G
G. substantif.
1° Lettre numérale qui valoit 400, et 40000 avec le tilde ou le tiret (G).
2° Signe du gros dans le commerce.
3° Signe du g-ré-sol dans la musique.
Acceptions omises.
GABEGIE. Tromperie, fascination, etc. (Il y a de la). Ce mot trivial est d'un usage si commun dans le peuple qu'il n'est presque pas permis de l'omettre dans les Dictionnaires, et qu'il est du moins curieux d'en chercher l'étymologie. Il est évident qu'il nous a été apporté par les Italiens du temps des Médicis, et que nous avons reçues d'eux en échange des innombrables altérations que leur prononciation efféminées a fait subir à notre belle langue. Gabgie ou gabbeegie est fait de gabbo et de bugia, ruse et mensonge.
GAINE. Étui de couteau scabellon pétale en fourreau. BOISTE. –
1° Étui de presque tous les instruments de métal qui sont susceptibles d'en avoir un; on a même dit gaîne d'épée, et nous avons conservé dégaîner et rengaîner.
2° Indépendamment de la gaîne de scabellon, il y a encore en architecture la gaîne de Terme qui est aussi bien connue. La gaîne d'ailleurs n'est qu'une partie du scabellon.
3° Indépendamment des pétales en fourreau, les botanistes ont donné le nom de gaîne ou de feuilles en gaîne à certaines feuilles radicales qui entourent la tige.
4° Les marins appellent gaîne de flamme un fourreau de toile où le bâton de la flamme est passé.
5° Ils appellent gaîne de pavillon, une bande cousue dans toute la largeur du pavillon, et où passent les rubans.
6° Ils appellent gaîne de girouette, des bandes de toile par où l'on coud les girouettes au fût.
7° Les potiers d’étain appellent gaîne un trou carré qui traverse les empreintes ou calibres qui servent à tourner.
8° Les anatomistes appellent gaîne certaines tuniques membraneuses qui environnent quelques parties comme des gaînes.
9° C'est encore le nom de la silique du gaînier.
GALA. Fête, festin à la cour. – Et ailleurs; c'est du vieux verbe galer, se réjouir, et l'on se réjouit partout, au moins comme à la cour. Malgré son noble emploi, ce mot a cessé d'être noble.
GALERIE. Il y a différentes étymologies de ce mot, parmi lesquelles les curieux peuvent choisir. Je ne l'examine que dans une acception où il a été négligé par les Dictionnaires, et qui méritoit cependant d'être conservée puisqu'elle se lit dans des classiques du premier ordre : c'est la phrase proverbiale, faire ses galeries employée par La Fontaine dans la fable du Cigne et du Cuisinier.
Des fosses du château faisant leurs galeries.
Il me semble que cette expression, prise en ce sens, ne vient point de cet ornement de nos maisons et de nos spectacles qu'on appelle galeries, mais du vieux verbe galer, qui signifie se réjouir, et auquel elle se rapporte beaucoup mieux. Reste à savoir si galerie n'en dérive pas lui-même dans son sens le plus commun.
GARNISAIRE. Mot nouveau, mais consacré. C'est un homme qu'on met en garnison chez les contribuables en retard. La profession n'est pas nouvelle comme le mot. On appeloit ces gens-là Comestores, dans la basse latinité, et mangeurs, dans le plus ancien usage de notre langue; mais elle a beaucoup gagné en délicatesse depuis cette époque. M. Boiste écrit garniser, qui est moins conforme à l'esprit de notre orthographe.
GAUDES. Bouillie de maïs, qui nourrit presque toute la population de plusieurs départements de France, et dont le nom indispensable est mal à propos négligé dans les Dictionnaires. M. Boiste l'a recueilli le premier; mais il n'a su, ou il a oublié de dire que le singulier étoit inusité.
GELINOTE. Jeune poule. BOISTE — C'est géline qu'il faut dire, ou plutôt qu'on disoit. Oiseau métis de perdrix rouge et de perdrix grise. BOISTE. — C'est une découverte en histoire naturelle, ou une erreur en définition.
GÉNITURE. M. Boiste cite Marot. Géniture n'est pas si vieux; il est dix fois dans La Fontaine, et on s'en serviroit encore dans le burlesque, si l'on écrivoit encore du burlesque, ce qu'à Dieu ne plaise.
