M

M. substantif.

1° Expression abrégée du mot Majesté.

2° Expression abrégée du mot Monsieur.

3° Avec la barre horizontale (M), lettre numérale qui vaut un million.

Acceptions omises.

MACEDOINE. Ce mot est du Dictionnaire des jeux. Il est aussi du Dictionnaire de la cuisine, et il commence à passer dans celui de la littérature, au moyen d’une expression fort judicieuse. Il s’est probablement employé d’abord en parlant d’un mêts très-composé, par quelque allusion à cette variété incroyable de peuples auxquels Philippe et Alexandre firent subir les lois de la Macédoine, et dont on remarqua les vêtements divers et confus dans les armées de ce dernier. Il n’y a point d’expression plus heureusement figurée au sujet de certains livres.

MACULE. Ce mot n’est plus guère employé qu’en astronomie. Il ne s’est pas pris dans son sens figuré depuis Corneille :

A l’époux sans macule une épouse impollue;

Ce qui n’empêche pas qu’impollu ne soit pas françois, et que macule ne le soit guère.

MAFLE. Il n’est dans aucun bon auteur, mais il est dans les Dictionnaires.

Quant à maflu, qui n’est pas dans les Dictionnaires, il est dans La Fontaine :

Grasse, maflue et rebondie.

Il est cruel d’avoir si souvent à choisir entre les Dictionnaires et les classiques.

MAGE. Je ne suis pas sûr qu’il y ait encore des juges mages; mais je sais qu’il faudroit écrire des juges majes : car le nom de ces juges vient de major, comme celui de maïeur, qui est commun dans la plupart de nos provinces, et non pas de sage ou magicien; car il n’y a rien de commun entre les magiciens et les juges majes. Quant aux magiciens, il paroît presque sûr qu’il n’y en a plus.

MAHEÛTRE. M. Boiste dit que le maheûtre étoit un soldat royaliste au temps de la Ligue. Il y a un livre du temps de la Ligue qui est intitulé : Dialogue du maheûtre et du manant. Maheûtre venoit probablement de l’allemand meister, comme certains étymologistes l’ont pensé, et il ne signifoit pas absolument un soldat. Quant à manant, on connoît son étymologie qui n’est pas tout-à-fait aussi injurieuse que son acceptation. Un des caractères de notre langue, et de celle de tous les peuples extrêmement policés, c’est d’avilir les idées par les mots.

MALIN. Le féminin est maligne, que La Fontaine a prononcé maline, pour la commodité de la rime dans sa fable intitulée : L’Oiseleur, l’Autour et l’Alouette :

Elle avoit évité la perfidie machine,
Lorsque, se rencontrant sous la main de l’oiseau,
Elle sent son ongle maline.

Remarquez qu’on ne dit pas la main de l’oiseau, qu’ongle est masculin, et qu’il n’est pas permis de prononcer maline, ce qui est toutefois très-commun dans nos provinces.

MAMMIFERE. Qui a des mamelles. BOISTE. — Ce mot n’est pas de ceux qu’il faut exclusivement réserver aux Dictionnaires spéciaux, car les grandes divisions des sciences appartiennent à la langue en général. M. Boiste est cependant le seul lexicographe qui l’ait recueilli et sa définition n’est qu’un pléonasme qui n’apprend rien.

Les mammifères sont des animaux vertébrés, à poumons, à mammelles, et vivipares.

MARATRE. Femme du père des enfants d’un autre lit.

Rabelais n’hésite pas à nommer le mari de la mère ou noverce, vitrice ou parâtre, et les enfants eux-mêmes privings, expression qui, comme on voit, épargnent de longues périphrases. On est étonné que le barreau, d’ailleurs si hardiment barbare dans l’adoption de ces vocables familiers, ne nous ait pas conservé ceux-ci, qui sont du moins plus utiles que bien d’autres.

MARTINISME. Secte, christianisme épuré. CATINEAU.

