C

C. Substantif.

1° En terme d’antiquités, lettre de condamnation.

2° Expression abrégée du mot canto, en musique.

3° Expression abrégée du mot compte, dans le commerce.

4° Barré (c), il signifioit cent mille.

5° Double, c’est le nom d’un papillon.

Acceptions omises.

CABINET. Les vers d’Oronte sont bons à mettre au cabinet. Cela peut être vrai, mais cela n’est pas honnête, et cette acception n’est pas décente. Toutefois elle est de Molière; elle est dans le Misanthrope; elle est employée par Alceste : donc elle est françoise.

Un excellent critique a soutenu dernièrement que le mot cabinet étoit pris dans cet exemple en son acception la plus honnête. On ne peut guère adopter cette interprétation sans démentir la tradition et le sens intime de chaque lecteur pris en particulier. Je la regarde comme un paradoxe de fort bon ton.

CACOUAC. Ce n’est pas, comme le pense M. Boiste, Voltaire qui a inventé le plaisant mot de cacouac pour désigner les philosophes; c’est un certain Moreau, historiographe très-bien pensionné, très-prolixe et très-inconnu. Cacouac est un mot grec qui signifie mauvais, avec une terminaison iroquoise qui ne signifie rien. Les philosophes s’arrogèrent ce nom comme les gueux du Brabant; et, ce qu’il y a de pis, ils prirent la dérision au mot. Ce n’est pas ce qu’ils ont fait de mieux.

CACOZÈLE. Zèle indiscret. BOISTE. — Il faut réellement un peu de cacozèle pour recueillir de semblables mots.

CADELLE. Espèce de ténébrion qui attaque le blé. BOISTE. — Larve du trogosite bleu, qui n’est pas un ténébrion.

CADOCHE. Nom oublié d’un grade transcendant de la maçonnerie, dont il est souvent fait mention dans les écrits de quelques rêveurs modernes.

Il faut peut-être écrire kadoche, de l’hébreu kadosh ou kadash, qui signifie sacré.

Ce n’est pas qu’il y ait rien de sacré dans le grade du cadoche, non plus que dans la maçonnerie en général; mais il y a du mystérieux, et, pour le vulgaire, c’est presque toujours la même chose.

CAGOTS. Nom de caste.

Ce sont des proscrits du Languedoc, du Béarn, des Navarres, et, sous le nom de cacous ou caqueux, d’une grande partie de la Basse-Bretagne. On ne connoît positivement ni leur origine, ni celle de leur nom.

Je ne suis pas trop porté à chercher des étymologies grecques aux mots qui paroissent anciennement naturalisés dans notre langue; mais je conçois que, à une époque plus voisine, on ait substitué au nom de caste de ces malheureux un nom grec qui consonnoit peut-être avec lui. signifie malus, improbus, ignobilis.

Quant à l’étymologie de cagot, pris dans l’acception d’hypocrite, il ne faut pas la chercher ailleurs. Il est à remarquer que les cagots s’appeloient aussi chrétiens. Ce dernier nom ne pouvant être injurieux pour désigner un dévot outré, on se sera servi de l’autre, qui se prenoit depuis longtemps en mauvaise part. Il est probable encore que les misérables dont je parle, restant fidèles à la communion catholique, les réformés en auront pris l’idée de confondre tous les partisans de l’Église romaine sous la même dénomination; l’on remarque du moins que l’usage n’en remonte pas au-delà de la réforme. Voyez Rabelais, qui se sert souvent du mot cagot, et qui l’accompagne presque toujours de celui de bête puante. La lèpre et la puanteur étoient deux des reproches que l’on faisoit aux cagots.

Nous avons eu la même libéralité à l’égard des Juifs, tant la société est invariable dans ses préventions, et les proscripteurs délicats dans le choix de leurs prétextes..

CAÏEU. Squama, une écaille : on en a fait squalla, puis, chez nous, écaille, écailleux. Un caïeu est une petite bulbe enveloppée d’écailles. On en a fait aussi scille, squille, et même échalotte; car ce n’est point le nom de cette racine qui vient d'Ascalon; c’est plutôt Ascalon qui vient du nom de la plante. L’Encyclopédie et la plupart des botanistes écrivent cayeux, qui se rapproche plus de l’étymologie, l’y grec n’étant ordinairement chez nous qu’une consonne douce dont le l mouillé est l’expression forte. Cette variante d’orthographe valoit au moins la peine d’être indiquée.

On appelle cayes, sur les côtes de l’Océan, des bancs de rocs feuilletés et imbriqués à peu près comme les écailles d’un poisson. Sur quoi je remarque deux choses : la première, qu’il y a un village de Picardie nommé Cayeux, tout-à-fait au bord de la mer, et dont le nom vient de là; la seconde, que ni cayes ni imbriqués ne se trouvent dans le Dictionnaire de l’Académie.

CALAMITÉ. Calepin, remarquant que ce mot s’est pris d’abord pour les désastres auxquels est exposée l’habitation du peuple, comme la grêle et les orages qui brisent ses toits, le croit dérivé de calamus, le chaume. Je rapporte cette jolie étymologie, parce que personne ne l’a recueillie et qu’elle est à peu près perdue dans un Dictionnaire qu’on ne lit plus.

CALANDRE. Ce mot a deux acceptions dans lesquelles Ménage ne lui trouve point d’étymologie. Dans la première, il signifie une machine à lustrer les étoffes ou tabiser les taffetas. C’est évidemment de , jugum telœ. Dans la seconde, il est pris pour un insecte qui ronge le blé. C’est probablement de , qui signifie, je retourne et figurément, ou par extension, je laboure. Alors le nom de cet insecte lui auroit été donné par ironie ou contre-vérité, ce qui n’est pas un procédé rare dans les langues. Il y en a même un exemple très-analogue et très-curieux dans le nom vulgaire du taupe grillon, insecte également funeste à l’agriculture, et qu’on appelle communément arate ou arote, d’arare, cultiver la terre.

CALCOGRAPHIE. L’Académie écrit chalcographie. GATTEL. — Et l’Académie a raison. Il n’est pas permis d’altérer l’orthographe étymologique d’un mot, tant qu’on n’est point convenu d’un système philosophique d’écriture auquel cette considération elle-même seroit nécessairement subordonnée. J’accepte seulement toute famille de mots formée nouvellement, ou à l’avenir, d’une racine qu’il sera important de ne pas rendre équivoque dans la prononciation, comme celles qui seroient attribuées à des usages populaires, excessivement multipliés.

CALEMBOURG. Mot nouveau qu’il faudroit bien se garder d’admettre dans la langue, si le mauvais genre d’esprit qu’il désigne pouvoit s’anéantir avec lui. M. Boiste le fait dériver de calamajo burlare.

Ce que tout le monde ne sait pas, c’est qu’avant cette expression, le même jeu de paroles étoit déjà désigné par une autre : on l’appeloit montmaurisme, du nom de Montmaur, dit Ménage, le seul lexicographe qui en fait mention. On avoit donné la même dénomination à la basse profession des parasites. Voilà un professeur de grec qui a consacré son nom à la postérité de deux manières bien honorables.

Au reste, Rabelais a fait justice il y a longtemps de ces calembourgs figurés qu’on appelle rebus : Qui sont, dit-il, homonymies tant ineptes, tant fades, tant rusticques et barbares, que l’on debvroit attacher une queue de regnard au collet, et faire un masque d’une bouze de vache à ung chacun d’iceulx qui en vouldroit doresnavant user en France après la restitution des bonnes lettres. Liv. I, chap. IX.

