ESSAI ANALYTIQUE
SUR L'ORIGINE
DE LA LANGUE FRANÇAISE
ET SUR UN RECUEIL
DE MONUMENS AUTHENTIQUES
DE CETTE LANGUE,
CLASSÉS CHRONOLOGIQUEMENT DEPUIS LE IXe SIÈCLE
JUSQU'AU XVIIe
AVEC DES NOTES HISTORIQUES, PHILOLOGIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES
PAR GABRIEL PEIGNOT.
A DIJON
CHEZ VICTOR LAGIER, LIBRAIRE, PLACE ST.-ÉTIENNE
1835.
ESSAI ANALYTIQUE
SUR L'ORIGINE
DE LA LANGUE FRANÇAISE
ET SUR UN RECUEIL
DE MONUMENS AUTHENTIQUES
DE CETTE LANGUE,
CLASSÉS CHRONOLOGIQUEMENT DEPUIS LE IXe SIÈCLE
JUSQU'AU XVIIe,
AVEC DES NOTES HISTORIQUES, PHILOLOGIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES;
PAR GABRIEL PEIGNOT
À DIJON
CHEZ VICTOR LAGIER, LIBRAIRE, PLACE ST-ÉTIENNE.
1835
TIRÉ À 150 EXEMPLAIRES À PARIS
Jules RENOUARD, libraire, rue de Tournon, n° 6
TECHENER, libraire, place du Louvre, n° 12
Dijon, Imprimerie de Frantin
ESSAI ANALYTIQUE
SUR L'ORIGINE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ET SUR
UN RECUEIL DE MONUMENS DE CETTE LANGUE,
CLASSÉS CHRONOLOGIQUEMENT
DEPUIS LE IXe SIÈCLE JUSQU'AU XVIIe,
Messieurs,
Beaucoup d'écrivains se sont occupés de l'histoire de la langue française depuis son origine, mais aucun, du moins à notre connaissance, n'a songé à donner, d'une manière suivie et spéciale, les pièces justificatives de cette histoire, c'est-à-dire à présenter de siècle en siècle et de règne en règne, une série progressive et continue de monumens fidèles et authentiques de cette langue depuis le neuvième siècle où l'on commence à en entrevoir le germe, jusqu'au dix-septième, époque de sa pleine maturité. Cependant il nous semble que rien ne serait plus intéressant et plus curieux qu'un pareil recueil dont chaque pièce rangée par ordre de date, offrirait scrupuleusement le texte et l'orthographe d'ouvrages français écrits sous chaque règne, et surtout d'ouvrages en prose; ce serait le moyen le plus sûr de juger du développement, des progrès et enfin de la perfection de cette belle langue qui gagne jour voit reculer les limites de son vaste domaine, et qui même n'est plus étrangère aux extrémités des diverses parties du globe (1).
L'idée d'un pareil travail nous a souri depuis longtemps. Dès 1815, nous en avions déjà donné un léger aperçu dans notre ABRÉGÉ de l'Histoire de France, in-8° de lxiij -- 432 pag., en présentant, sous la plupart des règnes, depuis Hugues-Capet (roi en 987), jusqu'à Henri III (mort en 1589), quelques fragmens d'ouvrages du temps, offrant l'état de la langue à chaque époque. En 1827, nous avons encore parlé de l'utilité d'une telle entreprise à M. Crapelet, si habile explorateur des trésors de la littérature du moyen âge, en lui envoyant l'Histoire de la passion de Jésus-Christ, d'Olivier Maillard, qui fait partie de sa superbe Collection des anciens monumens de l'histoire de la langue française (2).
Mais dès-lors nous nous sommes occupé plus spécialement de cet objet; et, quoique dénué de ressources précieuses, à raison de notre éloignement des riches dépôts de la capitale, nous avons tâché de réunir une certaine quantité de ces monumens puisés dans les actes authentiques des différens siècles, que nous ont fournis les meilleurs ouvrages d'histoire littéraire et de diplomatique, une correspondance assez étendue, et les archives de Bourgogne confiées à un digne conservateur aussi éclairé qu'obligeant.
La bienveillance dont vous avez honoré nos essais précédens, nous enhardit, Messieurs, à vous entretenir aujourd'hui de celui-ci. Nous allons d'abord mettre sous vos yeux la partie préliminaire de notre travail, c'est-à-dire une notice sommaire sur l'origine de la langue française. Cette introduction nous paraît indispensable à l'exposition de ses monumens de tous les tems : car il serait difficile de juger de leur importance si l'on ne remontait aux sources d'où ils découlent. Il est donc essentiel de savoir ce que devint la langue gauloise sous les romains, ensuite quel fut son sort pendant l'invasion des Barbares, et enfin comment, sous la domination des Francs, elle prit un caractère à elle et devint l'une des plus belles langues de l'Europe. Mais ses progrès furent très-lents; n'en soyons pas surpris, Messieurs; cette lenteur est commune à toutes les langues et à toutes les littératures anciennes et modernes : voyez les Grecs, il a fallu huit siècles de culture progressive depuis la guerre de Troie pour amener le siècle de Périclès; chez les Romains, le siècle d'Auguste était aussi le huitième depuis la fondation de Rome; chez les Italiens, combien de temps écoulé depuis la chute de l'Empire jusqu'à Pétrarque et Boccace, disons mieux, jusqu'au Tasse; chez les Anglais, depuis la fin de l'heptarchie, en 832, jusqu'à la fin du règne d'Elizabeth, en 1603; et chez nous, le siècle de Louis XIV est le douzième depuis Clovis. Oui, les progrès de la langue française ont été lents; mais cette lenteur, loin de lui nuire, a peut-être contribué à l'amener à ce degré de perfection qui lui donne, parmi les langues modernes, une suprématie universellement reconnue. Passons à l'essai historique sur son origine; ce préambule, ainsi que nous l'avons dit, nous mettra dans le cas de mieux apprécier ses monumens.
