L'onomastique avant l'onomastique :
toponomastique, anthroponymie,
toponymie & philologie
dans la France du XIXe siècle

Jacques-Philippe Saint-Gérand
Analyses et Traitements Automatiques du Lexique Français
UMR Cnrs 7118
Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II

Prolégomènes à une déambulation béotienne…

Entre onomasiologie ou codage et sémasiologie ou décodage de la signification, l'histoire d'une dénomination est toujours chose complexe, a fortiori lorsque cette désignation identifie aujourd'hui un objet de nature scientifique selon les propres règles de notre épistémologie moderne. En effet le parcours historique qui nous mène à cette représentation implique de passer par les vastes territoires de principes épistémologiques autres, au cœur desquels notre objet, en tant que convocation de savoirs divers, a évidemment connu d'autres configurations et d'autres desseins. Toutefois, cette altérité ne préjuge en rien des qualités ou des imperfections de cet objet. Je voudrais donc souligner d'emblée que même si certaines recherches anciennes, rappelées ici, peuvent désormais prêter à sourire, et être caractérisées comme fantaisistes, fantastiques, voire folles, elles ne sauraient pour autant être réfutées en tant que fausse science, tout au plus constituent-elles l'expression d'une science fausse selon nos critères contemporains, et c'est - me semble-t-il - sous ce jour qu'il faut les appréhender. Ce préambule achevé, est-il encore nécessaire de préciser que s'appliquant à un objet de haute ascendance, l'onomastique, mon regard d'aujourd'hui sera celui d'un simple béotien, doublé d'un discours excentrique.

L'histoire de la dénomination d'onomastique est complexe de notre point de vue parce que trois ordres de difficultés y interfèrent :

1° Celui de la fixation problématique de la désignation lexicale sur le terrain de la langue, qui - par le signe - délimite les frontières de tout ce qui n'est pas lui en tant que forme sémiologique. Mais cette désignation ne fixe pas par elle-même les contours de la chose.

2° Celui des altérations que cette forme de sens elle même porteuse d'une valeur originelle (onomasticon) a rencontrées dans sa constitution, dans son extension et ses conditions d'application aux cantons les plus divers de l'histoire, de la géographie, des sciences de la nature, de la vie, des sciences physiques, des religions, voire du commerce et des différents arts, comme l'on disait au XVIIe siècle.

3° Enfin, celui du caractère protéiforme des références accrochées à cette forme, puisque plutôt que d'une chose, il conviendrait mieux d'évoquer la coexistence sous cette dénomination d'objets variés, dont la disparité ne trouve à se résoudre en une vague unité que sous le chef problématique d'une collocation pour nous déjà fortement datée, celle de géographie historique, laquelle contribua définitivement à la cristallisation moderne de la notion et de l'objet de l'onomastique.…

Une rapide consultation de la base Frantext montre en effet que les deux termes de géographie et d'historique connaissent une convergence progressive dans les dernières années du XIXe siècle, notamment grâce aux écrits de Vidal de la Blache, et trouvent à se colloquer formellement entre les années 20 et 50 du XXe siècle, dans des textes sur l'urbanisme de Lavedan ou la géographie humaine de J. Brunhès, avant de connaître par la suite une certaine raréfaction puis une sorte d'extinction. Or, comme je tenterai de le montrer ici, il me semble que la formalisation du concept et de l'objet de l'onomastique, sous leurs formes modernes, sont concomitants de l'évolution du XIXe siècle, tandis que l'essor de la discipline au sein du champ des sciences du langage se confond aussi dans une large mesure avec l'extension de cette vision du monde que favorise la géographie historique.

L'historiographie d'une discipline telle que l'onomastique pose ainsi de redoutables difficultés, mais devrait à ce titre intéresser tout particulièrement l'historien des théories linguistiques, car elle illustre avec une acuité particulière la question des transferts méthodologiques, des altérations de paradigmes épistémologiques et celle de la description et de l'analyse des bouleversements théoriques qui peuvent apparaître dans les secteurs d'interférence ou de transition entre domaines scientifiques.

Toutes ces complexités étant identifiées, et même si le projet doit en « cheminer assez péniblement » entre des apories indépassables en l'état actuel de notre savoir, il est possible de retracer une brève histoire des travaux relevant de ce domaine grâce aux travaux de prédécesseurs, tels ceux de M.-Th. Morlet, et plus encore ceux de Marianne Mulon (1). Ce travail a également l'avantage de présenter une définition de notre objet qui peut servir de cadre à l'étude présentée ici :

C'est donc bien le nom propre en tant que tel, dont nous entretiendra vendredi Isabelle Turcan, qui constitue ici le point nodal de la réflexion.

I° Bref historique :

La littérature spécialisée fait remonter l'emploi du terme onomastique à des périodes lointaines, mais imprécises. Il est vrai que ce terme, simultanément adjectif et substantif, renvoie à une notion dont il est difficile de cerner immédiatement le champ d'application. Certes, la racine donne à entendre rapidement qu'il s'agit de traiter du mécanisme qui dénomme et désigne, mais ce mécanisme balance dans sa représentation en langue entre deux natures :

- Adjectif, Onomastique renvoie à tout ce qui peut servir à caractériser un nom propre. On parle ainsi d'index onomastique, d'étude onomastique, dès le premier quart du XIXe siècle si l'on en croit la chronologie donnée dans le TLF. Ce sont ensuite les ouvrages lexicographiques de Boiste (4e éd. de son Dictionnaire universel, Paris, 1819) puis le Complément (1839-1842) de la 6e édition du Dictionnaire de l'Académie française (1835), qui permettent d'en retrouver la trace. Mais, on sait bien que lorsqu'un dictionnaire ancien cite comme référence ou comme source un autre de ses prédécesseurs du genre, le témoignage ne peut être que fort spéculatif, en raison même des conditions de réalisation de ces objets ; cette manière indirecte est donc peu probante.

- Substantif, le terme connaît un parcours analogue : repéré dès la fin du XVIe siècle chez Agrippa d'Aubigné, au sens d'explication du sens des mots, il connaît ensuite une existence relativement souterraine, puisqu'il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle, et le tome 8 de L'Encyclopédie, pour le voir réapparaître au détour d'une mention d'ouvrage sous l'entrée Harpaston :

À partir du XIXe siècle, le clignotement des deux natures se fait plus intermittent, le substantif va progressivement s'imposer. Si, dans la 4e édition du Dictionnaire universel de Boiste (1ère édition 1800), revue par Nodier bien avant la mort de l'auteur en 1824, on trouve cette brève définition que relaieront partiellement bien des ouvrages ultérieurs :

la sixième édition du DAF, en 1835, ne mentionne pour sa part aucune occurrence de ce terme. En revanche le Complément du DAF, que Barré et Landois rédigent et publient de 1839 à 1842, fait état de :

On voit là une mention du titre générique d'ouvrages consignant des listes de mots, singulièrement des noms propres ou communs, pour les fixer dans leur extension et leur référence. Mais aussi la caractérisation d'une notion en relation avec la délicate question théologique, linguistique, philosophique et philologique de la nomothêtie.

Le Dictionnaire national de Bescherelle, en 1846, démarquant largement ce Complément, ne donne que l'entrée Onomastique :

Il faut alors ouvrir le Dictionnaire de Littré (1863-1867) pour y trouver la chose sous deux entrées distinctes et le signe en cinq occurrences :

La 8e édition du Dictionnaire de l'Académie, en 1877-78, pour sa part, note :

Le Dictionnaire général de la langue française de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas (1890-1900), qui est pourtant généralement friand de datations précises, donne sèchement :

Puisque l'ensemble de ces ouvrages n'attache guère d'importance et d'attention aux évolutions de la chose et aux développements modernes de la notion, on pourrait penser que le parcours s'achève là… Mais, comme je le rappelais plus haut, le seul témoignage des dictionnaires anciens peut biaiser la réalité des faits. Et l'histoire n'est donc pas si simple puisque, par exemple, la seule consultation du témoignage des érudits et des rédacteurs d'Observations ou de Remarques permet de retrouver aisément neuf occurrences du terme onomastique dans Ménage, lesquelles renvoient à la dénomination générique d'onomasticon, titre d'ouvrage consignant dans ses colonnes des listes de mots (2)

Marténe, Leunclavius, sont les références de Ménage, qui aurait pu tout aussi bien citer Glandorp (Onomasticon historiae romanae, 1589). C'est d'ailleurs sous la définition de « livre des noms […] ouvrage dans lequel un auteur se propose de fixer le sens et l'emploi des mots » que Pierre Larousse, en 1867, enregistre le terme d'Onomasticon dans le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (t. xi, p. 1353 c), donnant sous la dénomination proprement dite d'Onomastique la définition suivante : « Liste, catalogue de noms » (ibid.). Un fil souterrain relie donc les emplois modernes d'onomastique comme substantif à cette dénomination titulaire qui - en tant que répertoire - correspond à nos glossaires, nomenclatures, trésors, vocabulaires, catalogues et autres dictionnaires… à la seule réserve que ces listes ne s'appliquent encore une fois qu'à des noms propres, c'est-à-dire à des entités linguistiques ayant la caractéristique d'être, sinon des prédicats de dénomination (3), du moins des corrélats singuliers et en quelque sorte individués des termes universels je-ici-maintenant, lesquels réfèrent génériquement aux trois dimensions de la personne, du temps et de l'espace (4).

Cependant, derrière cette tentative de délimitation des fonctions du signe, reste évidemment pour nous la chose, ou plutôt, encore une fois, les choses auxquelles la discipline s'applique. Certes, la présentation de l'ouvrage de Marianne Mulon ne sert pas spécialement notre propos, puisque les références ne sont pas classées par ordre chronologique, hors celui qui préside à la succession des travaux réalisés par un seul et même auteur ; mais il est toutefois possible grâce à ce comput d'esquisser une évolution des formes et des tendances qui ont affecté ces études par nécessité fort diverses. C'est ce que je voudrais maintenant brièvement réaliser grâce aux éléments bibliographiques rassemblés ici en annexe.

II° Topographie cursive d'un champ :

Comme le consensus des lexicographes modernes précédemment allégués tend à souligner sans surprise l'importance du XIXe siècle dans la fixation de la désignation, je concentrerai plus spécialement mon propos sur cette période, autour des années qui ont vu se développer ce que j'appelle la première philologie française moderne, d'inspiration romantique, avec ses Raynouard, Roquefort, Michel, Paulin Paris, puis sa seconde version, nettement plus définie par les principes et les objectifs de la grammaire historique et comparée des langues indo-européennes, avec ses Fallot, Meyer, Bréal, Gaston Paris, etc (5).

Entre la Guide d'Estienne, de 1553, et l'étude de Jules Vinson, « Les noms de famille », que publie la Revue de Linguistique (xlvii, 228-229), les éléments de bibliographie ici rassemblés laissent nettement percevoir quelques lignes de force, et une nette fracture, dans les années 1880, avec les enseignements d'Auguste Longnon au Collège de France et à l'Ecole des Hautes Etudes.

D'un point de vue strictement chronologique, on notera que sur les 195 références relevées, 13 seulement - soit 6 ,66% du corpus - ressortissent des XVIe au XVIIIe siècles ; en revanche, 153 - soit 78,46% - expriment l'importance prise par les études au XIXe siècle, dans sa définition la plus platement historique. Mais on pourrait tenir aussi, à beaucoup d'égards dont la Nouvelle Histoire de la langue française (6) a d'ailleurs tenté de rendre compte, que les 29 titres rattachés au XXe siècle - soit 14,87% de l'ensemble - ressortissent en réalité d'un esprit, de méthodologie et de pratiques du siècle précédent. Il y a là une répartition de la matière très significative d'un intérêt continu traversant toute l'histoire culturelle de la France, s'attachant tout d'abord à des questions plutôt politiques ou religieuses, puis virant peu à peu à des considérations de nature ethnographique ; intérêt qui motive dans un premier temps des travaux plus empiriques que proprement théoriques ou méthodologiques, avant de laisser la place à l'expression de préoccupations plus spéculatives.

D'un point de vue notionnel, il faut ainsi noter que les trois tranches isolées ci-dessus ne définissent pas nécessairement les étapes d'un progrès. En chacune d'elles, le processus d'évolution, là encore, n'est pas linéaire mais s'avère être plutôt de l'ordre involutif, avec des avancées, des régressions et de longues plages de statisme. La Descriptio fluminum gallicae de Masson, en 1618, n'est pas moins empirique que le Dictionnaire des paroisses du ressort du Parlement de Paris, publié en 1776. De même, la Nomenclature de fleuves et rivières de Moithey, en 1787, n'est pas plus rigoureusement étayée de principes théoriques ou méthodologiques que les Doublets de la langue de Catherinot, 1683. De même, pour la section intermédiaire, si l'on compare les Questions de Johanneau sur les origines étymologiques de mots et des choses (1807) et les Recherches sur les noms propres du Bourbonnais que Conny fait paraître dans deux livraisons successives de revue en 1869, il est difficile de percevoir une sensible évolution dans le sens du progrès scientifique, tel tout au moins que nous le définissons aujourd'hui. Enfin, entre Le droit au nom de Sudre, 1903, et Le nom de la femme mariée, de Lavialle, 1910, bien malin qui dirait là où se situe une avancée de l'objet, puisque là encore le travail que l'on pourrait croire d'onomastique est subverti d'emblée par des problématiques sociologiques ou ethno-culturelles.

Toutefois cette tripartition aide à faire toucher du doigt l'un des motifs essentiels des transformations dont la discipline va se trouver être progressivement l'objet : à savoir l'infiltration de méthodes et de principes d'analyse venus d'Allemagne, ou d'Angleterre, c'est-à-dire des contrées dans lesquelles la linguistique elle-même, sous espèces historique et comparative, avait vu le jour depuis la fin du XVIIIe siècle. Les travaux de Pott, en 1853 et 1859, de Grotkass, puis d'Egli, en 1886, de Kornmesser, en 1888, Keiper, en 1890, Taylor, en 1896, Lindström, en 1898, Fein, en 1899, et de Schätzer, en 1905, accompagnent et nourrissent cette transformation des méthodes, dont il est aisé de se rendre compte en observant parallèlement les dates de publication des plus grands ouvrages qui illustreront la tradition onomastique et toponomastique française.

