R

R. substantif.

Révérend, en parlant d’un moine. R. P.

2° Lettre numérale valant 80.

3° Avec la tilde, (R) 80, 000.

4° Dans le commerce, Remise, Reçu, etc.

Acceptions omises.

R finale, dans l’infinitif des verbes en er.

Faut-il prononcer aimêr ou aimé ? L’usage du théâtre est d’employer le premier de ces modes de prononciation au-devant d’une voyelle, et le second au-devant d’une consonne. Je le crois bon; mais est-il consacré par une décision académique, sceau nécessaire de la correction ?

RABBIN. Au vocatif rabbi. BOISTE. –– Cela peut être en hébreu; cela n’est pas en latin; je ne crois pas que cela soit en françois, où les cas ne se distinguent point par la désinence.

RABLU. Bien fourni de rable. BOISTE. –– Je suis persuadé que ce seroit là une assez bonne définition de rablu; mais je n’ai jamais entendu dire que rablé, qui n’est pas lui-même fort élégant.

RABUTINAGE. Il faudra nous faire grâce une autre fois, dans tous les Dictionnaires du monde, de ce substantif formé du nom de Rabutin; car, avec la faculté d’en faire autant sur tous les noms propres, les Dictionnaires n’en finiroient pas. Il a été employé par madame de Sévigné; mais ce qui sied bien dans une lettre va très-mal dans un lexique.

Ce n’est pas qu’un nom propre ne puisse fournir un bon substantif bien usité, comme un César, un Amphitryon, un Harpagon, un Cartouche; mais il faut pour cela le sceau d’une grande autorité, celle du peuple, qui n’a lu ni l’Histoire amoureuse des Gaules, ni les Heures de la Cour.

RAGE. Les Dictionnaires devroient dire que ce mot n’a plus aujourd’hui de pluriel, malgré l’autorité de plusieurs poètes classiques, et celle de leurs éditeurs :

Déployez toutes vos rages,
Princes, vents, peuples, frimas.

BOILEAU.

"Quoique tous nos vieux poètes, dit Saint-Marc, eussent employé ce pluriel, il n’étoient déjà plus en usage quand notre poète composa son Ode. Je ne lui ferai pourtant pas un crime de s’en être servi dans cet endroit, où ce pluriel me paroît bien plus énergique que le singulier."

Voltaire le regrette également dans sa note sur le vers de Corneille :

Le sang de Polyeucte a satisfait leurs rages.

Ce qu’on peut dire de mieux en faveur de ce pluriel, c’est qu’il étoit quelquefois commode pour la mesure ou pour la rime, et c’est ici son seul mérite.

RAIN (de forêt). Lisière. CATINEAU, GATTEL.

–– Rameau (vieux). BOISTE. –– C’est se moquer du monde que de confondre l’orthographe de ces deux mots. Le premier vient de ren, is, et doit tout au plus s’écrire rein, s’il s’écrit encore.

Le second vient de ramus, et l’on écrit raim, quand on l’écrit.

RAMENTEVOIR (SE). A la lettre, remente videre. –– Molière a dit encore dans le Dépit amoureux :

Ne ramentevons rien, et réparons l’offense.

Ce mot étoit heureux, parce qu’il s’expliquoit mieux par son étymologie que les mots qui l’ont remplacé.

RAMINAGROBIS. Homme gros, riche et fier. WAILLY. –– C’est une des mauvaises étymologies de Le Duchat qui a donné lieu à cette mauvaise définition.

Raminagrobis est un personnage de Rabelais, qui pouvoit être fier et même gros; c’étoit un poète. Quant à riche, c’est une autre affaire. C’est aussi un personnage de La Fontaine; mais ce personnage est un chat.

Il faut consulter les classiques.

RANCOEUR. Ce n’est pas haine, comme l’entend M. Boiste; c’est l’expression très-utile et très-heureuse d’un dépit concentré, mais tendre, comme celui qu’inspirent à un amant les rebuts de sa maîtresse; à un homme sensible, l’ingratitude de ses amis.

Excuse par pitié ma jalouse rancoeur.

REGNIER.

Il est fâcheux que nous ayons perdu ce mot sans le remplacer. J’en dis autant de marrisson, qui m’a toujours paru d’une énergie extrême, et qui n’est qu’imparfaitement remplacé par le mot tout grec de mélancolie. C’est une usurpation de la langue médicale sur la langue poétique. M. Boiste écrit marisson, sans égard pour l’analogie de ce substantif avec le vieil adjectif marri, qui nous est toutefois resté.