ESSAI ANALYTIQUE SUR L'ORIGINE DE LA LANGUE FRANCAISE
La France, dans ses limites actuelles, forme une grande partie des Gaules telles qu'elles étaient après que les romains en eurent fait la conquête; nous ne rechercherons point quelles langues étaient en usage dans ces contrées soit au moment où le sénat déclara la Gaule Narbonnaise province romaine, l'an 125 avant J.-C., soit à l'instant où César y mit le pied, 73 ans plus tard. N'ayant à parler que sommairement de l'origine et de l'histoire de la langue française, il suffit de dire que la langue dominante dans les Gaules, avant la conquête des Romains, était la celtique (3) avec ses divers dialectes.
En effet trois races principales se partageaient alors la Gaule : la race celtique, qui formait près des quatre cinquièmes de ses habitans; la race germanique, qui comprenait ceux des provinces appelées depuis Flandre, Alsace et Lorraine; et la race pélagienne, répandue sur le versant de la Méditerranée et dans la Corse. Cette division ne s'éloigne pas de celle que César mentionne dans ses Commentaires; selon lui, la Gaule était partagée en trois nations principales (4), savoir : 1° les Celtae, qui étaient au milieu; 2° les
Aquitani, qui étaient au sud (ces deux nations appartenaient évidemment à la race celtique, quoiqu'elles eussent un langage différent); et 3° les Belgae, que plusieurs savans croient appartenir à la race germanique; ils occupaient le nord de la contrée. Le nom de Belges donné à ces peuples par les Celtes, signifie habitans d'un pays bas.
Mais des dialectes alors en usage chez ces différentes nations on ne connaît plus guère que deux idiômes principaux parlés encore de nos jours : diffèrent cependant assez pour être considérés comme deux langues distinctes. Chacun de ce deux idiômes se subdivise en trois dialectes principaux, comme le démontre clairement le petit tableau suivant :
Langue celtique | gaëlique
gallois | irlandais, manx, erse, gallois, |
Les trois dialectes gaëliques sont parlés en Irlande, dans l'île de Man, et en Ecosse; ils sont assez rapprochés pour que les habitans de ces trois pays puissent converser sans beaucoup de difficulté. Le gaëlique est d'une richesse extraordinaire; on y trouve soixante mots pour exprimer colline, trente-six pour noble, vingt-huit pour bruit; vingt-cinq pour grand, etc.; et pour chaque verbe un plus ou moins grand nombre de synonymes, par exemple dix-sept pour observer, seize pour consumer, etc., etc.
Les trois dialectes gallois sont parlés dans le pays de Galles, dans la province de Cornouailles et dans la Basse-Bretagne (5). Ils sont également assez rapprochés pour que les habitans de ces trois pays puissent s'entendre entre eux. Le gallois est moins riche en synonymes que le gaëlique; mais il se distingue éminemment par un grand nombre de racines monosyllabiques d'une signification abstraite et très-générale, qui donnent naissance à une foule de dérivés. Cette langue fit aussi un usage fort étendu des préfixes. On trouve dans le dictionnaire d'Owen (6) le préfixe privatif di appliqué à 4,300 mots, et le préfixe cy (le cum des Latins) à plus de 2,600. Les Gallois ont cinquante deux préfixes du même genre qui expriment tous les rapports (V. Owen's welsh Grammar, p. 41).
Quelques philologues ont mis le basque au nombre des langues celtiques; mais il s'en éloigne beaucoup et appartient évidemment à une famille différente. On le regarde même comme une langue primitive et étrangère à toutes les autres. Les Basques descendent des Cantabriens, peuple dont l'origine est inconnue. On le trouve des deux côtés de Pyrénées, en Espagne et en France. Leur langue se divise en quatre dialectes : 1° le biscaïen; 2° celui de Guipuscoa; 3° celui de la haute Navarre et du pays d'Alava; 4° et celui de la basse Navarre et du pays du Labour. Mais nous n'avons pas à nous en occuper.
Quant aux dialectes, ou plutôt aux débris de l'ancienne langue celtique qui se parlait dans les Gaules avant que les Romains y pénétrassent, nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit plus haut. Voyons maintenant quel a été le sort de cette langue depuis l'invasion des Romains.
Ces fiers conquérans n'eurent pas plutôt occupé diverses contrées du pays, déclarées provinces romaines, qu'ils s'empressèrent, selon l'habitude de leur haute politique, d'y impatroniser leur langue (7). Adoucissant, autant qu'il était possible, le joug imposé aux vaincus, éveillant leur ambition en exaltant la grandeur du nom romain auquel ces vaincus allaient participer, flattant la masse du peuple au milieu duquel se trouvaient des légions permanentes et beaucoup de Romains accourus à la suite de la conquête, ils ne tardèrent pas à voir les Gaulois multiplier leurs relations avec la métropole et briguer les honneurs et les titres honorifiques qui émanaient du Sénat. Mais pour plaire aux vainqueurs et pour satisfaire à toutes les exigences de l'ambition, il fallait parler latin ; et c'est ce que firent bientôt les Gaulois. La langue du Latium se répandit de tous côtés, et des écoles fondées à Marseille, à Nîmes, à Narbonne, à Lyon, à Autun, à Bordeaux, à Bayeux, à Chartres, etc., achevèrent de la populariser sur tous les points de la Gaule Transalpine (8); et peu à peu le celtique disparut, ou du moins vit, chez le bas peuple et dans les campagnes, ses dialectes bien affaiblis se mêler avec la nouvelle langue, et former une espèce de patois qui tenait de l'ancien langage et du latin, et qui par la suite prit le nom de Romana rustica (9); nom qu'il conserva et qui lui fut encore plus approprié long-temps après l'invasion des Barbares ; mais n'anticipons pas sur les événemens.
La langue latine était donc popularisée dans les Gaules quand, après environ quatre siècles de domination, l'empire romain, accablé sous le poids de sa propre masse, et percé au cœur par le vice d'élection de ses empereurs, fut assailli de tous côtés par des peuples étrangers que la vengeance et l'appât du pillage précipitèrent sur le colosse qui finit par s'écrouler avec un fracas épouvantable.
