A Paris
De l'Imprimerie de Crapelet
1823

 

DICTIONNAIRE

DES

PROVERBES FRANÇAIS

Par M. De La Mésangère

De la Société Royale des Antiquaires de France

Troisième édition

AGC

À Paris
Chez Treuttel et Würtz, Libraires,
Rue de Bourbon, n° 17.
A Strasbourg et à Londres, même Maison de Commerce.
Et chez Rey et Gravier, Libraires,
Quai des Augustins, n° 55

1823


OBSERVATIONS
préliminaires

Les mots sentence, adage et proverbe ont de nombreux rapports; mais voici en quoi ils diffèrent.

Les proverbes de Salomon étaient des sentences, c'est-à-dire, des paroles qui portaient un grand sens.

Le proverbe enferme une vérité naïve, tirée de l'observation; l'adage rend, par la tournure, cette vérité piquante.

L'adage, comme on le voit, entre dans le proverbe.

Le mot adage a cessé d'être en usage; et, par proverbe, on entend en général une sentence populaire et commune.

Mais comment ces sentences ont-elles pu passer de bouche en bouche, et ainsi se perpétuer? -- Parce que leur justesse était frappante.

Ajoutez que beaucoup de proverbes sont antérieurs à l'invention de l'imprimerie, et remontent par conséquent à une époque où il était difficile d'acquérir des connaissances.

La plupart des proverbes anciens sont rimés. On chantait des vers dans les repas; ce qu'il y avait de saillant était recueilli par l'un ou par l'autre.

La langue française, que l'on accuse d'être si verbeuse, n'a rien à envier aux autres langues pour la précision de ses proverbes. Peu et bon. -- Paix et peu. -- Qui doit a tort. -- Patience passe science. -- A bon chat bon rat, et quantité d'autres proverbes, sont renfermés dans trois ou quatre mots.

La mythologie a fourni quelques proverbes; par exemple : C'est le tonneau des Danaïdes. -- C'est la toile de Pénélope. -- Une voix de Stentor.

On en a aussi tiré de l'apologue, comme : Jeter le manche après la cognée. -- Réchauffer un serpent dans son sein. -- C'est la mouche du coche.

Beaucoup de proverbes font allusion à des traits d'histoire; telles sont les expressions : Coup de Jarnac, partage de Montgomery.

On en a emprunté aux arts, notamment à la navigation, comme Avoir le vent en poupe; à l'art militaire, comme Baisser la lance; à la vénerie, comme Faire le chien couchant. -- Rompre les chiens. La serrurerie nous a donné : Mettre les fers au feu. -- Battre toujours la même enclume.

Les animaux domestiques ont aussi enrichi le langage proverbial. Ne dit-on pas, Emporter le chat; -- Pendre la chèvre; -- Hurler avec les loups?

Trop prodigués, les proverbes se nuisent mutuellement; c'est au goût à en régler l'emploi.

Les proverbes ne tiennent pas mal leur rang dans les épigrammes; ils y peuvent être semés de bonne grâce, et même quelquefois en former la pointe.

Jamais livre ne fut reçu avec plus d'admiration que les Adages d'Erasme; les uns l'appelèrent la Muse attique; les autres la Corne d'Abondance, un Trésor de bonnes choses. Charles Dumoulin, citant ces Adages, en prend occasion de donner le titre de grand à Erasme.

La première édition des Adages d'Erasme est de l'année 1500; elle contient huit cents proverbes, tant grecs que latins. Erasme pendant plusieurs années, rapporta toutes ses lectures aux adages. L'édition qu'il donna en 1508 contient trois mille trois cents proverbes, et celle de 1517 quatre mille cent cinquante-un.

Erasme croyait être le premier qui eût écrit en latin sur les proverbes, lorsqu'il apprit que Polydore-Virgile avait traité cette matière. Il y a entre les deux ouvrages une très grande différence, et celui de Polydore-Virgile est court; il parut en 1598.

Muret, quoique très grand critique, n'avait pas une grande estime pour les proverbes. Vaugelas, Perrot d'Ablancourt, Nicole, ne les aimaient pas non plus; et le P. Bouhours les a comparés à ces habits antiques qui sont dans les garde-meubles des grandes maisons, et qui ne servent qu'à des mascarades ou à des ballets.

Ce jugement sévère a été infirmé par le Dictionnaire de Trévoux. Voici le passage : "Je suis de l'opinion de Cardan, lorsqu'il dit en ses livres de Sapientiâ, que la sagesse et la prudence de chaque nation consistent en ses proverbes".