CALENDES. On sait l’origine du proverbe : renvoyer aux calendes grecques. Les Grecs n’avoient point de calendes. C’est l’époque à laquelle Panurge remettoit le paiement de ses dettes. Ce mot vient cependant du grec; non, comme l’a dit M. Noël, du verbe , voco, mais du verbe , volvo, verso; qui s’y rapporte bien mieux par le sens et par le son.

CALEPIN. Dictionnaire de Calepin (vieux). BOISTE. — Oui, sans doute, il est vieux le Dictionnaire de Calepin, mais l’expression ne l’est pas. Que fait d’ailleurs le Dictionnaire de Calepin dans le Dictionnaire de M. Boiste?

CALME. Voici un mot dont l’étymologie est inconnue, et je ne m’en étonne pas; car la chose la plus précieuse du monde est tout justement celle dont on s’occupe le moins. Ne viendroit-il pas aussi de calamus, non dans son acception qui signifie la plume des gens de lettres; car il n’y a rien de plus éloigné de l’idée de calme; mais dans le sens de chaume et de roseau, soit qu’on ait eu d’abord égard dans la composition de ce mot à cet état de la mer qu’on appelle le calme, et dans lequel elle ressemble à la surface d’un champ de moissons; soit que l’esprit ait voulu consacrer le rapport de ce tranquille état de l’ame avec la solitude et la tranquillité de la vie champêtre ? Carminare n’en seroit-il pas fait sur une autre touche pour l’idée d’adoucir et de charmer ? Tous les philosophes, tous les poètes, semblent prêter des autorités à cette idée, et l’expérience de tous les siècles la justifie. J’aimerois mieux cette étymologie que toutes celles de Court de Gébelin et de Ménage.

On cherche entre les mots des rapports de consonnance : n’en trouve-t-on pas quelques-uns dans le cœur de l’homme ?

CALOTTIN. Extravagant (populaire). BOISTE. — Il ne falloit pas oublier le régiment de la calotte, au moins comme une institution qui n’est pas indifférente à l’histoire.

Il ne falloit pas définir calottin par le simple mot, extravagant, qui est une généralité vague. Un calottin étoit un fou satirique et ingénieux.

Il ne falloit pas dire que cette expression étoit purement populaire; car le régiment de la calotte avoit été de fort bonne compagnie, et son commandant étoit un M. de Torsac, exempt des gardes-du-corps, très-aimé de Louis XIV.

Presque tous les poètes du temps étoient calottins. Les nôtres sont plus sérieux; ils ont changé de folie.

CALYGES. Insectes adhérents au bouclier. BOISTE. — Les calyges sont proprement des crustacés parasites qu’on rencontre sur divers poissons.

CAMÉLÉOPARD. Plusieurs naturalistes pensent que cet animal est le même que la girafe. GATTEL. — Il n’y a pas un naturaliste qui en doute.

La girafe, le plus grand des quadrupèdes. GATTEL. — C’est seulement le plus haut.

CANAILLE. Il faut remarquer en passant, pour égayer un peu l’aridité de ces observations, que ce mot, le plus trivial de la langue, a été employé une fois dans la tragédie, acte V, scène II, vers I Ide la Médée de Corneille :

Quoi! vous continuez, canailles infidèles!

Ce qui n’autorisera aucun lexicographe à l’indiquer comme poétique.

CANARD (chien). On dit aussi caniche; et pourquoi pas de canis plutôt que des habitudes de cette espèce de chiens ? Tous les chiens nagent plus ou moins, et le nom des canards ne vient pas de leur aptitude à nager, comme un étymologiste l’a pensé. C’est une onomatopée.

CANCAN. Plainte bruyante. CATINEAU, GATTEL, BOISTE. — C’est aussi un caquetage de société, une médisance, une nouvelle sans fondement.

Quelle est son étymologie ? est-ce l’onomatopée du cri des canards, ou la fameuse dispute de Ramus sur la manière de prononcer quamquam qui en a donné l’idée ?

CANDIDEMENT. Ce mot étoit un néologisme au temps de l’abbé Desfontaines, qui le condamne. L’usage ne l’a pas accueilli depuis d’une manière bien marquée, ce qui n’empêche pas qu’il ne soit utile et susceptible d’être agréablement employé. Comme il n’y a pas de synonyme absolu, candide n’est pas celui de naïf, d’ingénu, de sincère, ce qui sera également vrai pour l’adverbe.

CANNIBALES. Nom de certains peuples d’Amérique qui mangent de la chair humaine. GATTEL. —

Cannibales étoit un nom générique par lequel on entendoit les peuples nouvellement découverts; maintenant il n’est plus d’usage qu’au figuré.

2° Les cannibales ne mangent pas de la chair humaine comme les bêtes de somme mangent du foin; ils en mangent quelquefois pendant leurs guerres et ne mangent jamais que celle de leurs ennemis.

Cannibales a d’abord été pris en fort bonne part, comme on peut le voir dans l’admirable chapitre de Montaigne qui est consacré à ces peuples; mais nous en avons fait une injure aussi bien que de sauvages, et cela est très bien vu.

CAPENDU. Les étymologistes disent qu’il faut appeler cette poire court-pendu. On ne comprend guère cette mutation de la syllabe initiale.

L’opinion la plus probable est que la conformation du fruit a déterminé son nom, qui s’est écrit autrefois cas-pendu. On sait quel sens le mot cas a reçu dans nos vieux auteurs, et qu’il vient dans cette acception du cazzo des Italiens.

CAR. Autrefois quar, de quare.

Gomberville avoit juré une telle haine à cette conjonction, qu’il mettoit ses lecteurs au défi de la trouver dans ses ouvrages : ce seroit maintenant une vérification très-fâcheuse à faire.

Béroalde de Verville, qui n’en faisoit guère plus de cas, commence par ce mot le Moyen de parvenir, où il ne se retrouve plus ensuite; il n’en est pas moins utile et difficile à remplacer; mais Gomberville n’est une autorité qu'à l’Académie.

CARISTADE. Aumône. ACADÉMIE, BOISTE. —

Patois du Midi.

CARLIN. L’étymologie du nom de cette espèce de chiens deviendroit difficile à trouver, si on ne la fixoit maintenant. Ils ont été appelés ainsi par allusion au masque d’arlequin dont leur face noire et plate semble avoir été le modèle; et on se souvient que le rôle d’Arlequin appartenoit, lors de leur apparition, au fameux Carlin Bertinazzi.

Quant au nom d’arlequin, qui s’est écrit hallequi, c’est, suivant Court de Gébelin et l’auteur du Dictionnaire des Onomatopées, qui s’est rencontré avec lui, d’il lechhino ou al lechino, le gourmand, qu’il a été fait en italien. Ménage prétendoit qu’il lui venoit de l’accueil que cet acteur avait reçu dans la famille de M. de Harlay; mais il est fort antérieur à l’établissement des bouffons en France : ce qui n’empêche point qu’Arlequin ait ridiculement équivoqué sur son nom, en s’appelant Harlay-quint, ou cinquième du nom.

CARMES. Double quatre au tric-trac. Académie, Boiste. — Orthographie vicieuse. Il faut écrire carnes de quaterni.

CASTAGNETTES. On écrit cascagnettes jusqu’à Molière.