Dès l'an 241, les Francs et les Sicambres, venant de la Germanie, avaient fait une irruption dans les Gaules ; mais Aurélien les avait forcés à se retirer. En 287, les Saliens commencèrent à s'établir sur les bords du Rhin. En 400, Honorius permet à plusieurs tribus de Goths de se fixer dans la partie méridionale de la Gaule. En 406, les Vandales, les Alains, les Suèves y pénétrèrent ; mais en 409 ils passent en Espagne. En 413, les Bourguignons, entés par l'est, s'emparent du pays qui porte encore leur nom, et s'étendent des Alpes jusques à Lyon et Vienne en suivant les cours de la Saône et du Rhône. D'un autre côté, les Francs pénètrent par le nord dans les mêmes Gaules vers 420, et bientôt sous la conduite de Clodion ils sont déterminés à s'y fixer. Dans le même siècle, et au commencement du sixième, Clovis réduit presque toutes les Gaules sous son autorité, et la monarchie française est établie sur des bases inébranlables.
Voilà donc une quantité de nouveaux peuples qui, s'incorporant à l'ancien, mêlent nécessairement leurs divers idiômes avec celui qui dominait à leur arrivée, et qui consistait, comme nous l'avons dit, soit dans le latin pur, soit dans la rustique romane, et sans doute dans quelques débris de la celtique et de ses dialectes enracinés dans quelques lieux peu abordables ou négligés par les Romains, tels que le fond de l'Armorique (10) ou Basse-Bretagne.
Mais de la confusion de tant d'idiômes, il était difficile qu'il se formât un langage unique ; et, selon l'expression d'un savant moderne (M. de Sismondi), « on pourrait assurer que pendant un long espace de temps les nations européennes n'eurent point de langues. Des races différentes se mélêrent sans se confondre ; chaque village, chaque hameau contenait quelque conquérant teuton, quelque soldat barbare et quelques vassaux, reste du peuple vaincu. Leurs rapports entre eux étaient ceux du mépris d'une part, et ceux de la haine de l'autre ; jamais de confiance ni d'abandon : » tout était isolé.
Le latin pur avait totalement disparu comme langue parlée ; mais comme langue écrite, il s'est conservé, grâces au christianisme (11) et à un faible reste de goût pour les lettres, dont quelques individus faisaient encore profession.
Dans le midi de l'Europe, depuis le Portugal jusqu'à la Sicile, toutes les langues connues sous la dénomination commune de romanes, naquirent du mélange du latin avec le teutonique, c'est-à-dire du mélange du peuple subjugué devenu romain, avec les peuples barbares qui renversèrent l'Empire. Ces langues sont le portugais, l'espagnol, le provençal, le français et l'italien ; mais nous n'avons à nous occuper ici que du français.
Rappelons-nous que trois des peuples dont nous avons parlé plus haut, savoir les Goths, les Bourguignons et les Francs s'établirent dans la circonscription des Gaules qui forme maintenant la France. Ajoutons que de ces trois peuples, les Goths et les Bourguignons se fixèrent dans la partie au midi de la Loire, et les Francs dans la partie qui est au nord de ce fleuve. Depuis la conquête de ces derniers, aucun peuple du nord ne vint y former d'établissement fixe ; à l'exception cependant des Normands qui, en 912, occupèrent, par traité, une partie de la province à laquelle ils ont donné leur nom. Mais les incursions qu'ils avaient déjà faites en France les mirent bientôt au courant des mœurs, des usages et de la langue du pays.
La langue romane, commune aux trois peuples mentionnés ci-dessus, se divisa en deux principaux dialectes : le roman provençal parlé dans les provinces situées au midi de la Loire, et le roman wallon parlé dans les provinces situées au nord.
Le roman provençal, mélange de latin et de teutonique, se consolida pendant une suite de princes qui régnèrent sur la Provence l'espace de 213 ans, depuis 879, époque où Boson se fit couronner roi d'Arles et soumit à sa domination la Provence, le Dauphiné, la Savoie, le Lyonnais et quelques parties de la Bourgogne, jusqu'en 1092, où cette maison s'éteignit dans la personne de Gillibert qui ne laissa que deux filles, dont l'un (nommée Douce) épousa Raymond Bérenger, comte de Barcelone. Alors les Catalans se mélêrent avec les Provençaux ; et il faut dire que des trois langues que parlaient les peuples chrétiens d'Espagne (savoir le catalan, le castillan et le gallicien ou portugais), la première, le catalan, était presque semblable au provençal.
Le roman wallon, composé d'un mélange de latin ou plutôt de romane rustique avec le théotisque, langage des Francs, domina dans les provinces au nord de la Loire ; mais la fusion lente, pénible, ne put jamais se faire complètement, soit à cause de la rudesse du théotisque, soit parce que, pendant la première race de nos rois, et au commencement de la seconde jusqu'à Charles-le-Chauve, le théotisque était presque exclusivement la langue de la cour (12); Charlemagne, tout porté qu'il était à dissiper les ténèbres de son siècle, parlait lui-même théotisque. Nous apprenons par Eginhard, son biographe et son gendre, que ce grand prince donna des noms aux mois de l'année dans son propre idiôme. Jusqu'à lui, les Germains avaient désigné les mois par des mots en partie latins, en partie barbares. Voici un petit tableau qui présentera cette double nomenclature :
Noms des mois | Signification de l'ancienne nomenclature des Germains | Nouvelle nomenclature de Charlemagne |
---|---|---|
Janvier | Mois d'hiver | Wintermanoht |
Février | Mois de boue | Hornunk |
Mars | Mois du printemps | Lenzinmanoht |
Avril | Mois de Pâques | Ostermanoht |
Mai | Mois d'amour | Winnemanoht |
Juin | Mois brillant | Prahmanoht |
Juillet | Mois des foins | Hewimanoht |
Août | Mois des moissons | Aranmanoht |
Septembre | Mois des vents | Wintumanoht |
Octobre | Mois des vendanges | Windummemanoht |
Novembre | Mois d'automne | Herbistmanoht |
Décembre | Mois d'enfer | Helmanhot |
Charlemagne inventa également pour chacun des douze vents une dénomination particulière ; avant lui on n'en distinguait que quatre. Il nomma celui d'est Ostroniwint, celui du sud Sundroni, celui du sud-est Sundostroni, etc. Ce même prince, toujours selon Eginhard, avait commencé une grammaire de sa propre langue, inchoavit et grammaticam patrii sermonis. V. DUCHESNE, Hist. Favor, tom. 2, p. 103. (13)