Senecé exprime la même pensée. "Quoique certains esprits, dit-il, qui se croient supérieurs, veuillent renvoyer au bas peuple les proverbes, il est hors de doute qu'ils contiennent la quintessence du bon sens."

Guillaume Penn, dans son ouvrage intitulé : Fruits de l'amour d'un père, dit : "La sagesse des nations est renfermée dans leurs proverbes; recueillez-les et apprenez-les, ce sont de bonnes leçons et des directions utiles dans le cours de la vie; ils disent beaucoup en peu de mots, épargnent la peine de trop parler, et dans bien des cas sont la réponse la plus propre, la plus significative et la plus sûre qu'on puisse faire aux gens."

Le sage Franklin pensait de même. Pendant vingt-cinq ans il publia des almanachs où il plaçait des conseils d'économie et des leçons de bienfaisance et de justice, qu'il assaisonnait de proverbes. Lui-même a réuni ces conseils dans un ouvrage intitulé : Science du bon homme Richard.

Les proverbes faisaient l'ornement de notre littérature il y a six cents ans. Les poètes divisaient assez souvent une pièce de vers par couplets, et chaque couplet finissait par une sentence ou proverbe.

Rabelais fut trop prodigue de proverbes, et Jean-Antoine de Baïf, qui le suivit de près, publia un Traité (Les Mimes, Enseignemens et Proverbes, Paris, 1576, in-12) tout-à-fait propre à en dégoûter la nation.

La Comédie des Proverbes, par le comte de Cramail, Paris, 1616, est farcie de proverbes si vulgaires, qu'il serait aujourd'hui impossible d'en soutenir la lecture.

"Si tu y avois seulement pensé, dit Philippin (valet de cette comédie), je ferois de ton corps un abreuvoir à mouches, et je te montrerois bien que j'ai du sang aux ongles."

Alaigre (autre valet)

Je le crois, mais c'est d'avoir tué des poux.

Lidias (amoureux)

La paille entre deux, sus, la paix à la maison. Je n'aime pas le bruit si je ne le fais; je veux que vous cessiez vos riotes, et que vous soyez comme les deux doigts de la main. Alaigre, vous faites le Jean fichu l'aîné, et vous vous amusez à des coques si gruës et des balivernes. Je veux que vous vous embrassiez comme frères, et que vous vous accordiez comme deux larrons en foire, et que vous soyez camarades comme cochons."

Mais Molière remit les proverbes en honneur; et nous lui devons : Qu'allait-il faire dans cette galère? -- Vivre de ménage. -- Rengaîner un compliment. -- Tu l'as voulu, Georges Dandin; et plusieurs autres façons de parler qui tiennent lieu de proverbes.

Et par le prompt effet d'un sel réjouissant,
Devenir quelquefois proverbes en naissant.

(Boileau)

Les proverbes, toutefois, sont exclus du genre sérieux et relevé.

On appelait autrefois jouer aux proverbes, faire quelque geste ou représentation qui expliquât un proverbe.

Cloris ne joue à rien, si ce n'est au proverbe.

(Sarazin)

Vers le milieu du dix-huitième siècle on perfectionna cette espèce de jeu. Un des plaisirs de la haute société était de choisir un proverbe, et, sur ce proverbe, de bâtir à l'improviste un canevas qui devait être rempli par plusieurs personnages.

Madame d'Epinay, dans sa Correspondance, s'égaie aux dépens du célèbre David Hume, que les jolies femmes de Paris avaient jugé propre à ce genre d'amusement. "Il fit, dit-elle, son début chez madame de T***; on lui avait destiné le rôle d'un sultan assis entre deux esclaves, employant toute son éloquence pour s'en faire aimer; les trouvant inexorables, il devait chercher le sujet de leurs peines et de leur résistance : on le place sur un sofa entre les deux plus jolies femmes de Paris; il les regarde attentivement, il se frappe le ventre et les genoux à plusieurs reprises, et ne trouve jamais autre chose à leur dire que : Eh bien! Mesdemoiselles, eh bien! Vous voilà donc… Eh bien! Vous voilà… vous voilà ici? Cette phrase dura un quart d'heure, sans qu'il pût en sortir. Une d'elles se leva d'impatience : Ah! Dit-elle, je m'en étais bien douté, cet homme n'est bon qu'à manger du veau!"