Quelle orthographe est la bonne, et pourquoi est-elle bonne. Ou bien, en autres termes, quelle est la véritable étymologie ? car l’étymologie doit décider de l’orthographe, quand il n’y a pas d’orthographe fixe.

La forme des castagnettes, semblable aux deux valves creuses de la châtaigne, ne laisse pas de doute sur cette origine. Ce mot vient de castaea, et cascagnette se disoit par corruption.

CEDILLE. Petite virgule, etc. Wailly. virgule qui adoucit le c, etc. Boiste. — Il n’y a aucun rapport entre une virgule et une cédille. La cédille n’adoucit pas le c; elle le métamorphose. Il faut dire : signe qui donne au c la valeur de l’s, devant l’a, l’o, l’u, et leurs nazales; et convenir, s’il y a lieu, qu’il est fort ridicule d’employer ce signe pour donner à une lettre une fausse valeur qui réside dans un des autres éléments de la langue.

CEDO-NULLI. Très-belle came marbrée, etc. Boiste. — Le cedo-nulli n’est pas un bivalve comme les cames; c’est un cone de Linné, un cornet de Dargenville, un rouleau ou limaçon operculé d’Adanson. C’est d’ailleurs un fort beau coquillage, un coquillage fort rare, mais c’est un coquillage qui n’a que faire dans le Dictionnaire de la langue, et qui y figure étrangement avec son nom latin.

CELERITE. On croit que ce mot n’a pas été employé avant le père Catrou, qui s’en sert dans sa préface de l’Histoire Romaine : il est maintenant généralement reçu; mais il n’a pu faire passer le joli adjectif célère, si cher aux néologues.

CENT-PIEDS. Serpent très-venimeux de Siam. WAILLY, GATTEL, BOISTE. — C’est une scolopendre; mais à quoi bon ?

CEPENDANT. Néanmoins. Il est très-beau dans le sens emphatique de pendant, et je doute qu’on puisse trouver mieux en poésie.

Grand Henri, grand foudre de guerre
Que, cependant que parmi nous
Ta valeur étonnoit la terre,
Les destins firent son époux…..

MALHERBE.

Cependant que leurs rois engagés parmi nous….
Cependant que Félix ordonne un sacrifice…..

CORNEILLE.

Cependant que mon front au Caucase pareil.

LA FONTAINE.

CÉTACÉE. Se dit des grands poissons. WAILLY. — Très-improprement. Un grand poisson n’est pas un cétacée, mais les cétacées sont forts grands; ce sont des animaux plagiures, mammifères, vivipares, sans écailles, qui diffèrent par conséquent beaucoup des poissons par leur conformation, mais qui s'en rapprochent par leurs habitudes.

CHABOT. Poisson, selon l’Académie; larve de quadrupède ovipare, selon son critique, chez qui le poisson s’appelle tétard. Ces deux mots, également usités sans être également exacts, sont synonymes dans leur étymologie.

Chabot est le nom françois d’un poisson, d’un gobio à tête énorme. L’Académie a tort toutefois d’appliquer la même définition à l’écrevisse, au crabe, qui ne sont pas des poissons, qui n’ont aucun rapport avec les poissons.

Les noms de tous les animaux connus doivent-ils faire partie d’un Dictionnaire de la langue ? Est-il possible d’attacher à tous ces mots une définition exacte sans faire entrer le Dictionnaire d’Histoire Naturelle dans le Dictionnaire de la Langue ? Cette confusion n’est-elle pas funeste à la langue et peut-être à la science ? Il me semble qu’un bon Dictionnaire de la langue doit être l’Index raisonné des Classiques.

CHALET. Petit bâtiment où l’on fait le fromage dans las montagnes de Gruyère. WAILLY. — On appelle généralement chalet de petites maisons éparses dans les montagnes, plus spécialement sur le Jura, et les Alpes, et à Gruyère comme ailleurs, ni plus ni moins.

CHANVRE. s. m. La Fontaine l’a fait féminin sans nécessité pour la mesure ou la rime :

Il arriva qu’au temps où la chanvre se sème, etc.

Il faut que les étrangers connoissent cette exception, d’ailleurs fondé sur l’étymologie. Cannabis est féminin.

CHAPE-CHUTE. Terme à acceptions extrêmes :

Messer loup attendoit chape-chute à la porte.

LA FONTAINE.

C’est-à-dire bonne fortune.

Je lui ai prédit qu’il y trouveroit quelque chape-chute. Mme DE SÉVIGNÉ. C’est-à-dire mauvaise fortune.

CHARENÇON. Petit scarabée ovipare qui est un très grand destructeur de nos blés. GATTEL. — Il ne faut pas conclure de là qu’il y ait des scarabées vivipares.

CHARCUTIER. Ménage le fait venir de chair cuite. Ses véritables éléments sont caro, chair, et cutis, peau, parce que les charcutiers n'étoient autorisés à vendre que la viande des animaux qui ne s’écorchent point.

CHARME. Court de Gébelin le fait remonter à l’oriental Harm. Tout le monde sait qu’il vient immédiatement de carmen, comme enchantement d’incantatio, dérivé de cantus; ce qui prouve que les anciens attribuoient à la poésie de beaux priviléges qu’elle a perdus :

Carmina vel cœlo possunt deducere lunam.

Tout s’altère en vieillissant.

Carminatif qui dérine aussi de carmen indique l’idée d’adoucissement, d’amélioration qu’on suppose que les vers ont portée dans les mœurs.

Quant à charmes pris pour attraits, il est fait de la; première acception par une extension un peu hyperbolique, mais qui paroît toute naturelle dans la bouche des amants. Un de nos anciens poètes a fait valoir cette équivoque d’homonymes dans un des plus singuliers vers qu’on ait jamais écrits :

Je n’ai que des attraits et vous avez des charmes.

Il est probable que ce n’est pas avec cette poésie qu’on faisoit descendre la lune du ciel.

CHARTE, CHARTRE. Il paroît essentiel de bien distinguer ces deux orthographes pour deux acceptions très distinctes.

Charte, de charta, papier; un titre, une loi constitutionnelle.

Chartre, de carcer, prison, ou de castrum, château-fort, un lieu de captivité.

Le tabes des enfants s’appelle aussi chartre, parce qu’il les retient prisonniers, ce qui est l’incommodité la plus sensible à cet âge.

CHARTON. Il est dans La Fontaine pour charretier :

Le charton n’avoit pas dessein
De les mener voir Tabarin.

Il faut dire s’il n’étoit pas françois de son temps ou s’il ne l’est plus.

CHASSER. Poursuivre les animaux, le gibier. L’étymologie de ce mot n’est pas facile à trouver quand on ne remonte pas à l’ancien usage de notre langue, où il s’est prononcé sacher, qui vient clairement de sagittare, percer de flèches. Il est donc évident que sacher, converti en chasser par une prononciation irrégulière, qui est celle de la Bourgogne en particulier, étoit le seul mot propre à ce sens, et que celui-ci n’a été consacré que par un usage vicieux qui n’en est pas aujourd’hui moins irrévocable.

Quant à châsse et à châsser, qui sont françois aussi, et employés souvent dans les arts et métiers, ils viennent du latin calx, comme chaux, mais dans l’acception inconnue ou plutôt oubliée des lexicographes, où ce mot signifioit la fin, la marge, l’enveloppe ou le rebord; nous en avons tiré le verbe chasser, pour donner de la marge qui est très-usité en typographie, et qui doit par conséquent s’écrire châsser.