Si Claude Chastelain, auxiliaire préfaciel du Dictionnaire étymologique de Ménage, dans l'édition posthume de 1694, par une lettre de décembre 1691 adressée à l'érudit angevin, qui est encore réédité en 1700 et 1709 comme traducteur du Martyrologe universel, ou Porée, en 1760, n'avaient à leur disposition que les sommes pratiques des philologues anciens, Leunclavius, Lacombe et Robert y compris, mais, en revanche, n'avaient, certainement pas pour le premier, et probablement guère pour le second, eu connaissance des bouleversements de conception et de méthode introduits par Turgot dans son célèbre article Etymologie de l'Encyclopédie, il est difficile de penser que la production du Mémoire sur les noms propres français de Mourain de Sourdeval, en 1837, lui-même auteur en 1861 d'un Origine et formation des noms gothiques, ou celle du Rapport de Léopold Delisle sur le Plan d'un dictionnaire géographique de la France ancienne et moderne, en 1858, voire les travaux de Quicherat, en 1867, Cocheris, en 1874, d'Arbois de Jubainville, en 1866-67, ou de Longnon, vers 1880, que tous ces produits d'une conscience réfléchie aient pu rester étrangers ou indifférents aux nouvelles méthodes et à l'esprit nouveau que soufflait alors le vent d'Est de la philologie comparée des langues indo-germaniques.

Que dans cet ensemble de travaux se mêlent encore les dimensions de l'histoire sociale, de l'histoire locale, de la géographie, du droit, de l'économie, voire de l'architecture ou des beaux-arts, n'a rien là qui surprenne véritablement. Il s'agit toujours de ce mixte qui exprime l'engagement simultané dans la recherche d'amateurs et d'érudits, d'une part, de savants et de scientifiques peu à peu formés aux principes phonétiques, morphologiques, lexicologiques, sémantiques, syntaxiques, et pragmatiques par anticipation involontaire de la linguistique, et qui a suscité tant d'engouements…

Pour nous résumer, nous pourrions aboutir à l'hypothèse suivante : l'hétérogénéité que l'on constate ici exprime le caractère protéiforme d'un objet difficilement saisissable en lui-même, et en tant que tel, du fait des multiples séductions du discours explicatif ou commentatif s'attachant à lui. Pendant longtemps, amateurs et curieux furent effectivement éblouis par ces érudites formations discursives - Essais, Observations, etc. - qui semblaient s'appliquer directement à des faits concrets de l'existence quotidienne (nommer ou prénommer une personne, désigner un lieu, un fleuve, etc.), ayant valeur sociale et/ou culturelle, quand elles en occultaient ou déplaçaient en réalité par leur laxisme méthodologique la véritable nature et les fonctionnements spontanés.

La question se pose donc de savoir désormais pourquoi cette tradition onomastique ou toponomastique française, profondément vagabonde et affranchie de protocoles méthodologiques, pour mieux se définir comme une sous-branche de l'étude de la langue, se mit à l'écoute d'autorités scientifiques étrangères.

Il faut, je crois, faire intervenir ici un argument incident, conjoncturel, mais complémentaire et corrélatif, qui est celui de l'heure où, après la philologie, dont avaient eu besoin à des fins historiographiques les règnes de Louis-Philippe puis de Napoléon III, la dialectologie elle-même s'est vu érigée en discipline scientifique institutionnelle grâce à un décret politique. Ce sera l'objet de notre dernier développement.

III° Onomastique et Dialectologie, même combat….

De nos jours, le terme de philologie désigne une discipline générale dans laquelle le texte est soumis à procédures d'évaluation critique sous l'aspect de sa constitution verbale : l'écrit y prime sur tous les autres aspects, et l'orthographe n'y est point perçue comme obstacle à l'étude phonologique, bien au contraire, elle est point d'appui de l'étude étymologique, et permet de saisir la trace des variations " harmoniques " d'une langue qui se déploie en sympathie avec l'Histoire. Son développement s'inscrit par là dans une succession d'événements et de personnes qui surent patiemment rechercher les documents sans lesquels cette discipline ne saurait exister. Ces documents que l'on appelle des " Monuments "… et qui contribuèrent circulairement à édifier ce nouveau savoir du XIXe siècle qu'est la philologie romane, ou "moderne Philologie" -- comme la dénommait Carl Mager -- sur la base d'une opposition absolue avec la philologie classique. Ayant connu bien des difficultés pour se faire admettre à l'instar de l'"Altphilologie " dans les cursus ordinaires des universités allemandes, il n'est pas étonnant que cette nouvelle discipline ait éprouvé -- un peu plus tardivement, toutefois -- les mêmes difficultés à se faire reconnaître de l'institution française. On notera cependant que dès l'origine de cette discipline, la visée propédeutique et politique favorise le recours au texte écrit et relègue les témoignages d'un oral originel au statut d'hypothèses. Depuis longtemps toute loi est écrite.

Dans ces conditions, la création d'un passé mythique, susceptible d'être philologiquement retracé à travers la recherche des textes fondateurs et des variations de la langue, est donc aussi l'occasion d'agir sur la conscience populaire et de faire advenir la reconnaissance des caractéristiques originelles d'un peuple, d'une nation, d'une culture. Et c'est là que l'expérience française, développée à partir des incitations politiques de la Monarchie de Juillet, se singularisa totalement en se démarquant des entreprises voisines de Grande-Bretagne ou d'Allemagne. Pour résumer la problématique, il s'est alors agi, à des fins simultanément politiques et socio-culturelles, de définir et enregistrer dans les grammaires d'usage une norme moderne du français, socialement contraignante et discriminante, et de justifier celle-ci dans l'histoire, par le recours à tout un patrimoine littéraire dont les racines plongeraient jusqu'aux époques les plus lointaines; en ces temps où le bas latin et les barbares langues celtes et germaniques s'étaient diversifiés en innombrables dialectes reconnus depuis sous les noms génériques d'oc, d'oïl et de franco-provençal. Comment de cette invraisemblable fragmentation faire surgir l'unité nationale désormais rêvée par la monarchie constitutionnelle du roi des Français : Louis-Philippe? C'est là -- juste avant que la linguistique comparée et historique ne se développe -- que les spéculations les plus audacieuses sur l'origine, et les captations de filiation les plus spécieuses, eurent grâce à la première philologie française leur heure de légitimité et de gloire. Voyons maintenant comment.

Il faut, pour cela remonter assez avant dans le temps. Jusqu'au XVIIe siècle, et, par son intermédiaire, jusqu'au XVIe siècle même, puisque le Père Bouhours [1628-1702], dans ses fameux Entretiens d'Ariste et d'Eugène [1674], démarquant maladroitement Claude Fauchet et Étienne Pasquier, consacrait alors un long passage de son ouvrage à exposer de quoi était faite la langue française, et de quels éléments gaulois, latins et germaniques elle se composait. Jusqu'à Ménage donc et ses Origines de la langue française

Au XVIIIe siècle, Bonamy, dans un Mémoires Sur la langue des Serments de Strasbourg et sur Les causes de la cessation de la langue tudesque en France, textes publiés dans les Mémoires de Littérature tirés des Registres de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres [1756], prolongeait cette impulsion en fournissant des remarques sur la forme linguistique de ces monuments. Au même instant d'ailleurs d'Alembert promouvait dans l'Encyclopédie la célèbre quoique bien schématique distinction des dictionnaires de langue et des dictionnaires de choses, et Turgot y fixait les principes modernes de l'étymologie. On n'oubliera pas non plus le nom du Président Charles de Brosses, qui, en 1765, développe des vues intéressantes sur la formation du processus de nomination dans son Traité de la formation mécanique des langues (7). En 1796, La Tour d'Auvergne donnait enfin le modèle de cette recherche dans la publication de ses Origines gauloises des plus anciens peuples de l'Europe puisées dans leurs vraies sources.

Au début du XIXe siècle, l'Académie celtique spécialisée à l'origine [1804] dans les origines gauloises du français devint Société des Antiquaires de France [1813] pour l'étude et l'édition des antiquités nationales. Anthroponymie et toponymie y trouvaient leur place, bien souvent sous l'égide du celticisme renaissant. Le texte comme document, et non la langue comme objet, dans toutes ses dimensions, intéressait alors le chercheur au premier chef. C'est à partir de là que toute une chronologie peut être retracée, mettant en évidence la translation progressive des intérêts de la communauté des amateurs, des savants et des chercheurs du littéraire au linguistique. Ce terme même -- d'origine germanique -- ayant été acclimaté en France entre 1812 et 1816 [Comte Jean-Denis Lanjuinais], jusqu'à être largement diffusé, par Nodier notamment, à partir de 1828, et officiellement entériné en 1834 dans les fameuses Notions élémentaires de Linguistique, ou histoire abrégée de la parole et de l'écriture. Compte tenu de la diversité des intérêts convergeant sur cette question et de l'impossibilité de désolidariser les événements affectant le domaine français de ce qui se déroule concomitamment au-delà des frontières, je propose les repères de la topo-bibliographie jointe en annexe.

Au regard de cette chronologie, il n'est certainement pas indifférent que l'évolution perceptible en France s'insère dans un mouvement d'ensemble plus général qui affecte simultanément l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suisse et l'Italie, c'est-à-dire les nations qui se trouvent alors à la pointe du développement de la recherche en linguistique historique. Il est aussi très significatif qu'en France même l'émergence de la dialectologie et la reconnaissance de la légitimité des patois et dialectes (8) soient concomitantes de la naissance de la phonétique (9) et de la sémantique (10). On glissera ainsi, progressivement, d'une philologie du texte et du mot écrits à une philologie du discours et du mot oral. Or c'est là bien souvent ce que recherchent les amateurs d'antiquité pour justifier un nom de lieu ou de personne….

Passons brièvement sur les hérauts, les acteurs et les institutions de ce mouvement, dont les noms ne sont plus hélas aujourd'hui connus que d'une poignée de spécialistes :

^ François-Juste-Marie Raynouard, né à Brignoles en 1761, avocat, poète et philologue, comme le définissent les encyclopédies, collaborateur de la 5e édition du Dictionnaire de l'Académie française, élu en cette institution en 1807, député de l'Empire entre 1806 et 1814, et mort finalement à Passy en 1836. De 1816 à 1821, Raynouard composa et publia une Grammaire comparée des langues de l'Europe latine avec la langue des troubadours, Choix des poésies originales des troubadours, dans laquelle il énonçait la thèse -- au reste erronée quoique déjà soutenue à la fin du XVIIe siècle par le poète toulousain Goudouli[n] -- selon laquelle le provençal serait à l'origine des langues néo-latines. Mais son ouvrage principal demeure encore aujourd'hui le Lexique roman ou Dictionnaire de la langue des Troubadours comparée avec les autres langues de l'Europe latine, constitué de six volumes publiés de manière posthume entre 1836 et 1844.

^ Gustave Fallot [1807-1836], tout d'abord, auteur de Recherches sur les formes grammaticales de la langue française et de ses dialectes au XIIIe siècle, publié posthumément par Ackermann en 1839, avec une notice préfacielle de B. Guérard, membre de l'Institut et Président de la Commission royale, que nous retrouverons plus loin.

Fallot, secrétaire de la Commission Guizot, était mort à 29 ans, en laissant inachevé un manuscrit qui osait sonder les profondeurs de l'histoire de la syntaxe. Or, si les études de philologie comparée étaient nombreuses et avancées à l'extérieur de la France, il faut attendre 1836 et Eichoff : Parallèle des langues de l'Europe et de l'Inde, pour que soit publié un premier travail français sur l'origine indo-européenne. L'attitude de la France à cette époque devant ces matières est extrêmement complexe et ne saurait se réduire au " silence français " évoqué par Georges Mounin. Cette époque intermédiaire de la linguistique française, entre les audaces de la période révolutionnaire et la nouvelle foi dans le culte de la science positive des années 1860, est un mixte de prémonitions, de contradictions, d'ambitions et d'irrésolution dont Fallot, avec audace et parfois inconscience des dangers, assume les incohérences.

^ Il eût été possible de faire intervenir ici les figures de Claude Fauriel, Philarète Chasles ou de Xavier Marmier, mais je m'arrêterai plutôt sur celle de l'infatigable et indéfiniment travailleur que fut Francisque Michel [1809-1887], dont le nom reste attaché à la Chanson de Roland et à sa Critical Inquiry into the Scottish Language de 1872, par lequel il tente de démontrer que l'écossais non gaélique est fortement assis sur des bases françaises du XIVe siècle. Chargé par Guizot, en 1834, de copier à Londres la Chronique en vers des ducs de Normandie, par Benoît de Sainte-More, texte écrit en langue normande du début du XIIIe siècle, Michel fait quotidiennement preuve d'un appétit de défrichage et de déchiffrement qui -- aujourd'hui -- laisse encore pantois. Après Sainte-More, Michel se lance dans l'édition princeps et la publication de La Chanson de Roland [1837]. Les méthodes d'approche et de captation des textes peuvent laisser perplexes, et tiennent quelquefois de l'aventure; de même les protocoles éditoriaux peuvent-ils encore laisser à désirer. Reste que Guizot écrit déjà de lui, à l'issue de sa première mission :

Pour reprendre du service, et étancher son appétit de transcription, le savant écrit d'ailleurs à Guizot :

On pourra déjà être sensible dans ces lignes à quelques-unes des caractéristiques du travail scientifique de Michel : une indéniable capacité à fixer la teneur de documents anciens dispersés, une sensibilité réelle aux faits historiques, une attention intéressante à certains aspects proprement linguistiques de ces textes, tel le relevé des formes hétérographes. Et, de manière générale, un intérêt avéré pour les faits de désignation et dénomination.

^ À la même génération, sans que je puisse véritablement m'arrêter sur eux dans le cadre ici imparti, figurent également Paulin Paris [1800-1881], longtemps titulaire de la chaire de Langue et Littérature du Moyen Âge au Collège de France, Émile Egger [1813-1885], directeur de l'École Normale Supérieure, et Ernest Renan [1823-1892]. Il faudrait également faire une place particulière à Jean-Jacques Ampère dont -- comme je le rappelais plus haut -- l'Histoire de la formation de la langue française pour servir de complément à l'Histoire littéraire de la France [1841, 18713] a révolutionné les méthodes d'approche du texte médiéval en permettant la constitution d'une grammaire effective de cette langue " exotique " au bourgeois du XIXe siècle (13). Tandis qu'à une génération plus tardive appartiennent Albert Terrien Poncel, baron de Lacouperie [1845-1894], professeur de philologie indo-chinoise au University College de Londres, directeur de Babylonian and Oriental Record, élu membre de la Société de Linguistique de Paris, le 8 février 1889, célèbre pour avoir écrit : "La langue n'est autre chose que la manifestation extérieure de l'esprit des peuples; leur langue est leur esprit, et leur esprit, leur langue, de telle sorte qu'en développant et perfectionnant l'un, ils développent et perfectionnent nécessairement l'autre. Jointe à l'étude des religions, des coutumes et pratiques du culte, des us et coutumes juridiques, l'étude des langues nous éclairera sur l'histoire des races, la constitution des nationalités et le rôle que chacune joue dans l'histoire (14)"; figurent aussi de plein droit dans ce paradigme Gaston Paris [1839-1903], Paul Meyer [1840-1917], James Darmesteter [1849-1894] et Antoine Thomas [1857-1935], par lesquels -- on le verra -- cette philologie romantique deviendra moderne au sens historico-comparatif du terme avant de se convertir pleinement en linguistique sociologique sous l'impulsion d'Antoine Meillet [1866-1936]. On pourrait à cet égard considérer mon compatriote Albert Dauzat comme le dernier de cette lignée….

