a pas, dans la même langue, deux expressions qui aient exactement la même valeur, et qui puissent être de tous points substituées l'une à l'autre."

Voilà encore un excellent principe émis par M. Villemain (préface, p. 23), et l'Académie semble l'approuver; car elle dit, à son article Synonyme : " Dans aucune langue, il n'y a de synonymes parfaits." Or, très-souvent elle l'a oublié, comme en disant que Raie, s. f., signifie : "L'entre-deux des sillons" , ce qui est suivi de l'exemple : " Dans ce pays les laboureurs font les raies fort creuses; " puis, en définissant Sillon par: " Longue trace que le soc, le coutre de la charrue fait dans la terre qu'on laboure " avec l'exemple : " Ces sillons ne sont pas assez profonds " : deux termes entièrement synonymes serviraient donc à désigner la trace du soc et du coutre, tandis qu'on n'en aurait aucun pour parler de l'espace qui s'étend de l'une de ces traces à l'autre; mais la Raie étant définie : " L'entre-deux des sillons " , il s'ensuit que le Sillon est "L'entre-deux des raies"; c'est-à-dire la partie destinée à recevoir la semence, à permettre aux plantes de croître hors des eaux dont l'écoulement a lieu par les raies. L'Académie elle-même, en écrivant au mot Javeler : "Mettre les blés par petites poignées, et les laisser couchés sur les sillons, afin que le grain sèche et jaunisse " , entend nécessairement par Sillon une partie élevée où le grain puisse sécher, et non un creux dans lequel il serait exposé à l'humidité. C'est donc abusivement qu'on a pu dire, Les creux sillons.

Cette édition définit aussi de la même manière Isochrone et Synchrone, Isochronisme et Synchronisme, ainsi qu'une grande quantité d'autres termes, dont la signification est toutefois très-différente, comme je le fais observer aux articles qui leur sont consacrés.

Cependant un prospectus imprimé dans les journaux, dès le commencement de 1835, annonçait qu'une commission permanente de six académiciens, les plus versés dans les connaissances grammaticales et lexicographiques, s'était appliquée à revoir sans relâche ce travail. C'est indubitablement ce qu'il eût fallu; mais pour obtenir une semblable élite, il serait nécessaire que plusieurs des fauteuils académiques fussent remplis par des hommes livrés spécialement à genre d'études; or, depuis la mort de M. de Wailly, on sait que le seul lexicographe admis était Ch. Nodier, entré trop tard à l'Académie, ainsi que lui-même l'a déclaré, pour s'occuper de cette édition, à laquelle auraient efficacement concouru les Gattel, les Morin, les Noël, les Boniface et d'autres grammairiens, sans même en excepter Ch. Laveaux; car les nombreuses imperfections de son vocabulaire paraîtront plus excusables, lorsqu'on verra la possibilité de reprocher à celui de l'Académie, en outre de l'omission des étymologies, de la synonymie et de la prononciation (au moins pour beaucoup de cas), des centaines de doubles emplois, comme Accise et Excise, ainsi qu'une absence de plan, impossible, à concevoir si chaque membre n'a pas eu la. faculté d'ajouter où de retrancher à son gré, sans aucun, contrôle, et peut-être dans la seule intention de faire excuser une locution, un terme échappés à sa plume ou glissés à tort dans un discours de tribune. Ces raisons n'expliqueraient-elles pas pourquoi le barbarisme Honchets se trouve ici de front avec le seul mot admissible Jonchets, et la substitution de Voire même au simple terme Voire de la cinquième édition? Cette tendance doit faire craindre que la prochaine ne recommande les phrases : "Il ne sait pas que les mathématiques, mais encore la chimie " ; "Il s'y trouvait pas mal de monde; Je voulais lui éviter cette peine"; " De manière à ce que" ; "Il en a mal agi avec moi "; "Mais non, fit la comtesse "; "Radier une inscription hypothécaire", etc. (voyez le Dictionnaire critique aux pages 267, 373, 475 et 569). Il faudrait, au contraire, imiter M. de Wailly, dont le dictionnaire, publié trente ans avant cette sixième édition, offre, sous le titre Conséquent, ces mots, utiles encore aujourd'hui " Conséquent pour Considérable est un barbarisme."