CHAUSSE. De calceus; comme chaud de calidus, comme chaux de calx, comme chauve de calvus; origine trop vulgaire pour valoir la peine d’être remarquée : mais n’est-il pas singulier que le pluriel anglois shoes, homonyme de celui-ci, en soit presque synonyme ? Il n’y a cependant aucun rapport entre leurs racines. Fiez-vous après cela aux étymologies.

CHAUVE-SOURIS. Ce mot impropre est reçu, et le raisonnement ne prévaut guère contre l’usage. Il faut donc le maintenir dans les Dictionnaires, en attendant que l’autorité des sciences naturelles, qui font tous les jours de nouveaux progrès, ait un peu prévalu sur celle de la routine; mais il faut dire aux étrangers qu’il n’est pas permis de lui faire subir une inversion sur lui-même, et d’écrire souris-chauve, comme La Fontaine, dans sa mauvaise fable du Buisson.

Il est encore moins permis d’ignorer que la chauve-souris est un quadrupède, et d’en faire un oiseau de nuit en définition, comme messieurs Wailly et Gattel.

CHAUVETÉ. État d’une tête chauve. Peu usité. Il est le seul qui exprime la chose. WAILLY. — Cela n’est heureusement pas vrai. M. de Wailly lui-même a imprimé calvitie à sa lettrine, et cette expression est au contraire la seule dont on puisse se servir.

CHAUVIR. Dresser les oreilles. C’est probablement tout le contraire. Pour donner la définition d’un vieux mot, il faut lire de vieux livres, ou l’on s’y trompe comme l’Académie.

Pleine mangeoire d’avoine laquelle quand les garsons d’estable cribloient, il leur chauvoit des aureilles, leur signifiant qu’il ne la mangeoit que trop sans cribler. Pantagruel, livre V, chap VII.

Regnier, traduisant dans la satire VIII le Demitto-auriculas d’Horace, dit : Je chauvy de l’oreille.

Oudin traduit chauvir en italien par chinare dimenando le orecchie, et je crois qu’il a raison.

CHAUX. C’est le nom d’une terre, et c’est aussi dans ma province celui de la plupart des montagnes secondaires; de la racine col ou cal, et extensivement calx et chaux, parce que la chaux est la base de ces montagnes. La propriété d’effervescence de la chaux a donné une acception nouvelle à la même racine, celle dans laquelle elle représente l’idée de chaleur.

En général nos montagnes ont deux noms radicaux, jouhe pour les montagnes primitives ou granitiques, chaux pour les montagnes secondaires ou de chaux. Jouhe est attaché, dans les pays de montagnes primitives, à l’idée d’élévation. Dans les Pyrénées, dans les Alpes, dans le Jura, Jo, qui passe pour une contraction de Jesus, est une exclamation admirative comme le Io des anciens. Les poules sont à Jouhe, elles ont perché.

Chalet, c’est une maison sur la chaux.

Je suis très-prévenu contre les étymologies hasardées sur des bases de fantaisie, comme la plupart de celles de Court de Gébelin; mais celle-ci, qui est nouvelle, me paroît incontestable.

CHER. Adjectif. Il prend aussi quelquefois la forme du substantif, ce que les lexicographes ont oublié :

Et depuis quand, mon cher, es-tu donc à Paris ?

BOURSAULT, Portrait du Peintre.

……………………… Eh de grace, ma chère,
Évitons ces objets affreux!

COULANGES.

Il signifie alors mon ami, et se dit par ellipse. On dit de la même manière, mon bon, ma bonne. Le substantif est également sous-entendu dans ces locutions.

CHEVALERIE. Croiroit-on que cette expression avoit cessé d’être françoise du temps d’Henri Estienne ? On auroit à peine osé prononcer à la cour les noms d’écu, de pavois, de bouclier, qui étoient surannés et de mauvais goût. C’est la poésie qui nous les a conservés dans un temps où il étoitpermis à la langue poétique de braver les vaines timidités des salons et les critiques ignorantes des journaux. Cela ne lui arrivera plus.

CHEVALIER. Il est remarquable que la plupart des noms qui désignent les castes nobles soient empruntés du nom du cheval, comme si la gloire de soumettre cet animal superbe avoit été le premier titre à la prééminence que certains hommes ont acquise sur d’autres. Il en est ainsi de chevalier, qui vient du nom françois du cheval; d’écuyer, qui vient de son nom latin; de marquis, tiré de son nom celtique marh; de maréchal, qui a la même origine; de connétable ou comes stabuli, et de beaucoup d’autres qui m’échappent. On est même convenu de dire dans le monde, un joli cavalier, pour un homme de bon ton et qui plaît aux femmes, comme il s’en rencontre quelquefois jusque dans la roture. Je suis assez porté à croire, quoi qu’en disent les étymologistes, que baron est fait aussi de mar ou marh, par une mutation de touche extrêmement commune.

CHEVALINE (bête). Terme de pratique. GATTEL.

J’ai, dit la bête chevaline,
Un apostume sous le pied.

La FONTAINE.

Bête chevaline n’est pas un terme de pratique dans cet exemple, et il y est fort plaisant. Il est probable que ce n’est pas la Pratique qui l’a emprunté de La Fontaine.



CHÈVRE-PIED. Il n’est usité qu’en parlant des Faunes. GATTEL. ─ Il n’est plus usité depuis Desmarêts, qui l’avoit pris de Du Bartas. Notre langue n’admet presque point de mots composés, et, s’il nous en est resté quelques-uns, ce n’est pas en poésie.

CHIENNER. Faire des chiens. Il ne se dit que des chiennes. GATTEL. ─ On concevroit très-difficilement qu’il pût se dire d’un autre animal. Ce seroit un phénomène tout neuf.

L’adjectif canine, car il n’a point de masculin, ne se dit que de la faim et des dents, selon les lexicographes. Il se dit aussi d’une espèce de gale, selon les médecins. Montaigne a eu égard à ce système d’exception, quand il a écrit : inclination chiennine, qui fait un barbarisme fort original, mais fort étranger à nos dictionnaires, comme tous les barbarismes qu’un homme d’esprit peut hasarder en plaisantant. Les dictionnaires sont impassibles; et, comme ils n’ont pas le droit de se jouer de leurs lecteurs, ils n’ont pas le droit de consacrer les expressions qui ont été faites sans autre dessein.

CHIFFRE. Le chiffre vulgairement nommé arabe est devenu le chiffre européen. Il n’est donc pas inutile d’en chercher la véritable origine. Les Arabes l’écrivent de gauche à droite en sens inverse de leur écriture, ce qui donneroit lieu de croire qu’il n’est pas d’origine arabe, quoique l’alphabet arabe contienne des éléments très-analogues. Huet pensoit que ce chiffre étoit grec et qu’il avoit passé des Grecs aux Arabes. Cette filiation est contraire à la chronologie des sciences, qui passèrent presque toujours des peuples du Levant à ceux qui s’en écartoient, suivant un ordre successif non encore interrompu; mais je ne crois pas, comme un très-savant critique dont je ne reconnois d’ailleurs l’exactitude en toutes choses, qu’il ait fallu faire subir pour cela aux caractères grecs de violentes altérations (Journal de l’Empire du 17 juillet 1810). Il suffit de les comparer au chiffre arabe pour en sentir l’identité. Le chiffre 1 est pris du iota (), le 2 et le 5 du zeta en différents aspects (), le 3 de l’oméga couché (), le 4 du delta (), le 6 et le 9 du sigma ( ), le 7 du tau (), le 8 de l’ou () par abréviation, et le 0 de l’omicron ().