RANZ-DES-VACHES. Air insipide, célèbre parmi les Suisses. BOISTE. –– Insipide est un peu fort.

J’aurois écrit, chant délicieux, et délicieux seroit un peu fort.

J’aurois écrit comme un Suisse, et M. Boiste a écrit comme un Parisien.

Chacun a son goût; mais il ne faut pas mettre son goût en définition.

RAPPELER (SE). – Il est reconnu que ce verbe ne peut être séparé d’un substantif par la préposition de, faute cependant très-commune.

On doute qu’il en soit de même dans le cas où c’est l’infinitif d’un verbe qui le suit. Je me rappelle avoir entendu paroît effectivement barbare.

Le meilleur seroit peut-être d’employer en ce cas le verbe se souvenir, qui gouverne la préposition.

RATOPOLIS. La Fontaine a ainsi appelé la capitale des rats; mais ce n’est pas une raison pour jamais admettre ce mot dans le Dictionnaire géographique, non plus qu’Eléphantide et Rhinocère. Il y a des esprits naïfs qui pourroient s’y tromper, témoin certain traducteur de quelques traités de Plutarque, qui vivoit du temps d’Amyot. Trouvant dans le livre où Plutarque dispute quels animaux participent plus de prudence, les terrestres ou aquatiques, l’observation suivante : «L’ours, quand il se trouve dégoûté, " s’en va vers une fourmilière, et, s’asseyant auprès, tire sa langue, qui est molle et a quelque humidité douce et gluante, et ne la retire point jusqu'à ce qu’elle soit toute couverte de fourmis, qui, étant par lui avalées, lui servent de remède»; mais ne comprenant point le mot , une fourmilière, cet habile helléniste s’avisa d’y lire un nom de pays, et de faire honneur de ce prodige de l’instinct animal aux ours de Myrmécie. On feroit un gros livre bien amusant de ineptiis doctorum.

RAVET. Hanneton des Antilles, naturalisé en France; blatte. BOISTE. –– Il n’y a rien de commun entre un hanneton et une blatte, mais le ravet des Antilles est une blatte.

RATTE. Ce mot est commun en province pour rat et pour souris. On ne l’emploie guère à Paris, ce qui fait qu’il n’est pas dans les Dictionnaires. Je ne vois pas la nécessité de l’y mettre, et je ne le remarque au contraire que pour l’indiquer dans une des fables apocryphes de La Fontaine :

Quelques rattes, dit-on, répandirent des larmes.

Le vers n’est pas mauvais; mais la fable n’est pas de La Fontaine, qui n’a employé ce mot dans aucune autre occasion, et il n’en faut pas d’autre preuve.

RE. Particule duplicative. – Peut-elle s’attacher à tous les verbes ? alors il est inutile d’inscrire dans le Dictionnaire avec la particule duplicative tous les verbes qui l’ont reçue. C’est une règle générale.

Ne peut-elle s’attacher qu’à certains verbes ? Il faut en dire la raison, ce qui me paroît très-difficile dans tous les verbes dont le sens n’exclut pas l’idée de duplication.

REBELLER.

Je dois vous avertir en serviteur fidèle
Qu’en sa faveur déjà la ville se rebelle.

CORNEILLE.

Voilà un verbe excellent par le sens, et un néologisme très-heureux par l’analogie. Condamneroit-on l’auteur qui s’en serviroit maintenant pour éviter une périphrase toujours froide ou un foible équivalent ?

REBERCER. Bercer de nouveau, remettre au berceau. –– Le Dictionnaire qui daigne me citer à l’occasion de ce néologisme très-hasardé, mais qui m’a paru assez poétique, me fait beaucoup trop d’honneur. La phrase d’exemple qu’on m’y attribue est exactement calquée sur ce beau passage des Voleurs de Schiller. " Les harmonies guerrières nous rebercent dans les songes de notre gloire... " Et c’est à cette citation qu’il auroit fallu s’en tenir, si Schiller avoit écrit en françois. Dans l’état des choses, c’est un de ces mots sans autorité, qu’on ne peut ni conseiller ni proscrire. Le talent les prend ou les laisse.