La mort déplorable de Lavoisier a eu lieu quatre ans avant que l'Académie publiât sa 5e édition; et à cette dernière époque (1798), je puis assurer qu'aucun professeur ni même aucun élève de Chimie n'eût laissé passer, sans les modifier convenablement, des articles tels que les suivants :

Acier, s.. m. Nom que l'on donne à du fer lorsqu'il est parfaitement pur et très-chargé de ce que les Chimistes appellent le Principe inflammable ou phlogistique, ce qui le rend beaucoup plus dur et plus élastique que le fer ordinaire.

Phlogistique, s. m. Terme de Chimie. La partie des corps qui est susceptible de s'enflammer.

J'aurai également occasion de signaler plusieurs passages fort arriérés de la sixième édition.

Ainsi d'après la définition du Radier, il semblerait qu'ils sont tous en charpente, et cependant Bélidor, mort en 1761, connaissait les radiers en maçonnerie, puisque l'on trouve, dans son Architecture hydraulique, la description d'un radier de cette espèce construit à Cherbourg. Ces radiers, aujourd'hui les plus communs, auraient donc pu être mentionnés par l'Académie dès son édition de 1762, et ne le sont même pas en 1835. De semblables observations faites sur un ouvrage qui contient un grand nombre d'articles fort bien traités, peuvent rappeler la sortie de chez Voltaire d'un professeur de droit public à Genève, qui lui avait, été présenté par le savant géomètre D'Alembert. "Je vous suis très-obligé, disait ce professeur, car vous m'avez fait connaître un homme vraiment extraordinaire : il nous a parlé pendant deux heures de choses diverses et avec une profonde connaissance de chacune. Toutefois, ajouta-t-il en hésitant, il y a un point sur lequel je l'ai trouvé un peu faible, c'est le Droit public. Pour moi, repartit D'Alembert, je ne le trouve un peu faible qu'en Géométrie."

L'ordre alphabétique ayant été jugé le plus commode, on serait surpris qu'un lexicographe eût l'idée d'inscrire Ingénieux avant son dérivé Ingénieusement. Et c'est pourtant la manière dont agit parfois l'Académie, en comptant beaucoup trop sur la sagacité ou l'instruction des personnes auxquelles son dictionnaire est destiné. Si J'entends dire : "Le saisi paiera les frais"; "Un homme tout uni"; "Vive la joie", et que je veuille connaître l'orthographe de Saisi, Uni, Vive, tout en ignorant leur relation avec les verbes Saisir, Unir et Vivre, je chercherai vainement les mots en question, puisqu'ils ne sont pas avant Saisie, Unième et Vivement.

Il peut même arriver que l'adjectif placé par l'Académie à la suite du. participe ne paraisse avoir aucun rapport avec lui. Ainsi pour le cas où l'on ne comprendrait pas l'expression Électricité vitrée, citée sous le titre Électricité, et qu'on en cherchât l'explication à l'article Vitré, ne devrait-on pas être surpris de ne voir qu'après le verbe Vitrer, et à la suite de l'exemple Porte vitrée, l'alinéa " En Physiq., Fluide électrique vitré ou Électricité vitrée, voy. Résineux."

On est parfois tenté de croire que dans chaque édition l'Académie s'occupe d'insérer des articles pour se donner le soin de les corriger dans la suivante : la quatrième écrivait Oignon avec un 1, supprimé par la cinquième, remis dans la sixième, et que la septième n'approuvera point probablement, car quoiqu'on prévienne que cet I est là seulement pour faire mouiller le G (j'aurais dit pour faire mouiller gn) plusieurs personnes, n'ayant pas lu ou ne se rappelant pas cet avis, soutiennent que des oignons doivent se prononcer comme nous joignons, nous oignons, nous soignons, etc., tandis que des étrangers, sachant que l'I est nul dans des oignons, ne le font pas entendre non plus dans les verbes précédents, et disent nous jognons, nous ognons, nous sognons, etc., rimant avec nous cognons, des rognons, etc. Par là ils ressemblent, du reste, aux nationaux prétendus prosodistes qui veulent que l'I soit nul dans Poignard, Poignet, Poitrine, et conseillent de prononcer Pognard, Pognet, Potrine.

Il est vrai que par compensation de cet 1, introduit dans Oignon pour défendre de le faire sentir, l'Académie écrit Semoule comme précédemment, en ajoutant: " (On prononce Semouille)." Cependant elle abandonne l'indication italienne de Vermichelle, Violonchelle, pour s'en tenir avec raison à Vermicelle, Violoncelle; d'où il paraîtrait naturel de prononcer aussi Semoule à la française, ou d'écrire Semouille, si l'on veut que ce mot rime avec Citrouille. Enfin il faudrait simplifier l'orthographe, au lieu de chercher à créer, des difficultés.