CHILIADE, CHILIARQUE, etc. Les auteurs du nouveau système des poids et mesures ont exprimé l’élément kilo de la manière dont je l’écris, c’est-à-dire par un caractère qui a l’avantage de donner une idée non équivoque de la prononciation, et ils l’ont fait contre l’usage invariable de notre langue, qui a toujours rendu le grec par la ridicule combinaison des lettres c h. Comme il faut de l’harmonie d’orthographe entre les mots analogues, il est incontestable qu’on doit faire passer à la lettre k les mots qui font le sujet de cette observation, et tous ceux qu’on s’avisera de composer à l’avenir du même élément. C’est autant de pris sur la barbarie.

CHLEÜMANCIE. C’est ainsi qu’il faudroit appeler l’art de ces charlatans dont parle un certain abbé Damascène, lequel ne l’étoit pas mal lui-même, et qui trouvoient dans la vocalisation du rire les signes diagnostiques des différents caractères : hi, hi, hi, appartenoit aux mélancoliques; he, he, he, aux colériques; ha, ha, ha, aux flegmatiques, et ho, ho, ho, aux sanguins.

CHOUAN. Ce mot appartient à de trop grands événements pour être négligé par les lexicographes. Les Chouans, encore en petit nombre commencèrent leurs hostilités par de courtes excursions nocturnes, qui leur firent donner ce nom, chouan se disant dans nos provinces de l’ouest pour chat-huant. Il y a un rapprochement singulier à faire entre l’étymologie de leur nom et celle du nom des Huguenots, qu’André Duchesne croit avoir été appelés ainsi parce qu’ils s’assembloient de nuit dans un certain lieu de Tours, où une vieille tradition faisoit errer l’ame du roi Hugon et des siens.

Ainsi le même esprit a partout dirigé les hommes dans la composition des mots de ce genre. Heureux si ces appellations avoient été toujours aussi innocentes dans leurs résultats qu’elles sont capricieuses et ridicules!

CHOUQUET. Petit billot, etc. GATTEL : –– Les gens de lettres qui consultent les Dictionnaires, et les étudiants, qui sont obligés de les feuilleter, se passeroient fort bien de cette définition. Quant aux exécuteurs de la haute justice, ils s’en passent encore mieux depuis qu’on ne se sert plus de chouquet. Ce mot n’est pas dans les classiques.

CHUINTER. Verbe imitatif pour exprimer le cri de la chouette. De là le participe chuintant, reçu depuis long-temps par les grammairiens; le j, le ch, sont des lettres chuintantes, parce qu’il est effectivement impossible de les prononcer sans faire entendre ce soufflement caractéristique qui est propre à certains oiseaux de nuit : Ce mot n’est pas moins essentiel que labial, que sifflant, que guttural, qui se disent en parlant d’autres sons, qui désignent d’autres consonnes. S’il est des mots que le Dictionnaire doit absolument admettre, ce sont ceux sans contredit qui paroissent indispensables pour l’intelligence de l’alphabet.

CIACALE. Animal qui tient du loup et du renard. GATTEL, CATINEAU, WAILLY, BOISTE. –– C’est le nom italien de l’animal que nous avons nommé chacal.

Les Hollandois écrivent jackhal.

Linné l’appelle mesomelas. Voilà de quoi enrichir nos lexiques; mais nos lexiques ne sont pas des polyglottes.

CIBOULE. Sorte de petit oignon bon à manger en salade et en ragoût. GATTEL. –– C’est-à-dire dans les salades et dans les ragoûts, quand on n’est pas de l’avis d’Horace, qui n’aimoit pas la ciboule; mais le Provençal le plus intrépide n’a jamais mangé de ciboules en salade.

Le vocabuliste, qui recueille tous les proverbes, mais qui ne se connoît pas en ciboules, a oublié le proverbe : marchands d’oignons, etc.

CICENDÈLE ou CICINDELLE. Très-beau coléoptère à appendices rouges qui s’enflent. BOISTE. ––

1° Geoffroy, Villiers, Latreille, Duméril, Tigny, Walckenaer, n’écrivent ni cidendèle, ni cicindelle, mais cicindèle du latin moderne cicindela.

2° Geoffroy est le seul de ces auteurs qui ait appelé de ce nom la famille des Malachies à laquelle convient la définition; encore n’est-elle que secondaire dans le genre.

3° On entend par appendice en étymologie un prolongement terminal et non un gonflement latéral comme celui des Malachies. Geoffroy a nommé ce gonflement cocarde, et les nouveaux méthodistes vésicule.

4° Les cicindèles de la nomenclature commune n’ont aucun rapport avec les Malachies, et surtout elles n’ont point de vésicules. Ce sont des Buprestes de Geoffroy ou des Carabes de quelques autres nomenclatures, ce qui est fort indifférent à la langue.

Cicendela fait de candor est l’ancien nom des Lampyris, et on lit effectivement cicendela dans Pline.

CICLAMOR. L’étymologie exige cyclamor : littéralement, ce qui détermine un cercle ou ce qui le sépare des choses extérieures; extensivement, une bordure de jardin; en vieux françois, orle et orlet. Ourle et ourlet sont patois.

CICLE. L’Académie écrit cycle. GATTEL. –– Entendons-nous : l’orthographe naturelle est sicle, s’il s’agit de peindre la prononciation; l’orthographe étymologique seroit kucle, qui n’auroit point de rapport avec la prononciation. Entre deux orthographes barbares, la plus fidèle est celle de l’Académie, qui reproduit au moins un des éléments de la première syllabe du mot. Je suis fort éloigné de desirer qu’on rapporte absolument notre orthographe à l’étymologie, mais l’étymologie sera notre seul guide tant que nous n’aurons pas une orthographe raisonnable. Si l’on me répond à cela que nous n’aurons jamais d’orthographe raisonnable, j’en conviendrai volontiers; mais notre langue aura une héritière, et il est permis de songer à ses hoirs. L’orthographe italienne est beaucoup plus parfaite que l’orthographe latine.

Je dis la même chose de tous les mots tirés du grec qui commencent par la même syllabe et que M. Gattel accompagne de la même observation.

CIGALE. Je suppose qu’un étranger qui vient de lire la première fable de La Fontaine cherche ce que signifie cigale, et prenne pour cela le meilleur de nos Dictionnaires. Il y verra que la cigale est un insecte hémiptère; quant à hémiptère, il trouvera que c’est un genre d’insectes, et il n’en saura pas davantage. Il faudroit mieux définir.

Rabelais, qui n’y est pas obligé, traite plus libéralement son lecteur : Gaudebillaux sont grasses tripes de coiraux : coiraux sont bœufs engressez à la cresche et prez guimaux. Prez guimaux sont ceulx qui portent herbe deux fois l’an. L’autorité n’est pas grave, mais l’exemple a son mérite.

CIRCONCIS. Juif ou Mahométan. GATTEL. –– Homme de telle religion que ce soit, que la nature, la superstition, ou un accident quelconque, a mis dans le même cas, témoin Tristram Shandy.

CITADIN. Nous n’avons point de mot opposé qui ne se prenne en mauvaise part. Paysan est injurieux, villageois n’est pas poli.

Les lexicologues n’ont rien à faire là; mais que penser d’une langue sur laquelle on peut faire une pareille remarque, ou plutôt d’une civilisation qui a amené la langue à ce point ?

