L

L. substantif.

1° Lettre numérale qui vaut 50, et 50, 000 avec la barre horizontale (L)

2° Expression abrégé du mot livre, dans le commerce.

3° Expression abrégé du mot leurs, dans cette abréviation LL. AA. ou LL. MM. (leurs altesses ou leurs majestés), comme S. du mot son ou sa, dans cette abréviation prise au singulier.

Acceptions omises.

LAPIS-LAZULI. Mot composé de deux langues, et dont l'étymologie est peu connue. On sait ce que signifie lapis; quant à lazuli pour lazuri, il est du persan lazurd, qui signifie bleu-éclatant, dont nous avons fait aussi azur, avec l'aphérèse de l'initiale, ou plutôt en confondant cette initiale avec l'article, l'azur.

LARIGOT. C’étoit le nom d’une espèce de flûte. Boire à tire larigot, c’étoit ce que le peuple appelle encore siffler, flûter, chalumer. Cette analogie triviale est incontestable, malgré la Rigaut, cloche de Rouen, et le proverbe connu, boire comme des sonneurs.

LARMIER. C’est aussi, outre les définitions reçues, cette espèce de fenêtre ébrasée qu’on pratique au niveau des pavés pour éclairer les caves et les cuisines souterraines.

LARVES. Terme d’antiquité. ─ Il faudroit d’antiquités. Le mot technique seroit d’archéologie. C’est aussi un mot de mythologie, de poésie.

Filles de l’Archéron, Pestes, Larves, Furies…..

CORNEILLE.

C’est aussi un mot d’histoire naturelle, et cette dernière extension est fort ingénieuse.

LAS-MOI. (On ne prononce pas le s.) Exclamation plaintive qui est propre à la Franche-Comté. Les Bourguignons disent hélas moi! Les Italiens ont ohime, qui est très analogue, même par le son; et la Monnoye remarque fort bien qu’il n’y a presque aucune différence entre l’ohime ou oïme des Italiens, et le voe me de l’empereur Claude, dans l’Apocolokyntosis.

Cette langue interjective de la douleur et de la plainte est celle sur laquelle les hommes sont le plus universellement d’accord : c’est la première qu’ils aient apprise.

LE, LA. De tous les mots à sens extrêmes, il n’y a point de plus remarquable que l’article. Al, qui est article dans les langues orientales, et qui y est aussi le nom de Dieu, devient celui du néant par sa métathèse en la; mais du moins la métathèse le modifie. Il n’en est pas de même chez les Italiens et chez nous, où l’article lui-même immodifié attache au nom propre qu’il précède, tantôt l’idée d’une grande supériorité morale et civile, tantôt celle du plus honteux avilissement. Chez nous en particulier c’est l’article qui constitue le nom des nobles, et quelquefois même la noblesse; mais il a la propriété très-opposée de désigner aussi ce qu’il y a de plus bas dans l’ordre social, c’est-à-dire les filles publiques. La plupart des lexicographes ajoutent les comédiennes, ce qui est injurieux et déplacé; car une comédienne n’est pas une femme méprisable parce qu’elle est comédienne; et, qui plus est, les femmes du peuple, ce qui est infame; car il n’y a rien de nécessairement ignominieux à être du peuple. Dans tous les pays du monde on croiroit que les langues sont faites pour une caste.

LEPIDOPTERES. Insectes à quatre ailes. BOISTE. ─ A quatre ailes colorées. Les névroptères et les hyménoptères sont aussi des insectes à quatre ailes; mais leurs ailes sont nues et transparentes.

LETTRE. s. f. — Il est aussi masculin au pluriel dans ce solélisme de chancellerie : lettres royaux.

Auguste ne put pas donner le droit de cité à un mot fort élégant. Chilpéric ne put pas faire recevoir quatre lettres fort utiles à notre abécédaire; mais les vieux barbarismes se perpétuent tant qu’on veut.

LETTRES DOUBLES. Elles ont été supprimées par Piron, par Duclos, par Dumarsais, qui est surtout une grande autorité. Cette réforme a une apparence de philosophie; mais il n’y a point de bonne réforme particulière, et celle-là ne serviroit qu’à simplifier l’orthographe sans l’améliorer sensiblement. Encore y a-t-il des lettres doubles qui feroient nécessairement exception, comme celles de commotion, d’erreur, d’immensité, qui sont caractéristiques et pittoresques. On ne répétera jamais assez que notre orthographe est détestable; mais il ne faut pas trop se laisser prendre à l’esprit de réforme en orthographe, dans un temps où chacun s’est piqué d’avoir la sienne, jusqu’à Rétif.

LEU. Loup (LA FONTAINE). BOISTE. — La Fontaine a dit en effet :

Et ce dicton picard à l’entour fut écrit :
" Biaux chires leus, n’écoutez mie
" Mère tenchent son fieu qui crie.

Leus ou leups n’est pas plus françois que biaux chires; et La Fontaine, qui ne faisoit pas un dictionnaire, en convient naïvement.

Ce qui reste à savoir, c’est si un Dictionnaire des dialectes n’iroit pas bien à une nation à qui l’on promet tant d’Homères.

LIBELLE. Ce mot a peu varié depuis le latin, où il ne signifoit communément que petit écrit; car le libellus famosus de Suétone ne signifie proprement qu’une brochure qui a fait du bruit. Tous les petits écrits ne sont pas essentiellement méchants, et tous les écrits méchants ne sont pas essentiellement petits. Je ne parle pas des méchants écrits, car chacun sait qu’il y en a de toute sorte. Ces mots, un gros libelle, qu’on a souvent occasion d’employer, sont donc un solécisme étymologique, mais bien consacré par la langue. Libelle s’est d’ailleurs conservé en droit dans sa première acception, et personne ne doute qu’il y mérite souvent toutes les deux.