Par proverbe dramatique, on entend maintenant des scènes dialoguées, qui développent une vérité passée en proverbe, ou dont l'intrigue conduit à faire dire aux auteurs une phrase proverbiale; en sorte que cette vérité ou cette phrase se trouve placée naturellement à la fin de la dernière scène.

Carmontelle, lecteur du feu duc d'Orléans, nous a laissé dix volumes in-8° de pièces de ce genre; le six premiers parurent en 1768; les deux suivans, vers 1783, et les deux autres après sa mort, en 1811. M. C. de Méry, chevalier de la Légion-d'honneur, a joint à la réimpression des huit premiers volumes (Paris, Delonchamps, 1822), une Dissertation historique et morale sur les proverbes, et une Table explicative de l'origine et du sens des proverbes traités par Carmontelle.

M. Gosse, membre de la Société Philotechnique, est l'auteur de deux volumes in-8° de Proverbes dramatiques, qui ont paru, en 1819, chez Ladvocat, libraire, à Paris. Dans un Avant-propos, M. Gosse combat le préjugé d'un grand nombre de personnes sur son devancier. "Elles pensent, dit-il, que Carmontelle n'écrivait pas bien, accoutumées comme elles le sont au style à effet, aux termes ambitieux, à la recherche continuelle de l'esprit, aux termes ambitieux, à la recherche continuelle de l'esprit, au clinquant des mots, au cliquetis des antithèses; tout ce qui est naturel leur paraît trivial; tout ce qui est vrai leur paraît commun."

Deux autres volumes in-8° de Proverbes dramatiques, imprimés par Le Normant, à Paris, en 1823, sont l'ouvrage d'un homme du monde, M. Théodore Leclercq. Comme dans ceux de Carmontelle, il y a de la gaîté sans indécence, du naturel, et le ton de la bonne compagnie.

En 1654, on dansa à la cour le ballet des Proverbes, composé par Benserade. La scène changeait de face à tous les proverbes. En voici le sujet : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. Ce ballet était divisé en deux parties : dans la première partie, pour la première entrée, on personnifiait le proverbe : A petits merciers, petits paniers; pour la seconde entrée, jamais amoureux honteux n'eut belle amie; pour la troisième, un fou en amuse bien d'autres; pour la quatrième, tout ce qui reluit n'est pas or; pour la cinquième, tel menace qui a grand peur; pour la sixième, entre deux vertes une mûre; pour la septième, à gens de village trompette de bois; pour la huitième, l'occasion fait le larron; pour la neuvième, il vaut mieux être seul qu'en mauvaise compagnie; pour la dixième, on se traite de Turc à Maure; pour la onzième, ce qui vient de la flûte s'en va au tambour; et pour la douzième, à bon vin bon cheval. Dans la première entrée de la seconde partie, on personnifiait les armes de Bourges; dans le seconde entrée, à vaillant homme courte épée; dans la troisième, à beau parler qui n'a cure de bien faire; dans la quatrième, quand les enfans dorment les nourrices ont bon temps; dans la sixième, le jeu n'en vaut pas la chandelle; dans le septième, il n'est pas si diable qu'il est noir; dans la huitième, chacun cherche son semblable; dans la neuvième, il n'est de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre; dans la dixième, après la panse vient la danse; et dans la onzième, les Espagnols, inventeurs des proverbes.

Mis en comédie et en ballet dans le dix-septième siècle, les proverbes furent aussi la matière d'un sermon.

SERMON EN PROVERBE, OU PROVERBE

EN GUISE DE SERMON

Mes très chers frères,

Tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle se brise. Ces paroles sont tirées de Thomas Corneille, Molière et compagnie (Sganarelle à don Juan, acte v, scène iii, v. 14)

Cette vérité devrait faire trembler tous les pécheurs; car enfin Deu est bon, mais aussi qui aime bien châtie bien. Il ne s'agit pas de dire je me convertirai. Ce sont des écoute s'il pleut; autant en emporte le vent; un bon tiens vaut mieux que deux tu auras. Il faut ajuster ses flûtes, et ne pas s'endormir sur le rôti. On sait bien où l'on est, mais on ne sait pas où l'on va; quelquefois l'on tombe de fièvre en chaud mal, et l'on troque son cheval borgne pour un aveugle.

Au surplus, mes enfans, honni soit qui mal y pense! Un bon averti en vaut deux; il n'est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre; à décrasser un Maure, on perd son temps et son savon, et l'on ne peut pas faire boire un âne s'il n'a soif. Mais suffit, je parle comme saint Paul, la bouche ouverte; c'est pour tout le monde, et qui se sent morveux se mouche.