CITTA. M. Boiste donne ce mot pour appétit dépravé. C’est la définition de Pica, qui est le seul mot reçu. Il a été trompé par la mauvaise écriture d’un copiste.

CLAIRON. Mot très-mal fait de clerus, par Geoffroy.

Beau coléoptère ennemi des abeilles maçonnes. BOISTE. –– Les abeilles mellifères, qui nous intéressent beaucoup plus, ont pour ennemis les trichodes, que M. Boiste a oubliés, et il n’y a vraiment pas grand mal.

Quant à l’abeille maçonne, je ne lui connois d’ennemi parmi les insectes que la nécydale humérale, ce qui n’est remarqué dans aucun Dictionnaire de la science, et ce qu’il seroit fort inutile de remarquer dans un Dictionnaire de la langue.

CLASSIQUE. Les auteurs anciens généralement approuvés. GATTEL. –– Les modernes ont leurs classiques. Milton, le Tasse, Corneille, Racine, Boileau, Bernardin de Saint-Pierre, sont classiques; mais il faut se défier de cette qualification quand on la donne aux vivants.

CLAUDE. Substantif formé figurément du nom d’un homme du peuple, et qui se prend en mauvaise part.

On a dit que ce mot devoit se prononcer comme s’il avoit un g pour initiale; mais on n’a pas observé qu’il est du très-bas langage, et que les gens qui parlent mal prononcent mal. Je crois que s’il étoit françois, il faudroit le prononcer comme on l’écrit.

Il est vrai que tout le monde dit segond pour second. Les beaux parleurs de province ont des segrets et non pas des secrets. Il n’ont pas celui de prononcer correctement.

Il y a cinquante ans que madame Brun imprima dans le Dictionnaire Comtois qu’il falloit écrire poumon et prononcer pômon. Cette règle n’a pas passé les limites de la province. Il faut se défier des vocabulistes qui ne connoissent que leur banlieue.

CLINIQUE. Il se dit de celui qui reçoit le baptême au lit de la mort. GATTEL. –– Il peut se dire en général d’un moribond, qu’il se fasse baptiser ou non. Il se dit surtout, et cela étoit plus important à recueillir, d’une partie de la médecine, des leçons qui s’y rapportent, et du médecin qui les fait.

J’ai peur, au point où nous en sommes, que le Dictionnaire de la Langue françoise, depuis si long-temps attendu, ne soit un Dictionnaire clinique.

CLINQUANTER. Ce mot n’est pas dans l’Académie. GATTEL. –– Quant à la chose, c’est une autre affaire; mais le mot ne vaut pas mieux que la chose; et le brillant participe brillanté, si affectionné des néologues, ne vaut guère mieux.

CLOPORTE. Sorte d’insecte à plusieurs pieds. GATTEL. ─ On ne connoît encore aucun insecte qui n’ait qu’un pied.

COCHLÉARIA. Sorte de plante médicinale qu’on appelle aussi herbe aux cuillers, et qui porte ce dernier nom parce que ses feuilles ont la forme d’un cuilleron. GATTEL. –– Et d’ou pensez-vous que vienne l’autre ?

COGNÉE. Outil de fer acéré etc. ACADÉMIE. –– Celle de Couillatrix étoit de bois. Mercure lui en donna une d’argent et une d’or, comme tout le monde sait; et nous avons là-dessus l’autorité de La Fontaine et de Rabelais.

COLÉRÉ.

Modère ces bouillon d’une ame colérée :
Ils sont trop violents pour être de durée.

CORNEILLE.

Charmante expression, souvent employée dans les anciennes traductions de l’Écriture, qui en représentent le mieux la sublime naïveté. " Les enfants de ma mère sont colérés contre moi. " L’autorité de la Bible et de Corneille n’ont pas encore prévalu contre l’irritable sévérité des puristes, ce qui n’empêche pas ces vers de Corneille de fort bien exprimer ce qu’ils veulent dire : une périphrase ne feroit presque pas mieux.

COLORÉ, COLORIÉ. Il me paroît indispensable de conserver concurremment ces participes et leurs verbes, puisque l’usage leur a donné des acceptions très-distinctes et très nécessaires. On le sentira par leur application à un même substantif. Il y a quelque différence entre un visage coloré et un visage colorié; celui-ci est un masque.

COLUMELLA. Axe intérieur d’une coquille. GATTEL, WAILLY, BOISTE. –– En latin, très-bien; en françois, c’est la columelle.

COMBAT. L’Académie, dans ses Sentiments sur le Cid, p. 134, ne permet pas à Corneille de dire, gagner des combats. Je suis de l’avis de l’Académie. p. 148, elle écrit : les combats qu’un homme a faits. Je ne suis pas de l’avis de l’Académie. Il s’agit ici d’un petit livre de 192 pag., rédigé sous les yeux de l’Académie tout entière, et qui est en ce genre un chef-d’œuvre auquel notre littérature ne peut rien opposer d’ailleurs. Que les langues sont longues à se fixer, et leurs principes difficiles à établir!

COMMISSION. Nous ne servons plus guère de ce mot dans son sens d’action faite ou commise. Il est familier à Bayle, et Voltaire s’en sert d’après lui. Je ne lui voit pas d’équivalent.

COMMUNIER. Voltaire l’emploie pour habitant copropriétaire de communes. Il est très-fréquemment employé en droit pour cohabitant ou commensal. On dit : un père et ses fils communiers; et de là, vivre dans la communion de quelqu’un, acception que les lexicographes paroissent également ignorer. La langue du droit ne fait pas règle en littérature; mais il y a des cas, et celui-ci en est un, où son autorité s’étend jusque dans l’usage social, que les Dictionnaires ne font que constater.

COMPLICE. Il faut dire qu’il ne se prend jamais qu’en mauvaise part, malgré l’autorité de Racan dans ce vers de M. de Bellegarde :

De ses plus beaux desseins tu fus toujours complice.

CONFORTABLE. Anglicisme très-intelligible et très-nécessaire en françois où il n’a pas d’équivalent. Ce mot exprime un certain état de commodité et de bien-être qui approche du plaisir, et auquel tous les hommes aspirent naturellement, sans que cette tendance puisse leur être imputée à mollesse et à relâchement de mœurs. C’est le but de l’épicurisme bien entendu, dans sa juste acception, c’est-à-dire de la véritable sagesse. L’invention en appartenoit de droit à un peuple libre et heureux, qui est heureux, peut-être parce qu’il est libre.

CONGÉNÈRE. Terme de botanique; se dit des plantes du même genre. WAILLY. –– Terme de méthode; se dit des choses du même genre.

CONNIFLE. Grand poisson à coquille, bon à manger. –– Monsieur Boiste se trompe quand il croit enrichir notre langue du mot connifle : monsieur de Wailly le connoissoit déjà; mais certainement ils se trompent l’un et l’autre quand ils définissent la connifle un poisson à coquille. Je n’ai jamais mangé de connifle, mais je sais qu’il n’y a point de poisson à coquille. Un Dictionnaire de la langue doit contenir des définitions exactes, et par conséquent il ne doit pas être en arrière avec les sciences.