GENTIL. E. adj. Païen. BOISTE. — Ce mot n'a point de féminin en ce sens; c'est abusivement qu'il a un singulier, et il est substantif.
GÉOTRUPE. C'est le nom d'une famille d’éleutherates de Fabricius. Je n'introduis ici ce mot, fort surabondant dans un Dictionnaire de la langue françoise, que parceque M. Boiste l'avoit d'abord écrit glotrupe. Les fautes d'orthographe sont très-fâcheuses partout, mais elles sont presque irréparables en pareil cas. Voilà un nouveau mot qui doit son existence à la méprise d'un scribe; il y en a peut-être mille dans la même hypothèse, et on feroit de l'étymologie une science exacte? Au reste, ce seroit une véritable richesse pour une langue que d'avoir des Dictionnaires spéciaux, des Dictionnaires techniques : mais je doute qu'on puisse les identifier avantageusement avec le Dictionnaire proprement dit.
GIGANTOLOGIE. Traité des géants. — M. Boiste accueille ce mot dans son Dictionnaire, et l'appuie de l'autorité de Paw. Paw n'a fait que s'en servir d'après Habicot qui l'inventa. Mais les mots de cette espèce sont-ils réellement des mots françois ? On peut écrire sur tous les objets qui frappent les yeux, et, si l'on en traite ex-professo, on a le droit de faire précéder son livre d'un mot composé de deux substantifs grecs, comme celui-ci, parceque cette propriété de composition qu'a le grec sert admirablement la précision et la
Clarté. En résulte-t-il qu'un Dictionnaire doive se charger de toutes les combinaisons possibles de mots grecs?
GIGANTOMACHIE. Récit du combat des géants et des Dieux par Homère et Scarron. BOISTE. — Il n'y a point de gigantomachie d'Homère; il y en a une de Scarron, et c'est comme s'il n'y en avoit point. Il ne faut d'ailleurs pas mettre Scarron si près d'Homère, quand il s'agit d'autorités.
GOULET et GOULOT. BOISTE. — Les langues n'ont pas besoin de Synonymes absolus. C'est d'ailleurs trop de deux mots pour une acception si triviale. Goulot n'a jamais été employé par un bon écrivain; il faut s'en tenir à goulet, qui a l'autorité de Regnier :
Un barril défoncé, deux bouteilles sur cru
Qui disoyent sans goulet : Nous avons trop vescu.
GOURDE. Voici une étymologie bien sûre et bien surprenante. On appelle gourde une espèce de courge vide qui sert àrenfermer les liquides. Ce mot vient de cucurbita par la mutation du c en g et l'apocope de la pénultième syllabe. On sais que l'u se prononçoit ou : Gougourta. Du temps de Périon on disoit gougourde. Une nouvelle apocope a réduit ce mot à son expression actuelle. Courge n'est évidemment qu'une variante de prononciation.
GOUVET. Nom oublié, mais universellement usité, de la petite serpe des vignerons. Ce mot n'est pas si méprisable. On le lit dans Rabelais, et c'est avec l'instrument qu'il qualifie que les petits moinillons de Sévillées gorgetoient les soldats de Picrochole. J'ai cru longtemps que gouet ou gouvet étoit fait de gobio, parceque cet outil a la forme d'un hameçon, mais son analogie avec serpe ou serpette, tirée de serpens, me donne lieu de croire qu'il est formé d'anguis, par apocope de la première syllabe. Au reste, si gouvet paroît encore loin d'anguis, on s'en rapprochera facilement par son patois, gouison, qui est usité en Bourgogne.
GRADUELLEMENT. Mot analogique, utile, indispensable peut-être, agréable à l'oreille, conforme à l'esprit de la langue, universellement usité, mais oublié par l'Académie.
GRANDEUR. Sa grandeur, son altesse, sa hautesse, son excellence(ab excelso), métaphores honorifiques empruntées de la taille humaine. Voilà une singulière tradition de l'origine des suprématies civiles. Tout cela est fort bien dans les rapports sociaux de l'homme, parce que cela est indispensable; mais dans les rapports de l'homme avec lui-même et avec la morale naturelle, les titres pompeux dont s'affuble cette débile créature, ont bien leur côté ridicule. On parle d'un prélat agonisant qui s'écrioit sur son lit de mort : O mon Dieu! ayez pitié de ma grandeur!