RECLAME. Pipeaux. BOISTE. –– Le pipeau du chasseur ne s’appelle pas réclame. Il s’appelle reclaim, qui est de même construction, mais qui est beaucoup plus antique.

Reclain, terme de coutume, est mal orthographié par M. Boiste. Il faut écrire reclaim, comme pour le précédent.

RECONNOITRE. Verbe actif. –– Et neutre.

Pourquoi n’avons-nous point de verbe qui exprime une des idées les plus importantes de la morale et de la société ? Pourquoi ne peut-on pas dire avoir de la reconnoissance, ou être reconnoissant, à moins de recourir à un auxiliaire ?

Vois-je pas vos bontés à mon aide paroître,
Et parler dans vos yeux un signe qui me dit,
Que c’est assez payer que de bien reconnoître ?

MALHERBE.

RECOUVRER. Le participe est recouvré, pour distinguer ce verbe de recouvrir qui fait recouvert. Cette nuance n’est pas aussi ancienne que la langue. J’ai recouvert quelques livres joyeulx, lesquels te seront par le présent porteur rendus. Liv. IV, chap. III, de Pantagruel.

REDIVIVE. Qui renaît (vampire). (CALMET.) BOISTE. –– Le siècle prochain ne saura plus ce que c’étoient que les vampires.

Redivive seroit un mot assez heureux pour certains animaux qui ont une résurrection apparente, comme le tardigrade rotifère; ou pour certains ouvrages auxquels les circonstances rendent une vie momentanée.

REGARD. Le regard de quelqu’un, ce qui le regarde. Figure vive et hardie oubliée des lexicographes.

Le jugement de Rome est peu pour mon regard.

CORNEILLE.

REGNE. Il a été pris une fois, pour royaume ou empire dans les classiques. Ce singulier latinisme est de J. B. Rousseau, en parlant du turc :

Qui, paisible tyran de la Grèce abattue,
Partage à notre vue
La plus belle moitié du règne des Césars.

REMARQUABLEMENT. D’une manière remarquable. BOISTE. — Et pourquoi d’une manière remarquable, puisqu’on peut dire remarquablement ? Cet adverbe est très-bon.

REPASSEUSE. Ce mot n’est pas françois, quoique fort généralement usité, de sorte qu’un homme qui se pique de bien parler, ne sait comment désigner l’ouvrière qui repasse son linge, ce qui est extrêmement embarrassant pour les gens de Lettres qui ont des chemises.

REPENTI, e. s. BOISTE. Non; c’est un participe.

Vieux, mais bon. VOLTAIRE. Dans le sens de repenti, il n’est pas vieux, mais il est très-bon en effet.

Dans le sens de repentant, il est vieux, mais il n’est pas bon, malgré l’autorité de Corneille.

Un cœur repenti n’est pas meilleur qu’un héros expiré; c’est un solécisme.

REPENTIES. s. f. pl. BOISTE. — Non, c’est un adjectif; ou s’il s’est pris substantivement, ce n’est que par ellipse. On disoit les filles repenties, et une courtisane célèbre, qu’on pressoit d’entrer parmi elles, répondoit fort plaisamment qu’elle n’étoit ni l’une ni l’autre.

REPIC ET CAPOT. Perte. BOISTE. Cela dépend du genre de la partie. On peut gagner après un repic et capot; mais il vaut mieux l’éviter quand on peut.

RESSENTIMENT. On dit ressentir pour sentir, et dans la même acception. Il n’en n’est pas de même de sentiment et de ressentiment, malgré l’autorité de Racine, au vers 6 de la sc. IV de l’acte II de Bérénice:

Je demeure sans voix et sans ressentiment.

Remarquez que l’acception actuelle de ce mot ressentiment, qui est d’ailleurs très-beau, est infiniment éloignée de son étymologie naturelle, et qu’il y a peu de substantif qui ait moins d’analogie avec son verbe.

Delille nous a dit en parlant du chien:

Gardant du bienfait seul le doux ressentiment,
Il vient lécher ma main après le châtiment.