CONSÉQUENT. On ne sauroit trop répéter aux honnêtes gens qui s’obstinent à se servir de conséquent, dans le sens de considérable, qu’ils font un tord considérable à la langue françoise. Cette acception barbare, qui nous a probablement été fournie par le commerce, est très-accréditée au barreau. Je suis porté à croire que l’origine de cette méprise de mots remonte à quelque écrivain qui s’est servi du terme dans un sens équivoque, comme l’abbé de Houteville dans ce passage de la Religion prouvée par les faits :" Saint Paul étoit un génie conséquent et lumineux."

Rabelais me suggère un rapprochement de sens qui est peut-être encore plus immédiat, et par conséquent plus propre à faire confusion. C’est dans l’Épître dédicatoire à Odet de Chastillon. " Hippocrates en plusieurs lieux…. Soranus Ephesien, Oribasius, Cl. Galen, Hali Abbas, et aultres autheurs conséquents pareillement. " etc. Cette autorité seroit toutefois insuffisante contre le bon usage, même dans le cas où conséquent signifieroit ici autre chose que postérieur ou consecutif, comme dans cet autre exemple tiré du même auteur : Il nous feit quatre jour conséquents jeûner. Liv. V, chap. 1.

CONSTER, CONSTANT. Barbarismes de droit.

CONTEMPTIBLE. Il vieillit. Il n’a jamais été bon, quoique employé par Malherbe :

Toute ma peur est que l’absence
Ne lui donne quelque licence
De tourner ailleurs ses appas,
Et qu’étant comme elle est d’un sexe variable,
Ma foi, qu’en me voyant elle avoit agréable,
Ne lui fût contemptible en ne me voyant pas.

Il est évident que l’Académie n’a reçu ce mot qu’en considération de l’autorité de Malherbe. Il falloit donc le rapporter comme exception : c’est le seul titre qu’il puisse avoir à entrer dans le Dictionnaire. Vaugelas pense très-judicieusement que Malherbe ne l’a préféré ici à celui de méprisable que parce qu’il eût rimé avec le dernier mot du vers précédent. Ces anomalies, déterminées par le goût, méritent d’être considérées dans les poètes; mais elles ne doivent pas faire loi dans les langues. Virgile a dit de même dans ses Églogues, probablement pour éviter une consonnance léonine :

Cum canibus timidi venient ad pocula damoe;

et dans ses Géorgiques :

Aut oculis capti foderecubilia talpae.

Un Dictionnaire bien fait de la langue latine doit nous apprendre si dama et talpa étoient devenus masculins de toute nécessité, parce que Virgile n’avoit pas voulu sacrifier l’harmonie d’un vers à l’exactitude grammaticale.

CONTINENCE. Capacité, étendue. ACADÉMIE, WAILLY. ─ Cette acception n’est plus admise. Contenance a été avantageusement substitué à continence, pour éviter un homonyme extrêmement louche. La continence est une vertu qui consiste à se renfermer dans de certaines bornes, en quoi l’on voit son rapport originaire avec le sens propre. Cette expression ne se prend même que relativement aux plaisirs de l’amour, comme abstinence est plus particulièrement affecté à celui de la bonne chère, mais d’une manière moins exclusive.

COQ. Il y a des curiosités d’étymologie si piquantes, que je ne puis me défendre de l’idée qu’elles amusent tout le monde comme moi.

Le nom radical du lait, gala, qui s’est conservé en plusieurs langues pour désigner un brillant festin, parce que c’est le premier aliment que nous ait donné la nature, est l’étymologie certaine de notre nom latin. On nous appelle galli ou les blancs, parce que cette particularité nous distingue effectivement de nos plus proches voisins, les ultramontains, dont nous séparent les Alpes, et ceux dont nous séparent les Pyrénées. Il a été aussi le nom grec de la belette ou roselet, dont la blanche fourrure est souvent comparée au lait pour sa couleur, et qu’on appeloit .

C’est de la peau de cet animal que l’on couvroit dans les temps anciens le casque des chefs des peuples, qui fût en conséquence nommé galea. Par une extension naturelle, ce mot désigna toute espèce de casques, tout ce qui en affectoit la forme, la crête même des oiseaux, et c’est pour cela que le coq s’appelle en latin gallus.

On trouve ici l’origine de notre couleur et de notre insigne militaire; car les armoiries des peuples et des familles ont commencé par être parlantes. La révolution nous donna trois couleurs, et Napoléon un aigle; et ni cet insigne, ni ces couleurs, n’ont manqué de gloire, il faut en convenir. Mais rien ne se nationalise sans traditions.

En françois le nom du coq est une onomatopée; ces deux racines ont engendré deux nombreuses familles de mots, dont les mœurs du coq sont le type figuré, celles qui appartiennent aux idées de galanterie et de coquetterie. On croiroit que La Fontaine a entrevu ce rapprochement dans sa charmante fable des deux coqs :

Son rival autour de la poule
S’en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet;
Car il eût des femmes en foule.

COR ET A CRIS, A. Il y a certains gallicismes, surtout parmi nos locutions proverbiales, où la moindre inversion devient une faute de langue, même en vers. Ainsi, l’on a pas le droit de dire par vaux et par monts, comme La Fontaine, vaux n’étant françois que dans cette acception et dans ce tour, par monts et par vaux; ni à cris et à cor, comme Marot :

Lors eux cuidant que fusse en grand crédit
M’ont appelé monsieur à crys et cor.

CORBILLARD. C’étoit d’abord une voiture tressée en jonc qui menoit à Corbeil, et voilà son étymologie qu’on chercheroit bientôt inutilement. C’est maintenant un carrosse pour la suite des princes, ou une voiture pour transporter les morts : rapprochement qui ressemble à une allusion philosophique, et auquel le peuple n’a pas pensé.

Le mot corbeille à la même origine.

COUCOU. On dit que cet oiseau pond dans le nid des autres; et de là, par une extension métaphorique très-commune dans les langues, on a appelé d’un nom très-analogue les débauchés qui soulloient le lit conjugal. Par une extension bien plus singulière, ce même nom est devenu celui de l’époux qui avoit subi cet affront, et cette dernière acception a fait oublier la première. L’une n’existe plus dans les Dictionnaires, et l’autre en sera probablement retranchée, car nos mœurs deviennent tous les jours plus exactes, et nos oreilles plus difficiles. Cela est admirable, mais il ne faut pas siffler Molière.

COUPLE. Féminin quand il s’agit de deux choses, masculin quand il s’agit de deux personnes; ce que je rappelle seulement pour observer que cette distinction est un petit raffinement peu ancien dans la langue. Voiture a dit de deux nouveaux mariés,

La belle couple sans égale :

ce qui ne seroit pas bon, mais quand cela seroit françois.

Voici un autre exemple que nous fournit la savante et ingénieuse mademoiselle de Gournay, et qui sera plus agréable à lire :

Lys et sa jeune mère, aussi beaux que les dieux,
De deux côtés divers ont perdu l’un des yeux.
Echange, aimable enfant, cet œil vif qui te reste
Contre l’œil de ta mère exclu des rais du jour
Et vous deux resterez une couple céleste :
Elle sera Vénus, et toi, l’aveugle Amour.

COURTILIÈRE. Larve du hanneton. BOISTE. ─ Je ne sais où. Dans l’usage commun, courtilière est le nom du taupe grillon, et quelquefois celui d’un certain carabe, carabus auratus, qui est très-commun dans les terres cultivées, et que le peuple appelle pour cela jardinier ou jardinière.