On aura bien noté que tous ces personnages accordaient une importance explicite aux faits de religion, de droit, de culture, d'histoire et de géographie, qui justifie la prolifération dans la même période de nos travaux parallèles d'onomastique… Or, la philologie -- qui est cette manière minutieuse de rassembler des documents et de les scruter -- doit pourvoir en matériel factuel ces études qui prétendent fixer une représentation de la langue nationale.

Nous sommes dès lors dans une nouvelle manière d'envisager les problèmes du français, et de statuer sur le sens de son évolution depuis ses origines retrouvées. L'historicisation du raisonnement grammatical, telle qu'elle apparaît dans les discours métalinguistiques de l'époque, est grosse de conséquences insoupçonnées. Étudiant ce qui semble être la première histoire de la langue française du XIXe siècle, celle de Gabriel Henry [1812], Jean Stéfanini montrait que l'auteur -- s'insérant dans une tradition de l'histoire narrative et descriptive -- ne pouvait pas logiquement " situer le français et la nation qui le parle dans une histoire universelle des langues et des peuples " (15). De son côté, abordant le problème dans la seconde moitié du siècle, Jacques Chaurand a rappelé que l'Origine et formation de la langue française, d'Albin de Chevallet [1858], avait tenté de brasser dans sa réflexion " l'origine du français, les premiers monuments, l'étymologie et la formation des mots [....], les changements de signification [...], les règles d'accord et de construction " (16). Toute maladroite et confuse que soit donc cette dernière tentative, il appert que l'éviction progressive de la linéarité narrative dont bénéficie le raisonnement historique conduit désormais avec certitude à la production d'hypothèses organicistes concernant le statut de la langue objet. Et M. Pellissier, présentant en 1866 un ouvrage qu'il considère comme " le premier essai d'une histoire complète de la langue française ", expose clairement cet avatar insoupçonné de la philologie généalogique des années 30 du siècle qu'est l'organicité découverte chez Max Müller, définitivement conquise par l'intermédiaire des représentations de la biologie à l'instant où Schleicher en faisait le leitmotiv de son épistémologie linguistique :

Il s'agit alors d'un réel bouleversement de l'épistémologie linguistique et de la représentation que les grammairiens se donnent du français.

Et c'est là qu'apparaît, en 1881, le terme de dialectologie avec la création de la chaire de l'École Pratique des Hautes Études, attribuée à Gilliéron. On sait bien désormais ce que valait alors cette reconnaissance dans l'ordre de la science : une sorte d'aseptisation de tous les dangers politiques de pulvérisation de l'identité linguistique française. La linguistique et l'ethnologie se piquaient de tracer des frontières linguistiques. Toutes innocentes qu'elles sont, si on se contente de ne leur demander que des démarcations d'idiomes, ces disciplines s'infatuent rapidement de dangers latents, et de tensions désintégrantes de l'unité nationale, lorsqu'elles dessinent les territoires indécis des zones d'influence et l'espace fracturé des origines; aréologie fluctuante dont les isoglosses ne décrivent pas nécessairement les mêmes tracés selon qu'on s'adresse aux faits phonétiques, phonologiques, morphosyntaxiques et lexicaux. Mais, destinée obligée de toute frontière...

Pour que l'on pût s'intéresser aux noms de lieux et de personnes, retracer des filiations et mettre le doigt sur des phénomènes constants de créolisation (cf. infra) , il fallait bien que le terrain fût en quelque sorte totalement aseptisé. Et que nul risque de contamination ne subsistât…

D. Monnier, correspondant de la Société Royale des Antiquaires de France, avait envisagé dès 1823 la possibilité de réaliser des cartes géographiques reproduisant l'extension des phénomènes phonétiques (18). En 1844, Nabert avait marqué les territoires respectifs du gaélique écossais et de l'anglais. En 1866, Schuchardt avait souligné le fait que, si l'on parlait alors de frontières linguistiques, ce n'était jamais que d'une manière métaphorique ; et pour lui, les dialectes s'enchevêtraient et s'entrecoupaient de telle sorte qu'il était impossible de fixer des limites stables et reconnues (19). En 1878, enfin, Sébillot présentait à l'Exposition Universelle de Paris une carte linguistique de la Bretagne, qui distinguait les territoires gallo et briton.

L'accession de la linguistique au statut de science, neutralisant donc la question de l'Origine, comme le marquent encore en 1866 les statuts de la 3e Société de Linguistique de Paris (20), occultait ainsi du même coup dans la société quotidienne la dimension politique conflictuelle de la langue, et réduisait les discours à de simples énoncés privés de leur puissance illocutoire. Dans cette réduction, il est aujourd'hui possible de lire non seulement l'ambition de constituer un objet d'étude, mais aussi -- et, non sans paradoxe -- la volonté d'aseptiser des pratiques dont la vitalité était une permanente provocation à l'égard du sentiment prophylactique de la norme. Les débuts de la philologie française scientifique au XIXe siècle coïncident alors avec une amnésie de l'origine, qui suspend les postulations politiques antagonistes du romanisme et du celticisme, au seul profit de l'affirmation d'une langue et d'une unité nationales patiemment et -- même quelquefois -- tragiquement, conquises sur les siècles.

La transition d'une grammaire revisitée par les principes explicatifs de l'histoire vers une linguistique prenant en compte les aspects systématiques de la langue s'est donc principalement réalisée dans ces décennies par l'intégration de plus en plus marquée de tous les aspects -- oral et écrit -- de la production verbale et l'analyse des observations qui en découlaient. Émile Egger, considérant le demi-siècle au cours duquel il exerça son talent de professeur, notait d'ailleurs :

Or ces héros, ces lieux, les monuments de l'écriture qui en portent la trace jusqu'à nous ont besoin de noms, de désignations, d'onomata…Ce sont donc là des faits qui militent indirectement en faveur de l'exhaussement des études toponomastiques, anthroponymiques et généralement onomastiques au statut de travaux scientifiques, selon les nouvelles normes de l'époque. La seule réserve demeurant que la transmission de ces données soit d'abord écrite plutôt qu'orale, quand bien même l'origine des explications repose sur des faits de ce dernier type….

Pour conclure : servante et pourtant maîtresse….

Au terme de ce parcours d'un siècle d'évolution de la langue et de ses modes de réflexion théorique, entre une anthropologie universalisante de départ et une ethnologie singularisante à l'arrivée configurant les territoires initiaux de l'onomastique, nous retrouvons là, à mi-chemin de ces deux postulations, la question de la dialectologie comme ferment de promotion de la linguistique.

C'est pourquoi je voudrais revenir maintenant au petit volume de Jules Quicherat : De la Formation française des anciens noms de lieu. Traité pratique, suivi de remarques sur des noms de lieu fournis par divers documents, publié en 1867, à Paris, par un éditeur qui a la réputation de publier des livres de philosophie, de philologie, bref des livres savants. L'auteur y excipe de son titre de Professeur à l'Ecole Impériale des Chartes, et, dans ces quelques détails, nous avons déjà là une série d'indices utiles à notre démonstration. Tout d'abord, le plus évident, c'est que cet ouvrage ne mentionne jamais dans ses 176 pages, les termes de toponomastique ou d'onomastique. En insistant sur la portée de son travail, il préfère user d'une dénomination plus générale :

J'ai souligné ci-dessus les éléments qui me paraissent essentiels dans la démarche de Quicherat :

a) Il ne s'agit que d'une doctrine résultant de l'expérience et fondée sur des pratiques empiriques ; il ne s'agit pas encore d'une discipline épistémologiquement constituée.

b) Cette doctrine peut aider à mieux connaître le sens des textes historiques.

c) Elle peut servir de guide aux amateurs et érudits locaux, qui, à cette époque, ne cessent de s'intéresser aux témoignages du passé le plus reculé, bien souvent antérieur au XIe siècle.

d) Cette étude reste encore trop peu développée sur des bases sérieuses en dépit de son indéniable intérêt et de toute son importance.

A partir de là, il est aisé de plaider pour la reconnaissance des mérites attachés à la définition des noms de lieu, et pour le caractère exemplaire des enseignements que l'on peut en tirer :

a) Pour l'histoire de la langue en général, qui est aussi à l'époque une discipline ascendante ;

b) Mais aussi pour l'ontogénèse de la langue, si je puis dire, et les rapports que cette dernière-ci entretient avec des mécanismes secrets de génération populaire spontanée :

Inutile d'insister ici sur la modernité des vues de Quicherat, qui ont déjà intégré la théorie du créolisme des langues de civilisation que Hugo Schuchardt développait à la même époque. Mais je retiendrai plutôt l'idée selon laquelle ces études peuvent grandement contribuer et aider au développement de la philologie :

On voit ici qu'avant d'esquisser un rapide historique des développements de la question (p. 8 et 9), dans lequel sont mentionnés les noms de MM. Adrien Valois, Le Prévost, de l'abbé Lebeuf, et de Guérard, Quicherat préfère insister d'emblée sur le caractère d'auxiliaire novateur que peut assumer une toponomastique ou une onomastique qui ne dit pas encore son nom de baptême scientifique !…

C'est là qu'il faut réinsérer cet opuscule de Quicherat dans l'ensemble des débats sur la langue nationale et sur la langue objet de science qui parcourent, et pourrait-on même dire fracturent alors l'espace territorial de la France.

La première étape du développement d'une pensée scientifique et politique de la langue trouvait ses origines dans l'intérêt que des érudits locaux éprouvaient à décrire et fixer des formes de parler en cours de subversion par le français national. Cette première étape, couvrant quasiment l'espace de cent ans, s'achevait avec la création de la chaire de dialectologie implantée à l'École Pratique des Hautes Études, dont Jules Gilliéron devait devenir immédiatement détenteur. A l'issue de cette institutionnalisation, nous sommes désormais sur le seuil de la seconde étape, celle dans laquelle la dialectologie non seulement concourt à la constitution d'une linguistique française, mais aussi propose aux chercheurs français ses modèles descriptifs et analytiques à l'heure de la naissance d'une véritable linguistique générale. Il est à cet égard un document capital : le discours prononcé par Gaston Paris à l'Assemblée générale de clôture du Congrès des Sociétés savantes, le 26 mai 1888. Ce discours fonde non seulement la charte de la Société des Parlers de France, il expose clairement quelle articulation se dessine alors entre la collecte des documents rassemblés par les enquêteurs et leur exploitation selon des méthodes nouvelles, au premier rang desquelles figure la phonétique expérimentale. C'est-à-dire la reconnaissance de cette face cachée et tue du français national, cet affront permanent et incessamment répété jeté à la face unificatrice, normalisatrice de la République négatrice de toute variation. L'orateur y relativise tout d'abord le rapport des dialectes à la langue nationale, le français, en asseyant son argumentation sur le critère politique :

Mais ce n'est que pour renforcer la force avec laquelle il assenait alors l'argument unitaire du français, au nom duquel s'était consommée la récente rupture avec les provençalistes.

Il n'y a bien sûr de science que du général, et l'on comprend que la négation de la fragmentation linguistique soutenait ici un intérêt idéologique plutôt qu'elle ne servait une vue réaliste des choses. Gaston Paris développait donc son argumentation en s'appuyant sur des conceptions réputées infalsifiables en fonction des critères épistémologiques et des faits établis de son époque ; et c'est ici que la référence à la notion de linguistique jouait son rôle assertif et produisait son effet incontestablement démonstratif, désengagé en apparence de toute implication idéologique :

Une fois énoncé le terme de " linguistique ", le raisonnement du savant neutralise la bigarrure géographique par l'argument historique de l'origine commune, en l'occurrence romane, des dialectes enregistrés, et l'on voit ici en quoi une géographie historique pouvait être utile comme forme scientifique de transition :

Cette position permettait de concilier " le fait général de l'unité essentielle et de la variété régionale et locale des parlers de la France " (25), et autorisait de la sorte la déclaration d'un programme de travail dans lequel était enclos tout le devenir de la linguistique française de la première moitié du XXe siècle; un inventaire cartographique des formes géographiques diverses du français, suivi -- sous l'hypothèse de l'organicisme -- d'une description et d'une explication des formes recensées dans les différents plans de la phonétique, de la morpho-syntaxe et du lexique :

Et cette science, c'était la linguistique. Mais d'une linguistique de l'écrit, même si en 1867, et depuis environ 1852, c'est-à-dire à partir du moment où le ministre de Napoléon III, Hippolyte Fortoul lançait une nouvelle vaste enquête sur les chants populaires de France et sur les formes régionales de culture populaire, Quicherat entrevoyait le développement de cette discipline. Peu enclin toutefois aux vastes théorisations et aux spéculations les plus abstraites, il choisissait la voie médiocre mais concrète de l'étude des noms de lieu pour asseoir la validité des modèles explicatifs en, cours d'importation depuis l'Allemagne. Et on peut penser que c'est dans cet humble choix originel que s'est malheureusement fixé le destin mineur de notre discipline., proche de la linguistique de terrain, qui reconnaissait enfin la légitimité du témoignage oral à l'égal de celui enregistré par l'écriture, mais si éloignée des prestiges et des pompes de la littérature. Car, en dépit des avertissements de L. Petit de Julleville (28), l'histoire de la langue se confondant encore largement avec l'histoire littéraire, il y avait beaucoup à entreprendre pour faire que les témoignages modestes du quotidien écrit ou oral pussent être reconnus dans leur valeur exemplaire.

Et c'est probablement ainsi que l'onomastique, en dépit de tous les beaux travaux qu'elle suscita, est restée finalement la servante modeste, mais l'auxiliaire au grand cœur de son impériale maîtresse : la linguistique.

 

ANNEXE I

TOPO-BIBLIOGRAPHIE CHRONOLOGIQUE

Par convention, sont ci-dessous :

de couleur rouge, les éléments relevant directement de la toponymie, de l'anthroponymie, et de l'onomastique en général. L'exposé précédent portant plus particulièrement sur le XIXe siècle français saisi dans sa dimension la plus extensive, on ne s'étonnera pas de noter que les références de ce type antérieures à 1771 ne sont pas réinsérées dans un tissu épistémologique et scientifique serré.

de couleur verte, les éléments relevant de la dialectologie générale.

de couleur violette, les éléments relevant de traditions linguistiques extérieures à la France.