GRAVURE. Art de graver sur le métal ou sur le bois. GATTEL — Sur une matière dure; et, de plus, production de l'art de graver.
GRIBOURI. Scarabée. GATTEL. — Ce n'est pas un scarabée.
Qui a la figure d'un très-petit hanneton. GATTEL. — Qui n'a point cette figure.
Il ronge les racines les plus tendres. GATTEL. — Il ne ronge point les racines.
Le peuple appelle gribouri une espèce d'eumolpe dont la larve dévore les jeunes pousses de la vigne, et Geoffroy a étendu ce nom à la nombreuse famille des cryptocéphales.
GRIME, SE GRIMER. Il y a peu d'étymologies moins connues que celle-ci, et dont cependant on soit allé si près : grime se dit d'un vieillard soucieux; grimaud, d'un écolier sournois et déplaisant; grimer, du pain qui s'éraille et dont la croûte se lève; se grimer, de l'action de se vieillir à dessein, de se faire des rides. Grimace reconnoît certainement la même origine, puisqu'on se fait des rides en grimaçant. Or, si l'on se rappelle que le mot latin rima signifie ride, on ne doutera pas que tous ceux-ci n'en soient faits par l'addition du g paragogique, qui est assez commune dans les langues, comme en grenouille de ranuncula. Je serois fort étonné que cela parût susceptible de contestation. Ce n'est cependant pas l'opinion de Le Duchat, qui toutefois fait venir grimaud de rima, mais de rima, italien, dans le sens de rime ou consonnance à la fin du vers. Il y a, dit-il, de l'apparence que grimaud est proprement un écolier déjà un peu avancé, qui commence à rimer, c'est-à-dire à faire des vers grecs et latins, tant bien que mal. A tout cela, réplique M. Johanneau, qui n'admet pas cette hypothèse, et qui n'en met aucune autre à la place, il n'y a qu'une chose à répondre, c'est qu'on ne rime pas en grec et en latin, et qu'on ne fait pas de vers françois dans les collèges. Mais cette réponse ne me paroît pas aussi victorieuse que M. Johanneau se l'imagine; car rima et rime n'ont été formés que par extension de rhytmus, qui ne signifie pas ce que nous entendons par rime, mais la cadence, le mouvement et la mesure du vers, abstraction faite de la consonnance. Cette étymologie seroit donc admissible, si l'autre ne valoit pas incomparablement mieux.
GRUAU. Faut-il dire du pain de gruau ou du pain de griot ?
Cette question se divise naturellement ainsi :
1°Ces deux mots sont-ils françois ?
2° S'ils sont françois, signifient ils la même chose ?
3° S'ils ne signifient pas la même chose, quel est celui dont l'acception convenue offre le plus de rapports avec l'objet qu'il s'agit de représenter ?
Cette dernière difficulté résolue, nous aurons le mot.
Sur le premier point de la question, je réponds : Ces deux mots sont françois, puisqu'ils se trouvent tous les deux dans les Dictionnaires, archives incomplètes, et, si on ose le dire, archives détestables de la langue, mais qui n'en sont pas moins, et jus et principium et fons, puisqu'ils sont l'expression plus ou moins exacte de l'usage.
Sur le second, je réponds : Non, ils ne signifient pas la même chose : Gruau signifie de l'orge ou de l'avoine mondés, et griot signifie une issue de blé, qui, suivant toutes les définitions que j'ai pu recueillir, contient la partie la plus nourricière et la plus féculeuse du grain.
Nous voilà bien près de la solution de notre troisième question. On va voir combien cette manière mathématique de procéder en grammaire simplifie la réponse.
Fait-on du pain d'orge mondé ou d'avoine mondée, c'est-à-dire dont la base s'appelle gruau ? Non. Fait-on du pain d'une farine dont l'issue s'appelle griot ? Oui, c'est même de cette farine qu'on fait le pain dit de gruau.
La difficulté me paroît décidée.
Gruau et griot étant françois dans deux acceptions, je n'hésiterois pas à appeler pain de griot notre prétendu pain de gruau, quand ce ne seroit que pour éviter une ambiguïté de sens qui trompe l'esprit. Les grammairiens qui ont prêté, sans le savoir, leur autorité à l'opinion contraire, l'ont si bien senti qu'ils disent toujours gruau de froment. Cependant il y a déception dans le terme, puisqu'on ne monde pas le froment.