Il est donc certain que le théotisque était la langue dominante à la cour ; mais en même temps le peuple conservait l'usage de la romane rustique ; ou pour mieux dire les deux langues se parlaient simultanément, avec toutefois quelques rapprochements de l'une à l'autre, c'est-à-dire que des mots de la romane s'introduisait dans la théotisque, et des mots de la théotisque s'amalgamaient à la romane ; mais le fond de chaque langue restait à chaque peuple, de sorte que la théotisque était parlée par les Francs et à la cour, tandis que la romane l'était par le reste du peuple. La preuve la plus évidente de l'usage journalier et simultané de ces deux langues se trouve dans l'article 17 du concile de Tours, tenu en 813, lequel article recommande à chaque évêque d'avoir les homélies des SS. Pères, traduites en romanes rustique et en théotisque, pour que le peuple puisse mieux les comprendre : Visum est unanimitati nostrae, disent les Pères du concile, ut quilibet episcopus habeat homilias continentes necessarias admonitiones quibus subjecti erudiantur….. et ut easdem homilias quique apertè transferre studeat in rusticam romanam linguam, aut theotiscam, quo faciliùs cuncti possint intelligere quae dicuntur. V. ACTA CONCILIORUM, Parisiis, è typ. Reg. 1715, 11 vol. en 12 tom. in-fol., vol. iv, ab anno 787 ad ann. 847, col. 1015. -- Le concile de Reims de la même année prescrit la même chose aux évêques et aux prêtres ; et des expressions semblables se retrouvent dans le second chapitre du premier concile de Mons, tenu en 847 par l'archevêque Raban. Vid. ACTA CONCIL., tom. V, col. 8. C. Rien ne démontre mieux que la romane rustique et le théotisque étoient les seules langues entendues et parlées par chaque peuple. L'un de ces peuples était devenu presque entièrement étranger à la langue latine ; et l'autre ne l'avait jamais connue.
Cependant ces deux langues, tout en éprouvant chaque jour quelques modifications, dominèrent jusque sous la seconde race, c'est-à-dire jusqu'au moment où le partage entre les enfans de Louis-le-Débonnaire, vers 840, vint les séparer pour jamais. Le roman wallon resta en France avec Charles-le-Chauve, roi de France, et la théotisque suivit en Allemagne Louis son frère, roi des Germains.
Tant que la cour de nos rois se tint à Aix-la-Chapelle, la théotisque l'emporta sur la romane ; mais aussitôt que cette cour fut transférée et fixée à Paris, ce changement influa sur le génie, ou plutôt sur le matériel de la langue qui y étoit en usage. Les mots théotisques, s'amalgamant avec la romane, perdirent de leur âpreté, et ne produisirent d'autre effet sur cette langue que de lui donner une physionomie encore plus différente que celle qu'elle avait déjà avec la langue qui se parlait dans le Midi (le provençal), et qui était, dans le fond, à peu près la même, car l'une et l'autre avaient pour base la romane, mais prononcée et orthographiée différemment. Nous observerons que cette différence de prononciation et d'orthographe annonce qu'il n'existait pas beaucoup d'union entre ces deux grandes portions de la Gaule. C'est surtout depuis le couronnement de Boson, roi d'Arles, en 879, dont nous avons déjà parlé, que la France romane fut partagée en deux nations qui demeurèrent, pendant quatre siècles, rivales et indépendantes. Ces provinces semblaient destinées à être toujours habitées par des races différentes. César avait déjà remarqué de son temps que les Aquitains différaient des Celtes par la langue, les mœurs et les lois ; et la division des deux monarchies, bien établie à la fin de la dynastie Carlovingienne, ne fit peut-être que confirmer une division plus anciennes entre ces peuples.
Leur langage, quoique formé des mêmes élémens, différa toujours davantage. Les peuples du Midi se nommèrent Romans provençaux, et leur langue prit le nom de LANGUE D'OC ; les peuples du NORD ajoutèrent au nom de Romans qu'ils prenaient, celui de Waelches ou Wallons que leur donnaient leurs voisins (14). Et leur langue s'appela LANGUE D'OïL ; c'est ainsi qu'on appelait alors l'italien la langue de si, et l'allemand la langue de ya. Ces dénominations viennent de l'affirmation oui, exprimée dans chacun de ces idiômes.
Cependant la langue française, quoique divisée en deux branches nourries par une sève commune, commence à se former et à prendre un caractère à elle. Bientôt elle aura s grammaire à elle, c'est-à-dire ses principes, ses règes, une méthode, dont ne s'écarteront pas les premiers poètes qui la cultiveront, savoir les TROUBADOURS d'abord dans le Midi, puis ensuit les TROUVERES dans le Nord. Ce n'est pas que cette grammaire ait été écrite dans ces temps reculés, mais il était réservé à un savant moderne de nous démontrer ces principes que l'on ignorait totalement (15); oui, la langue romane méridionale (dont les premiers essais et les écrits des xe, xie et xiie siècles sont pour nous un jargon presque inintelligible), avait ses règles fixes et ses principes aussi positifs et aussi clairs que ceux de la langue française actuelle exposés dans la grammaire des Wailly, Lhomond, etc. Quiconque douterait de cette vérité s'en convaincra en lisant attentivement l'ouvrage le plus érudit et le plus détaillé qui ait paru sur cette partie. Nous l'avons déjà cité dans une note précédente ; c'est le CHOIX des Poésies originales des troubadours, par M. Raynouard, membre de l'Institut, etc. Paris, chez Firm. Didot, 1816-1822, 6 vol. gr. in-8° (16)
On voit dans ce précieux recueil de préceptes et d'exemples que la romane, tirant son origine de la langue latine et lui succédant, en a conservé la désinence des cas, puisée dans la seconde déclinaison en us ; ce qui est tout le contraire de ce qu'a fait depuis la langue française. M. Raynouard va nous donne en peu de mots le résumé de sa découverte :
« La nouvelle langue, dit-il, créa une méthode aussi simple qu'ingénieuse qui produisit le même effet que les déclinaisons latines.