1553, Ch. Estienne, La guide des chemins de France, 256 p.

1618, J.-P. Masson, Descriptio fluminum Galliae, Paris, 684 p.

1644, L. Coulon, Les rivières de France ou Description géographique et historique du cours et débordement des fleuves, rivières, fontaines, lacs et étangs…. de France, Paris, 2 vol.

1681, G.-A. de la Roque, Traité de l'origine des noms et des surnoms, de leur diversité, de leurs propriétés, Paris, xviii-304 p.

1683, N. Catherinot, Les doublets de la langue, Bourges, 1-12 : noms propres.

1694, Cl. Chastelain, Dédicace du Vocabulaire Hagiographique ou recueil de noms de Saints (Hagionomasticon), publiée en tête du Dictionnaire étymologique ou origines de la langue française de Ménage, Paris, gr. in-4°

1700, Cl. Chastelain, Vocabulaire des noms français et latins des saints et des saintes que l'on peut donner au baptesme et à la confirmation, et sous le titre desquels une église ou une chapelle peut être bénie, Paris, 68 p.

1710, N. Du Pont, Essay sur la manière de traduire les noms propres français en latin, Paris, xciv-194 p.

1743, N. Mahudel, De l'autorité que les sobriquets ou surnoms burlesques peuvent avoir dans l'histoire, Histoire de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, xiv, 181-192.

1745, P. Doisy, Le royaume de France et les états de Lorraine par ordre alphabétique, Paris, 1128-44 p.

1758, P. Gras du Villard, Dissertation sur l'origine des noms de famille, s. l. 47 p.

1760, Ch. Porée, Observation sur l'imposition des noms propres et des surnoms, Mémoires de l'Académie de Caen, 175-222.

1771, Dernière édition du Dictionnaire Universel françois & latin, dit de Trévoux (1ère éd., 1704)

1776, Dictionnaire des paroisses du ressort du Parlement de Paris, Paris, xxxvi-560-82 p.

1787, M. A. Moithey, Dictionnaire hydrographique de la France ou nomenclature des fleuves, rivières, ruisseaux et canaux, Paris, viii-224 p., cartes.

1794 : -- Le 8 Pluviôse [an II] = 27 janvier, condamnation des patois par la Convention, qui établit un instituteur dans chaque commune.

-- Le 9 Prairial = 28 mai, présentation du rapport de l'Abbé Grégoire.

1796 : -- La Tour d'Auvergne publie ses Origines gauloises des plus anciens peuples de l'Europe puisées dans leurs vraies sources.

1802 : -- E. Villa, Nouveaux gasconismes corrigés [Montpellier].

1803 : -- J. Boinvilliers, Corrigé de la cacologie [Paris].

-- E. Molard, Dictionnaire grammatical du mauvais langage [reprise des Lyonnaisismes corrigés de 1792].

1804 : -- Création de l'Académie Celtique.

-- Fabre d'Olivet, Dissertation sur la langue occitanique [le provençal en tige commune du français, de l'espagnol et de l'italien].

1805 : -- Volney [1757-1820], après avoir publié en 1795 une Simplification des langues orientales ou méthode nouvelle et facile d'apprendre les langues arabe, persane et turque avec des caractères européens, fait rapport à l'Académie celtique sur l'ouvrage du Professeur Pallas, 1805.

1806 : -- Publication du Mithridates oder allgemeine Sprachenkunde mit dem Vater Unser als Sprachprobe in bey nahe fünfhundert Sprachen und Mundarten [Berlin] de J. Chr. Adelung.

-- N. Poyart, Flandricismes et Wallonismes corrigés [Bruxelles].

1806, F.-J.-M. Noël, Dictionnaire historique des personnages célèbres de l'Antiquité, etc., avec l'étymologie et la valeur de leurs noms, surnoms, précédé d'un essai sur les noms propres chez les peuples anciens et modernes, Paris, vi-423 p., 2e éd., 1824, 581 p.

1807 : -- Début de l'enquête sur les matériaux des Mélanges sur les langues, dialectes et patois, de Coquebert de Monbret [achèvement vers 1830].

-- J.-F. Michel, Dictionnaire des expressions vicieuses [Nancy].

-- G. Peignot, Petit dictionnaire des locutions vicieuses [Paris].

-- Anonyme, Recueil de quelques barbarismes [Liège].

1807, E. Johanneau, Questions sur les origines étymologiques des mots et des choses, des lieux et des personnes, Mémoires de l'Académie Celtique, I, 87-98.

1808 : -- J.-B. B. Roquefort, Glossaire de la langue romane, 3 vol. et Supplément, 1808

-- D'Hautel, Dictionnaire du bas langage [Paris].

-- Anonyme, Manières allemandes de parler Français [Heidelberg].

1808, Mangourit, Des noms propres, Mémoires de l'Académie celtique, II, 232-254.

1809 : -- Publication dans Mémoires de l'Académie Celtique [t. III, p. 315-319] de l'analyse d'Éloi Johanneau "Origine des choses par les mots : de l'étymologie du nom de la chemise en français, en latin, en grec, et en breton, et quelle étoffe était chez les Gaulois".

-- J.-J. Champollion-Figeac : Nouvelles recherches sur les patois ou idiomes vulgaires de la France et en particulier sur ceux du département de l'Isère... [Paris].

-- J.-M. Rolland, Dictionnaire des expressions vicieuses des Hautes et des Basses Alpes [Gap].

1809, Mangourit, Petit vocabulaire des noms propres expliqués par les anciens mots recueillis par M. Lacombe et par la langue celtique, Mémoires de l'Académie celtique, iii, 59-84.

1811 : -- R. Rask, Grammaire Islandaise [une grammaire doit décrire comment sont formés les mots, et comment ils changent].

-- G. Letellier, Nouvelle Cacographie [Paris].

1812 : -- J. Grimm prend publiquement la défense des patois : " […] toute individualité doit être tenue pour sacrée, même dans le langage ; il est à souhaiter que chaque dialecte, fût-ce le plus petit, le plus méprisé, soit abandonné à lui-même, que toute violence lui soit épargnée, car il a certainement ses supériorités cachées sur les plus grands et les plus estimés ".

-- N. Munier, Recueil des locutions vicieuses [Metz].

-- Gabriel Henry, Histoire de la langue françoise, Paris, Leblanc, Libraire à l'abbaye Saint-Germain-des-Près (29).

1813 : -- J.-F. Rolland, Dictionnaire du mauvais langage [Lyon].

-- Anonyme, Dictionnaire des locutions communes les plus vicieuses [Paris].

1814 : -- Parution du Mémoire sur le patois poitevin et sa littérature de Claude François Etienne Dupin, repris en 1817 dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de France [t. I, pp. 195-228]. C'est en 1814 que la Société Royale des Antiquaires donne des instructions pour l'étude des patois, et que Dupin affirme : " il est possible de suivre sur une carte la dégradation des teintes et de voir les patois se fondre avec les nuances des départements voisins " [p. 17]. Virtualités à cette date des cartes de Géographie linguistique.

1815 : -- P. Cuisin, Les Nymphes du Palais-Royal [dictionnaire argotique et érotique] [Paris].

1816 : -- François-Just-Marie Raynouard [1761-1836] Choix de poésies originales des Troubadours, 6 vol., 1816-1821 : " Rassembler les traditions historiques et les preuves matérielles qui attestent l'existence de la langue romane à des époques très reculées, remonter à son origine et à sa formation, offrir les éléments de sa grammaire avant l'an 1000, et donner enfin les règles complettes de cette langue perfectionnée et fixée dans les ouvrages des Troubadours, tels sont les travaux préliminaires qui rempliront ce premier volume de la collection [...] " [p. v]

-- Anonyme : Colloque français-breton ou nouveau vocabulaire français-breton [Saint-Brieuc].

1818 : -- August-Wilhelm Schlegel, Observations sur la langue et la littérature provençale des Troubadours, 1818

-- J.-B. Caville, Les périgordinismes corrigés [Périgueux].

1818, G. Peignot, Mélanges littéraires, philologiques et bibliographiques, contenant des recherches sur l'étymologie des noms propres, Paris, xvi-167 p.

1819 : -- Stalder publie les versions de la Parabole de l'enfant prodigue dans tous les parlers de la Suisse.

-- Premier volume de la Grammaire allemande de Grimm qui expose une minutieuse description de divers patois teutons.

-- Henri Pascal de Rochegude, Essai d'un glossaire occitanien [Toulouse].

1820 : -- F. Gaudy, Glossaire genevois [Genève].

-- F. Munier, Cacographie méthodique [Metz].

1821 : -- Fondation de l'École des Chartes.

-- Coquebert de Monbret présente à la Société Royale des Antiquaires de France une carte délimitant les jargons ou patois [sic] parlés dans le pays.

-- F. Raynouard, Grammaire comparée des langues de l'Europe latine dans leurs rapports avec la langue des Troubadours, travail qui influence Diez.

-- J.-C.-P. Desgranges, Petit dictionnaire du Peuple [Paris].

-- B. Sajus, Essai sur les vices du langage destiné à la jeunesse des Basses-Pyrénées [Pau].

1822 : -- Création de la Société Asiatique et de son organe de diffusion, le Journal Asiatique.

-- Lenief de Laignes, L'Art de parler purement [Paris].

-- P.-H. Mulson, Vocabulaire Langrois [cacologie], [Langres].

1823 : -- Désiré Monnier, correspondant de la Société Royale des Antiquaires de France, dans Vocabulaire rustique et populaire du Jura [Mémoires, t. V, pp. 246-309, et t. IV, 1824, pp. 150-219] envisage la rédaction de cartes linguistiques d'ordre phonétique : " On pourrait, d'une manière assez précise, marquer sur une carte géographique l'étendue de pays où domine l'a ; celle où la plupart des mots ont leur désinence en o "...[p. 252].

-- Ph. Albert, Recueil de phrases vicieuses [Agen].

-- J. Blondin, Manuel de la pureté du langage [Paris].

-- E. Garcin, Nouveau dictionnaire provençal-français [Marseille].

-- Le Gonidec, Extrait du glossaire breton ou recueil d'expressions vicieuses usitées en Bretagne [Paris].

-- F. Lequien, Cacographie [Paris].

-- L. Remacle Dictionnaire Wallon-Français avec la correction des idiotismes vicieux [Liège].

-- J.-M. Rolland, Dictionnaire des expressions vicieuses les plus communes dans les départements méridionaux [Toulouse].

-- Anonyme, Les gasconismes corrigés particulier à la Gironde [Bordeaux].

1824 : -- J.-F. Béronie, Dictionnaire patois bas-Limousin [Tulle].

-- Le Mière de Corvey, Liste alphabétique des mots en usage à Rennes [Paris].

-- J.-C. Poisle-Desgranges, Le rectificateur de la conversation [Paris].

-- Richard des Vosges, Extrait d'un glossaire des patois des Vosges [Paris].

-- Publication des résultats de l'enquête lancée en 1807 par Coquebert de Montbret [Mémoires de la Société Royale des Antiquaires de France, t. VI, pp. 221-276].

1824, E. Salverte, Essai historique et philosophique sur les noms d'hommes, de peuples et de lieux considérés principalement dans leurs rapports avec la civilisation, Paris, 407-503.

1824, Th. Ravinet, Dictionnaire hydrographique de la France, Paris, 2 vol.

1825 : -- A. Gaudy, Le dialecte neuchâtelois [Neuchâtel].

-- Sauger-Préneuf, Dictionnaire des locutions vicieuses [Limoges].

1826 : -- G. Hécart, Dictionnaire Rouchi-Français [Valenciennes].

-- Anonyme, Biographie des journalistes, avec leurs mots d'argots [Paris]. Cet ouvrage contient quelques dialectalismes recensés.

-- A. Balbi, Atlas ethnographique du globe ou classification des peuples anciens et modernes d'après leurs langues, précédé d'un discours sur l'utilité et l'importance de l'étude des langues appliquée à plusieurs branches des connaissances humaines ; d'un aperçu sur les moyens graphiques employés par les différents peuples de la terre ; d'un coup d'oeil sur l'histoire de la langue slave, et sur la marche progressive de la civilisation et de la littérature en Russie, avec sept-cents vocabulaires des principaux idiomes connus... [Paris, in-folio]. L'ouvrage, fortement influencé par le géographe danois Conrad Malte-Brun, contient des Observations sur la rédaction des vocabulaires des voyageurs [208 demandes]. E.-F. Jomard, dans une lettre à Balbi, affirme avoir préparé un double vocabulaire de 160 mots principaux, et de 1000 mots classés suivant leur nature, rangés par ordre alphabétique, et sémantiquement classés par couples de contraires, afin que " les voyageurs interrogent méthodiquement et non au hasard. " [pp. XLVIII-XLIX].

1828 : -- G. Fallot, Recherches sur les patois de Franche-Comté, de Lorraine et d'Alsace [Paris].

-- Lévi-Alvarès, Les omnibus du langage [Paris].

1829 : -- J. Boinvilliers, Petit vocabulaire du bon et du mauvais langage [Paris].

-- Bras de Fer, Nouveau dictionnaire d'argot [Paris].

-- J.-B. Cocquempot, Cacologie [Lille].

-- J.-F. Régnier, Corrigé raisonné des fautes de langage de la bonne société de Provence [Marseille].

-- Anonyme, Fautes de langage particulières à la Suisse Romande et à Neuchâtel [Neuchâtel].

1830 : -- Conrad von Orelli, Altfranzösisch Grammatik vorin die Conjugation Vorzugsweise berücksichtigt ist Zürich, 1830

-- Anonyme, Jargon ou langage de l'argot [Beaucaire].

-- Anonyme, Locutions et prononciations vicieuses usitées à Nantes et dans plusieurs villes occidentales [Nantes]

-- F. Dethier, Les Omnibus montois [Mons].

-- Gourjon frères, Glossaire ou statistique du langage de Condé sur Noireau [Caen].

1831 : -- Avant de mourir, Coquebert de Monbret affirme encore qu'une frontière linguistique n'a que peu à voir avec une ligne. L'occasion d'un cours en Sorbonne permet à Claude Fauriel d'affirmer l'importance de la littérature provençale pour le développement de la littérature française, et de souligner la spécificité de son langage.