Commerce avec les ames, les anges; et connoissance des mystères de la nature. BOISTE. — Je prie les lecteurs de nos Dictionnaires de ne rien croire de tout cela. Les martinistes n’ont aucun commerce avec les ames; il est présumable qu’ils n’en ont guère plus avec les anges, et on doute qu’ils connoissent à fond les mystères de la nature. Leur système n’est point un christianisme épuré; il n’a pas même eu l’honneur de faire secte, et si les lexicographes devoient en parler, il faudroit qu’ils se bornassent à dire ce qui est vrai : c’est que saint Martin étoit un fou, et qu’un martiniste seroit un charlatan; dans le cas où il y auroit encore un martiniste.

MASSE.

Je suis en mesme temps tout de flamme et de glace.
Sans fin mesmes discours je refais et défais.
O misérable esprit! quel amour, quelle paix
D’un chaos si confus débrouillera la masse.

DESPORTES.

Malherbe critique la rime de glace et de masse, parcequ’il y a une longue et une brève. Nous sommes si loin de notre prosodie antique qu’il n’y a peut-être personne qui puisse décider aujourd’hui, sur le simple jugement de son oreille, laquelle est longue ou brève; et nous nous flattons d’avoir perfectionné les instruments de notre langue poétique! Au reste, Malherbe décide ailleurs la question qu’il ne fait que soulever ici. C’est dans ces vers :

Mais qu’en leur ame trouve place
Rien d’aussi froid que votre glace,
Cela ne se peut nullement.

Place n’a jamais été long.

MEGALANTHROPOGENESIE. Ce mot, qui ne finit pas, recueilli par M. Boiste, avec une note défavorable (art prétendu de faire des enfants d’esprit), mérite de l’être par tous les lexicographes. C’est la découverte du siècle qui a le plus profité; jamais les enfants d’esprit n’ont été en aussi grand nombre.

MÊME. Les versificateurs se mettent un peu trop à leur aise sur ce mot; il n’est pas permis de confondre un adjectif avec un adverbe; et si l’on autorise quelque licence d’orthographe dans la poésie, c’est quand il n’en peut pas résulter d’équivoque. Approuvera-t-on La Fontaine, qui transforme l’adjectif en adverbe dans ce vers :

Où du sang des dieux même on vit le Xante teint ?
Et Corneille, qui pluralise un singulier dans ceux qui suivent :
Ici dispensez-moi du récit des blasphèmes
Qu’ils ont vomi tous deux contre Jupiter mêmes!

Il est important de décider jusqu’à quel point la poésie a le droit d’altérer le langage.

MÉNAGERIE. Il s’est dit autrefois pour l’économie ou le soin du ménage, idée qui n’a plus d’expression propre, et il est employé ainsi par La Boétie.

Economie, mieux écrit œconomie, étoit un mot très-heureusement composé pour cet usage; mais il a été d’abord restreint par métonymie à l’idée d’épargne, et puis appliqué par les grands penseurs de notre siècle à une science fort étrangère, ce qu’on appelle l’économie politique. Il faudra peut-être en revenir à ménagerie.

Ménage a long-temps signifié chez nous la même chose qu’économie, mais il a presque toujours eu les deux sens. On sait ce que Panurge appeloit vivre de ménage.

MÉRITER. Verbe actif. Corneille l’a fait neutre.

Plus elle est volontaire, et plus elle mérite.

MESSIE. Le Christ promis. LES DICTIONNAIRES.

–– C’est une définition juive. Notre messie est le Christ arrivé.

METAPHRASTE. Qui traduit littéralement. GATTEL, CATINEAU, WAILLY.

Qui ne traduit pas littéralement. BOISTE. — Qui traduit, et rien de plus.

signifioit tout bonnement interprète, et on y ajoutoit bon ou mauvais, selon l’occasion. Il faudroit user du même procédé en françois pour métaphraste, si métaphraste étoit françois.

MEURTRIER. Comme Théophile avoit dit :

Le meurtrier que la peur bourrelle incessamment,

l’Académie ne trouva que cinq syllabes dans cet hémistiche du Cid :

Qu’un meurtrier périsse.

Remarquons en passant que nous ne rendons pas assez de justice à Corneille, sous le rapport de l’intelligence du nombre, et de l’harmonie. La prosodie de notre langue et la mesure d’une foule de mots analogues à celui-ci n’étoient pas encore déterminés de son temps. Son tact exquis le prémunit contre l’autorité même de ses juges. Il compta trois syllabes où Chapelain n’en comptoit que deux, et Racine a compté comme lui. Il existoit dernièrement à Paris un journal dont les rédacteurs comptoient comme Chapelain. Chacun a son goût.

