N
N. substantif.
1° Expression abrégée du mot anonyme, ou équivalente d’un prénom inconnu.
2° Avec la barre horizontale, ou la tilde (N), 9,000 ou plutôt 90,000.
Acceptions omises.
N finale. On sait l’anecdote académique à laquelle a donné lieu le fameux quatrain de Saint-Gelais.
Petit cheval, joli cheval,
Bon à monter, bon à descendre,
Quoique moins grand que Bucéphal,
Tu portes plus grand qu’Alexandre.
Mais il faut bien déterminer jusqu’à quel point la voyelle nasale peut se lier par sa finale avec la voyelle suivante ; et si l’on décide que cela est seulement d’exception, comme je le crois, il faut interdire aux poètes l’épouvantable hiatus qui en résulte dans de si fréquentes occasions.
NAUCORE. s. m. Boiste. — Substantif féminin.
Mouche scorpion. Boiste. —
1° La naucore n’est pas une mouche ; c’est un hémiptère de Geoffroi.
2° La mouche scorpion n’est pas une naucoire, c’est une painorpe.
M. Boiste ajoute que cette naucore est un insecte rémitarse, et il a raison quant à la naucore ; mais la mouche scorpion seroit fort embarrassée sur l’eau si le malheur l’y faisoit tomber. Elle n’est pas rémitarse.
NAVIRE. s m. Originairement féminin, comme navis, puis devenu masculin par esprit d’analogie, avec les autres mots françois de cette terminaison. Voyez ÉTUDE.
Malherbe a dit :
Car aux flots de la peur sa navire qui tremble…..
Ce qu’il y a de remarquable, c’est que l’Académie approuvoit ce changement de genre quand il étoit question du vaisseau des Argonautes, commedans cet autre vers de Malherbe :
En la navire qui parloit.
Ménage qui n’étoit pas de l’Académie, et c’est un bien grand malheur, car le Dictionnaire vaudroit beaucoup mieux, trouve le féminin plus poétique. Il devoit être en effet plus poétique de son temps, puisque Malherbe l’avoit employé. Ce sont les poètes qui font les mots poétiques. Ce ne sont pas les grammairiens.
NE. Il se prend d’une manière fort singulière à la suite des comparatifs : Plus que vous ne pensez, où il est non-seulement battologique, mais encore contradictoire. Comme les Italiens disent aussi piu che vi ne pensate, je crois que c’est un italianisme. Toutefois il faut remarquer que ne n’est point un négatif dans la phrase italienne, mais un un pronom qui revient à notre mot en. C’est donc par erreur que nous avons tourné ce mot en négation ; et la phrase françoise ne signifie réellement que ceci : plus que vous en pensez ou que vous pensez de cela.
NÉCYDALE. Insecte nocturne. Boiste. — Nom vague emprunté aux Grecs pour deux ou trois genres d’insectes qui ne sont point nocturnes, mais qui devroient l’être, si l’argot des méthodistes s’éappuyaoit sur l’étymologie.
NENNI . Particule négative. — Et substantif masculin :
Un doux nenni suivi d’un doux sourire
Est tant aimable. Il vous le faut apprendre.
Marot
NÉOLOGISME. Se dit non-seulement de l’abus d’un mot nouveau, mais de ce mot nouveau lui-même, ce que l’on a oublié. Oui, c’est l’abus d’un mot nouveau; mais n’abusons pas du terme.
II faut des mots nouveaux aux sciences, ou il faut borner leur essor, car tel mot nouveau est l’expression d’une idée nouvelle dans l’usage des sciences; et la communication d’une idée nouvelle devient impossible si on lui refuse le signe.
Défendez-vous le néologisme aux poètes, passe encore : la langue la plus pauvre est toujours assez. riche pour eux. Quant aux mots renouvelés, ne les appelez plus des néologismes; ce sont des découvertes, dans les antiquités de la langue, ce qui n’empêche pas qu’elles ne puissent être exploitées par un sot.
NI. Ni est une particule qu’on pourroit appeler alternative, comme soit, parce que ces mots ont besoin d’être opposés avec, eux-mêmes dans la même phrase, pour y être employés correctement. Voltaire a dit: "Ce vers serait fort beau.
« Je ne vous ai ravi ni donné la couronne. »
" Il est très-françois ; ni n’ai donné le gâterait. " Voltaire n’y pense pas : ni n’ai donné le. gâteroit certainement; mais ni n’ai donné n’est pas très-françois; ce n’est pas le verbe qui est alternatif, c’est la particule.
Je ne t’ai ni ravi ni donné la couronne.
seroit encore plus beau, mais surtout plus françois; et ni ravi ne gâteroit rien.
Il faut beaucoup se défier des observations de Voltaire, en grammaire, parce qu’il écrit presque toujours Sous l’impression d’un caprice, et presque jamais sous celle d’un raisonnemnent : cela est infiniment plus joli, mais cela n’est pas si sûr.
NOMS PROPRES et LOCAUX. On a dit plaisamment qu’il y avoit cent mille mots françois qui n’avoient pas de genre; ce sont les noms de villes, qui sont cependant susceptibles de prendre de temps en temps l’adjectif. L’usage, qui vaut une règle académique, donne communément le féminin à ceux qui finissent par un e muet, et le masculin aux autres; mais Racine, plus puissant que l’usage, a dit :
Une Jérusalem nouvelle, etc.