Ce que je vous en dis, n'est pas que je vous en parle; comme un fou avise bien un sage, je vous dis votre fait, et je ne vais pas chercher midi à quatorze heures… Oui, mes frères, vous vous amusez à la moutarde, vous faites des châteaux en Espagne; mais prenez garde, le démon vous guette comme le chat fait la souris; il fait d'abord patte de velours; mais quand une fois il vous tiendra dans ses griffes, il vous traitera de Turc à Maure, et alors vous aurez beau vous chatouiller pour vous faire rire, et faire les bons apôtres, vous en aurez tout du long et tout du large.

Si quelqu'un revenait de l'autre monde, et qu'il rapportât des nouvelles de l'école, alors on y regarderait à deux fois, chat échaudé craint l'eau froide; quand l'on sait ce qu'en vaut l'aune, on y met le prix; mais là-dessus, les plus savans n'y voient goutte; la nuit, tous chats sont gris, et quand on est mort, c'est pour long-temps.

Prenez garde, disait saint Chrysostôme, n'éveillez pas le chat qui dort, l'occasion fait le larron, vous taillez en plein drap; mais les battus paieront l'amende. Fin contre fin ne vaut rien pour doublure; ce qui est doux à la bouche est amer au cœur; et à la Chandeleur les grandes douleurs. Vous êtes comme des rats en paille, vous avez le dos au feu, le ventre à la table; les biens vous viennent en dormant; on vous prêche, vous n'écoutez pas, ventre affamé n'a pas d'oreille; mais aussi, rira bien qui rira le dernier. Tout passe, tout casse, tout tasse; ce qui vient de la flûte retourne au tambour, et l'on se trouve à terre le cul entre deux selles; alors il n'est plus temps, c'est de la moutarde après dîner; il est trop tard de fermer l'écurie quand les chevaux sont pris.

Souvenez-vous donc bien de cette leçon, mes chers frères, faites vie qui dure; il ne s'agit pas de brûler la chandelle par les deux bouts; qui trop embrasse mal étreint; et à courir deux lièvres, on n'en prend aucun. Il ne faut pas non plus jeter le manche après la cognée. Dieu a dit : Aide-toi, je t'aiderai : n'est pas marchand qui toujours gagne; quand on a peur des feuilles, il ne faut pas aller au bois; mais il faut faire contre fortune bon cœur, et battre le fer tandis qu'il est chaud.

Un homme sur la terre est comme un oiseau sur la branche, il doit toujours être sur le qui vive; on ne sait ni qui vit ni qui meurt; l'homme propose, Dieu dispose; tel qui rit vendredi, dimanche pleurera; il n'est si bon cheval qu'il ne bronche, et quand on parle du loup, on en voit la queue… Oui, mes chers frères, aux yeux de Dieu tout est égal, riche ou pauvre, il n'importe, tant vaut l'homme, tant vaut la terre; bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. Les riches paient les pauvres; ils se servent de la patte du chat pour tirer les marrons du feu; mais saint Ambroise a dit : Chacun son métier, les vaches sont bien gardées : il ne faut pas que Gros-Jean remontre à son curé; chacun doit se mesurer à son aune, et comme on fait son lit on se couche. Tous les chemins vont à Rome, direz-vous; oui, mais encore faut-il les savoir, et ne pas choisir ceux où il y a des pierres.

Pensez donc bien, mes chers frères, que Dieu est partout, et qu'il voit tout; il ne faut pas finasser avec lui, c'est vouloir prendre la lune avec les dents. Il faut aller droit en besogne, et ne pas mettre la charrue devant les bœufs; quand la poire est mûre, il faut la cueillir.

Quand on veut faire son salut, voyez-vous, il faut aller de cul et de tête comme une corneille qui abat des noix. Si le démon veut vous dérober, laissez-le hurler après vous; chien qui aboie ne mord pas. Soyez bons chevaux de trompette, ne vous effarouche pas du bruit. Les méchans vous riront au nez; mais c'est un ris qui ne passe pas le nœud de la gorge; c'est la pelle qui se moque du fourgon. Au demeurant, chacun son tour, et à chaque oiseau son nid paraît beau. Au surplus, pour être heureux, il faut souffrir; les pois ne peuvent pas tomber tout cuits dans la bouche; après la pluie vient le beau temps, et après la peine le plaisir. Laissez dire : Trop gratter cuit, trop parler nuit; moquez-vous du qu'en dira-t-on, et ne croyez pas que, qui se fait brebis, le loup le mange. Non, non, mes chers frères; Dieu a dit : Plus vous vous serez humiliés sur la terre, plus vous serez élevés dans le ciel.