L'article Oignon peut conduire à une autre remarque susceptible de beaucoup d'applications. On y lit : " Être vêtu comme un oignon, Être fort couvert de vêtements ", et en recourant au mot Vêtu, on trouve : "Les jardiniers disent proverbialement : Quand l'oignon est fort vêtu, c'est signe de grand hiver." Je ne mentionnerais ces préjugés que pour les déclarer absurdes.

Je voudrais voir l'Académie adopter, pour les prescrire, des règles grammaticales, et elle paraît aussi peu fixée à cet égard que sur l'orthographe. Sous le titre Plus de la 5e édition on lit "L'astronomie est une des sciences qui fait, qui font le plus d'honneur à l'esprit humain. Le premier est plus usité ", et la 6e édition porte au même endroit: "L'astronomie est une des sciences qui fait le plus ou qui font le plus d'honneur à l'esprit humain : le dernier est plus usité." Le mot dernier se trouve ainsi substitué à premier qui peut reparaître dans l'édition prochaine s'il suffit pour cela de l'opinion d'un seul académicien. Je ne sache pas cependant qu'aucun grammairien ait recommandé le singulier dans ce cas où l'on s'accorde au contraire à le regarder comme un solécisme. Dites: "L'astronomie est la science qui fait le plus d'honneur à l'esprit humain", ou bien, si vous admettez plusieurs sciences marchant de front, et que l'astronomie soit au nombre de ces sciences, exprimez-le clairement, en écrivant "L'astronomie est l'une des sciences qui font le plus d'honneur à l'esprit humain."

Très-souvent les définitions ont également besoin d'être révisées. Ainsi l'Académie dit que le temps est : "La durée des choses, marquée par certaines périodes ou mesures, et principalement par le mouvement et la révolution apparente du soleil." D'après quoi l'on doit entendre qu'il s'agit de la révolution apparente et du mouvement réel du soleil; c'est-à-dire de sa rotation, laquelle toutefois ne sert point d'unité, car elle est de 25 jours 12 heures, et dès lors mesurée par la rotation de la terre.

Malgré les différents reproches que l'on peut adresser à l'oeuvre de l'Académie, il faut reconnaître qu'elle est sans contredit (voy. mon article Dictionnaire) préférable à tous les autres ouvrages de ce genre publiés jusqu'en 1858. Plusieurs de ces derniers écrivent Arère pour Arbre d'un moulin, d'un pressoir, etc.; Anthraconistre ou Anthraconiste au lieu d'Anthracomètre, nom donné par Fourcroy à un instrument de Chimie. Si Ovin est imprimé quelque part pour Orin, Terme de Marine, on en fait plus tard deux articles sous la définition : "Câble de l'ancre " , quoiqu'il y ait bien de la, différence entre le Câble et l'Orin. Dans le cours de mon examen je relèverai un très-grand nombre de cas semblables; mais pour ce qui est des termes de Marine, je dois déclarer que sur environ 1500 insérés dans nos lexiques modernes, 900 au moins ont été jugés indignes d'être mentionnés par les vocabulaires de MM. Lescalier, Romme, Willaumez et Bonnefoux; et sur les 600 autres, il n'y en a pas 50 qui soient mieux traités que l'Orin. Du reste, on peut dire la même chose de presque tous les termes de Sciences et Arts qui, dans un temps où l'Histoire naturelle, la Physique et la Chimie font partie de l'instruction des lycées, doivent être inscrits au vocabulaire de la langue, sans considération des changements qu'ils éprouveront comme toutes les autres parties constituantes de notre idiome.

En beaucoup d'endroits on pourrait abréger et je signalerai, entre autres, l'article Esquinancie où l'Académie fait suivre la définition de la note : "Les médecins la nomment Angine ", puis viennent des exemples; or, après avoir placé à la tête de l'ouvrage une bonne table des abréviations, il suffirait de mettre au mot Esquinancie : "Syn. vulg. d'Angine."

Il serait, je crois, préférable de n'insérer dans le premier volume de l'Académie que les acceptions d'une grande utilité, en réservant pour le deuxième les mots tombés en désuétude, les variantes d'orthographe, les termes d'Astrologie, de Fauconnerie, etc.

