O

O. substantif

Lettre numérale qui valait deux, et surmonttée d’une barre ou tilde (O) 11,000.

2° L’o du Giotto : expression proverbiale reçue parmi les peintres pour une figure. parfaitemt ronde, parce qu’on prétend que Giotto avoit tracé un cercle exact au courant du crayon.

Acceptions omises.

OBJET. La Fontaine l’emploie pour image, v. 6 de la fab. ix du liv. VI:

Ses jambes de fuseaux
Dont il voyoit l’objet se perdre dans les eaux

Cest un latinisme.

Dans Corneille, par une figure encore plus hardie, il est employé pour réminiscence:

Et que leur cher objet entretenant ma flamme, etc.

OBSÉQUIEUX. Nous devons ce mot nouveau, qui est peut-être de trop pour exprimer une nuance fort rare des idées d’obligeance et de politesse, à J. J. Rousseau, suivi par Marmontel.

M.de Las Cases nous offre maintenant obséquiosité, et M. Boiste obséquieusement. Ces Messieurs sont bien obséquieux. J’aimerois cent fois mieux obséquible, qui du moins seroit fait de quelque chose, et viendroit de quelque part. Règle générale : quand on emprunte un mot à une langue, il n’est pas permis de lui inventer des dérivés. Or, obsequiosicas et obsequiositer sont de monstrueux barbarismes. Il faudroit dire obséquie et obséquemment pour être conséquent avec l’étymologie. Le mieux est de s’en tenir à obséquieux, et de l’employer rarement, parce qu’il n’est ni clair, ni commode, ni harmonieux, ni nécessaire

OBSERVER. On ne trouvera dans aucun bon écrivain ce verbe observer avec l’acception que je lui trouve maintenant partout : Je vous observe, pour je vous fais remarquer. On observe une chose, on fait observer une chose; mais on n’observe pas une chose à quelqu’un ; règle que je ne ferais pas observer, si on l’observoit un peu mieux.

ODOPOIES. Constructeur des chemins à’Athènes. BOISTE. —Et probablement. dans toute l’Attique, et dans toute la Grèce, et dans tout pays où l’on parloit grec; car il est impossible d’exprimer cette idée autrement en grec; mais que fait ce mot en françois? j’aimerois, pour le moins, autant trouver dans le Dictionnaire le nom de l’île d’Odes, où les chemins cheminent; il est probablement plus connu.

OEIL. Quelle bizarrerie que celle de ce mot à déclinaison hibride qui devient étranger à lui-même, à son étymologie, et à ses analogues, en passant au pluriel.

L’Académie était fort en peine de savoir comment l’on devoit prononcer entre quatre yeux. C’était une difficulté à trancher en abandonnant la phrase au peuple qui ne lit pas les Dictionnaires, et qui prononce comme il veut. L’abbé Thoulier d’Olivet, qui étoit un bôn bourgeois de Franche-Comté, et qui avoit des traditions du pays, décida qu’il falloit dire quatre-s-yeux, ce qui fut généralement accueilli par la bonne compagnie, où cette petite locution est, comme on sait, très-commune; mais l’Académie oublia mille-s-yeux dans le Dictionnaire. On ne peut pas penser à tout.

OFFENSEUR (CORNEiLLE, SAINT-RÉAL). BOISTE.

Un de ces mots que l’Académie en corps n’admet point, et que tous les membres de l’Académie en particulier emploieroient fort. bien en cas de besoin. II faut le croire omis.

Au reste, l’Académie, qui ne reçoit pas cette expression dans le Dictionnaire, l’approuve solennellement dans les Sentiments sur le Cid.

OFFICES, DEVOIRS. Rendre de bons offices.

— Ce mot n’avoit jamais été employé dans cette acception avant la traduction du traité de Officiis de Cicéron, par Dolet. Celui-ci s’étant avisé de rendre le titre latin par un mot nouveau, l’usage consacra sa témérité. Dolet a donné le droit de cité à quelques autres expressions tout aussi audacieusement francisées, et tout aussi favorab1ement accueillies, ce qui est d’autant plus singulier que cette impulsion partoit d’une province éloignée.