Ecoutez et retenez bien ceci, je vous parle d'abondance de cœur; il n'est pas besoin de mettre les points sur les i; à bon entendeur salut; il n'est qu'un mot qui serve; il ne faut pas tant de beurre pour faire un quarteron; quiconque fera bien, trouvera bien, les écrits sont des mâles, dit-on, et les paroles des femelles; on prend les bœufs par les cornes, les hommes par les paroles, et quand les paroles sont dites, l'eau bénite est faite.

Faites donc de solides réflexions sur tout ce que je vous ai dit : il faut choisir d'être à Dieu ou au diable; il n'y a pas de milieu, et comme on dit, il faut passer par la porte ou par la fenêtre. Vous n'êtes pas ici pour enfiler des perles, c'est pour faire votre salut. Ce n'est pas sur l'anse d'un panier que vous rendrez vos comptes; le démon a beau vous dorer la pilule, quand le vin sera tiré, il faudra le boire, et c'est au fond du pot qu'on trouve le marc.

Au surplus, à l'impossible nul n'est tenu; je ne veux pas vous sauver malgré vous, moi. Si ce que je vous dis vous entre par un oreille et vous ressort par l'autre, c'est comme si je prêchais à des sourds; mais c'est égal, quand il faut fondre la cloche, sauve qui peut, malheureux qui est pris… Pour moi, je m'en bats l'œil; je suis comme saint Jean-Bouche-d'or, je dis tout ce que je sais; et comme charité bien ordonnée commence par soi-même, je vais tâcher de faire mes orges et de retirer mon épingle du jeu. Alors, quand je serai sauvé, ah! Ma foi, arrive qui plante, je vous dirai tire-t'en Pierre! Et si vous allez à tous les diables, je m'en lave les mains.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Amen. Ainsi soit-il.

Passons à la Bibliographie des proverbes.

Jean de la Véprie, prieur de Clairvaux, en 1495, recueillit plusieurs proverbes français qui furent mis en vers latins par Jean-Gilles des Noyers, et que Josse Badius imprima à Paris, en 1519.

Voici un des proverbes de Jean de la Véprie :

Quand argent faut, tout faut.

La traduction par des Noyers renferme un jeu de mots :

Deficiente pecu, deficit omne, - niâ.

Pierre Gringore, poète lorrain, donna en 1527, Notables enseignemens, Adages et Proverbes par quatrains, in-8°, Paris.

Pierre Grognet, poète bourguignon, publia, en 1530 et 1533, les Mots dorés du grand et sage Caton, en latin et en français, avec aucuns bons et très utiles Adages, Auctorités et Dicts moraux des sages, profitables à chacun, in-8°, Paris.

Charles de Bovelles, chanoine de Noyon, écrivit des Proverbes et Dicts sententieux, avec l'interprétation d'iceux. Ce recueil ne fut imprimé qu'en 1557.

Gilles Corrozet, libraire à Paris, publia, en 1540, un ouvrage en vers intitulé : Hécatomgraphie, description de cent figures et histoires contenant plusieurs apophtegmes, proverbes, etc. des anciens et modernes, in-8°, Paris. Ces descriptions sont renfermées dans des quatrains au nombre de cent; en voici un :

Dessoulz beauté gist déception

Bien souvent soubz quelque beaulté
Et soubz bonne et doulcde apparence,
Gist fallace et desloyauté,
Dont on ne fait la différence.

Jean-Antoine de Baïf, né en 1531, a fait des sixains tout composés de proverbes; nous en avons déjà parlé; et ce n'est point au hasard, mais comme faisant exception, que nous citons le suivant :

Trop de miel mangé s'amertume.
Qui trop à jouir s'accoutume,
Gaste du plaisir le plaisir.
Ce que l'on cherche, on ne rencontre;
Qu'on n'y pense plus, il se montre.
Hastif se repent à loisir.

Jean Le Bon, médecin du duc de Guise, a écrit des Adages ou Proverbes français, qui ont été imprimés in-8°, à Paris, dans le seizième siècle.

Henri Estienne, deuxième du nom, a consacré aux proverbes, particulièrement à ceux qui sont traduits du grec et du latin, trente-neuf pages de son ouvrage sur la Précellence du langage français; in-12, Paris, 1559.

Le même a donné, en 1594, in-8°, Les Prémices, ou le premier livre des Proverbes épigrammatisés, ou des Epigrammes proverbialisées.