Au singulier le s ajouté ou conservé à la fin de la plupart des substantifs, surtout des masculins, désigna le sujet ; et l'absence du s désigna le régime soit direct, soit indirect.
Au pluriel, l'absence du s indiqua le sujet, et sa présence les régimes.
D'où vient l'idée d'une telle méthode. De la langue latine elle-même ; la seconde déclinaison en us suggéra ce moyen.
Le nominatif en us a le s au singulier, tandis que les autres cas consacrés à marquer les régimes sont terminés par des voyelles ou par d'autres consonnes ; et le nominatif en i au pluriel ne conserve pas le s, tandis que cette consonne termine la plupart des autres cas affectés aux régimes.
Peut-on assez admirer cette industrie grammaticale, qui n'a existé dans aucune langue, industrie qui ensuite permit et facilita aux troubadours, la grâce et la multitude des inversions à la fois les plus hardies et les plus claires ? (Voy. La Grammaire romane avant l'an 1000, p. 50. -- Le Choix des Poésies originales des Troubadours, p. 50. -- Et les Observations philologiques sur le Roman de Rou, p. 23)
La citation de ce passage nous a paru d'autant plus convenable ici, que l'application du principe développé par M. Raynouard facilitera au lecteur l'intelligence des pièces en romane que nous aurons à mettre sous ses yeux, et qu'il ne sera plus surpris de voir dans une phrase, le sujet singulier mis au pluriel et le régime toujours au singulier, comme dans ces exemples tirés des chansons du roi de Navarre :
Sujet
En dormant
et en vellant
Est MES CUERS tojors a
li…
Régime
Quand por vos pert et MON CUER et ma joie
Cette petite digression grammaticale nous a un peu distrait de notre route ; hâtons-nous d'y rentrer.
Nous avons vu précédemment qu'après la destruction consommée de l'empire romain, la romane provençale, mélange de latin corrompu et de teutonique, était parlée au midi de la Loire, et que la romane wallonne, mélange du même latin et du théotisque, était parlée au nord de ce même fleuve ; mais c'est en vain que l'on chercherait des monumens de ces deux langues pendant les vie, viie et viie siècles. Nous entendons par monumens, des morceaux soit historiques, soit littéraires d'une certaine étendue. Nous pensons qu'il n'en existe pas, du moins qu'on n'en a découvert aucun ; on parlait la langue vulgaire, mais il est présumable qu'on ne l'écrivait pas. Les historiens ou plutôt les chroniqueurs se servaient de la langue latine ; il est vrai que dans quelques-uns de leurs ouvrages, on trouve disséminés par-ci, par là, des mots de la langue romane, jamais de passages un peu étendus, même de quelques lignes. M. Raynouard, pour prouver que la romane date des premiers temps de notre monarchie, a cité quelques-uns de ces mots dans l'introduction de son Choix des poésies de Troubadours, tom. I, pp. vi-xviij ; mais il n'est question là que de la langue parlée.
Tous les actes de la vie civile étaient rédigés dans un latin corrompu et qui l'est devenu encore davantage par la suite (17). La langue vulgaire était donc dès cette époque une espèce de jargon trop nouveau, trop informe pour avoir des monumens transmissibles à la postérité ; ou plutôt, l'ignorance et la barbarie qui dominaient alors (nous parlons toujours des vie, viie et viiie siècles) ne permettaient pas qu'on songeât à écrire dans cette langue dédaignée des gens qui avaient quelque instruction, et peu connue à la cour des rois francs qui ne parlaient que le théotisque.
Mais nous touchons enfin au moment où les quatre grandes romanes parlées dans le midi de l'Europe, c'est-à-dire le français (divisé en deux branches), le castillan, le portugais et l'italien, vont prendre une certaine consistance, et s'approprier un caractère distinctif et spécial que le temps développera, affermira et rendra par la suite plus ou moins célèbre dans les fastes de la civilisation et de la littérature en général. Voici comment on range, par ordre de date, les berceaux de ces romanes, depuis le ixe jusqu'au xiie siècle :
La LANGUE D'OC, ou le provençal,
a commencé à se former à la cour de Boson, roi de
Provence : 879-887.
La LANGUE D'OïL, ou roman wallon,
à la cour de Guillaume-Longue-Epée, fils de Rollon, duc de
Normandie : 927-943.
Le CASTILLAN, ou espagnol,
sous le règne de Ferdinand-le-Grand : 1037-1065.
Le PORTUGAIS,
sous Henri de Bourgogne, fondateur de la monarchie : 1095-1112.
Et l'ITALIEN,
sous Roger, roi de Sicile : 1129-1154.