-- L. Diefenbach, Über die jetzigen romanischen Schriftsprachen, die spanische, portugiesische, rhätoromanische [in der Schweiz], französische, italienische und dakoromanische [in mehreren Ländern des Östlichen Europas] mit Vorbemerkungen über Entstehung, Verwandschaft u.s.w. dieses Sprachstammes [Leipzig].

1833 : -- Publication du premier fascicule de la grammaire de Franz Bopp [1791-1867], Vergleichende Grammatik des Sanskrit, Zend, Armenischen, Griechischen, Lateinischen, Litauischen, Altslavischen, Gotischen und Deutschen, Grammaire comparée des Langues indo-européennes de Franz Bopp [le dernier sera publié en 1852]. C'est dans ce texte que Bopp formule sa conception générale de la philologie (30).

-- Création en juin de la Société de l'histoire de France.

-- Eugène Burnouf [1801-1852], " Observations sur la partie de la Grammaire comparée de M. F. Bopp, qui se rapporte à la langue zend ", Journal des Savants, 1833.

-- Considérations sur les patois de Charles Nodier : les patois sont la langue vivante et nue du peuple, tandis que le beau langage n'est qu'un " simulacre ou un mannequin ". Il souhaite la constitution d'une Académie pour les préserver.

-- F. Cordier, Vocabulaire des mots patois de la Meuse [Pari].

-- A. Delvart, Le Réformateur du mauvais langage [Paris].

1834 : -- Création des Comités Guizot [18 juillet 1834] destinés à fédérer toutes les recherches philologiques. Composition : Villemain, Daunou, Naudet, Guérard, Mignet, Champollion-Figeac, Fauriel, Vitet, Jules Desnoyers, Granier de Cassagnac, Fallot. Le comité doit se réunir " au moins une fois tous les quinze jours ". Le 10 janvier 1835, le comité est modifié par adjonction de nouveaux membres : Cousin, Auguste Leprévost, Mérimée, Victor Hugo, Ch. Lenormant, Albert Lenoir, Didron.

-- Claude Fauriel [1772-1844], chargé par Guizot de publier et traduire sur le texte provençal l'Histoire en vers de la Croisade contre les hérétiques Albigeois. Il donnera ultérieurement l'Histoire de la Gaule méridionale sous la domination des conquérants germains, Paris, 1836, 4 vol.

-- Francisque Michel [1809-1887], chargé par Guizot de copier à Londres la Chronique en vers des ducs de Normandie, par Benoît de Sainte-More, texte écrit en langue normande du début du XIIIe siècle. Publiera ensuite l'édition princeps de La Chanson de Roland, 1837.

-- Ch. Nodier, Notions élémentaires de linguistique, ou histoire abrégée de la parole et de l'écriture [Bruxelles] : " Le patois composé plus naïvement et selon l'ordre progressif des besoins de l'espèce, est bien plus riche que les langues écrites en curieuses révélations sur la manière dont elles sont formées. [...] Jamais la pierre-ponce de l'usage et le grattoir barbare du puriste n'en ont effacé le signe élémentaire d'un radical" [p. 222].

-- Bescherelle aîné, Bescherelle jeune, Litais de Gaux et Roze Céphas-Simon, Grammaire nationale, ou Grammaire de Voltaire, de Racine..., renfermant plus de cent mille exemples, Paris, Bourgeois-Maze, 2 vol. [15e éd., 1877].

-- Romieu, Dictionnaire des locutions vicieuses dans le code de la conversation [Paris].

-- J.-M. Heilmaier, Über die Entstehung des romanischen Sprachen unter dem Einflusse fremder Zungen [Aschaffenburg].

1835 : -- G. Cornewall-Lewis, Essai sur l'origine et la formation des langues romanes [Oxford].

-- F. Biscarrat, Usages, proverbes et anciens mots d'Argentan [Alençon].

-- L. Platt, Dictionnaire critique et raisonné du langage vicieux [Paris].

-- M. Pomier, Manuel des locutions vicieuses les plus fréquentes en Haute-Loire et dans le midi [Le Puy].

1836 : -- F. Diez commence la publication de sa Grammatik der Romanischen Sprachen dont l'achèvement sera réalisé en 1844 [Bonn]. Cet ouvrage comparatif, assorti ultérieurement d'un Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen [Bonn, Marcus, 1853] sera traduit en français par Brachet et Gaston Paris [1874-76]. Il est l'oeuvre d'un savant de cabinet, qui a déjà beaucoup lu de textes littéraires médiévaux, et d'études faites sur ceux-ci, mais qui reste conscient de l'importance de l'étude concrète des dialectes : " Die Volksmundarten bieten der Forschung ein unschätzbares nie zu erschöpfendes Material, welches haüfig über Buchstabenverhältnisse und Begriffsentwicklung überraschenden Aufschluß gibt : ich habe sie daher überall zu Rathe gezogen, so weit die mir gestatteten Hülfsmittel ausreichten, ihnen auch zuweilen Beispiels halber kleine Artikel vergönnt. Schade, daß wir nicht über recht viele derselben so einsichtige und gewissenhafte Untersuchungen besitzen wie über das Wallonische " [xi].

-- De Gabrielli, Manuel du provençal [Aix-en -Provence].

1837 : -- Anonyme, Manuel du provençal ou des provençalismes corrigés [Aix].

1837, B. Guérard, Provinces et pays de la France, Annuaire de la Société de l'Histoire de France, I, 58-148.

1837, Ch. Mourain de Sourdeval, Mémoire sur les noms propres français, Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre et Loire, xvii, 5-18.

1838 : -- Paul Ackermann : Essai sur l'analyse physique des langues, ou de la formation et de l'usage d'un alphabet méthodique, Paris, Terzuolo, 1838

-- Comte Jaubert, Vocabulaire du Berry et de quelques cantons voisins, 2nd. tirage [cf. Paris 1833].

-- J. La Bouderie, Vocabulaire du patois de la Haute-Auvergne [Paris].

-- F. Raynouard, Lexique roman ou dictionnaire de la langue des Troubadours [Paris].

1838, C. Leber [éd.], Collection des meilleurs dissertations , notices et traités particuliers relatifs à l'histoire de France, Paris, II, 420-432 : « Remarques sur l'étymologie des noms français des provinces, villes, bourgs et autres lieux » ;

-- [id.], Collection des meilleurs dissertations, notices et traités particuliers relatifs à l'histoire de France, Paris, viii, 240-250 : « Sur un ancien vocabulaire des villes de France, trouvé dans un manuscrit de la bibliothèque Séguier » ; xi, 1-3 : « Des usages relatifs au baptême et aux noms ».

1838, M. de Sallo, Des noms et surnoms. Edité par C. Leber, Collection des meilleurs dissertations, notices, et traités particuliers relatifs à l'histoire de France, Paris, xi, 4-21.

1839 : -- Gustave Fallot [1807-1836], Recherches sur les formes grammaticales de la langue française et de ses dialectes au XIIIe siècle, 1839, posthume. Le secrétaire de la commission Guizot meurt à 29 ans, en laissant inachevé le manuscrit de l'étude précédente, qui sera publié trois ans plus tard par Paul Ackermann, avec une notice préfacielle de B. Guerard, membre de l'Institut et Président de la dite Commission.

-- J. Avril, Dictionnaire provençal-français [Apt].

-- L. Diefenbach publie les premiers éléments de Celtica [matériaux des dialectes celtes modernes].

-- É. Egger inaugure un enseignement de grammaire comparée à l'École Normale Supérieure, qu'il abandonnera en 1861.

1840 : -- J.-F. Schnakenburg : Tableau synoptique et comparatif des idiomes populaires ou patois de la France ; contenant des notices sur la littérature des dialectes ; leur division territoriale, ainsi que celle de leurs sous-espèces ; des indications générales et comparatives sur leurs formes grammaticales ; le tout composé d'après les meilleures sources et les observations faites sur les lieux, et accompagné d'un choix de morceaux en vers et en prose dans les principales nuances de tous les dialectes ou patois de la France [Bruxelles, imprimé à Berlin] ; influences perceptibles de Champollion-Figeac, Nodier et Coquebert de Montbret ; la révolution dans la littérature française au début du XIXe siècle, tend à abolir l'autorité et à émanciper la parole ; le romantisme, nouvelle école, en se jetant tête baissée dans l'archaïsme, y rencontra, à moitié chemin, le patois qu'il exploita également pour ses buts...

-- G. Spano pratique l'enquête par correspondance pour son Dictionnaire sarde.

-- Ch. Poudra, Dictionnaire complet des locutions vicieuses [Paris].

-- S. Honnorat, Projet d'un dictionnaire provençal-français [Digne] [rééd. en 1846]

-- Anonyme, Nouvelle cacographie [Paris].

1840, Le Prévost, Dictionnaire des anciens noms de lieux du département de l'Eure, Evreux, 276 p.

1841 : -- Anonyme, Locutions vicieuses rectifiées [Paris].

-- Francisque Mandet : Histoire de la langue romane (roman provençal), Paris, Dauvin & Fontaine, 1841.

-- Jean-Bernard Mary-Lafon : Tableau historique et comparatif de la langue parlée dans le midi de la France et connue sous le nom de langue romano-provençale, Paris, A. René, 1841.

-- Pierquin de Gembloux, Histoire littéraire, philologique et bibliographique des Patois [il y parle de son Langatlas de la France, de la Belgique Wallonne et de la Suisse Romande] ; il faudrait rétablir l'Académie néo-celtique [fondée sous Charles le Bel par sept citoyens de Toulouse, 1323].

-- B. Biondelli, Atlas linguistique de l'Europe [influence de Balbi].

-- A. Bruce-Whyte, Histoire des langues romanes et de leur littérature, depuis leur origine jusqu'au XIVe siècle.

-- Jean-Jacques Ampère [1800-1864], Histoire de la formation de la langue française, Paris, Tessier.

1841-1845, J. Azaïs, Des noms propres de famille, Bulletin de la Société archéologique de Béziers, iv, 277-287.

1842 : -- L. Petin, Dictionnaire patois-français [Lorrain à l'usage des Ecoles Normales] [Nancy].

1843 : -- Castor, L'interprète provençal [Apt].

-- A. Dupleich, Dictionnaire patois-français de l'arrondissement de Saint-Gaudens [Saint-Gaudens].

-- Gillard de Najac, Dictionnaire des homonymes, des locutions vicieuses ; et des difficultés de la langue française [Paris].

-- H. Lamarche, Extrait d'un dictionnaire du patois des arrondissements de Cherbourg, Valognes et Saint-Lô [Cherbourg].

-- E. Thomas, Vocabulaire des mots romans-languedociens [Montpellier].

1844 : -- H. Nabert établit la limite entre le gaélique d'Écosse et l'Anglais.

1844-1846, E. Girault de Saint-Fargeau, Dictionnaire géographique, historique, industriel et commercial de toutes les communes de France, 3 vol.

1845 : -- François Génin [1803-1856], Variations du langage français depuis le XIIe siècle.

-- N. St. des Étangs, Liste des noms populaires des plantes de l'Aube [Troyes].

-- Gary, Dictionnaire patois-français à l'usage du département du Tarn [Castres].

-- E. Saubinet, Vocabulaire du bas-langage rémois [Reims].

1845, A. de Fortia d'Urban, Recueil des itinéraires anciens, Paris, 558 p.

1846 : -- C. Ayer, Phonologie de la langue française [Neuchâtel]. Application de la méthode historique inaugurée par Diez dans sa Grammaire Romane [1836-1842].

1846, Lebeau, La découverte de l'origine et de l'étymologie de tous les mots de la langue française, Saint-Quentin, 416 p.

1847 : -- L.-L. Bonaparte, Vocabularium comparativum omnium lingarum europarum [Paris].

1847, Benoiston de Châteauneuf, Mémoire sur la durée des familles nobles en France, Mémoire de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, v, 753-794.

1848 : -- Francis Wey, Histoire des révolutions du langage en France.

1848, Ch. Mourain de Sourdeval, Sur l'origine des noms de famille de France, Congrès scientifique de France, 15e session, II, 325-329.

1848, J. Azaïs, Sur l'origine des noms de famille, Congrès scientifique de France, 15e session, II, 330-338.

1848-1849, Bordier, Advis et devis des lengues, traité de philologie composé par Bonivard, 1563, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 2e série V, 339-366, Signification des noms germaniques.

1849 : -- A. Fuchs, Die Romanischen Sprachen und ihre Verhältnisse zum Lateinischen [Berlin].

-- É. A. Duméril, Dictionnaire du patois normand [Caen].

-- Eliçagaray, Le mauvais langage rectifié [Paris].

1849, Martin-Arnaud, Physiologie des noms propres, par le cousin d'un homme d'esprit, Chambéry, iv-70 p.

1850 : -- Ph. Abadie, Dictionnaire du dialecte gascon [Toulouse].

-- Couzinié, Dictionnaire de la langue romano-castraise [Castres].

1851 : -- Escallier, Remarques sur les patois [Douai].

-- P. Tarbé, Recherches sur les patois de Champagne [Reims].

1852 : -- F. Diez, Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen [Bonn].

-- Edélestand Du Méril, Essai philosophique sur la formation de la langue française.

-- J. Decorde, Dictionnaire du patois de Bray [Paris].

-- J. Humbert, Nouveau glossaire genevois [Genève].

-- B. Jullien, Le langage vicieux corrigé [Paris].

-- Benedikt Hase est nommé professeur titulaire d'une chaire de grammaire comparée à la Sorbonne.

1852, J. Lapaume, La Philologie appliquée à l'histoire, autrement origine et valeur de six noms : Versailles et Trianon, Paris, Louvre, Tuileries et Louis-Napoléon, Paris, 3 vol.

1853 : -- Burguy, Grammaire de la langue d'oïl ou grammaire des dialectes français aux XIIe et XIIIe siècles.

-- Alban de Chevalet, L'Origine et la formation de la langue française, 1853-1857

-- B. Biondelli, Saggio sui dialetti gallo-italici [Milano].

-- Fondation de la revue Die Deutschen Mundarten.

-- J. K. Zeuss, Grammatica Celtica [Berlin].

-- P. Legrand, Dictionnaire du patois de Lille et de ses environs [Lille].

1853, A. Sauret - C. Raffy, Répertoire des trente-sept mille communes de France, Paris, 84-xiv, cartes.

1853, A.-F. Pott, Die Personennamen, insbesondere die Familiennamen und ihre Entstehungsarten, Leipzig, xvi-721 p.

1854 : -- Création du Félibrige.

-- Charles Grandgagnage, Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, 1854, terminé en 1880 par Adolphe Scheler.

-- Début de la publication du Deutsches Wörterbuch de J. Grimm.

-- Jaclot de Sauny, Vocabulaire patois du pays messin [Paris].

-- J.-M. Lobet, Dictionnaire wallon-français [Verviers].