OI. Cette diphthonguc, si commune dans nos verbes, se prononçoit autrefois comme dans ce mot autrefois qui vient de tomber de ma plume. Les Italiens, qui inondèrent la cour sous le règne des Médicis, et qui ne pouvoient en faire usage, y substituèrent une voyelle qui n’en rappelle nullement la valeur. Depuis, l’usage toujours bizarre, et dans ce qu’il condamne et dans ce qu’il prescrit, a maintenu en certains mots la prononciation première et l’a rejetée de beaucoup d’autres, sans rien changer à l’orthographe. Voltaire, scandalisé de ce désordre, entreprit d’y remédier en substituant le digramme ai à la diphtongue oi dans les lieux où cette diphtongue est prononcée à l’italienne; mais il n’a pas réfléchi que les éléments de ce digramme n’ont pas plus de rapport avec le son dont il s’agit, que ceux de la diphthongue oi. Les deux orthographes ne sont donc qu’un cercle vicieux dont il paroît impossible de sortir. En attendant, je crois très-convenable de s’en tenir à la plus ancienne, puisqu’elle est au moins monumentale, et qu’elle conserve une tradition précieuse de la prononciation et de l’étymologie. Il n’en est pas moins vrai qu’il n’y a rien de plus absurde que d’exprimer la valeur d’une voyelle simple par le concours de deux voyelles étrangères, et que ces défectuosités monstrueuses témoignent assez la jeunesse de nos langues.

A propos de cette conspiration italienne contre la plus belle de nos diphthongues, contre cette double voyelle si pleine, si sonore; si harmonieuse, qui retentit encore si magnifiquement à ros oreilles françoises, dans gloire et dans victoire; à propos, dis-je, de cette guerre de mots commencée par les infâmes mignons de Henri III, et fort étourdiment renouvelée par le chantre de Henri IV, il faut lire Henri Etienne dans ses excellents dialogues du langage françois italianizé, et prendre part, en dépit de soi, à sa juste indignation contre les misérables étrangers qui efféminoient de son temps notre bel idiome national. Non-seulement on prononçait alors comme aujourd’hui, j’allès, je venès, je faisès, je disès, mais encore harnès, endrèt, et courtès, que l’ancienne prononciation a reconquis. Remarquez que ces mots sont écrits écrits dans Henri Étienne comme ici, que c’est ainsi que les a écrits depuis Dumarsais, et qu’il ne faudroit pas les écrire autrement, s’il étoit possible de renouveler partiellement l’orthographe de la langue pour l’approcher, comme disent les anciens grammairiens, au plus près de la prolation. Ces habiles gens ne se seroient pas avisés de la maladroite orthographe de Voltaire, qui ne remédie à rien. Il est vrai qu’il est plus beau d’avoir fait Mérope, Zaïre, et surtout les contée et les poésies fugitives ; mais à quoi bon s’occuper de grammaire?

La prononciation de la diphtongue oi n’est pas elle-même bien déterminée. Il paroît que celle qu’on peut représenter par oa prévaut dans la diction emphatique de la chaire, du barreau, et du théâtre. Elle passoit pour très-vicieuse à la fin du seizième siècle : il falloit prononcer troes roes, pour trois rois selon l’opinion des meilleurs grammai riens de l’époque; c’est ainsi qu’écrit entre autres le Lyonnoes Taillemont, qui a fort bien exprimé la prononciation de son temps, dans son rare et précieux volume de la Tricarite.

ONCIRODYNIE, ONCIROMANTIE. BOISTE.

—Faute d’impression qui ne doit pas tirer à conséquence dans les nouveaux lexiques, mais qu’il est bon de signaler en passant. Ces mots sont faits d’, somnium, et ne peuvent s’écrire qu’oneïrodynie, oneïroimantrie. Erreur de copiste : elle est corrigée dans la cinquième édition.

Oneïrogone en est une autre. Si l’on admet l’étymologie qu’on lui donne; il faut oneïrogyne; et, pour être sévèrement exact, il faudroit supprimer tous ces composés inutiles qui n’appartiennent nullement à la langue, et qu’elle ne peut emprunter que dans un cas spécial.

ON. Une des singularités de rnotre langue c’est que ce mot puisse prendre leféminin (on est heureuse d’être mère), quoique très-certainement dérivé d’homo, qui est le masculin typique ou par excellence. Ce qui prouve clairement qu’il a été substantif c’est qu’il reçoit encore l’article (on dit ou l"on dit). Du temps de Rabelais on écrivoit les homs pour les hommes.

