5. Étapes et moyens nécessaires

Comme il a été rappelé plus haut l'entreprise est d'envergure : 15 volumes in 8°, et les deux Suppléments ultérieurs, font 20 700 pages, 82 800 colonnes, 433 millions de caractères! Elle ne pourra se concrétiser que par phases successives tout d'abord, puis concomitantes.

Informatiser un dictionnaire c'est effectivement en rendre le contenu accessible sur un support électronique, et par conséquent substituer à la linéarité de la version sur papier une structure logique entièrement et rigoureusement définie.

§ Pour maîtriser cette masse de données, il importe de résoudre dans un premier temps :

a) la question de la saisie du document en mode texte, et en mode image pour les rubriques, lettrines et autres illustrations qui parsèment l'ouvrage ;

et

b) la vérification en conformité avec l'original de cette saisie. C'est là où le soutien des grands organismes de recherche et d'équipes internationales d'universitaires peut être déterminant.

En dépit de la taille du G.D.U. compte tenu de l'impossibililté de numériser directement de si petits caractères typographiques et des schémas ou des gravures parfois de qualité insuffisante, il conviendrait d'envisager une saisie manuelle double par deux équipes de claviéristes spécialisé[e]s faisant chacun[e] une saisie intégrale du texte du dictionnaire ; puis de procéder à la comparaison électronique des deux saisies pour détecter la majorité des fautes. Cette saisie devrait comporter aussi le balisage SGML des propriétés typographiques du texte du dictionnaire.

§ Une seconde phase de travaux pourrait alors s'ouvrir, pour laquelle il conviendrait de définir tout d'abord, en accord avec des spécialistes, les différents champs disciplinaires et/ou thématiques ou notionnels qui seront rendus exploitables par l'informatisation. Cette réflexion devrait faire converger sur ce projet -- à la manière du récent Dictionnaire du XIXe siècle européen, réalisé sous la direction de Madeleine Ambrière, Paris, PUF, 1997 -- des universitaires et des chercheurs ayant l'expertise historique et scientifique des différents secteurs couverts par le G.D.U. Et l'on pourrait attendre d'un tel travail la définition des caractères les plus marquants de ces différents secteurs, ainsi qu'une réflexion sur les enjeux propres à chacun de ces derniers, permettant d'envisager l'articulation de ces marques en un tout cohérent, à l'instar du dictionnaire lui-même. Il semble difficile de faire l'économie de cette étape, car la déconstruction du G.D.U. en fonction de ses constituants fondamentaux est une condition préalable de sa reconstruction hypertextuelle. En cette étape, la seule structuration sémiotique du texte par balisage systématique pourrait être celle de la macrostructure, et au niveau de la microstructure, de la délimitation des articles et des paragraphes, et enfin celle de l'information relative à la catégorie grammaticale des vedettes.

§ Dans un troisième temps, qui pourrait être concomitant du précédent ou en léger décalage avec lui, il faudrait envisager un protocole définitif d'indexation, souple, sûr, performant et permettant ultérieurement la création de liens hypertextes ainsi que l'effectuation de recherches automatisées. Il conviendrait donc de normer le texte du G.D.U. en fonction de ce protocole, et de procéder à une nouvelle vérification du texte après indexation. Pour ce qui est des interrogations du G.D.U. que l'on devrait pouvoir réaliser, certaines sont assurément d'un type traditionnels : occurrences et cooccurrences de mots ou de classes de mots, fréquences et distributions, consultation de bases associées par liens hypertextuels. D'autres devraient requérir un affinement de la procédure.

§ Enfin, dans un quatrième temps, pourrait commencer l'exploitation expérimentale des résultats ; étape obligée en vue de l'optimisation du produit. Il semblerait nécessaire à ce moment de rassembler, organiser et rationaliser tous les liens possibles du G.D.U. avec les autres entreprises d'informatisation de dictionnaires [Ménage, Académie, Féraud, etc.]. On pourrait de même -- à cette étape -- envisager les modalités ultérieures de l'informatisation d'autres dictionnaires essentiels du XIXe siècle français. Je pense plus particulièrement au Dictionnaire de la conversation rédigé sous la direction de W. Duckett, non dans l'édition de 1841 mais préférentiellement dans celle de 1867, et bien évidemment au Dictionnaire Général de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas [1890-1900].

§ La cinquième et ultime étape devrait consister en la mise à disposition du produit sous accès par Internet, soit directement, sur le site Langue du XIXe siècle, à Toronto, soit indirectement, au moyen, par exemple, d'un renvoi à partir du sitede Gallica II.