MIE.

Si le roi m’avoit donné
Paris sa grande ville,
Et qu’il me fallut quitter
L’amour de ma mie, etc.

D’ou vient ce mot ? Rabelais dit, dans le Voyage de Pantagruel à l’île d’Ennasin : L’ung appelloit une aultre ma mie, et elle le appelloit ma crouste. Nous ne donnons pas ce quolibet pour une étymologie.

De mon amie, on a fait m’amie par contraction, comme l’amie de la amie par euphonie. Cette origine une fois perdue de vue, le pronom articulaire a usurpé l’initiale du nom, et mie est devenu un substantif féminin qui a conservé le sens primitif. C’est précisément l’opération contraire à celle qui a eu lieu dans le mot oisir devenu loisir par l’usurpation de l’article. Ces mutations résultent de deux figures que nous avons déjà nommées ailleurs, la syncope et l’apocope, ce qu’il n’est pas mauvais de savoir, mais ce qu’il est presque indifférent d’ignorer.

MILABRE. BOISTE. — Il faut écrire mylabre, parce que ce nom vient de une meule, et on verra bientôt pourquoi.

Petit insecte des fleurs. BOISTE. — Les mylabres de Geoffroi ne sont pas des insectes des fleurs; ce sont des insectes qui vivent dans le grain des plantes légumineuses, et qu’on ne trouve que trop souvent dans les pois et dans les lentilles; c’est ce qui fait qu’on les a appelés mylabres ou meuniers.

Les mylabres des nouveaux méthodistes ne sont pas de petits insectes; ce sont des espèces rares en Europe, et généralement employées comme épispastiques. Le mylabre de la chicorée est la cantharide de la Chine.

La confusion des nomenclatures rend cette partie des Dictionnaires très-difficile, presque autant qu’elle est inutile, et c’est beaucoup dire.

MILLE-PIEDS. Cloporte. BOISTE. — Non.

Iule. BOISTE. — Non.

Insecte d’Amérique. BOISTE. — Et des quatre autres parties du monde

MINIAMBE. Vers ïambique obscène. RESTAUT, GATTEL. — Littéralement, vers des mimes; et il est vrai qu’on lit dans Ovide :

Scribere si fas est imitantes turpia mimos.

Mais les vers de Laberius et de Publius Syrus ne sont point obscènes. L’archimime qui déclamoit aux funérailles ne se permettoit pas de vers obscènes. Platon prenoit plaisir aux mimiambes de Sophron de Syracuse; et obscène est de trop dans la définition, qui n’est pas complette d’ailleurs.

MIMOLOGISME, MIMOLOGIQUE. Ces deux mots sont nouvellement, mais très-utilement introduits dans la grammaire, pour exprimer la construction d’un mot formé d’après le cri humain. Huée, brouhaha, etc., sont des mimologismes ou des substantifs mimologiques, en quoi ils diffèrent des onomatopées formées sur les bruits élémentaires et mécaniques, telles que fracas et cliquetis.

MINÉRALOGISTE. Les Dictionnaires donnent minéraliste et minéralogue, mais non minéralogiste, qui est seul françois, au moins si l’on en juge par analogie. On dit entomologiste, ichtyologiste, ornithologiste, etc. Point de perfectibilité possible sans méthode.

MIRACLE, (À). Une de ces expressions emphatiques qui ont un instant de vogue dans les cercles précieux de Paris, et qui, à l’inverse des mots utiles, tombent en décadence en se popularisant. Ils ne méritent d’ailleurs d’être consacrés par les Dictionnaires, qu’autant qu’ils l’ont été par les classiques, comme celui-ci l’a été par La Fontaine :

Il sait notre langue à miracle.

Tout homme qui saura notre langue à miracle, ne se servira pas de cette locution à l’avenir, quoique La Fontaine s’en soit servi par concession.

MIRAUDER. Regarder avec attention, fixer. BOISTE. — Fixer n’est pas dans le Dictionnaire de M. Boiste; il n’est dans aucun autre avec cette acceptation, et le patois mirauder n’y devroit pas être. C’est cependant de ce vieux verbe qu’est fait le nom de Miraut :

Miraut sur leur odeur ayant philosophé, etc.