On trouve l'explication de quelques proverbes français, à la fin du Dictionnaire français-latin de Nicot, imprimé en 1606, in-folio, sous le titre de Trésor de la langue français, tant ancienne que moderne; et quelques additions à cet abrégé de proverbes dans l'édition du même dictionnaire, donnée en 1608, à Lyon, par Jean Baudoin.

Gabriel Meurier a écrit en français, quoiqu'il fût né en Flandre, un volume de 332 pages sur les proverbes; en voici le titre : Trésor des sentences dorées et argentées; Proverbes et Dictons communs réduits selon l'ordre alphabétique; in-12, cologne, 1617.

Voici le commencement de la lettre B.

Bien heureuse est la maison
Oùprudence règne et raison.
Bien heureux qui a femme sage,
Car c'est l'ornement du mesnage.

En 1640, Antoine Oudin, interprète des langues étrangères, donna à Paris, in-8° les Curiosités françaises pour supplément aux dictionnaires, ou recueil de plusieurs belles propriétés, avec une infinité de proverbes et de quolibets, pour l'explication de toutes sortes de livres.

Il y a dans cet ouvrage beaucoup plus de quolibets que de proverbes; et l'on y donne comme proverbes des façons de parler à peine connues. L'auteur a puisé dans l'Astrée, dans Polexandre, dans Ariane, dans Polyxène, et autres romans.

A son tour, il a été copié par P. J. Le Roux, auteur d'un Dictionnaire comique, satirique, etc., dont nous parlerons plus bas.

En 1653, un Hollandais, grand admirateur de la Comédie des Proverbes, donna un essai d'un ouvrage assez considérable, qui parut trois ans plus tard, à La Haye, sous le titre d'Étymologie, ou Explication des Proverbes français, divisée en trois livres par chapitres en forme de dialogue, par Fleury de Bellingen; un volume in-12 de 380 pages.

Les illustres Proverbes nouveaux et historiques, expliqués par diverses questions curieuses et morales, en forme de dialogue; Paris, 1655, en un volume; et 1665, en deux volumes, sont, en grande partie, extraits de l'ouvrage de Bellingen.

A l'exemplaire que nous avons sous les yeux est jointe une gravure qui probablement a donné l'idée de la nombreuse suite de planches, format in-folio, qui ont été gravées à l'eau forte, et publiées par Jacques Lagniet, sous le titre de Recueil des plus illustres Proverbes, divisés en trois livres : proverbes moraux, proverbes joyeux et plaisans, vie des gueux en proverbes.

En 1665 parut le Divertissement des sages, par le P. Jean-Marie de Vernon, pénitent du couvent de Nazareth à Paris; in-8°, Paris; commentaire pieux de deux cent vingt-six proverbes ou expressions proverbiales. L'auteur conçut l'idée de cet ouvrage en composant la Vie de Saint-Louis. Après son dîner et son souper, ce prince donnait quelque temps à des conférences familières où il aimait à voir figurer de proverbes.

Les axiomes du droit coutumier ont une tournure proverbiale dans l'ouvrage suivant : Institutes coustumières, ou Manuel de plusieurs et diverses règles, sentences et proverbes, tant anciennes que modernes, du droict ordinaire de la France, par M. Anthoine Loisel, advocat en parlement; in-12, Paris, 1657.

Sept ans plus tard on offrit aux amateurs de proverbes : Proverbes en rimes, ou Rimes en proverbes, tirés en substance tant de la lecture des bons livres que de la façon ordinaire de parler, et accommodés en distiques ou manières de sentences, qui peuvent passer pour maximes dans la vie; par M. Le Duc; in-12, Paris, 1664; deux parties, l'une de 364 pages, l'autre d 362. La plupart de ces distiques sont insignifians, comme celui-ci :

Si en lièvre couroit le pain,
Beaucoup de gens mourroient de faim.
Passe pour le suivant :
Femme qui gaigne et poule qui pond,
Font grand bruit dans la maison.

En 1668, le sieur Juliani, maître de langue italienne et de langue espagnole, consacra aux proverbes la seconde partie de son ouvrage, intitulé : Les Heures de récréation. Cette seconde partie contient 116 pages in-18, à deux colonnes. Sur la première sont les proverbes français, et sur la seconde, ces mêmes proverbes en italien : il n'entrait pas dans le plan d l'auteur de les expliquer.

On trouve des proverbes dans le septième Livre des Recherches de la France, d'Estienne Pasquier, in-4°, Paris, 1617.