ONGLE: s. m. La Fontaine l’a faitdu genre féminin, v. 12 de la fab. xv du liv. VI:

Elle sent son ongle maligne

Ce n’est pas ici une autorité, car c’est plus qu’une liberté. C’est une faute, puisqu’à cette exception près, ongle est partout du genre masculin, comme unguis, dont on le tient dérivé. Cependant il est bon d’observer qu’ongle ne peut être fait d’unguis, qui manque dans tous ses cas d’un dès éléments essentiels de sa racine ; Il procède évidemment d’ungula, qui est un substantif féminin; et ce qui paroîtra plus singulier peut-être c’est qu’ungula, dont je parle, ne sauroit être formé d’unguis, un substantif de cette construction n’ayant jamais fourni un diminutif de la construction d’ungula. Ce dernier mot est plutôt le diminutif d’uncus, un crochet, que les Latins ont souvent employé en composition, comme dans aduncus et obuncus. On sent bien que la substitution du g n’est qu’euphonique. Si ongle ne vient pas d’unguis, et il ne peut pas en venir, il est donc étymologiquement féminin; mais l’usage a prévalu, et, en grammaire, l’usage a toujours raison.

On dit proverbialement : savoir sur l’ongle, ad unguem. Quelques étymologistes prétendent que cette figure signifie en développement, posséder une chose, et l’avoir présente, comme si elle étoit gravée sur l’ongle; d’autres, qu’elle est empruntée d’un mot usuel des marbriers, qui tâtent à l’ongle la jointure des marbres rapportés, et ne la réputent parfaite qu’autant que l’ongle la traverse en tous sens sans obstacle.

ONZE. Pourquoi pas dix un, dix deux, etc. ? cela seroit plus exact, plus précis, plus conforme à l’esprit de la langue.

Ce qu’il y a d’admirable dans les caractères de numération arabe c’est de représenter avec dix signes toutes les combinaisons possibles de nombres; nos mots devroient n’être que l’expression écrite du chiffre, sans quoi ils chargent ce beau système de signes vagues et superflus. Voyez les dix premiers noms de nombre, ils sont mobiles et reproductibles comme les figures qu’ils remplacent. Il n’en est pas de même de ceux-ci, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dont la valeur n’est jamais modifiée par leur position. Nous avons donc chargé la numération écrite de six signes surabondants; nous sommes retombés par là dans le chaos des langues barbares. C’est par la même raison que j’insisterois pour que ces expressions si heureuses de septante, d’octante, et de nonante, fussent enfin tout-à-fait substituées à la traînante alliance de nombres qu’on y substitue. Six-vingts, quinze-vingts, ne se disent plus; pourquoi conserver quatre-vingts, qui n’est pas moins ridicule ?

Il ne s’agit pas ici d’attenter à la langue de Racine et de Fénelon; il s’agit de donner à la langue numérique une précision essentielle indispensable, et de faire prévaloir le bon sens contre une tradition gothique.

OPISTOGRAPHE, OPISTOGRAPHIE. Écrit au dos, écriture au dos. BOISTE. ─ Et de même, imprimé au dos, impression au dos. Les anciens n’écrivoient ordinairement que d’un côté sur les tabellae, sur le papyrus. Chez nous, où la matière qui reçoit l’écriture est propre à la recevoir des deux côtés, on fait usage du verso comme du recto. Nos imprimeurs sont opistographes; ceux de la Chine ne le sont pas. On imprime opistographiquement à Manille, quoique le papier y soit à-peu-près de même nature et de consistance qu’à la Chine. Les imprimeurs n’aiment pas les copies opistographiques, ou écrites au dos, surtout quand elles sont écrites en caractères fort menus, parce qu’elles ne permettent pas la division du travail.

OPPRESSER. Ne se dit qu’en parlant de certaines affections corporelles. ACADÉMIE. –– Il s’est très-bien dit au figuré :

A ceux qui l’oppressoient il ôtera l’audace…..

Soit que d’un oppressé
Le droit bien reconnu soit toujours favorable…..

MALHERBE.

Ne me préfère pas le tyran qui m’oppresse…..