RÉUSSIR. v. n. On le fait maintenant actif dans certaines acceptions; mal réussir un tableau, une composition, un ouvrage. Un tableau qui a réussi est celui qui a plu au public et aux connoisseurs; un tableau qui est réussi est celui dont l’exécution a répondu à la pensée, à l’intention du peintre. J’emprunte ces exemples à la peinture, parce que c’est ici en effet de l’argot de peinture; mais comme il n’est point de langue spéciale qui tienne plus de place dans le Dictionnaire des salons, il y a lieu de craindre que ce solécisme ne gagne du terrain, et qu’on ne dise avant peu, réussir un projet, réussir une entreprise. Les arts et les métiers ont sans doute besoin de recourir quelquefois à certains mots de convention pour exprimer des nuances d’idées qui leur sont propres; mais ce seroit une faute irrémédiable que d’en souffrir l’introduction dans la langue écrite. [1]

RHOMBUS. s. m. Comme tous les Dictionnaires omettent le nom de cet instrument, ils me fournissent par là l’occasion d’étaler une érudition facile, mais dont l’objet avoit le mérite d’être fort à la mode en 1809, quand j’écrivois cette note.

Le rhombus des anciens étoit précisément ce que nous avons appelé le diable, c’est-à-dire cette espèce de toupie de métal ou de bois qu’on fait pirouetter avec des lanières tressées; et les expressions d’Ovide, huitième élégie, livre premier des Amours, équivalent à une description formelle. Il en est aussi question dans la seconde idylle de Théocrite; dans la vingt unième élégie du liv. II de Properce; et dans la trentième épigramme du liv. IX de Martial. Lucien dit quelque part que le rhombus étoit d’airain.

Je doute qu’on ait jamais bien traduit ce vers d’Horace:

Citumque retrò solve, solve turbinem.

Il signifie positivement : Faites rouler le diable dans l’autre sens. J’abandonne cette belle interprétation aux commentateurs.

Le poète Sicilien fait dire à une de ses bergères : "Comme, au nom de Vénus, je tourne rapidement le diable, faites, ô Dieux, que mon amant puisse venir à ma porte avec la même vitesse!" On ne sait pas si cette formule de conjuration s’est conservée parmi les joueuses.

Il paroît que le rhombus étoit un instrument de sortilège, et c’est peut-être pour cette raison qu’il a gardé le nom du diable, avec lequel il n’a d’ailleurs rien de commun. Il falloit autrefois une certaine initiation pour oser y mettre la main; mais les sciences mystiques tombent furieusement en décadence dans ce siècle. Au reste, les magiciennes de notre temps ont un genre d’habileté qui vaut bien tous les prestiges de Thessalie, et le diable n’y perd rien.

RHÔNE ou RHOSNE. s. m. En latin Rhodanus. Un des quatre principaux fleuves de la France, et dont le nom est purement gaulois. Le chevalier de JAUCOURT. Son nom se lit dans des auteurs grecs, et Schrevelius le dérive , ob velocitatem motus. Schrevelius oublie , undarum strepitus; , nympha, ab eodem strepitu, et , si analogue, et qui a le même sens. Ce n’est point là un mot purement gaulois, car il est presque tout grec.

RHOPATIQUE. Sorte de ver. WAILLY, BOISTE. Ce n’est pas mon intention de corriger toutes les fautes d’impression des Dictionnaires de la langue, j’aurois un peu trop à faire; mais quand une de ces fautes se propage, et qu’elle réunit déjà deux autorités, elle devient un barbarisme dans toutes les règles. Il faut donc lire ici, rhopalique, et non rhopatique; sorte de vers et non de ver. c’est un vol que je fais à l’helminthologie, et une restitution que je fais à la littérature.

Le vers rhopalique est un vers dont les mots vont en croissant d’une syllabe:

Spes deus oeternoe stationis conciliator.

AUSONE.

RIBAUD. Luxurieux, impudique. ACADÉMIE. Cela estvrai dans l’acception générale, mais il faut une autre définition pour ceux qui liront notre histoire et qui y verront les exploits des braves ribauds de Philippe-Auguste.

Le roi des ribauds fut long-temps un des officiers de la maison de nos rois.

RIDÉ. La peau de l’éléphant est ridée. ACADÉMIE. La peau de l’éléphant n’est pas ridée. Le mot ridé comprend l’idée d’enfoncements et de saillies alternatives, avec une espèce de parallélisme. Il faut peut-être recevoir des sciences le mot rugueux, qui détermine bien l’état scabreux et irrégulier de la surface de certains corps.