MITE. Scarabée très-petit. BOISTE. –– Le scarabée constitue un genre et non une classe.

La mite (Minuta), qui n’est pas coléoptère, n’a rien de commun avec les scarabées.

Observation très-inutile s’il n’en résultoit une conséquence très-importante : (il faut des Dictionnaires spéciaux.)

MOI. Il a deux acceptations comme substantif, et toutes deux ont échappé aux lexicographes, M. Boiste excepté.

Dans la première, il est l’expression figurée de l’égoïsme : elle est consacrée par Pascal, Marmontel et Mirabeau.

Dans la seconde, il signifie ce que M. Boiste définit avec plus de concision que de précision, individualité métaphysique. Le moi des psychologistes est le sentiment persistant d’une ancienne existence dans les êtres qui ont changé de forme. C’est une grande et inutile question de savoir si le moi d’une chenille passe dans son papillon, comme le moi d’Euphorbe avoit passé dans Pythagore.

MOLLUSQUES. Ce mot manque à beaucoup de Dictionnaires, et il est mal défini dans les autres.

M. Boiste appelle les mollusques des vers imparfaits. M. Cuvier, qui a établi la définition de la classe, a placé au contraire les mollusques à la tête des animaux invertébrés, parce que leur organisation interne est plus compliquée que celle des autres, et que cette complication détermine la priorité relative parmi les corps organisés.

Les mollusques sont des animaux invertébrés, sans articulations, qui ont des vaisseaux, des organes pulmonaires, et des nerfs simples.

MOUCHARD. Un biographe prétend que ce mot vient du nom propre d’un certain père de Mouchy, opiniâtre ennemi de la réforme, et qui en faisoit observer les sectateurs secrets par des espions à ses gages.

Il étoit inutile de chercher là cette étymologie, qui se présentoit tout naturellement dans musca, qui avoit eu la même acceptation figurée chez les latins, comme on peut le voir plusieurs fois dans Plaute et dans Pétrone.

Mouche est d’ailleurs encore synonyme de mouchard, tant dans ce sens particulier que dans son usage proverbial, une fine mouche, je voudrois être mouche :

Les mouches de cour sont chassées.

La FONTAINE.

Mouche de cour, se lit déjà dans l’Éperon de Discipline d’Antoine du Saix, qui fit imprimer cet ouvrage à une époque où le père de Mouchy étoit encore fort jeune.

MURMURATEUR. Un mot qui vient, dit-on, de Port-Royal, et qui a l’autorité du père Bouhours, paroît à l’abri de toute critique. Admis par Richelet, il a passé de là dans cette édition batarde de Moutardier, qui a éclipsé, comme tant d’autres enfants clandestins, la gloire de ses aînés. Louis Racine a dit :

Ce peuple dont un voile obscurcissoit les yeux,
Murmurateur volage, amateur de faux dieux .

………..

Et leur historien ne leur déguise pas
Qu’ils sont murmurateurs, séditieux, ingrats.

Cependant il est vrai de dire que murmurator est de l’assez mauvais latin de Saint-Augustin ; que murmurateur n’est pas bon, et que les vers de L. Racine sont détestables.

MUTILATEUR.

Je demandois qu’au sortir du berceau
Chaque plante, chaque arbrisseau,
Pût à son gré déployer son feuillage ;
Que bravant le croissant, l’échelle et le treillage,
Chaque branche en dépit des vieux décorateurs
Et des ciseaux mutilateurs
Pût rendre un libre essor à son luxe sauvage,
Suivre sa fantaisie et dépasser ses sœurs.

Delille

On ne rapporte ici ces vers qu’à l’occasion du mot mutilateur. Quant au reste, il vaudra mieux relire le Philosophe Scythe.

MYCÉTOPHAGUES. C’est l’orthographe de M. Boiste et celle de la plupart des entomologistes françois. Il faut écrire et prononcer mycétophage par égard pour l’analogie. On dit ictyophage, acridophage, anthropophage, etc. Les mycétophages ou mycétobies sont des insectes qui mangent les champignons, qui vivent dans les champignons.