Nous ne mentionnons ici ces trois dernières langues (le castillan, le portugais et l'italien) que comme romanes d'origine, faisant partie des dates que nous venons d'indiquer ; nous n'avons point à nous en occuper, puisque étrangères maintenant à la langue française, elles ne sont point l'objet de nos recherches. Quant aux deux première (la langue d'oc et la langue d'oïl), nous pensons qu'on n'a guère pu assigner la date d'origine de chacune d'elles que par la tradition et surtout par quelques monumens dont on aura plutôt conservé le souvenir que des fragmens. Nous n'entendons parler ici que de l'époque très-reculée des ixe et xe siècles. C'est dans ces deux siècles que l'injonction faite en 813 par le concile de Tours aux évêques de traduire le texte latin des homélies et autres livres pieux, en romane rustique et en théotisque, a dû avoir son effet. Il restait sans doute plusieurs d ces antiques traductions en romane rustique, dans quelques coins poudreux des bibliothèques des anciennes abbayes ; mais à peine connues avant la révolution, elles auront totalement disparu depuis ; car les traductions des Vies des Saints, du Livre des Rois, des Dialogues de saint-Grégoire, etc., dont parle l'abbé Lebeuf dans ses Dissertations sur l'histoire ecclésiastique, p. 38, ne remontent pas au-delà du xie siècle. Il en est autrement pour les traductions en théotisque ; M. Gley nous en a conservé d'assez nombreux fragmens dans son traité intitulé : Langue et Littérature des anciens Francs, Paris, Michaud, 1814, in-8°. Voy. pp. 89-262. Pour donner une idée de ce théotisque, nous allons rapporter l'ORAISON DOMINICALE traduite dans cette langue, telle que les Francs la récitaient au viiie siècle, et telle sans doute qu'elle était encore en usage à la cour de Charlemagne. Cette pièce est tirée d'un manuscrit de la bibliothèque de Munich, qui est du xe siècle, et a été insérée par M. Docen, dans ses Miscelles, Munich, t. ii, p. 288. Nous plaçons la traduction française littérale à côté :
Fater unser du pist in himilum Kauuisit si namo din. Piqhueme rihhi din. Uesa din uuillo, sama so in himile ist, sama in erdu. Philipi unsraz emizzigan kip uns noga uuanc na. Enti flaz unszo sculdi, sama so uuir flazzames unsrem scolom. Enti ni princ unsilh in inchorunka. Uzzan kaneri unsi fona allen sunton. |
Père notre, tu es dans les cieux. Sanctifié soit ton nom tien. Que vienne royaume tien. Soit tienne volonté, ainsi comme dans le ciel est, ainsi sur la terre. Manne notre quotidienne, donne-nous. Et pardonne-nous nos péchés, ainsi comme nous pardonnons à nos débiteurs. Et ne conduis-nous en tentation. Mais délivre-nous de tous péchés. |
Ce qui est à remarquer, c'est que ce théotisque, dont on faisait encore usage à la cour dans le neuvième siècle, s'appelait parler français, et c'est celui qu'on parle maintenant en Allemagne ; tandis que la langue vulgaire parlée par le peuple dans le même siècle, s'appelait parler roman, et cette langue est actuellement notre français. Au reste, comme nous l'avons déjà dit, il y avait deux romanes : la romane rustique qui était le langage du peuple, et la romane simple ou romaine qui était celui de la société plus relevée, et qui se rapprochait davantage du latin. Nous avons vu dans le tableau ci-dessus, relatif aux dates, que la formation de la langue d'oc a précédé d'une quarantaine d'années celle de la langue d'oïl ; d'autres pensent qu'elle l'a précédée de plus d'un siècle. Alors il est naturel de penser que les premières productions littéraires des troubadours ont dû servir sinon de modèle, du moins de véhicule aux trouvères. Nous disons de véhicule et non de modèles, car, dans le principe, les poésies des troubadours et celles des trouvères ont présenté chacune un caractère, un genre différent. Dans le Midi, où l'imagination est vive, passionnée, le genre fut d'abord presque tout lyrique, c'est-à-dire consacré à la chanson et à la poésie légère. Dans le Nord, où l'imagination est plus froide, plus réfléchie, le genre fut ordinairement épique ou de narration.
Mais les deux langues n'ont pas eu le même sort. Après trois siècles d'existence, celle des troubadours, loin de faire des progrès, s'est corrompue de nouveau, soit par suite d'événemens malheureux, soit par la faute des jongleurs et conteurs dégénérés qui l'ont avilie ; puis elle s'est éteinte ou plutôt perdue dans ces dialectes vulgaires (18), dans ces patois méridionaux qui subsistent encore (19).
Au contraire, la langue des trouvères, plus favorisée que celle des troubadours, soit par sa propre essence, soit par les circonstances, s'est perfectionnée peu à peu et est devenue le français actuel, laissant au bas peuple les dialectes vulgaires ou patois septentrionaux (20). Pour donner quelque idée des élémens de ces deux langues, nous avons essayé de dresser un petit tableau présentant, par colonnes, une série de quelques mots tirés de ces mêmes langues et de leurs principaux dialectes. Ce tableau est naturellement divisé en deux parties :
La première comprend, sous le titre de LANGUE DES TROUBADOURS : 1° la romane dont ils faisaient usage, puis ses dialectes, savoir : 2° le languedocien de Castres (Tarn) ; 3° le provençal de Briançon ; 4° le dauphinois de la vallée de la Drôme ; et 5° le limousin.
La seconde partie, la LANGUE DES TROUVERES, renferme : 1° l'ancien roman wallon ; 2° le flamand des environs de Lille ; et 3° le lorrain du comté de Vaudemont. Mais les mots compris dans ces huit colonnes ont une origine commune, du moins en grande partie, et cette origine est la langue latine ; il a donc fallu placer dans la première colonne les mots de cette langue qui leur correspondent ; et comme les mots des huit colonnes ne sont que diverses nuances par lesquelles ont passé pendant tant de siècles ces deux langues pour parvenir au français actuel, nous les avons fait suivre également d'une colonne consacrée à cette dernière langue ; ainsi le latin et le français (dont les colonnes sont dans le tableau ci-joint en capitales), forment les deux extrémités de cette ligne ou chaîne glossique, dont les anneaux intermédiaires sont plus ou moins empreints de la rouille des sicles, tout en conservant cependant quelque chose de leur type primitif.
Ce petit vocabulaire est composé de vingt-sept mots, dont vingt-six empruntés à l'ATLAS ETHNOGRAPHIQUE de M. Balbi, n'occupent dans cet atlas que huit lignes sur cent vingt-deux qui y forment le tableau polyglotte des langues européennes (n° xxxviii sur une seule feuille in-plano) ; mais, pour rendre plus sensible le rapport de ces vingt sept mots avec le latin et le français actuel, nous avons été obligé de changer entièrement l'ordre établi par M. Balbi ; dans son tableau, ses vingt-six mots sont rangés sur une ligne horizontale, tandis que les vingt-sept nôtres sont placés verticalement. Quelques additions et quelques rectifications, relatives à l'accentuation et à l'orthographe de certains mots, nous ont aussi paru nécessaires ; au reste, le travail de M. Balbi est immense, et de légères fautes typographiques sont bien excusables dans des tableaux aussi considérables, aussi compliqués, et exécutés en caractères aussi menus (21).
Nous avons pensé que notre petit vocabulaire synoptique, ainsi rédigé, termineroit convenablement l'essai sur l'origine de la langue française, servant d'introduction au Recueil des monumens de cette langue. Passons maintenant à ce Recueil ; quoiqu'il soit le principal objet de nos recherches, les limites de cet opuscule ne nous permettent d'en donner ici qu'un très léger aperçu.