ROCAILLEUX. Qui croiroit que ce mot n’est pas admis par l’Académie? Il est cependant très-bon au propre et très-bon au figuré, en parlant de certains styles; mais le lettre R a peut-être été rédigée par Chapelain.

ROIDE, ROIDEUR. Comme, grâce à l’orthographe de Voltaire, nous avons perdu la prononciation traditionnelle de quelques milliers de mots, le philosophe Domergue lui-même, qui apprécioit cette orthographe à sa véritable valeur, n’est pas bien décidé sur la prononciation du mot qui fait l’objet de cet article. Il est tenté de prononcer rède et de conserver roadeur. Alors, si vous voulez des innovations, écrivez rède ou roade, et rèdeur ou roadeur; je m’en soucie fort peu : écrivez même raideur, qui est encore autre chose; mais dites-nous à quoi nous devons nous en tenir pour conserver aussi pure que possible la belle langue que le siècle de Louis XIV nous a donnée, et jusqu’à quel point un grand homme, qui n’avoit pas d’ailleurs une idée saine et arrêtée en grammaire, doit devenir pour toute la postérité l’arbitre de la langue écrite et de la prononciation ?

ROSE. Balzac dit des roses, pour des choses très-agréable. C’est une figure naturelle et charmante parce qu’elle est naturelle.

On dit aussi un diamant, pour une chose précieuse de telle espèce qu’elle soit, et les lexicographes l’oublient.

ROUCOULEMENT. Il est impossible de se refuser à l’admission de ce mot essentiel, d’ailleurs consacré par la prose éloquente et pure de Buffon et de Bernardin de Saint-Pierre.

ROUÉ. Un de nos meilleurs lexicographes a peut-être eu quelques tort de salir de la nouvelle acception de ce mot une des pages de son livre; mais il faut avouer que les hommes corrompus, qui se sont appliqué cette dénomination infâme, ont au moins fait preuve de jugement.

RUBAN. Singulière extension. Ruban, rosette, rosace, flamme, viennent de racines qui signifient rouge. Comme cette couleur est la plus éclatante de toutes, elle avoit usurpé le droit de dénommer les autres. La tradition de cette étymologie s’est perdue; et on dit fort correctement un ruban gris, sauf à rire le soir de la cassette de l’Avare qui étoit d’un gris rouge, et sans se douter que cette dernière expression vaut l’autre. C’est ainsi que les langues sont faites.

RUBANTÉ. Garni de rubans. ACADÉMIE, GATTEL, CATINEAU, WAILLY. De ruban, il falloit nécessairement faire rubanné; l’étymologie (rubens, tis) a prévalu peut-être par hazard sous la plume de l’écrivain et sous celle du lexicographe; aucun intermédiaire n’ayant pu justifier ce participe bâtard d’un verbe qui n’existe pas, il faut absolument y renoncer.

Enrubaner et enrubané valent beaucoup mieux; aussi ne sont-ils pas des Dictionnaires : ils sont de Beaumarchais.

RUBRIQUES. s. f. pl. Il est aussi singulier pour indiquer la suscription d’un article de gazette : sous la rubrique de Londres, sous la rubrique d’Amsterdam.

On appelle encore rubriques les noms des grandes fêtes dans les almanachs, parce qu’ils y sont indiqués en lettres rouges; et il ne faut pas dédaigner un mot parce qu’il est du françois d’almanach ou de gazette.

Savoir toutes les rubriques. (MOLIÈRE.) C’est un proverbe tiré de l’usage du droit, et que l’on emploie en parlant d’un avocat qui sait tous les passages imprimés en rouge dans les Institutes. On peut croire qu’il y a bien des avocats qui n’en savent pas tant.

RUDIMENT. (Au figuré) éléments, premiers principes; (au propre) livre qui les contient. BOISTE. Tout le contraire.

RURAL, E. Il a été pris par La Fontaine au figuré, dans le sens de rustique:

Esprits ruraux sont volontiers jaloux.


Notes

1. Je vois avec regret que mon ingénieux ami, M. Jal, ait pu se croire autorisé à employer ce mot dans ses spirituelles Revues des sallons de peinture, bien qu'il en connoisse à merveille l'irrégularité. Son style, si plein de verve, d'originalité et de feu d'imagination que les Italiens appellent brio, est d'ailleurs extrêmement correct, et on est étonné d'y trouver une pareille concession à la mauvaise grammaire de l'atelier.