CORNEILLE.

ORTEIL. Le peuple prononce à merveille arteil, car ce mot est fait d’articulus, et l’usage qui a changé l’initiale est tou-à-fait barbare; mais il n’y point d’objection contre l’usage. Arteil, qui est le mot propre, le mot bien construit, le mot étymologique, n’en est pas moins un barbarisme.

OSSIANISME, OSSIANIQUE. Ces expressions ne sont pas françoises et le genre auquel elles se rapportent ne le sera jamais.

Le style primitif avoit d’autant mieux pris en France qu’on y étoit plus loin des mœurs primitives. Il passa de mode comme toutes les beautés fausses ou déplacées. Le premier langage de l’homme naturel est imposant, majestueux, quelquefois sublime; mais l’école qui voudra reprendre ce langage au milieu d’une société décrépite ne sera que ridicule.

Homère même est déjà loin du style primitif. On lui a comparé les poètes hébreux. C’est mettre une enfance vigoureuse et de bonne augure au niveau d’une belle et forte adolescence.

Toutefois, ce genre a paru quelque temps former une école, et même une école nombreuse. Cela n’est pas étonnant : il n’y a rien de plus facile à imiter que ce qui s’écarte de toutes les idées d’une époque donnée. Ce qu’il y a de plus extraordinaire peut-être dans le besoin de l’extraordinaire, c’est que c’est, de tous les besoins de l’esprit, celui qu’on a moins de peine à contenter.

OÙ QUE. Quocumque, en quelque lieu que :

Où que soit Rosidor, il le suivra de près,
Et je saurai changer ses myrthes en cyprès.

CORNEILLE.

Expression provinciale, mais que sa vivacité elliptique rendoit digne d’être conservée.

Marot a dit admirablement :

L’œil et le cœur de tous ceux qui la virent
Où qu’elle allât tous les jours la suivirent.

M. François de Neufchâteau a remarqué cette locution dans Buffon et J. J. Rousseau. Il semble que c’étoient assez d’autorités pour la recommander à l’Académie.

OUTARDE. Ce n’est pas d’avis tarda, mais de la composition hibride du vieux mot oue et du latin tarda, si toutefois l’adjectif tarde n’a pas été françois. Quant à ce nom d’oue tarde ou lente, il n’aura rien de singulier pour les chasseurs qui savent que l’outarde est très-facile à tirer, parce qu’elle a beaucoup de peine à reprendre son vol une fois qu’elle est posée.

OUTRAGEUX.

Quelque espoir outrageux d’être mieux reçu d’elle…..
…………………........
Cesse de me tenir ce discours outrageux…..

CORNEILLE.

L’aveu de l’Académie et la protection de Voltaire ont à peine donné un peu de crédit à ce mot, parce qu’il est trop près d’outrageant, qu’il en diffère par une nuance trop légère, et que sa nécessité ne se fait guère sentir qu’en poésie, où il ne faut pas le dédaigner.

OVÉ, e. Terme de botanique; ovale. BOISTE. ─ Terme d’histoire naturelle; ovoïde.

Ovale se dit de la figure d’un œuf, sans égard à sa solidité; ové, de cette figure prise dans toutes ses dimensions.

Ovale est à ové ce que circulaire est à sphérique.

Oviforme qui signifieroit en construction la même chose qu’ové, est défini ainsi par M. Boiste : substance de la consistance du blanc d’œuf. On ne conçoit pas le rapport pue M. Boiste a pu découvrir entre cette substance et cette forme, à moins qu’il n’ait voulu parler de la consistance du blanc d’un œuf cuit dur.

OXYLÈLES. Genre de coléoptères. BOISTE. –– Il falloit écrire oxylèles, et accorder l’honneur de la même mention, du moins pourêtre conséquent, aux astrapées, aux callicères, aux latrobies, aux omalies, aux pinophiles, aux tachines, aux tachypores, qui sont autant de subdivisions des staphylins, dans la méthode de Gravenhorst, d’ailleurs fort peu connues des naturalistes eux-mêmes.

OYEZ. M. Boiste rapporte ce mot comme vieux. Toutes les personnes de tous les temps de tous les modes du verbe ouïr, sont très-vieillies, à l’exception de l’infinitif et du participe passif.