-- Cte Jaubert, Glossaire du Centre de la France [Paris].

1856 : -- Création en Suède de sociétés scientifiques destinées à étudier la langue et les traditions populaires...

-- François Génin [1803-1856], éditeur de L'éclaircissement de la langue française de Palsgrave, suivi de la Grammaire du Giles du Guez.

-- L.-F. Dubois, Glossaire du patois normand [Caen].

-- Salaberry, Vocabulaire des mots basques-français [Bayonne].

-- J. Travers, Glossaire du patois normand [Caen].

1857 : -- Ch. Grandgagnage, Vocabulaire wallon-français des noms d'animaux, de plantes et de minéraux [Liège].

-- F. Linossier, Dictionnaire gaga-françois du patois de Saint-Etienne [Vienne].

-- Ch. Montesson [de], Vocabulaire des mots usités dans le Haut-Maine [Paris].

1857, Duclos, Dictionnaire général des villes, bourgs, villages, hameaux et fermes de la France, 7e éd., Paris, xlvii-640 p.

1857, J. Girard, Des titres de noblesse et des noms nobiliaires, Paris, 36 p.

1857-1858-1860, E. Dupont, Liste générale des saints d'après le martyrologe de Chastelain, Annuaire de la Société de l'Histoire de France, xxi, 35-233, xxii, 33-226, xxiv, 1-206.

1858 : -- V. Lespy, Grammaire béarnaise avec un vocabulaire béarnais [Pau].

-- Simonet, Vocabulaire du patois d'Uchon [Autun].

-- J.-M. Toullec, Manuel breton-français classé par ordre alphabétique des matières [Châteaulin].

-- Anonyme, Guide des Gascons, dictionnaires patois-français avec un recueil des gasconismes corrigés [Paris].

1858, C. D'Estaintot, Des usurpations de titres nobiliaires au double point de vue de l'histoire et du droit pénal, Paris, 71 p ;

1858, P. Biston, De la modification de l'article 529 du code pénal et des preuves de la légitimité des titres nobiliaires, Epernay, 8 p.

1859 : -- Laugier de Chantarousse, Nomenclature patoise des plantes des environs d'Arles [Arles].

1859, A.-F. Pott, Die Personennamen, insbesondere die Familiennamen und ihre Entstehungsarten, Register, Leipzig, viii-156 p.

1859, L. Delisle, Rapport fait au nom de la Commission chargée d'étudier le Plan d'un Dictionnaire géographique de la France ancienne et moderne, Revue des Sociétés savantes des départements, 2e série, I, 165-178 et 577-580.

1860 : -- Cuvier, Notes sur le patois de Montbéliard [Montbéliard].

1861 : -- August Schleicher : Compendium der vergleichenden Grammatik der indogermanischen Sprachen, Weimar, Böhlau.

-- Gaston Paris [1839-1903], Étude sur le rôle de l'accent latin dans la langue française, 1861-1862.

-- P. Callet, Glossaire vaudois [Lausanne].

-- F. Mège, Essai sur les idiotismes du Puy-de-Dôme [Paris].

-- J.-B. Onofrio, Essai d'un glossaire des patois du Lyonnais, Forez et Beaujolais [Lyon].

-- L. Vermesse, Vocabulaire du patois lillois [Lille].

-- Anonyme, Glossaire du patois rochelais [Paris].

-- Anonyme, Les mauvaises locutions corrigées [Paris].

1861, Ch. Liotard, De quelques rectifications accomplies ou à accomplir dans les noms des villes de France, Nîmes, 15 p.

1861, Ch. Mourain de Sourdeval, Origine et formation des noms gothiques et leur tradition chez les nations modernes, Mémoires lus à la Sorbonne…, Histoire, Philologie, 1863, 15-25.

1861, J. de Tardy, La particule nobiliaire, réplique à quelques magistrats, Paris, 36 p.

1861, Mannier, Etudes étymologiques, historiques et comparatives sur les noms des villes, bourgs et villages du département du Nord, Paris, 224 p.

1861, Vicomte De Gourgues, Noms anciens de lieux du département de la Dordogne, Bordeaux, 176 p.

1862 : -- Adolphe Scheler, Dictionnaire d'étymologie française d'après les résultats de la science.

-- A. Baudrimond, Vocabulaire des Bohémiens du pays basque français [Bordeaux].

-- É. Le Héricher, Histoire et glossaire du normand; de l'anglais, du français d'après les méthodes historiques [Avranches].

-- A. Troude, Nouveau dictionnaire pratique français-breton [Brest].

-- L. Vasnier, Petit dictionnaire du patois normand de Pont-Audemer [Rouen].

1862, H. Beaune, Des distinctions honorifiques et de la particule De comme preuve de noblesse, 2e éd., Paris, 35 p.

1862, H. Gourdon de Genouillac, Dictionnaire des fiefs, seigneuries, châtellenies, etc. de l'ancienne France, Paris, viii-567 p.

1862, P. Paris, De la particule dite nobiliaire, Reims, 34 p.

1862, Ph.-L. Bourdonné, Atlas étymologique et polyglotte des noms propres les plus répandus, A - B, Paris, viii-82 p.

1862, V. Bouton, De la particule, Bulletin du Comité d'Histoire et d'Archéologie de la Province ecclésiastique d'Auch, III, 123, 283.

1863 : -- Émile Littré [1801-1881], Histoire de la langue française, 2 vol.

-- Premier volume du Dictionnaire de Littré.

-- Gaston Paris, Histoire poétique de Charlemagne.

-- G. Azaïs, Dictionnaire des idiomes languedociens [Béziers].

-- Cénac-Moncaut, Dictionnaire gascon-français [Paris].

-- L. Grangier, Glossaire fribourgeois [Fribourg].

-- L. Gras, Dictionnaire du patois du Forez [Lyon].

1863, C. Beautemps-Beaupré, Du droit des propriétaires de fief d'ajouter le nom de leur fief à leur nom patronymique, Revue historique de Droit, ix, 381-397.

1863, G. Belèze, Dictionnaire des noms de baptême, Paris, 484 p.

1863, Ph.-L. Bourdonné, Lettre sur l'origine des noms propres les plus répandus, Paris, 48 p.

1863, Ph.-L. Bourdonné, Singularités de quelques noms propres, Paris, 14 p.

1864, A. Houzé, Etude sur la signification des noms de lieu en France, Paris, 140 p.

1864, C. de Chergé, Droit et devoir des familles de faire restituer à leur nom son orthographe originaire et historique, Poitiers, 16 p.

1864-1865, Valère-Martin, Rapides recherches sur les noms de famille, Annales de la Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt, 2e année, 78-83.

1865, A. de Tourville, Etude sur la législation des noms patronymiques, Paris, 88 p.

1865, J. Sabatier, Encyclopédie des noms propres, Paris, 281 p.

1866 : -- H. Schuchardt, Vokalismus des Vulgärlateins [Linz] : les dialectes s'enchevêtrent et s'entrecoupent de telle sorte qu'il est impossible de fixer des limites reconnues.

-- Auguste Brachet [1845-1898] : Du rôle des voyelles latines atones dans les langues romanes. Publie ensuite une Grammaire historique de la langue française, 1867, et un Dictionnaire des doublets…, 1868. C'est très probablement de cette époque que date en France l'avènement de la seconde philologie française. Gaston Meyer, Paul Paris en modèlent la forme scientifique en proclamant la double nécessité de manipuler désormais des corpus de documentation aussi complets et fiables que possible, et d'employer une méthode historico-comparative qui respecte la régulation du développement des langues. Ainsi sera désormais délivré l'enseignement de l'École Pratique des Hautes Études et de l'École des Chartes. C'est la mort de la philologie impressionniste.

1866-1867, J. Noulens, De la valeur du nom : du changement de nom, Revue d'Aquitaine, xi, 509-512 et 557-572.

1866-1867-1869, Etude sur quelques noms de lieux, Revue Archéologique, xiv, 200-207, xv, 99-107, x, 271-279.

1867 : -- Revue de Linguistique et de Philologie comparée.

-- A. Brachet, Grammaire historique de la langue française [Paris]

1867, A. de Coston, Origine, étymologie et signification des noms propres et des armoiries, Paris, 464 p.

1867, Dictionnaire des familles qui ont fait modifier leurs noms par l'adjonction de la particule ou autrement depuis 1803 jusqu'à 1867, Paris, 132 p.

1867, J. Quicherat, De la formation française des anciens noms de lieu, Paris, 176 p. Partiellement pré-publié dans la Revue de l'Instruction publique, 26e année, 1866, 276-279, 308-309, 322-325, 338-339, 354-357.

1867, R. Barbier de Felcourt, Des titres de noblesse et des noms dits nobiliaires, Paris, 180 p.

1868 : -- Gaston Paris entre à la Section des sciences historiques et philologiques de l'École Pratique des Hautes Études. Dans le cours de grammaire historique de la langue française, qu'il professe parallèlement à la Sorbonne, il écrit : " [...] le développement du langage est dirigé par des lois qui lui sont propres, mais rigoureusement déterminé par des conditions historiques ". Mais sa position est relativisée par la conscience de la valeur métaphorique du terme de loi : " J'hésiterais davantage à assimiler les lois de mutation phonétique aux lois naturelles : celles-ci agissent toujours de même dans les mêmes conditions; celles-là ne peuvent subir cette épreuve, les conditions où elles agissent n'étant jamais deux fois les mêmes : elles ne sont que le résultat de constatations faites dans le passé; elles ne peuvent être appliquées à l'avenir. Il faut donc prendre ici le mot de lois dans un sens particulier et restreint (on trouverait des faits analogues dans la géologie, par exemple); mais nier qu'il en existe ce serait admettre dans une évolution naturelle des faits fortuits, c'est-à-dire des effets sans cause, ce qui est absurde " (31)

-- A. Pelissier, Précis d'histoire de la langue française.

-- Mémoires de la Société de Linguistique de Paris.

-- A. Brachet, Dictionnaire des doublets ou doubles formes de la langue française [Paris]

-- C. Chabaneau, Histoire et théorie de la conjugaison française.

1868, L. Hallez-Claparède, Des noms propres, Le Correspondant, nouvelle série, xxxix, 1044-1046. texte de la préface du Dictionnaire des anoblissements de H. Gourdon de Genouillac, Paris, 1809.

1868, P. Hecquet-Bougrand, Dictionnaire étymologique des noms propres d'hommes, Paris, xvi-258 p.

1868, Ph.-L. Bourdonné, Origine des noms propres, t. I, Paris, iv-247 p.

1868, R. Mowat, De la déformation dans les noms propres. Mémoires de la Société de Linguistique, I, 171-188.

1869 : -- Création de la Société pour l'étude des langues romanes [Montpellier].

-- Julien Tell, La transformation permanente de la langue française.

1869, J.-A. de Conny, Recherches sur les noms propres, Chronique bourbonnaise I, 13, 58, 170, 332 et II, 11, 171.

1869, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, v, 340, 424.

1870 : -- Revue des langues romanes.

1870, E. Le Héricher, Glossaire étymologique des noms propres de France et d'Angleterre, Paris, 107 p.

1871 : -- Publication des Romanische Studien.

-- Réédition par les soins de Ch. Daremberg et de P. Meyer de l'Histoire de la formation de la langue française pour servir de complément à l'Histoire littéraire de la France, par Jean-Jacques Ampère, 3e éd., Paris, Didier et Cie, Libraires-Éditeurs, 449 p. Ouvrage, comme le souligne l'avant-propos, qui " dès son origine, avait pris place parmi les manuels les plus estimés pour l'étude archéologique de notre langue " [iv]

1872 : -- Gaston Paris succède à son père -- Paulin Paris -- dans la chaire de Langue et littérature françaises du Moyen Age au Collège de France.

-- G. Paris et P. Meyer publient la Romania.

1873 : -- Première grande enquête française pour déterminer la limite entre le français et le provençal [Ch. de Tourtoulon et O. Bringuier].

-- Création de l'English Dialect Society.

-- L.-F. Meunier, Les Composés qui contiennent un verbe à un mode personnel en latin, en français, en italien et en espagnol, partage le prix de Linguistique au Concours Volney avec Joseph Halévy. L'auteur y réfute les hypothèses de Bopp, Curtius, Justi, Roediger, Clemm, Corssen, Aufrecht, Kirchhoff, Meyer et Benfey... " Ces composés sont nés de phrases complètes, dont on a laissé de côté quelque chose, tantôt le sujet, tantôt le régime direct, tantôt le régime indirect en totalité ou en partie. Le problème consiste à retrouver la phrase mère. Cette phrase retrouvée, rien de plus facile que de dire à quel mode est le verbe du composé et si le substantif est sujet ou régime " [p. xi]

1873, Abbé Damourette, Pourrait-on d'après l'étymologie des noms des diverses localités, indiquer celles dont l'origine remonte aux époques celtique, gallo-romaine, ou franque ? Congrès archéologique, 40e session, 84-87.

1874 : -- Enquête par correspondance en pays lorrain, lancée par l'Académie Stanislas.

-- G. I. Ascoli, Schizzi franco-provenzali [in Archiv. glot. ital. t.III, p. 61-120]. Problème de la délimitation des limites dialectales.

1874, H. Cocheris, Origine et formation des noms de lieu, Paris, 272 p. 2e éd., Paris, 1885.

1875 : -- G. Paris et P. Meyer fondent la Société des anciens textes français.

1875, A. Darmesteter, Traité de la formation des mots composés, Paris, notamment section vi, 178-191.

1875, A. Franklin, Dictionnaire des noms, surnoms, pseudonymes latins de l'histoire littéraire du Moyen Age, Paris, xvi-681 p.

1875, E. Ritter, Les noms de famille, Paris, 202 p.

1875, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, viii, 130, 186, 208, 243, 497, 560, 740.

1875-1876, E. Le Héricher, Philologues contemporains, Revue de Linguistique, viii, 263-309 ; ix, 144-174, 195-230.

1876 : -- A. Leskien reprend le principe des lois phonétiques sans exception de Grimm, Die Deklination im Slawisch-Litauischen und im Germanischen.

-- E. Sievers, Lautphysiologie [Berlin].

-- C. Chabaneau, Grammaire Limousine [Limoges].

1876, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, ix, 52, 172, 260, 338, 400, 435.

1876, P.-A. Geslin de Kersolon, Catalogue des noms et prénoms qui peuvent être donnés légalement à l'état-civil et au baptême, Paris, xiv-324, xvi p.

1876-1877, J. Corblet, Etude philologique et liturgique sur les noms de baptême et les prénoms des chrétiens, Revue de l'Art chrétien, 5-24, 273-306 et 76-110.