LIMAÇON. Insecte rampant. BOISTE. — Ver qui rampe, comme tous les vers.

LL mouillée. Cette double lettre, qu’on appelle improprement mouillée, est une consonne particulière comme le gn, comme le ch, et d’autres encore. Quand M. Gattel essaie de la représenter à l’italienne, par le tétragramme glie, il met une orthographe absurde à la place d’une orthographe ridicule. Ou son Dictionnaire est fait pour des François, et alors sa méthode est inutile; ou il est fait pour les étrangers qui apprennent la langue, et alors elle est dangereuse. Jamais un espagnol ne verra son n tildé dans la bizarre aggrégation des lettres g et n; jamais un lecteur quelconque ne verra dans le mot figlie que ce qui y est, c’est-à-dire un vocable inconnu, et qui appartient à aucune langue. Ce seroit une idée heureuse et même sublime que celle d’un Dictionnaire de prononciation, s’il existoit une langue qui pût peindre par des signes exprès tous les éléments du langage; mais si cela est impossible dans l’état de nos alphabets; si l’on ne peut suppléer à cette défectuosité sans un abécédaire factice; si l’on ne peut donner d’utilité à cette invention qu’en obtenant pour elle, et une publicité immense et une approbation universelle, à quoi sert-il de s’en occuper jusqu’à nouvel ordre ? Je ne doute pas toutefois que les langues européennes ne finissent par se ranger, sinon sous un Dictionnaire commun, au moins sous un alphabet commun, infiniment perfectionné. Il faut pour cela une grande puissance politique qui donne la même unité aux autres parties du système social, de ce genre d’uniformité devant résulter, par une conséquence nécessaire, la nécessité de simplifier tous les moyens de communication des hommes entre eux. Il faut pour cela une autre puissance encore, plus grande, plus absolue, plus assurée que la première, celle du temps.

LUCIFER. C’est le nom de la planète de Vénus. Une apostrophe d’Isaïe à cet astre a fait croire que Lucifer étoit le nom d’un ange de ténèbres, ce qui seroit une singulière ironie, car Lucifer signifie, comme on sait, tout autre chose. Il faut restituer à chacun ce qui lui appartient, et laisser à une brillante étoile la qualification de porte-lumière, qui sied très-mal à un damné.

LUCUBRATEUR. Un homme qui lucubre, qui s’occupe d’élucubration. Ce terme, un peu hasardé, a l’autorité de la poésie : je le lis au troisième chant du poème de la Conversation.

LURON. Ce mot très-caractéristique, très-populaire, sans être trop trivial, et que notre Désaugiers, toujours si correct, a souvent employé dans ses délicieuses chansons, ne se trouve dans aucun Dictionnaire. Il y a plus : on ne lui connoît aucune analogie immédiate, et la lettrine lur, qui exprime une des racines les plus gracieuses et les plus fluides que puissse articuler la voix humaine, est tout-à-fait inusitée chez nous comme initiale. Je ne serois pas éloigné de croire que luron est fait de ce mimologisme commun du chant et de la danse, de ce trala deri dera qui supplée aux paroles et quelquefois à la musique dans les fêtes joyeuses du peuple, et qui a fourni aux vieux chansonniers, entre autres gais refrains, luron, lurette, et lalure. Un luron ne demande qu’à chanter et à danser. Ma lurette est devenu dans ce sens un nom de femme. Dans le langage grivois, on appelle une fille de mœurs suspectes une lonladerinette, une luronne. Ménage n’auroit pas manqué de tirer luron de l’italien lurcone, un homme de plaisir, un voluptueux, un gourmand. S’il n’avoit pas l’origine que je lui attribue, je le chercherois plus volontiers dans les langues du Nord. C’est à elles que nous devons son complément dans le mot godelureau, littéralement un bon lureau ou un bon luron. Nous avons conservé cette dernière expression en adoptant l’autre.

LYCEE. Lieu consacré à l’instruction. ACADEMIE. Si quelque chose prouve très-explicitement que les langues ont été données, c’est l’impossibilité où nous sommes de les faire servir à nos idées, à nos institutions, à nos découvertes, sans demander au passé, et qui plus est aux langues qui n’existent plus, des éléments de mots presque toujours fort étrangers à ce que nous avons l’intention de dire. Nous possédons deux temples voués au culte le plus pur des Muses; l’un est celui des Beaux-Arts, l’autre est celui de l’enseignement. Avec l’aide des Latins, nous avons appelé le premier maison de loups, et, les Grecs aidant, le nom du second peut signifier une tanière ou une peau de loup. En françois pur, cela ne signifie rien du tout. Nous sommes bien de notre pays.

LYCOPHRON. Ce mot est devenu un substantif de la langue, pour désigner l’auteur obscur qui enveloppe sa pensée de voiles impénétrables, par allusion à ce poète de l’école d’Alexandrie, qui parvint à faire sur Cassandre une espèce d’épopée mystique, beaucoup moins claire que les vers Sybillins. Je crois que les Dictionnaires ne peuvent plus se refuser à l’admettre, car le temps ne paroît pas loin où cette personnalité deviendra presque générique.

LYXEMILE. Espèce de cantharides. BOISTE. — Les auteurs françois disent lyméxilon, et non pas lyméxile.

Il n’y a aucun rapport entre les lyméxilons et les cantharides, en telle méthode qu’on les prenne.

LYSARDE ou LISARDE. Lézard gris. BOISTE. — Mauvais patois.