On peut nous opposer deux arguments assez spécieux :
1° Griot n'a jamais signifié autre chose que issues de blé, fleurage, rémoulage, recoupures, en un mot, grossière farine de son. Pain de griot signifieroit donc pain de son. Mais bran en anglois signifie son; brandy, eau-de-vie. Brandevin signifieroit donc le son du vin, comme griot, le pain du son, et ce rapprochement équivaut à une démonstration, car le brandevin est exactement au vin ce que le pain de griot est au pain commun, c'est-à-dire l'extrait le plus pur que l'on serve sur la table des riches. Ces deux mots nous ayant été donnés en même temps, par le même peuple, leur parenté ne peut être révoquée en doute.
2° Le mot griot est nouveau dans les Dictionnaires, et les anciens lexicographes n'en parlent point. Mais le pain de gruau est-il d'un usage ancien dans les boulangeries ? Il est nouveau comme le mot griot. Et comment un mot nouveau s'introduit-il dans les Dictionnaires ? Parce qu'il est consacré par un nouvel usage. Et comment un mot s'accrédite-t-il dans l'usage ? Par la nécessité d'exprimer une nouvelle idée, ou un nouveau produit. Or, voici deux choses qui sont exactement contemporaines, savoir : un produit et un mot. S'il y a analogie évidente entre le produit et le mot, il est incontestable que le mot a été fait ou employé pour le produit. Donc il faut dire pain de griot.
GUEULE. Bouche des animaux. BOISTE — Il falloit dire des quadrupèdes; car on ne dit pas la gueule du rossignol, la gueule du papillon, la gueule de l'huître. Il falloit même dire, de la plupart des quadrupèdes; car on ne dit pas la gueule du cheval. On le disoit encore du temps de Rabelais : De cheual donné toujours reguardoyt en la gueulle. LIV. I, chap. II
GUEUX, MISÉRABLE, etc. Au sens propre, ces adjectifs se disent d'un homme très-pauvre; au sens figuré, d'un scélérat. Il paroît que cette extension est de la langue des riches et non pas de celle de l’humanité. Chez les anciens, res sacra erat miser. Chez nous, pour marquer qu’un homme est à fuir, on dit que c’est un malheureux.
GUILLAUME. Nom d’homme. GATTEL. — Voyez BARTHÉLÉMI.
Un nom propre n’est bien placé dans le Dictionnaire, qu’autant qu’il présente à l’esprit l’idée d’une qualité qui a appartenu par excellence à l’individu qui le portoit. Cette sorte de consécration n’est pas commune, surtout en bien.
GUILLOTINE. Instrument inventé ou perfectionné par …. Dictionnaire dit de l’ACADÉMIE, 1811. — Eh qu’importe par qui! C’est déjà trop que l’usage ait flétri le nom d’un homme peut-être honnête, en l’attachant à un instrument de mort, sans qu’on se charge encore de consacrer cette hideuse étymologie dans un livre destiné à l’immortalité, au moins par son épigraphe.
Perfectionné est un terme d’une apathie atroce. On le croiroit de ce savant dont le bourreau disoit, le jour du supplice de Damiens :" Laissez passer Monsieur; c’est un amateur. »
GUIRIOT. Musicien, tambour nègre. BOISTE. — Poète chez différentes peuplades. Il y a peut-être aujourd’hui un de ces guiriots qui chante une nouvelle Iliade, qui immortalise une autre histoire, qui crée une nouvelle mythologie, en mendiant dans des huttes qui feront place à des palais. Peut-être ce guiriot vrai ou faux aura-t-il un jour un Macpherson qui le consacrera à l’enthousiasme des jeunes gens, à l’admiration des érudits, et à l’idolâtrerie des caillettes. Il ne faut pas répondre que nous n’aurons point alors des littérateurs guiriots, comme nous avons eu des Bardes; en attendant, il faut se contenter de Racine.
GYRIN. s. m. Scarabées sauteurs; tourniquets aquatiques. BOISTE. —
1° On ne définit pas un singulier par un pluriel.
2° Les gyrins ne sont pas des scarabées.
3° Les gyrins ne sautent pas.
4° Il n’y a point de tourniquets terrestres.