1877 : -- Publication de Zeitschrift für romanische Philologie [G. Gröber].

1877, E. Pfeiffer, Légende territoriale de la France pour servir à la lecture des cartes topographiques, Paris, 2e éd., vii-226 p.

1877, L. Merlet, Dictionnaire des noms donnés aux habitants des diverses localités de la France, Mélusine, 116-122, 163-166, 182-188, 242-244, 265-268, 281-284, 309-314, 329-335, 359-362, 427-434, 480-482, 502-506, 592-532, 546-548.

1877, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, x, 681, 714, 715.

1877, Ph.-L. Bourdonné, Nos noms propres, Paris, 110 p.

1878 : -- A. Boucherie et C. Chabaneau inaugurent à Montpellier le premier enseignement de Philologie romane dans le Midi.

-- F. Mistral, Trésor dóu Felibrige.

-- P. Sébillot, carte linguistique de la Bretagne présentée à l'Exposition Universelle de Paris.

1878, J. Corblet, De l'origine et du choix des prénoms chrétiens , Mémoires de la Société des Sciences morales, des Lettres et des Arts de Seine-et-Oise, IX, 323-342.

1878, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, xi, 10, 74, 362, 493, 559, 585.

1879, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, xii, 388, 441.

1879-1880-1881-1882, Conférences d'ethnographie et de toponomastique d'Auguste Longnon, à l'Ecole des Hautes Etudes et au Collège de France, dont les textes seront publiés en 1929 sous l'intitulé : Les noms de lieu de la France, leur origine, leur signification, leurs transformations, p.p. Paul Marichal et Léon Mirot, Paris, Honoré Champion, 830 p. [Mêmes enseignements repris et approfondis entre 1883-1886 et 1887-1891]

1880 : -- La philologie romane et la linguistique historico-comparative subissent à cette date une réorientation qui les fera définitivement changer de perspective; il en découle une réarticulation méthodologique fondamentale. La documentation dialectale étant désormais à disposition, la variation géographique conduit à postuler que la dispersion dans l'espace peut être corrélée avec des couches chronologiques -- les patois étalent leur histoire dans l'espace -- et que pour comprendre les changements linguistiques du passé, il convient d'examiner aussi les processus qui se déroulent sous nos yeux, à l'époque contemporaine.

-- J. Gilliéron, Le Patois de la commune de Vionnaz [Bas-Valais]; Paris Wieweg.

1880, A.-P.-G. Boyer, De l'usurpation de nom devant les juridictions d'instruction et de répression, Paris, 15 p.

1880, E. Littré, Etudes et Glanures, Paris, 197-226 : Noms de lieux de la France.

1880, L. Larchey, Dictionnaire des noms, contenant la recherche étymologique des formes anciennes de 20200 noms relevés sur les annuaires de Paris, Paris, xxiv-511 p.

1880-1881, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, xiii, Noms propres au féminin, 35, 92, 120, 177, 268 ; xiv, 623.

1881 - 1901, H. Ferrand, De l'orthographe des noms de lieux, Annuaire du Club alpin français, viii, 399-424 et xxviii, 478-496.

1881, J.-B. Bergier, Etudes historiques et philologiques sur l'origine, le développement et la dénomination des localités, Besançon, 274 p.

1881, L. Larchey, Almanach des noms contenant l'explication de 28009 noms, Paris, 78 p.

1881, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, xiv, 681.

1882 : -- Brachet-Dussouchet : Grammaire française complète, rédigée conformément aux programmes de l'enseignement secondaire des jeunes filles, de l'enseignement spécial, et de l'enseignement primaire supérieur.

-- C. Ayer, Grammaire comparée de la langue française, 3e édition entièrement refondue.

1882, Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, xv, Dictionnaire orthographique des noms propres, 417-419, 473-474.

1882, J. Corblet, Histoire du baptême, Paris, t. II, 23-309 : Des noms de baptême.

1882, P. Tournade, Etude sur le nom de famille et les titres de noblesse, Paris, 176 p.

1882-1884-1886, E. Labroue, Rapport sur des questions de prononciation et de terminologie géographique, 1883, 112-122 ; 1884, 102-110 ; 1887, 298-315.

1883 : -- Création, à l'École des Hautes-Études de Paris, de la première conférence de dialectologie de la Gaule Romane. Jules Gilliéron est nommé dans cette conférence le 14 janvier 1883, selon le désir exprimé par M. Bréal et M. Dumont ; selon l'expression ultérieurement employée par Gaston Paris, Gilliéron apparaît de plus en plus comme " l'homme qui a inauguré en France l'étude scientifique des patois " (32)

1883, Comte de Chaban, De la méthode à suivre pour rechercher l'origine de nos noms de lieux en France, Vendôme, xxii p.

1883, E. Bazin, De l'origine des noms propres français, étude philologique, Versailles, 16 p.

1883, L. Merlet, Dictionnaire des noms vulgaires des habitants des diverses localités de la France, Chartres, viii-203 p.

1883, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, xvi, 4, 150.

1884 : -- Gaston Paris éreinte Henri Bordier, qui avait attaqué dès 1850, la méthode philologique de Diez (33), auteur d'un Philippe de Remi, sire de Beaumanoir, jurisconsulte et poète national de Beauvaisis : " Quant aux étymologies de ce glossaire, outre qu'elles reposent le plus souvent sur une traduction erronée, elles dépassent en fantaisies déréglées tout ce qu'on avait jamais lu. Je regarde le point de vue où vous êtes comme aujourd'hui tout à fait dépassé (pardon du pédantisme que je suis obligé d'étaler, mais je ne sais pas parler autrement que sérieusement et sincèrement), et il me paraît inutile de le combattre. Nous formons des élèves qui sauront la phonétique, et, pour ceux-là, les étymologies hasardées seront condamnées d'avance " (34)

1884, E. Bouvy, Des noms de personnes en droit français ancien et moderne, Paris, 147 p.

1884, E. Le Héricher, Origine, signification et formes successives des noms de lieu, Revue de la société d'Archéologie, de Littérature, Sciences et Arts d'Avranches, II, 132-137.

1884, H. Gaidoz - P. Sébillot, Blason populaire de la France, Paris, xvi-382 p.

1885 : -- Gaston Paris, en collaboration avec Paul Meyer, édite Les plus anciens monuments de la langue française publiés avec un commentaire philologique.

1885, A. Rolland de Denus, Les anciennes provinces de la France. Etudes étymologiques et onomatologiques, Paris, vii-294 p.

1885, E. Reclus, Nouvelle géographie universelle, II, La France, Paris, 969-984, Glossaire géographique de la France.

1885, J.-B. Gindre de Mancy, Nouveau dictionnaire complet des communes de France, Paris, xliv-931 p. + carte.

1885-1907, A. Longnon, Atlas historique de la France, Paris, viii-290p., 15 pl.

1886, E. Grotkass, Beiträge zur Syntax der französischen Eigennamen, Erlangen, 80 p.

1886, F. Pennier, Les noms topographiques devant la philologie, Paris, 164 p.

1886, Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, Règles de l'orthographe des noms de lieux, 547-548, 630, 658.

1886, J.-J. Egli, Geschichte der geographischen Namenkunde, Leipzig, 52-58, et 271-282 : France.

1886-1887, Arbois de Jubainville, Noms de lieux en France : leur classification, Bulletin de la Société des Antiquaires de France, xxx, 214-215, et xxxi, 127..

1886-1887, L. Maxe-Werly, Considérations générales sur l'étude des noms des lieux-dits , Bulletin de Géographie historique et descriptive, 115-119.

1887 : -- Léon Clédat, Grammaire élémentaire de la vieille langue française. Le même auteur publiera en 1889 sa Nouvelle grammaire historique du français.

-- Publication de la méthode d'enquête de l'abbé Rousselot : " Introduction à l'étude des patois " in Revue des patois gallo-romans, t. I, 1887, pp. 1-22].

1887, E. Hanriot, De l'explication des noms géographiques et des noms de lieux, Paris, 69 p.

1887, G. D'Heylly, Dictionnaire des pseudonymes, Paris, 3e éd., iii-561 p.

1887, Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, xx, De la propriété du nom de famille, 614-615, 696-697, 748-750.

1887, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, xx, 737.

1887-1888, Arbois de Jubainville, Recherche sur l'origine de la propriété foncière et des noms de lieux en France, Revue Celtique viii, 96-149, 303-345, ix, 36-63, ,208-223, 301-321.

1888 : -- Samedi 26 mai , conférence de Gaston Paris, " Les parlers de la France ", [éditée in Revue des Patois Gallo-Romans 1888, pp. 161-175], dans laquelle il soutient qu'il n'y a pas à proprement parler de langue mère et de langue fille ; importance en français de l'élément gaulois. Projet d'un Atlas phonétique de la France; une monographie pour chaque commune.

1888, Ch. Bonnier, Über die französischen Eigennamen in alter und neuer Zeit, Halle, 33 p.

1888, E. Kornmesser, Die französischen Ortsnamen germanischen Abkunft, Strasbourg, 1888, 59 p.

1888, L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, Prononciation des noms propres étrangers et français, xxi, 77, 208, 238, 268, 391, 494.

1889 : -- Édouard Bourciez, Précis de phonétique française, réédité jusqu'à nos jours...

1889, A. Peigné, Dictionnaire topographique et postal, Paris, 4e éd., 792 p.

1889, A. Rolland de Denus, Dictionnaire des Appellations ethniques de la France et de ses colonies, Paris, viii-667 p.

1889, E. Corsin - Petitcuenot, Dictionnaire mathématique des communes de France, Paris, 309 p.

1889, H. Houssier de Villedieu, De la propriété des noms patronymiques en droit romain et en droit français, Poitiers, 149 p.

1890 : -- Arsène Darmesteter [1846-1888], Cours de grammaire historique : phonétique, morphologie, formation des mots, syntaxe, posthume p.p. L. Sudre, 4 vol., Paris, Delagrave.

1890, Arbois de Jubainville, Recherche sur l'origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités en France, Paris, xxxi-703 p.

1890, J. Lallier, De la propriété des noms et des titres. Origine des noms et des titres. Procédures des changements de noms. Protection de la propriété des noms et des titres, du nom commercial, Paris, iii-432 p.

1890, Jodin, Toponymie, topographie, Revue de Géographie, xxvi, 216-218.

1890, Ph. Keiper, Französische Familiennamen in der Pfalz, Kaiserslautern, 82 p.

1890-1905, P. Joanne, Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses colonies, Paris, 7 vol.

1891, A. Deleutheuratte - C. Bardies, A propos du projet de loi Moreau. Lettres sur les armoiries, les particules et la noblesse, Paris, iv-139 p.

1891, A. Redouin, Discours sur les prénoms, Mémoires de la société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du Département de la Marne, 1891, 9-27.

1891, De la propriété du nom civil et commercial, Rennes, 291 p.

1891, M. Hénault, Peut-on, par une étude simultanée de l'épigraphie gallo-romaine et de la toponymie locale, puiser des renseignements précieux pour établir l'origine de certaines localités…, Revue agricole, industrielle, littéraire et artistique, xli, Valenciennes, 374-376.

1892, A. de Rochas d'Aiglun, La toponomastique, Cosmos, 41e année, xxii, 496-499, 530-533, 562-566 ; xxiii, 17-20, 50-53.

1892, Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, xxvi, Noms de rues donnés à des hommes vivants, 204-205, 422-427, 584-588.

1892, M. Horguelin, Discours sur les noms de famille, Mémoires de la Société d'Agriculture et de Commerce, des Sciences et des Arts du Département de la Marne, 1890-1891, 9-22.

1892, V. Maubry, Origine des noms géographiques, Le Magasin pittoresque, 60e année, 317-318 et 349-350.

1893, A. Verrier, De la circonscription et du nom des communes, Lyon, 858 p.

1894, A. Duplais-Destouches, La particule nominale et la noblesse, Revue de la Saintonge et de l'Aunis, xiv, 209-217.

1894, Ch. de La Lande de Calan, L'intérêt des noms de lieux pour l'histoire sociale. Détermination de la zone d'influence des Franks, Science sociale, xvii, 443-458

1894, E. Pfeiffer, Recherches sur l'origine et la signification des noms de lieux, Nice, 324 p.

1895, J.-V. Barbier, Irrégularités orthographiques, Union géographique du Nord de la France, xvi, 270-275

1895, Roque-Ferrier, Noms de provinces employés comme prénoms, Bulletin historique et philologique du Comité des Travaux historiques, Paris, 1896, 345.

1896, E. Quatrevaux, Sur les étymologies en matière de toponomastique, Revue alpine II, 313-316.

1896, I. Taylor, Names and their histories, London, 332-340 : French village names

1897, Abbé Chevin, Dictionnaire latin-français des noms propres de lieux, Bar-le-Duc, 356 p.

1897, H. Gross, Galia Judaica. Dictionnaire géographique de la France d'après les sources rabbiniques, Paris, x-766 p.

1897, J. Flach, L'origine historique de l'habitation et des lieux habités en France, Paris, 100 p.

1897-1898, Marquis de l'Estourbillon, Des changements incessants apportés par le temps, l'ignorance ou la fantaisie dans les dénominations géographiques, Congrès national des Sociétés françaises de Géographie, xviiie session, 88-89.

1898, E. Ferrière, Etymologie de 400 prénoms usités en France, Paris, 165 p.

1898, P. Dubois de Bélair, Des noms de famille dans la législation actuelle, Paris, 200 p.

1898, P.-E. Lindström, Unetymologische Auflösung französischer Ortsnamen, Stockholm, 41 p.

1899, E. Fein, Etymologisches über französische Orts-und Landnamen. Neues Korrespondenz-Blatt für die Gelehrten- und Realschulen Würtembergs, VI, 373-384 et 415-419.

1899-1900, Vézien, Les noms de rues, Mémoires de la Société dunkerquoise, xxxiii, 455-4643.

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1900, J. Hedouin, De l'usurpation des titres nobiliaires (étude historique et juridique), Paris, 276 p.

1901, Ch.-J. Cipriani, Etude sur quelques noms propres d'origine germanique, Angers, 107 p.

1901, H. de Gallier, La psychologie des noms propres, La Revue, xxxviii, 598-606.

1901-1902, L. Morin, Des noms de saints imposés aux nouveaux-nés, Bulletin philologique et historique du Comité des Travaux historiques, 418-419.

1902, E. Douriez, De la propriété des noms de famille en droit français, Boulogne-sur-mer, 130 p.

1902, G. Jarrasse, Essai historique sur le nom en droit romain et dans le très ancien droit français, Poitiers, viii-216 p.