6. Support scientifique clermontois et collaborations

Pour contribuer à mener à bien ce projet dans le cadre de programmes de recherche plus vastes, j'ai intégré le Laboratoire de Recherches sur le Langage de l'Université Blaise Pascal, susceptible de mettre quelques moyens en matériel et en personnel à la disposition de l'entreprise. Et j'entretiens par ailleurs des relations de collaboration permanentes et fructueuses avec des collègues français et étrangers particulièrement désireux de contribuer à la réalisation de ce projet fédérateur, et pouvant se porter garants de sa viabilité comme de son utilité :

Wendy Ayres-Bennett, Professeur, Queen's College, University of Cambridge

David Baguley, Professeur, University of Durham

Michel Bellot-Antony, Maître de Conférences, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II

Gabriel Bergounioux, Professeur, Université d'Orléans

Mylène Blasco, Maître de Conférences, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II

Peter Blumenthal, Professeur, Universität Stuttgart

Éric Bordas, Maître de Conférences, Université Michel de Montaigne, Bordeaux III

Benoît de Cornulier, Professeur, Université de Nantes

Louise Dagenais, Professeure agrégée, Université de Montréal

Piet Desmet, Attaché de recherche, Katholieke Universiteit Leuven

Gérard Dessons, Professeur, Université de Vincennes - Saint-Denis, Paris VIII

Marc Dominicy, Professeur, Université Libre de Bruxelles

Daniel Droixhe, Professeur, Université Libre de Bruxelles

André Dugas, Professeur, Université du Québec à Montréal

Klaus D. Dutz, Docteur, Westfälische Wilhelms-Universität Münster, éditeur de Nodus Publikationen

Roland Éluerd, Docteur ès-Lettres, Professeur de Classes préparatoires, Versailles

Nathalie Fournier, Professeur, Université Stendhal, Grenoble III

Jean-Michel Gouvard, Professeur, Universite Michel de Montaigne, Bordeaux III

Élisabeth Grimaldi, Chargée de cours, Université de Provence, Aix-Marseille I

Volker Kapp, Professeur, Christian-Albrechts-Universität zu Kiel

Douglas Kibbee, Professeur, University of Illinois at Urbana-Champaign

Georges Kleiber, Professeur, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, Strasbourg II

Jean-Marie Klinkenberg, Professeur, Université de Liège

Isabelle Leroy-Turcan, Maître de Conférences, Université Jean Moulin, Lyon III

Robert Anthony Lodge, Professeur, University of St Andrews

Francine Mazière, Professeur, Université de Vincennes - Saint-Denis, Paris VIII

Sylvie Mellet, CNRS, INaLF, Université de Nice - Sophia Antipolis

Henri Mitterand, Professeur émérite, Columbia University, New York

Pascal Mougin, Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche, Université Paris XII Val de Marne

Jacques Neefs, Professeur, Université de Vincennes - Saint-Denis, Paris VIII

Brigitte Nerlich, Docteur, University of Nottingham

Michel Pierssens, Professeur, Université de Montréal

Yannick Portebois, Directrice du Centre Sablé (à partir de juillet 1999), University of Toronto

Jean Pruvost, Maître de Conférences, Université de Cergy-Pontoise

Michel Renaud, Professeur agrégé, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II

Pierre Swiggers, Professeur, Katholieke Universiteit Leuven

Stéphane Vachon, Professeur, Université de Montréal

Terence Russon Wooldridge, Professeur, University of Toronto

A ces collègues individuels s'ajoutent des Collaborations institutionnelles réalisables :

Centre d'Études Métriques, UPRES de l'Université de Nantes associée au CNRS

Centre d'Études Romantiques Sablé, Département d'Études françaises, Université de Toronto

UMR CNRS 7597, Histoire des Théories Linguistiques École normale supérieure, Fontenay/Saint-Cloud

URA CNRS 1720, Syntaxe et poétique, Université de Paris VIII

URL 9 INALF-CNRS, Université de Nice

American Research on the Treasury of the French Language, ARTFL, Chicago

Société Internationale d'Étude Historique et Linguistique des Dictionnaires Anciens, S.I.E.H.L.D.A., Université de Lyon III

Conclusion

Une entreprise aussi importante que celle de l'informatisation du G.D.U. ne peut être que structurante au regard de la communauté scientifique internationale et des institutions qui la soutiennent. Elle doit ainsi contribuer efficacement à une organisation de la recherche historique en sciences humaines fondée sur des complémentarités efficaces et productives, et non sur de psycho-dramatiques rivalités. Rappelons de nouveau le titre exact et précis de ce monument :

Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, Français, Historique, Géographique, Mythologique, Bibliographique, Littéraire, Artistique, Scientifique, Etc, Etc. Présentant : « La langue française; la prononciation; les étymologies; la conjugaison de tous les verbes irréguliers; les règles de la grammaire; les innombrables acceptions et les locutions familières et proverbiales; l'histoire; la géographie; la solution des problèmes historiques; la biographie de tous les hommes remarquables, morts ou vivants; la mythologie; les sciences physiques, mathématiques et naturelles; les sciences morales et politiques; les pseudo-sciences; les inventions et découvertes; etc, etc, etc. [...] Les types et les personnages littéraires; les héros d'épopées et de romans; les caricatures politiques et sociales; la bibliographie générale; une anthologie des allusions françaises, étrangères, latines et mythologiques; les Beaux-Arts et l'analyse de toutes les oeuvres d'art »

Cet intitulé ne peut-être qu'une invite à réaliser l'idéal objectif d'une interdisciplinarité critique et féconde.

Mais une telle entreprise est aussi un défi lancé à l'esprit d'organisation. Le relever victorieusement, avec l'aide et le soutien des plus grandes institutions françaises et internationales de la documentation et de la recherche, ne serait-ce pas une manière symbolique mais hautement efficace de réactiver au XXIe siècle les richesses léguées par le XIXe, et de conférer in extremis à la transition du XXe une vertu thaumaturgique de préservation et de démocratisation que ce siècle -- le nôtre -- n'a pas toujours su rendre perceptible sous ses formes heureuses?

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