Jacques Moisant de Brieux, né à Caen vers 1614, et conseiller au parlement de Metz, fit imprimer à Caen, en 1672, les Origines de quelques coutumes anciennes, et de plusieurs façons de parler triviales; in-12 de 200 pages. La lecture de ce petit volume est très agréable; l'auteur écrivait mieux que les érudits qui l'avaient précédé.

P. J. Le Roux, Français réfugié à Amsterdam, publia, en 1718, un Dictionnaire comique, satirique, critique, burlesque, libre et proverbial; un volume in-8°. Cet ouvrage a été plusieurs fois réimprimé. Dans la dernière édition, qui est de 1787, et qui forme deux volumes, les continuateurs de Le Roux ont fait entrer plusieurs façons de parler proverbiales, tirées des manuscrits de Barbasan.

Dès 1710 avait paru à Bruxelles le Dictionnaire des Proverbes français, par G. D. B. (Georges de Backer); in-8°.

En 1728, il en parut un autre à Amsterdam, sous le nom de Dubois.

En 1748, M. Savoye, libraire à Paris, mit au jour le Dictionnaire des Proverbes français, et des façons de parler comiques, burlesques et familières; avec l'explication des étymologies les plus avérées par P. J. P. D. L. N. D. L. E. F. (Joseph Panckoucke, docteur, libraire, natif de Lille en Flandre.) L'auteur de ce dernier Dictionnaire convient que ceux de Bruxelles et d'Amsterdam ont servi de fondement au sien.

Le même ouvrage refondu, mais non augmenté, parut à Paris, chez Savoye, en 1758.

Depuis la page 449 jusqu'à la page 545, se trouvent dans le Ducatiana (in-8°, Amsterdam, 1738) des remarques qui se rapportent au Dictionnaire des Proverbes français, par Georges de Backer.

En 1765, M. Eidous fit imprimer des proverbes chinois, à la fin de l'ouvrage qu'il publia sous le titre de Han kio Choaan, ou Histoire chinoise, traduite du chinois. Ces proverbes sont comparés avec les proverbes des autres peuples, mais plus souvent avec les proverbes des Italiens, des Espagnols et des Anglais, qu'avec les proverbes des Français.

Dans l'an v de la république (1797), M. Dugour, libraire à Paris, forma de ces proverbes un volume in-18 de 130 pages. Cet ouvrage est devenu rare; nous en devons la communication au savant et obligeant M. Beuchot.

Il y a environ trente ans que l'on trouvait à Paris, chez les marchands de nouveautés, le Bouquet proverbial, ou Réunion complète de tous les Proverbes français, mis en chanson par L. A. Boutroux de Montargis, Paris, sans date, in-8° de 9 pages.

Cette chanson contient cinquante couplets; en voici deux. Air : Or, écoutez, petits et grands, ou Un ancien proverbe nous dit, ou Mon père tait bon savetier :

C'est en forgeant, dit saint Simon,
Que l'on devient bon forgeron.
L'oisiveté, dit saint Sulpice,
Est l'origine de tout vice.
Il vaut bien mieux, n'en doutez pas,
User des souliers que des draps.
On a souvent, dit saint Eloi,
Besoin d'un plus petit que soi.
Comme nous dit sainte Monique,
C'est le ton qui fait la musique.
Il est toujours mal entendu
De péter plus haut que le Q.

Saint Simon, saint Sulpice, saint Eloi et sainte Monique sont ici pour la rime. M. Boutroux a usé de la même licence dans presque tous les couplets,et beaucoup de proverbes ont ainsi une accolade bizarre.

En 1789, M. Tuet, chanoine de l'église cathédrale, et professeur de rhétorique à Sens, fit imprimer dans cette ville un volume in-8° de 544 pages, intitulé : Matinées sénonoises, ou Proverbes français suivis de leur origine, de leur rapport avec ceux des langues anciennes et modernes, etc.

Le même ouvrage reparut sous le titre de Proverbes français, à Paris, en l'an iii de la république, sans autre changement qu'un nouveau frontispice.

Nous n'avions rien eu encore d'aussi satisfaisant sur les proverbes.

En l'an ix (1801), M. Dh….., qui dirigeait à Paris un journal intitulé : Correspondance des villes et des campagnes, publia, à Paris, un Recueil de Proverbes français, latins, espagnols, italiens, allemands, hollandais, juifs, américains, russes, turcs, etc., à l'usage des écoles publiques et des maisons d'éducation, in-8° de 72 pages.