1902, Revue de Linguistique, Noms propres français, xxxv, 186-187.

1903, A. Melaye, Etymologie des noms de lieux-dits et des pays, Nancy, 225 p.

1903, J. Robert, Du nom des personnes étudié du point de vue de la loi civile française, Lyon, 207 p.

1903, M. Breuil, De la particule dite nobiliaire, Paris, 284 p ;

1903, P. Sudre, Le droit au nom, Paris, 314 p.

1903, Revue de Linguistique, xxxvii, L'ironie du nom, 93.

1904, L. Coste, Le nom des personnes au point de vue civil, Marseille, 262 p.

1905, H. Cousin, Des noms de noblesse et des titres nobiliaires, spécialement depuis la Révolution, Dijon, 214 p.

1905, J. Schätzer, Herkunft und gestaltung der französischen Heiligennamen, Münster, 96 p.

1905, P. Blondel, Etude juridique sur le nom patronymique, Paris, 294 p.

1906, P. Jacquesson, Du nom de famille. Particule et nom de terre, Paris, 185 p.

1907, J. Thiergen, Die lautliche und begriffliche Entwickelung der antik-mythologischen Namen in der französischen Sprache, Pulsnitz, 155 p.

1907, O. Maurice, Remarques sur les noms de famille. Les noms régionaux. Mémoires de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne, li, 309-359.

1908, A. de Rochetal, Le caractère par le prénom, Paris, 187 p. 2e éd., Paris, 1929, 255 p.

1908, L. Réau, L'origine et la signification des noms géographiques, Revue de Synthèse historique, xvi, 129-163.

1909, E. Jouvin, Du nom des époux avant et après le mariage, Caen, viii-196 p.

1910, E. Perreau, Le droit au nom en matière civile (patronymique, titre, prénom, pseudonyme, surnom, armoiries), Paris, 506 p.

1910, G. Lavialle, Le nom de la femme mariée, Poitiers, 206 p.

1910, J. Vendryès, Sur quelques difficultés de l'étymologie des noms propres, Mélanges littéraires publiés par la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, 329-337.

1910, L. Beszard, Etude sur l'origine des noms de lieux habités du Maine, Paris, 234 p. Passe pour être la première thèse universitaire officielle de toponymie et onomastique.

1914, J. Vinson, Les noms de famille, Revue de Linguistique, xlvii, 228-229.

1952, J. Longnon, Auguste Longnon (1844-1911), Onoma iii, 35-36.

On aura remarqué dans cette liste la concentration par nappes des références aux domaines de l'onomastique et de la dialectologie, avec une pointe sensible d'interférences entre 1850 et 1880, ainsi que la dissémination régulière des modèles d'analyse importés de l'étranger tout au long du XIXe siècle .

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Notes

1. Marianne Mulon, L'Onomastique française, Bibliographie des travaux publiés jusqu'en 1960, puis de 1960 à 1985, La Documentation française, sous les auspices des Archives Nationales, Paris, 1977 (454 pages) et 1987 (418 pages).

2. Nous donnons en annexe 2 une Biblio-topographie indicative, liste de différents ouvrages relevant de cette dénomination, insérées dans une chronologie des conditions de reconnaissance scientifique de la dialectologie.

3. Au sens où Georges Kleiber a entendu jadis de manière extensive cette notion, cf. Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres, Paris, Klincksieck, 1981, avant d'en atténuer la portée dans « Sur la définition des noms propres : une dizaine d'années après », in M. Noailly [éd.], Nom propre et nomination, Actes du colloque de Brest, 1994, Paris, Klincksieck, 1995, pp. 11-36.

4. Cf. Danièle Van de Velde, « Existe-t-il des noms propres de temps », in Lexique, 15, Les Noms propres, nature et détermination, Presses Universitaires du Septentrion, 2000, pp. 35-46.

5. Pour de plus amples détail sur ces personnages, cf. H. Stammerjohann, Lexicon Grammaticorum, Tübingen, Niemeyer, 1996.

6. J. Chaurand [éd.], Nouvelle Histoire de la langue française, Paris, Le Seuil, 1999.

7. L'auteur écrit effectivement : « Que les germes étant en très petit nombre, l'intelligence ne peut faire autre chose que de les répéter, de les assembler, de les combiner de toutes les manières possibles pour fabriquer les mots tant primitifs que dérivés, et tout l'appareil du langage. […] Que ces accessoires sortis les uns des autres de branches en branches, d'ordres en sous-ordres sont tous eux-mêmes sortis des premiers germes organiques et radicaux, comme de leur tronc ; qu'ils ne sont qu'une ample extension de la première fabrique du langage primitif tout composé de racines : extension établie par un système de dérivation suivi pas à pas, d'analogies en analogies, par une infinité de routes directes, obliques, transversales ; dont la quantité innombrable, les variétés prodigieuses et les étranges divergences constituent la grande diversité apparente qu'on trouve entre tous les langages. Que néanmoins toutes les routes, malgré la diversité de leur tendance apparente, ramènent toujours enfin en revenant sur ses pas, au point commun dont elles se sont si fort écartées » [p. viii]

8. Sur tous ces points, voir J.-Ph. Saint-Gérand [ICHoLS IV, Trèves, 1987]: " Des Cacologies et des curiosités patoisantes, en France au XIXe siècle, à la dialectologie " in History and Historiography of Linguistics, H.-J. Niederehe & K. Koerner [éds.], Coll. Studies in the History of the Language Sciences, 51, John Benjamins, Amsterdam, Philadelphie, 1990, p. 701-714; et G. Brun-Trigaud, Le Croissant : le concept et le mot; Contribution à l'histoire de la dialectologie française au XIXe siècle, Université Lyon III, 1990, Série dialectologie 1, 446 p.

9. Le linguiste Dufriche-Desgenette utilise le terme de phonème pour la première fois le 24 mai 1873, à la Société de Linguistique de Paris, comme équivalent de l'allemand Sprachlaut. Le terme sera ensuite repris par Louis Havet, de qui Saussure l'emprunte en 1878, dans son Mémoire sur le système primitif des voyelles en indo-européen. Ce dernier en fait alors un prototype unique à l'origine d'une multiplicité de sons dans les langues dérivées. Dérivation, filiation, ce sont là des concepts clefs dans l'élaboration d'une théorie des dialectes et des patois.

10. Michel Bréal est considéré comme le père français de la discipline, pour avoir introduit le terme même en 1883 dans l'Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France [pp. 132-142]. Mais il ne faudrait pas oublier les travaux précurseurs des grands lexicographes du XIXe siècle, qui, à l'instar de M. Jourdain, faisaient déjà sans le savoir de la sémantique historique. Ainsi Littré, dont l'opuscule Comment les mots changent de sens, primitivement intitulé Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l'usage, et publié dans Études et Glanures pour faire suite à l'Histoire de la langue française, Paris, Didier, 1880, voit son contenu assimilé et développé par le dialectologue Gilliéron [1854-1926] dans son travail sur les atlas linguistiques et les changements de sens auxquels sont soumises les formes lexicales à travers l'espace social et géographique, comme le montre sa Généalogie des mots qui désignent l'abeille d'après l'Atlas linguistique de la France, Paris, Bibliothèque de l'EHESH, Champion, 1918. .

11. François Guizot, in Collection de documents inédits sur l'Histoire de France, publiés par ordre du Roi et par les soins du Ministre de l'Instruction publique, Paris, 1835, p. 34.

12. Francisque Michel, in Collection de Documents Inédits sur l'Histoire de France, publiés par ordre du Roi et par les soins du Ministre de l'Instruction Publique, Paris, Imprimerie Royale, 1839, pp. 35-37.

13. L'avant propos de Ch. Daremberg à la réédition de 1871 mentionne fort explicitement : " La première édition de l'Histoire de la formation de la langue française pour servir de complément à l'Histoire littéraire de la France a paru en 1841. Ce fut alors un véritable événement littéraire. Depuis quelques années, MM. Fauriel, Raynouard, Paulin Paris, Guessard, Francisque Michel, A. Jubinal, Le Roux de Lincy, Méon, Chabaille, et quelques autres avaient attiré l'attention d'un public encore peu nombreux, sur les textes français du moyen-âge; les préjugés, formés au dix-septième siècle et propagés au dix-huitième, contre cette vieille littérature nationale, commençaient à s'effacer; mais pour la plupart des lecteurs, le langage des anciens textes restait un langage barbare, sans lien bien marqué avec notre langue actuelle. Pendant ce temps, de l'autre côté du Rhin, on avait trouvé en partie les origines du vieux français et suivi ses transformations régulières d'âge en âge. En d'autres termes, nos voisins avaient une histoire et une grammaire de notre idiome primitif, tandis que nous ne possédions que des textes isolés. Sans une grammaire, sans cet instrument indispensable, les efforts de nos érudits demeuraient impuissants et l'étude de la langue de nos pères ne pouvait pas se répandre. Le premier en France, si nous ne nous trompons, M. Ampère a tenté de combler cette lacune en un livre où, profitant de tous les textes publiés soit en France soit à l'étranger, et confondant ses propres recherches philologiques avec celles des Allemands, de Diez, en particulier, il présentait, sous une forme vraiment littéraire, l'état présent des connaissances grammaticales relatives au vieux français " [p. I-ii]. Texte évidemment sans commentaire autre que celui qui s'impose de lui-même, et qui montre bien l'alliance étroite du littéraire et du linguistique dans les origines de la recherche universitaire sur la langue française. Une étude ultérieure, débordant le cadre de cet article, s'attachera à dégager les particularités épistémologiques et techniques de cet ouvrage.

14. Albert Poncel Terrien de Lacouperie, Du Langage. Essai sur la nature et l'étude des mots et des langues. Précédé d'une introduction par M. Léon de Rosny, Paris - Leipzig, Franck, 1867, p. 231.

15. Voir Jean Stéfanini, " Une histoire de la langue française en 1812 ", in Mélanges offerts à Charles Rostaing, Paris, 1981, t. II, p. 1046.

16. Voir Jacques Chaurand, " L'histoire de la langue avant Brunot : Origine et formation de la langue française d'Albin de Chevallet [1858] ", in Au bonheur des mots, Mélanges en l'honneur de Gérald Antoine, Presses Universitaires de Nancy, 1984, p. 472.

17. M. Pellissier, La Langue française depuis son origine jusqu'à nos jours; Tableau historique de sa formation et de ses progrès, Paris, librairie Académique Didier et Cie, 1866, p. 4.

18. Voir " Vocabulaire rustique et populaire du Jura ", Mémoires de la S.R.A.F., t. V, pp. 246-309, et t. VI, 1824, pp. 150-219.

19. Voir Vokalismus des Vulgärlateins, Linz, 1866, p. 32.

20. La seule connue, et qui ait survécu jusqu'à aujourd'hui, en dépit des tentatives de 1837 et de 1851.

21. Émile Egger, La Tradition et les Réformes dans l'enseignement universitaire. Souvenirs et Conseils, Paris, G. Masson, 1883, p. 316.

22. Bulletin de la Société des Parlers de France, Paris, H. Welter, 1893, n° 1, p. 2. Dans tous les extraits cités, c'est nous qui soulignons.

23. Ibid., p. 4.

24. Ibid., p. 4-5.

25. Ibid., p. 6.

26. Il faut bien sûr penser -- à cette date -- à Paul Passy et à l'alphabet de l'Association Phonétique Internationale, Paris, 1886.

27. Ibid., p. 12-13.

28. En tête de ses Notions générales sur les Origines et sur l'Histoire de la langue française, Paris, Delalain, 1883, celui-ci écrivait : " L'histoire de la langue ne doit pas être confondue avec celle de la littérature. La langue est l'instrument de la littérature; mais le domaine de la langue est bien plus vaste que celui de la littérature. [...] Tout ce qui est parlé appartient à l'historien de la langue. Le langage du paysan à sa charrue, du soldat dans le camp, de l'ouvrier dans l'atelier, l'intéressent autant, peut-être plus que la plus belle Oraison funèbre de Bossuet, écrite en une langue admirable, mais pour ainsi dire idéale, n'ayant jamais été tout à fait vivante, puisqu'elle n'a jamais été usuelle ", p. 3.

29. L'étude consacrée à cet ouvrage par le regretté Jean Stéfanini conclut : "[…] notre homme, s'il n'a pas une grande originalité de pensée, possède une solide érudition. Nous pensons avoir montré que son histoire de la langue aboutit finalement à des erreurs manifestes, au terme d'une démarche méthodiquement conduite et qui a voulu prouver que le français ayant conservé du celte primitif ses racines, ayant reçu des Germains son cadre syntaxique, sa typologie a toujours conservé à travers son évolution les caractères de la nation qui le parlait, conformément à la douceur du climat tempéré où elle vivait : naïveté, fraîcheur, harmonie, vivacité […]. En revanche, dans le tome II, consacré à l'histoire des théories linguistiques et des ouvrages consacrés aux français, ses qualités d'érudit l'ont servi. Il a vraiment lu […] tout ce qu'il y avait d'essentiel sur son sujet et l'on croit pouvoir dire que s'il est particulièrement prudent, pour ne pas dire quasi muet sur le provençal et son rôle dans l'histoire du français, c'est qu'il n'a pu lire les documents originaux (faute de savoir la langue?)", in "Une histoire de la langue française en 1812, in Histoire de la grammaire, textes réunis par Véronique Xatard, préface de Sylvain Auroux, CNRS Éditions, 1994, p. 222.

30. Il écrit effectivement : " La vue fondamentale de la philologie comparative, c'est que les langues ont un développement continu dont il faut renouer la chaîne pour comprendre les faits qu'on rencontre à un moment donné de leur histoire. L'erreur de l'ancienne méthode grammaticale est de croire qu'un idiome forme un tout achevé en-soi, qui s'explique par lui-même " [p. 3]. On ne saurait être plus clair!

31. Compte rendu d'un ouvrage d'Eduard Wechssler, dans Forschungen zur romanischen Philologie. Festgabe für Hermann Suchier, Halle, 1900, Romania, 29, p. 583.

32. Revue des Patois Gallo-romans, t. II, 1888, pp. 168-169.

33. Celui-ci avait justement noté : " La syntaxe enseigne à grouper, pour leur faire exprimer une idée, c'est-à-dire en une proposition, les parties du discours qui, dans l'étude étymologique, ont été considérées du point de vue de la forme et de la flexion " [t. 3, p. 1]

34. Texte repris dans É. Champion, "À propos de Philippe de Beaumanoir. Lettres inédites de Gaston Paris et de Henri Bordier", in Mélanges de philologie et d'histoire offerts à M. Antoine Thomas par ses élèves et ses amis, Paris, H. Champion, 1927, p. 515.