Ce travail complet devrait fournir plus de renseignements que n'en présentent les autres lexiques. Or, si l'on ignore la quantité syllabique, Gattel seul la donne parfois, en nous apprenant qu'elle peut différer selon que le mot est employé dans les vers ou er prose. La prononciation se trouve souvent indiquée par Wailly ou ailleurs; mais tous laissent quelque chose à désirer sous ce rapport. Quant aux étymologies, il suffirait de compléter le Dictionnaire national en le rectifiant à l'occasion.

L'Académie aurait sans doute la facilité de se faire aider pour une grande partie de ces améliorations, et trouverait beaucoup de personnes disposées à lui prêter gratuitement leur secours; mais s'il est vrai qu'elle décerne chaque année un prix de 1200 fr. au meilleur mémoire sur la Philologie comparée, ne ferait-elle pas mieux de cumuler ces sommes, afin de rétribuer convenablement au besoin la coopération à son dictionnaire, dont elle distribuerait des relevés contenant chacun la totalité des passages relatifs à un même art ou à une même science? C'est, je crois, le seul moyen d'en venir à une refonte satisfaisante car jusqu'à présent il est rare que l'on ne se soit pas contenté de quelques, légers changements en passant d'une édition à l'autre. Ainsi, l'Écrevisse, définie par la 5e édition, : " Poisson qui, selon l'opinion vulgaire, va presque toujours à reculons, et qui est du genre des testacées (sic) ", se trouve être, d'après l'édition nouvelle : " Un animal de la classe des crustacés, qui vit dans l'eau, et qui, selon l'opinion vulgaire, va presque toujours, à reculons. " Or, cela laisse encore ignorer jusqu'à quel point on doit partager cette opinion vulgaire. Il eût donc été préférable de commencer l'article Écrevisse par : " Genre de crustacés décapodes "; puis on eût déclaré erronée l'opinion vulgaire, d'après laquelle les écrevisses vont ordinairement à reculons. Elles peuvent, comme d'autres animaux, prendre cette allure, mais le plus souvent elles marchent en avant.

A ce propos je ferai observer que l'article Porc-épic de la 4e édition portait : " Son corps est .Couvert de certains piquants qu'on prétend qu'il darde et qu'il lance contre les chiens et les chasseurs qui le poursuivent." Les mots : " qu'on prétend " furent changés en : " qu'on prétendait autrefois " par l'édition de 1798, et ce passage est entièrement supprimé dans celle de 1835 où j'aurais trouvé préférable de traiter d'absurde ce préjugé que les tableaux de certaines ménageries ambulantes rappellent souvent à la foule ébahie.

Un des motifs pour lesquels l'Académie ne change pas d'une édition à l'autre l'ordonnance de quelques rédactions, peut venir de l'exiguïté des marges; il faudrait en conséquence tâcher d'obtenir qu'une seule colonne de son dictionnaire fût imprimée au milieu d'une page in-folio; car des exemplaires ainsi préparés offriraient la plus grande commodité pour les corrections ou additions.

Il est à observer que les articles nouvellement introduits sont en général dépourvus d'exemples; il sera donc nécessaire d'en insérer, en préférant les plus instructifs, et celui qu'on lit sous le titre Successible pourrait servir de modèle.

C'est pour faire place à de semblables enseignements qu'il faudrait se débarrasser des inutilités, et principalement des fausses assertions, telles que les suivantes insérées aux articles Pélican et Tique : " L'oesophage du pélican se dilate de manière à former une espèce de sac, où il met en réserve des aliments pour lui et pour ses petits." -- "La tique crève après s'être gorgée de sang. "

La vérité est : 1° Que le sac, dont le pélican fait un réservoir de provisions, n'est pas son œsophage mais bien une membrane en forme de poche, composée de deux peaux dont l'interne est contiguë là 1'oesophage et pour arriver à cet organe, il faut que les aliments, entassés provisoirement dans le sac, reviennent par son ouverture unique, située entre les deux branches osseuses de la mandibule inférieure. 2° Qu'après s'être repue, la tique cesse de sucer, se détache des animaux et, comme la sangsue, est prête à saisir une nouvelle occasion de se gorger de sang quand elle aura digéré celui qu'elle vient de puiser.