L'auteur invitait les étranges à concourir à son travail, et espérait former une concordance des proverbes des différens peuples. Son projet n'a pas eu de suite. Au reste, il citait les proverbes sans donner une seule ligne d'explication; et l'on ne trouvait des proverbes étrangers que de loin en loin.

En 1803 parut, à Paris, une Histoire des Proverbes, rédigée par le traducteur de la Galerie anglaise (Théodore-Pierre Bertin); in-12 de 247 pages. C'est un abrégé incomplet de l'ouvrage de M. l'abbé Tuet.

En 1811 fut publié, à Paris, par l'Huillier, libraire, rue des Mathurins-Saint-Jacques, un volume in-12 de 133 pages, intitulé : Proverbes et expressions proverbiales des meilleurs auteurs latins, avec une traduction et les proverbes français correspondans, en regard du texte; par M. Francis Levasseur.

C'est un essai. L'auteur dit qu'il aurait rendu ce volume plus considérable, s'il eût été sûr que MM. Les professeurs de l'université l'eussent jugé utile à l'instruction.

Nous croyons qu'il faut rapporter à peu près à la même date, le Proverbiana, ou Recueil des proverbes les plus usités et les plus saillans, avec leur signification précise, petit in-18, Lille, l'an qui refuse muse.

Enfin, au commencement de mars 1823, M. Noël, éditeur de gravures, rue Saint-Jacques, n° 16, à Paris, a mis au jour les douze premiers numéros d'une suite de planches qui doit être portée à cent vingt, et qui a pour titre : Proverbes et Bons mots mis en action, d'après les mœurs populaires; composés et lithographiés par MM. Pigal, Pajou et Joseph Arago, avec un texte explicatif, rédigé par Joseph Arago.

Ce texte, placé en regard de chaque planche, se compose d'une douzaine de lignes : le format est petit in-folio.

Voici l'explication de la planche qui représente un commissionnaire déjeunant à la porte d'un marchand de vin, et un ramoneur affamé :

"Celui qui s'attend à l'écuelle d'autrui, a souvent mal dîné.

"Quelques personnes prétendent que ce proverbe a pris naissance à Toulouse; d'autres assurent que c'est à Bordeaux. -- Avez-vous dîné? Vous dit souvent un Gascon qui rentre chez lui. -- Oui, je sors de table. -- Ah! Tant pis, car je vous aurais retenu… -- Le plaisir d'être avec vous me donnera encore de l'appétit; entrons. -- Oui, je vous aurais retenu pour me conduire jusqu'à la porte du sous-préfet, chez lequel je suis invité. -- Je n'ai pas faim, adieu…. -- Il est bien heureux de ne pas avoir faim.

"Si j'avais conseillé le dessinateur, j'aurais fait mettre des habits et des broderies au lieu de vestes et de haillons; le proverbe aurait été mieux justifié."

M. L'abbé Tuet, dans le Postscriptum de ses Matinées sénonoises, disait : "Les proverbes qui restent dans mon portefeuille me paraissent aussi intéressants que ceux qui en sortent aujourd'hui. Les matières ont été distribuées de manière que le lecteur s'il désire la suite de cet ouvrage, ne puisse dire qu'on lui a fait manger son pain blanc le premier : mais avant de risquer une nouvelle fournée (qu'on me pardonne la bassesse de l'allégorie), il est bon que je sache ce que deviendra celle-ci."

M. l'abbé Tuet est mort à Sens, le 25 décembre 1797, âgé de cinquante-sept ans.

Il avait admis dans ses Matinées sénonoises plusieurs expressions proverbiales; nous l'imiterons. Le nombre des proverbes qui forment une phrase complète, est trop borné pour que l'on puisse en composer un corps d'ouvrage.

AVIS RELATIF A LA MANIERE DONT NOUS AVONS

ÉNONCÉ LES PROVERBES

Souvent le dernier mot d'un proverbe sert de réclame, parce qu'il nous a paru plus propre que le premier à faire renaître l'idée que le proverbe exprime dans l'esprit de ceux qui n'en ont qu'un souvenir confus. Ce dernier mot est presque toujours inhérent au proverbe, tandis que le premier peut subir des changemens de rédaction. Un exemple rendra cette différence sensible : Je le mènerai par un chemin où il n'y aura point de pierres. Mener par un chemin où il n'y a point de pierres.

Lorsque ni le premier ni le dernier mot d'un proverbe ne nous ont paru en devoir retracer l'idée, nous avons fait précéder le proverbe de son sujet.

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