RECUEIL DE MONUMENS
DE LA LANGUE FRANCAISE
DEPUIS SON ORIGINE JUSQU'AU XVIIe SIECLE
Notre savant compatriote, l'abbé Sallier, éditeur de l'Histoire de S. Louis, par Joinville (Paris, imp. Roy., 1761, in-fol.)), a dit dans sa préface, p. iv : « Ceux qui aiment les antiquités de notre langue aiment aussi à voir ses différens âges dans les écrits des siècles différens… C'est dans les historiens ou dans les écrivains en prose qu'il faut principalement chercher l'histoire de ses progrès ; elle s'y trouve plus sûrement que dans les poètes. » Nous avouerons franchement que c'est à ce passage que nous devons l'idée primitive de nous livrer à des recherches sur les monumens de la langue française. Plus nous avons réfléchi sur cet objet, plus nous nous sommes pénétrés des avantages que, pour l'histoire et la connaissance parfaite de cette langue, on pourrait retirer de la réunion des divers monumens qu'elle aurait fournis depuis son origine jusqu'à sa formation complète. En conséquence, parcourant les périodes nébuleuses de sa longue enfance, et celles de son adolescence qui se sont écoulées moins lentement, nous avons recueilli sur notre route environ cent quarante des monumens en question ; et après nous être assuré, autant qu'il a été possible, du temps où ceux qui n'étaient point datés ont paru, nous les avons tous disposés dans l'ordre chronologique, afin que leur réunion offrît, à des époques très-rapprochées, le tableau gradué des progrès de la langue pendant l'espace d'environ sept siècles, c'est-à-dire du neuvième au seizième siècle inclusivement.
Pour démontrer toute l'utilité dont un pareil travail est susceptible, il faudrait pouvoir exposer ici la série complète de ces monumens, et surtout la partie historique et les notes philologiques qui accompagnent chaque pièce. Mais ces détails assez considérables excèderaient de beaucoup les limites imposées ordinairement aux articles dont l'Académie autorise l'insertion dans ses Mémoires. Nous nous bornons donc pour le moment à présenter à la Compagnie de simples extraits d'un petit nombre de monumens (environ trente), pris parmi les cent quarante que nous avons recueillis ; et quoique ce nombre soit très-restreint, chaque siècle en offrira plusieurs. Nous regrettons de ne pouvoir accompagner chaque pièce de son historique et de notes ; mais une chose qui nous paraît indispensable, c'est d'ajouter la traduction à chaque morceau, dont le texte, le style plus que suranné et la bizarre orthographe ne sont pas familiers à tout le monde. Cela regarde surtout la première pièce dont nous allons parler, et celles qui la suivront immédiatement.
NEUVIÈME SIÈCLE
Sermens de CHARLES-LE-CHAUVE, de Louis-le-Germanique et de leurs armées respectives ; prêtés à Strasbourg le 16 des kalendes de mars (c'est-à-dire le mardi gras,14 février de) 842 (22)
Serment prononcé par Louis.
« Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun saluament, d'ist
di in, auant, in quant
Deus sauir et podir me dunat, si saluarai eo cist meon fradre Karlo, et in
adiudha et in cadhuna
cosa, si cum om per dreit son fradra saluar dist, in o quid il mi altresi
fazet…… »
Serment de l'armé gauloise.
« Si Lodhuuigs sagrament que on fradre Karlo iurat conseruat. Et Karlus
meos sendra, de suo
part non los tanit, si io returnar non lint pois, ne io ne neuls cui eo
returnar int pois, in nulla
ajudha contra Lohudwig nun li iver »
(23)
TRADUCTION. Pour l'amour de Dieu et pour le salut du peuple chrétien et le nôtre commun, de ce jour en avant, autant que Dieu me donnera savoir et pouvoir, je défendrai mon frère Charles ici présent par aide et en toute chose, ainsi qu'on doit, selon l'équité, défendre son frère, pourvu qu'il agisse de même à mon égard….
Si Louis tient le serment qu'il vient de jurer à son frère Charles ; que de son côté Charles mon seigneur ne le tienne pas, et que je ne puisse, ni moi, ni autre, l'y ramener, je ne l'aiderai en rien contre Louis. »
Nota Nous ajoutons à notre travail le fac simile des deux seuls fragmens en langue romane que nous rapportons ici, d'après le manuscrit de Nithard que l'on croit du xe siècle ; mais dans notre recueil, se trouvera le fac simile des quatre sermens, d'après le même manuscrit, savoir celui de Louis-le-Germanique, prononcé en langue romane, pour qu'il fût entendu de l'armée gauloise ; celui de Charles en langue théotisque, pour qu'il le fût de l'armée des Germains ; celui de l'armée des Germains en langue théotisque ; et celui des Gaulois en langue romane.
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DIXIÈME SIÈCLE
EXTRAIT des Actes du martyr de saint Étienne, tiré d'un manuscrit de Gatien de Tours.
« Por amor Deu, vos pri
saignos barun,
Se ce vos tuit, escoter la
leçun
De saint Esteuue le glorieus
Barrun,
Escotet la par bone entention,
Qui a ce ior reçu la
passion.
Sains Esteuue fu pleins de grant
bonteit,
Emmen tot celo qui creignent en
Diex
Feseit miracle o nom de dieu
mendé
As cuntrat et au ces a tot dona
santeit
Por ce haïerent autens li
juvé….
TRADUCT.
Pour l'amour de dieu, je vous
prie, seigneurs barons,
Si cela vous convient, d'écouter la
leçon
De saint Etienne le glorieux
baron ;
Ecoutez-la à bonne
intention,
Il a aujourd'hui reçu la passion (la
mort).
Saint Etienne fut plein de grande
bonté,
Comme tous ceux qui croient en
Dieu ;
Il faisait miracles au nom de Dieu
demandes ;
Aux estropies, aux aveugles, à tous il
rendit la santé.
Pour cela si fort le haïrent les
Juifs….