La 5e édition terminait son alinéa : "Raie, Entre-deux des sillons, etc." par: " On dit aussi Roye. Voy. ce mot", et Roye y était omis. L'article Supination ne s'y trouvait pas non plus, quoiqu'il fût dit sous le titre Pronation que c'était un opposé de Supination. La 6e édition écrit au mot Senelle :Voy. Cenelle qu'elle a omis, ce dont il était facile de s'assurer. Le Complément met: "Defforgie (Bot.) Voy. Forgésie "que l'on y cherche vainement. Il en est de même pour Ocieux auquel ilrenvoie de l'article Otieux. On a fréquemment lieu de faire des remarques semblables, surtout dans,les ouvrages rédigés par plusieurs collaborateurs dont chacun compte sur les autres pour un travailqui sera négligé par ceux-ci. C'est probablement pour éviter ces inconvénients que sous un seultitre la 6e édition accumule parfois les définitions de différents termes; d'où naissent certains doubles emplois préférables à des omissions, et dont on fera facilement justice.

J'ai parfois agi de même dans la crainte de perdre quelques-uns de mes articles, tous écrits sur des notes volantes comme l'étaient ceux de mon Orthologie où il m'a fallu placer à l'errata le mot Céder, auquel je renvoie souvent et qui s'est égaré quand on imprimait la feuille dont il devait faire partie.

Dans l'état actuel de notre lexicographie, j'ai cru impossible d'en venir à un travail complet et coordonné sans avoir une critique raisonnée de, ce qui existe, et j'ai entrepris cette tâche tout en reconnaissant qu'il n'est pas donné à un seul homme de l'accomplir.

Plusieurs de mes articles sont de simples ébauches, mais de nouvelles investigations les compléteront, et, pour en suggérer quelques-unes, j'ai cru devoir faire imprimer à la suite du Dictionnaire critique :

1° Un relevé des fautes typographiques venues à ma connaissance en parcourant le Dictionnaire de l'Académie;

2° Une table de ses doubles et triples emplois, où j'aperçois l'omission du terme Hérédité que je déclarerais abusif dans le sens d'Héritage;

3° Une liste de quelques mots dont se sert l'Académie elle-même et qu'elle a omis d'insérer dans l'ordre alphabétique;

4° L'indication d'autres termes qu'elle emploie dans un sens dont elle omet la définition;

5° Un errata du Complément;

6° Un errata du Dictionnaire national, le plus long de tous, parce que cet ouvrage, où fourmillent des fautes typographiques qui lui sont propres, contient une grande partie de celles de ses prédécesseurs. Aussi y a-t-il peu de possesseurs de dictionnaires auxquels ce tableau n'offre quelques corrections à effectuer ;

7° Enfin un relevé des fautes de Laveaux dont le Dictionnaire national a négligé la correction, quoiqu'il en ait évité plusieurs autres signalées également dans mon spécimen de 1841.

De ce qui précède et d'un grand nombre des articles de l'ouvrage que je publie aujourd'hui, on conclura sans doute avec moi qu'un bon dictionnaire complet est impossible sans le concours de toutes les classes de l'Institut. Aussi quoique j'aie choisi les sujets à traiter et que je me sois fait une loi de les élaborer de mon mieux, j'ai désiré en soumettre l'ensemble à des personnes capables d'y apporter des améliorations. En première ligne se présente M. le docteur Fée, professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg, dont le nom est devenu européen par le Maître Pierre, de nombreux travaux sur la botanique et de charmants ouvrages de littérature, tels que : Voyage autour de ma bibliothèque; Souvenirs de la guerre d'Espagne et un autre cité dans le Dictionnaire critique sous le titre Intelligence.

J'ai eu occasion de rappeler le nom de M. Fée aux articles Chnyza, Ergot, Euphorbe, Fissurine, Jalap, Turquie, Vocero; et c'est à lui qu'est due la curieuse découverte du terme Célophage traduit par Mangeur de baleine dans le Dictionnaire national, qui désigne de la sorte un petit oiseau à bec fin dont la principale nourriture consiste en insectes du genre Cétoine.

Les diverses occupations de M. Fée lui faisant craindre de ne pas tout revoir suffisamment, il s'est associé un de ses plus anciens amis, M. Bosson, de Mantes, membre correspondant de l'Académie impériale de médecine, homme aussi modeste que profondément instruit, de chez qui mes épreuves sont revenues très-rarement sans être accompagnées de notes intéressantes qui m'ont été fort utiles.