Sur quoi remarquons en passant, comme une singularité étymologique bien propre à faire sentir la difficulté de cette science trop souvent conjecturale, que les mots courtilière et jardinière sont de faux homonymes évidemment faits de la même racine; hortus, horticulus, courtil, courtilière; hortus, orto, huerden, giardino, jardin, jardinière. Il n’y a rien de plus invraisemblable, et cependant il n’y a rien de plus vrai.

COUTUMIER, e. Les lexicographes recueillent cette locution familière : il est coutumier du fait. Il falloit ajouter qu’elle ne se prend pas en bonne part.

CRAC. Particule interjective qui marque soudaineté. WAILLY. –– Soudaineté ne se retrouve pas dans le Dictionnaire, et c’est tant pis, car il valoit bien crac.

CRAMOISI. En quelques provinces le peuple dit kermoisi, et c’est le peuple qui a conservé la bonne prononciation. Cramoisi vient de kermès.

CRAPAUD. Il faut ajouter aux acceptions de ce mot celle dans laquelle il désigne une certaine pierre grossière qui se trouve quelquefois comprise dans le bloc du statuaire, et qui rend inutile ce qu’il a fait jusque-là. Il y a des crapauds dans ce marbre.

Toute l’Europe savante a retenti de l’étrange découverte d’un sculpteur, qui trouva dans son bloc un crapaud vivant; à cette dernière circonstance près, je suis fort porté à croire que ce phénomène repose sur une équivoque, et il y a bien d’autres miracles qu’on expliqueroit de la même manière.

CROASSER. De Crocitare, qui devroit faire croacer; orthographe de Restaut.

Ce mot a rapport au cri du corbeau. Celui de coasser, qui vient de coaxare, convient mieux à la grenouille : quant au coax ou koax de la grenouille, qui est un hideux néologisme de Rousseau, il n’est pas plus françois que le taratantara d’Ennius n’étoit latin.

CROCIDISME. Si un Dictionnaire explique jamais ce mot par carphologie, comme celui de M. Boiste, et que ce Dictionnaire s’en tienne là, le lecteur ne sera guère plus avancé s’il ne sait pas le grec.

Il est incertain d’ailleurs si l’on doit écrire carphologie, de , une paille, ce mot désignant une maladie convulsive dans laquelle on semble vouloir arracher de la paille ou des plantes; ou bien carpologie, parce que le siége de cette convulsion est dans la main. Ce qu’il y a de certain, c’est que c’est beaucoup de trois noms pour une maladie dont il n’y a peut-être pas trois exemples, et que cette abondance inutile se fait surtout sentir dans un Dictionnaire qui n’est pas le Dictionnaire de médecine.

CROISOIR. Instrument avec lequel on fait diverses façons, etc. GATTEL. Peigne pour tracer les façons, etc. BOISTE. –– Il est peu important de savoir si le nom de cet instrument avec lequel on fait des façons est masculin, comme dit M. Boiste, ou féminin, comme dit M. Gattel. En françois il s’appelle marque, et croisoir n’est pas françois.

CROISSANCE. Accroissement, augmentation en grandeur. BOISTE. –– Barbarisme populaire qui n’a jamais été pris pour accroissement dans un livre bien écrit.

CROITRE. Ce mot est perdu dans le sens d’accroître; il est cependant plus précis et va infiniment mieux en vers.

C’est infailliblement leur croître le desir.....

MALHERBE.

M’ordonner du repos c’est croître mes malheurs.....
Pour croître ta colère et pour hâter ma peine.....
Nous en croissons la pompe, et le mépris des lois
Nous fait suivre son char au milieu de deux rois.....
Mais la plus belle mort souille notre mémoire
Quand nous avons pu vivre et croître notre gloire.....
Ce malheur toutefois sert à croître sa gloire.....

CORNEILLE.

CYATHE. Ancienne mesure romaine qui contenoit autant de vin qu’on en peut boire d’un trait. GATTEL, BOISTE. –– C’est selon la soif et le tempérament. Le cyathe n’étoit que la douzième partie du septier, et cela n’auroit contenté ni Hercule, ni Alexandre, ni Antoine, ni le vieux poète Ennius. Auguste buvoit deux cyathes d’un coup, et Athénée introduit dans les Deïpnosophistes un homme qui en boit dix. Garçon, apportez une tasse, et versez-y les cyathes de ceux qu’on aime : quatre pour les convives, trois pour l’amour, et puis un pour la dernière victoire d’Antigone. Arrêtez : il en faut encore un pour le jeune Démétrius. Donnez-en un pour Vénus, et c’est assez.

Voilà qui est bien pour un ivrogne; mais les poètes en faisoient presque autant au dire d’Horace.

Qui musas amat impares
Ternos ter cyathos attonitus petet
Vates.

Od. XIX, lib. III.

Les amants du temps de Martial buvoient autant de cyathes qu’il y avoit de lettres au nom de leur maîtresse, et c’est pourquoi le lyrique veut qu’on boive neuf coups aux neuf muses; autrement les courtisans de Clio se seroient enivrés plus tard que ceux de Melpomène. Quant à ceux de Terpsichore, c’étoient des musiciens.

CYCLOPE. Le monde enfant a jugé comme les enfants, sur des apparences. Un bon écuyer lui a paru un Centaure, un forgeron lui a paru un Cyclope, et voici comment.

Les ouvriers qui sont obligés de travailler auprès d’un feu ardent ne pourroient soutenir longtemps ni la vue ni la chaleur des brasiers éblouissants qu’ils doivent attiser sans cesse. Pour s’en garantir autant qu’il est possible, ils s’habillent d’une simple chemise longue, et se masquent d’une espèce de cornet fait en cône, dont l’extrémité antérieure est fermée par un talc ou un verre circulaire un peu mat. A l’aide de cette machine, ils tempèrent l’éclat et l’ardeur du feu, sans perdre la faculté de respirer, et sans beaucoup diminuer celle de voir.

Les forgerons de Vulcain connurent sans doute ce moyen, ou tel autre qui lui étoit équivalent. La langue grecque, dont toutes les expressions sont une image, dut en conséquence les appeler les hommes à l’oeil cercle,

CYMBALE. Triangle de fer. BOISTE. –– Il n’y a rien qui ressemble moins à un triangle qu’une cymbale : car la figure d’un triangle offre le plus simple, et la figure d’une cymbale le plus multiple des polygones. La cymbale est un instrument arrondi et creux; et, comme cet instrument ne produit d’effet que par son action contre un instrument tout semblable, on n’en prend guère le nom qu’au pluriel.

Au reste, ce n’est certainement ni Boivin, ni Dacier, ni d’Ablancourt, qui auroient défini cymbale par triangle de fer. Ces messieurs savoient à merveille que le nom de cet instrument est fait de , un vase, ou de , une cavité, et qu’il n’y a rien de commun entre une cavité ou un vase, et un triangle de fer

CYPHONISME. Supplice qui consistoit à frotter de miel et à exposer aux mouches. BOISTE –– On pense généralement que ce supplice consistoit plutôt à être frotté de miel et exposé aux mouches. La différence de l’actif au passif n’est pas ici d’une petite importance.

CYPRIS, CYTHÉRÉE. Crustacée sessiliocle. BOISTE. –– Ce crustacée sessiliocle a de très-jolis noms; mais que veut dire sessiliocle ?

Qui a les yeux fixes et sessiles. BOISTE. –– Fort bien; mais que veut dire sessiles ?

Sans queue. BOISTE. –– Littéralement : Cypris est un crustacée qui a les yeux sans queue.

Ce n’est pas précisément cela.