C’est un italianisme, nous disons encore la Jerusalem délivrée, et tous les noms de villes sont féminins en italien. Je voudrois bien savoir décidément ce qu’ils sont chez nous.
C’est une autre question assez.importante que de savoir si l’on doit prononcer les noms propres et locaux comme ils sont prononcés dans chaque langue en particulier; attacher à des signes donnés des valeurs qu’ils n’ont pas chez nous, et confondre ainsi toutes les acceptions des lettres. Ajoutez à cela que certaines langues, l’allemande, l’angloise, l’espagnole en particulier, pour ne pas sortir de l’Europe, ont des éléments qui nous manquent. Faudroit-il les introduire dans notre langue parlée? Cette prétention me paroît extrêmement mal entendue.
Encore une considération. Il n’appartient qu’à l’homme qui possède plusieurs langues d’attribuer leurs valeurs propres aux mots des langues étrangères que certaines circonstances font passer dans la nôtre; et une langue appartient à toute la nation qui la parle. C’est donc un abus singulier de l’érudition la plus commune que de tromper à tout moment son auditeur en défigurant les noms écrits.
Ily auroit un moyen de remédier à ce désordre, mais ce moyen seroit pire que le mal ce seroit de représenter cette espèce de mots dans notre écriture, par les signes qui nous en rendroient. la perception plus exacte, de peindre le son aux dépens de la lettre.
Il y auroit un meilleur moyen toutefois, mais celui-là est impossible, car personne n’en parle chez un peuple qui croit tout possible : ce seroit de réformer l’abécédaire, et de le rendre commun à l’Europe.
Je regrette sincèrement, à la vérité, qu’on dénature si étrangement le nom des hommes célèbres; il me semble que c’est leur dérober quelque chose de leur juste portion de gloire que de la rapporter à je ne sais quel assortiment bizarre de syllabes, qui ne donne aucune idée de leur dénomination véritable.
Je regrette même que nous ayons si ridiculement francisé la plupart des noms anciens. Tite seroit barbare aujourd’hui en parlant de l’empereur Titus, et Titus ne le seroit pas moins en parlant de l’historien Tite-Live. D’où vient cette irrégularité? de l’usage, dira-t-on.; mais ce n’est pas de l’usage d’Amyot, de Montaigne, de Charron, des bons écrivains de notre langue naissante. Il est curieux de remarquer que, chez tous les peuples, ce qui constitue l’usage, ce sont les mauvaises habitudes et les mauvaises autorités.
NONCHALOIR. Substantif. Pourquoi ce mot n’a-t-il jamais été recueilli? Le défendra-t-on au genre de la poésie naïve, dans lequel il figure si bien; ou, ce qui est plus probable, regarde-t-on la poésie naïve comme un genre perdu? Sommes-nous devenus trop solennels pour prendre, plaisir encore à des tableaux qui n’ont d’autre mérite que celui du naturel et de la vérité? Je le crois, mais on ne devroit pas s’en apercevoir à la lecture du Dictionnaire, qui n’est en lui-même qu’une collection passive de mots. Le caractère d’une nation ou d’un siècle perce dans tout ce qù’ils produisent.
NON-SENS. Anglicisme fort usité, et que les Dictionnaires ont très-bien fait d’admettre, ne fût-ce que pour caractériser la moitié de leurs définitions.
NOURRITURE. Ce mot, pris dans le sens d’éducation, n’est pas un synonyme superflu. Il a été fort heureusement employé par Corneille, par La Fontaine, par Voltaire, qui reconnoit qu’il va beaucoup mieux en vers que celui qui l’a remplacé.
Tous les mots du genre de ce dernier ne conviennent nullement au style poétique; il n’y a rien de plus contraire au nombre et à l’harmonie que le dissyllabe languissant qui le termine.
NUAGER Qui appartient aux nuages, qui est d’une nature analogue à celle des nuages, qui habite les nuages, dit l’excellent M. Pougens, dont j’ai connu trop tard l’estimable ouvrage, c’est-à-dire quand le mien étoit fait.
Quels vers délicieux que ceux-ci, et que ce tableau est charmant et vrai:
Ainsi qu’Iris la nuagère
Bigarre sa robe légère
Aux rais du soleil opposé
Cela est malheureusement d’Amadis Jamyn; et de quel droit Amadis Jamyn a-t-il fait des vers avant qu’on pût savoir si nuager étoit françois? La question est décidée: il ne l’est pas.
NUCIFRAGE. Qui vit de noix. BOISTE.. — Qui brise les noix. Le moulin à noix est essentiellement nucjfrage, et on ne diroit pas qu’il vit de noix.
NUDITÉ. La nudité du costume ôte à Vénus sa ceinture, aux Grâces leur voile enchanteur. BOISTE. — Cela est infiniment délicat, mais il est douteux que cela vaille la peine d’être écrit. Il est évident qu’avec une ceinture et un voile enchanteur on n’est pas tout-à-fait nu. On est seulement vêtu fort légèrement.