Dans mon article Serpent je cite M. Bosson qui a sensiblement amélioré les mots Althoea, Guimauve, Laxatif, Ozone, Purgatif, etc. et je lui dois de savoir que le nom, du médecin arabe Rhasis a été corrompu par le peuple en Raisin, ce qui a porté le Dictionnaire national à traduire par Uve l'onguent de Rhasis.

M. Moll, qui met en ce moment sous presse son Guide universel de la Langue française, m'a suppléé aussi dans la lecture des feuilles et a relevé certaines fautes échappées au compositeur.

Je regrette de n'avoir pu consulter que pour la fin des épreuves, M. Daniel, auteur d'excellents ouvrages sur la Langue française; j'ai toutefois mis à profit ses connaissances variées, et je lui suis redevable de la rectification faite (sous le titre Terre-noix) de l'erreur commise dans mes alinéas Bulbocastanum, Carum et Gland terrestre.

Quant à mon ancien ami, M. Motte, lieutenant-colonel d'artillerie, qui, durant son activité, m'a procuré d'excellentes réponses sur des questions relatives à la Médecine vétérinaire ou propres à rappeler mes souvenirs sur les termes d'équitation, je le remercie de vouloir bien encore depuis sa retraite, dont le temps est si bien employé au service de notre cité, me donner à l'occasion ses avis pour les nouvelles notes que je rédige.

Pendant le cours de ma carrière, je me serais borné à continuer le manuscrit et j'aurais laissé le soin de le faire imprimer à mon bon et savant collaborateur le docteur Millot, professeur des hôpitaux militaires d'instruction, qui avait dirigé la publication de mon Orthologie et du spécimen de 1841, mais sa perte prématurée et si regrettée a forcément renversé ce projet.,

P.S. J'avais remis ce feuillet à l'imprimeur, quand une personne, qui connaît déjà mon ouvrage, m'a signalé le passage suivant d'un discours de réception lu devant l'Académie française, le 5 février 1852 : " Ce jour-là nous serons désaveuglés. " Le mot n'est pas français, je le sais; mais il est de la reine de France, il est de Marie-Antoinette, et vous ne le répudierez pas." Sur quoi l'on me demande comment il se fait que je n'aie pas rempli cette lacune laissée aussi par le Complément : ma réponse consiste à déclarer que, le verbe Désaveugler se trouve dans l'Académie, au moins depuis 1762 , et que toutes les éditions le confirment. Je conçois que M. De Montalembert, préoccupé de quelque autre idée, ait pu chercher ce terme à une place différente de celle où il est très-bien inséré entre Désaveu et Désavouer; mais on comprend plus difficilement qu'aucun de ses collègues ne se soit empressé de lui faire remarquer cette erreur pour en empêcher la reproduction dans une brochure mise en vente chez M. Didier. Cela vient sans doute de ce que ces discours s'impriment quand on les prononce, ou même auparavant.


Table des Abréviations

A. C. -- Avant Jésus-Christ.

Abdom. -- Abdominaux.

Acad. -- Académie.

Acal. -- Acalèphes.

Acantbopt. -- Acanthoptérygiens.

A. d. -- An de l'ère chrétienne.

Adj. -- Adjectif.

A. 2 g. -- Adjectif des deux genres.

Adm. -- Administration.

Adv. Adverbe.

Agric. -- Agriculture.

Alchim. -- Alchimie.

Alg. -- Algèbre.

Alph. -- Alphabétique.

Anat. -- Anatomie.

Anc. Ancien, --enne.

Ant. ou Antiq. -- Antiquité.

Arach. -- Arachnides.

Archit. -- Architecture.

Art. -- Article.

Arts et M. -- Arts et Métiers.

Artill. -- Artillerie.

Asp. -- Aspiré.

Astr. ou Astron.-- Astronomie.

Astrol. -- Astrologie.

At. -- Atome.

Aut. -- Auteurs.

Bot. ou Botan. -- Botanique.

Cabal. -- Cabalistique.

Calend. -- Calendrier.

Caract. -- Caractère.

Cert. -- Certains.

Ch. ou Chap. -- Chapitre.

Chim. -- Chimie.

Chir. -- Chirur. ou Chirurg. -- Chirurgie.

Chron. -- Chronologie.

Comm. -- Commerce.

Compl. --, Complément du Dictionnaire de l'Académie.

Confis. -- Confiserie.

Culin. -- Culinaire.

Déf. -- Définition.

Dict. -- Dictionnaire.

Dict. d'hist. nat. -- Dictionnaire d'histoire naturelle.

Dict. nat. -- Dictionnaire national.

Droit rom. -- Droit romain.

Didact. -- Didactique.

Eccl. -- Ecclésiastique.

Édit. -- Édition.

Égl. -- Église.

Embryol. -- Embryologie.

Entom. -- Entomologie.

Esp. -- Espèce, Espèces.

Ex. -- Exemple.

F. -- Féminin.

Fam.-- Famille, Familier, Familièrement.

Fauconn. -- Fauconnerie.

G. -- Genre.

Gast. -- Gastéropodes.

Gén. -- Générique.

Géogr. -- Géographie.

Gr. -- Grec, Grecque.

Hér. -- Héroïque.

Hippiat. -- Hippiatrique.

Hist. -- Histoire.

Hist. fab. -- Histoire fabuleuse.

Horl. -- Horlogerie.

Horticult. -- Horticulture.

Hyg. -- Hygiène.

I. -- Invariable.

Ins. -- Insectes.

Insectiv. -- Insectivores.

Inus. -- Inusité.

Irr. -- Irrégularités.

Jurispr. -- Jurisprudence.

L. -- Ligne, Linné, Livre.

Lang. -- Langue ou Langage.

Lav. -- Laveaux ou son Dictionnaire de la langue française (1820).

Lépid. -- Lépidoptères.

Linguist. -- Linguistique.

Littéral. -- Littéralement.

M. -- Masculin.

M. les ll. -- Mouillez les ll.

Malacopt. -- Malacoptérygiens.

Manuf. ou Manufact. -- Manufacture.

Mar. -- Marine.

Martyrol. -- Martyrologe.

Mathém. -- Mathématiques.

Mat. méd. -- Matière médicale.

Méca,. -- Mécanique.

Médec. -- Médecine.

Mégiss. -- Mégisserie.

Mét. -- Métiers.

Minér. -- Minéralogie.

Moll. -- Mollusques.

Ms. -- Manuscrit.

Myriap. -- Myriapodes.

Myth. -- Mythologie, Mythologique.

N. -- Neutre.

Néol. -- Néologie.

Ois. -- Oiseaux.

Opp. --Terme opposé.

Opt. -- Terme d'optique.

Orth. -- Orthographe, Orthographique.

Pathol. -- Pathologie.

Pharm. -- Pharmacie.

Philol. -- Philologie.

Philos. -- Philosophie.

Phys. -- Physique.

Pl. -- Pluriel.

Poiss. -- Poissons.

Pop. -- Populairement,

P. p. -- Participe passé

Prép. -- Préposition.

Pron. -- Pronom, pronominal, prononcez.

Prov. -- Proverbialement.

R. -- Roman.

Rad. -- Radical.

Relat. -- Relations.

Rept. -- Reptile.

Rom. --Romain, romaine.

Rumph. -- Rumphius.

S. -- Substantif.

S. 2 g. -- Substantif des deux genres.

S. f. -- Substantif féminin.

S. f. pl. -- Substantif féminin pluriel.

S. m. -- Substantif masculin.

S. m. pl. -- Substantif masculin pluriel.

Sing. -- Singulier.

Sp. ou Spéc. -- Spécifique.

St. -- Saint.

Suppl. -- Supplément.

Syn. -- Synonyme.

T. -- Terme.

T. d'Anat. -- Terme d'anatomie.

T. de Mar. -- Terme de marine.

T. d'Horl. -- Terme d'horlogerie.

Techn. ou Technol. -- Technologie.

Temps hér. -- Temps héroïques.

Versif. -- Versification.

Vét. -- Vétérinaire.

V. Lang. -- Vieux langage.

V. Pron. -- Verbe pronominal.

Voy. -- Voyages, Voyez.

Vulg. -- Vulgaire.

Vulgt. -- Vulgairement.

W. -- Dictionnaire de Wailly.

Willd. -- Willdenow.

Zool. -- Zoologie.

Les articles sans astérisque ont rapport à des expressions contenues dans la 6e édition de l'Académie; ceux marqués d'un astérisque sont omis par cette édition, mais se trouvent insérés dans le Complément de MM. Didot; enfin deux astérisques désignent les termes omis par ce Complément aussi bien que dans l'Académie.

= Ce signe se traduit par égale ou qui correspond à…, qui signifie....