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EXTRAIT d'un POEME SUR BOËCE, d'après l'abbé Lebeuf d'abord, puis d'après M. Raynouard, qui a fait un travail beaucoup plus approfondi sur ce poème qu'il juge de la fin du xe siècle. Nous suivons le texte du manuscrit sans avoir égard à la coupe des vers :
« Nos iove omne quandius que nos estam de gran follia per folledat parllam quar no nos membra per cum uiuri esperam qui nos soste tan quan per terra annam e qui nos pais que no murem de fam per cui salves mesper pur tan quell clamam.
Nos ioue omne menam ta mal iouent que us non o preza sis trada son parent senor ni par sill mena malament ni lus uel laitré sis fais fals sacrament…. »
Voici comment les vers sont disposés ; il suffira d'en citer deux :
« Nos ioue omne, quandius que nos estam,
De gran follia per folledat parllam,
etc. »
TRADUCTION selon la coupe des vers :
Nous jeunes hommes, si longtemps que nous sommes,
De grande folie par erreur
parlons,
Parce que ne nous souvient par qui vivre
espérons,
Qui nous soutient, tant que par terre
allons,
Et qui nous paît afin que ne
mourions de faim,
Parqui que je me sauvasse jespere en tant
que l'invoquons.
Nous jeunes hommes menons si mal
jeunesse,
Que un ne cela prise, s'il trahit son
parent,
Seigneur, et pair, s'il le mène
méchament,
Et l'un voile l'autre, s'il fait faux
serment….
Nota. Le fac simile que nous empruntons à l'ouvrage de M. Raynouard se trouvera dans notre recueil.
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EXTRAIT d'une traduction du SYMBOLE attribué à saint Athanase.
« Kikumkes vult salf estre deuant totes choses besoing est qui ltienget la comune fei.
Laquele si caskun entiere e neent malmisme ne guarderas sans dotance pardurablement perirat.
Iceste est a certes la comune fei que uns deu en trinitet, e la trinitet en unitet aorums…. »
TRAD.
« Quiconque veut être sauvé, avant toute chose doit tenir la commune foi.
Si chacun ne la garde entière et sans mélange (altération), sans aucun doute il périra pour toujours.
Cette commune foi est bien certainement que un Dieu en trinité (en trois personnes) et la trinité en unité (un seul dieu) nous adorions…. »
ONZIÈME SIÈCLE
EXTRAIT d'une bulle d'Adalbéron, évêque de Metz (de 928 à 966). Cette bulle en romane porte la date de 940, mais l'orthographe de cette pièce, empruntée à Borel, nous paraît postérieure à cette date et devoir être placée dans le xie siècle :
« Bonuis sergens et feaules enioie ti ; car por cen que tu as esteis feaules sus petites coses ie t'aususeray sus grant coses ; entre en la ioye de ton signour…. »
TRAD. Bon serviteur et fidèle, réjouis-toi ; car puisque tu as été fidèle sur peu de choses, je te constituerai sur de grandes ; participe à la joie de ton Seigneur….
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EXTRAIT d'une traduction des quatre Livres des Rois, tiré d'un très-beau manuscrit en parchemin qui existait jadis dans la bibliothèque des Cordeliers de Paris.
« Li secunds liures des Rejs.
Sathanas se esleuad encuntre israel et entichad dauid que il feist anumbred ces de israel è ces de iuda. Et li reis cumandad a ioab ki esteit maistre cunestablesde la cheualerie le rei, que il en alast par toutes les lignées de israel dès dans iesque bersabée e anumbrast le pople….
TRAD. Satan s'éleva contre Israel, et suggéra à David de faire dénombrer ceux d'Israël et ceux de juda. Et le roi commanda à Joab, qui était maître connétable de la cavalerie du Roi, qu'il allât par toutes les familles d'Israël, depuis Dan (près du Liban), jusqu'à Bersabée (vers l'Egypte), et qu'il dénombrât le peuple….
Nota. Un fac simile accompagnera le morceau entier.
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EXTRAIT des lois d'Angleterre en français, ou plutôt dans le gallo-normand que Guillaume-le-Conquérant introduisit dans la Grande-Bretagne au xie siècle. Elles ont été publiées en 1070. Ce code est en 71 articles dont les cinquante premiers seulement sont en français. Nous ne donnerons ici que le titre et deux ou trois articles relatifs aux mœurs du temps.
« Ces sont les leis et les custumes que li Reis William grantut a tut le peuple de Engleterre apres la conquest de la terre ; iceles meismes que le Reis Edward sun cosin tint deuant lui.
ART. i. Co est A saueir, pais a saint yglise : de quel forfait que home out fait en cet tens, e il pout venir a saint yglise, out pais de vie et de membre. E se alquons meist main en celui qui la mere yglise requireit, se ceo fust u Euesque, u abbeie, u yglise de eligion, rendist ceo que il jauereit pris, e cent sols de forfait, et de mer yglise de paroisse xx sols, et de chappele x sols….
ART xix. Ki purgist femme per forse, forfait ad les membres. Ki abate femme a terre pur faire lui forse, la multe al seignur x sols, s'il la purrgist, forfait est de membres.
ART xxxv. Si femme est jugée a mort u a defacum de membres ki seit enceintée, ne faced lum iustice dèsquele sait deliure.
ART xxxvii. Si le pere truitet sa file en auultérie en sa maisonn, u en la maisonn son gendre, ben li laust oure (ocire) lauultere.
TRAD. Ce sont les lois et les coutumes que le roi Guillaume garantit à tout le peuple d'Angleterre après la conquête du pays. Elles sont les mêmes (que celles) que le roi Edouard, son cousin, fit observer avant lui.
ART i. C'est à savoir, paix à saint Eglise : de quel forfait qu'un homme se sopit rendu coupable en ce temps, il peut venir à sainte Eglise, et y aura paix, c'est-à-dire garantie de vie et de membres. Et si quelqu'un met la main sur celui qui a requis la mère sainte Eglise, fut-il évêque, abbé ou religieux, il rendra celui qu'il aura pris, et cent sols pour le délit ; et vingt sols pour la mère église paroissiale, et dix sols pour la chapelle…
ART xix. Celui qui aura abusé d'une femme par violence sera condamné à la mutilation ; s'il l'a (seulement) jetée à terre pour lui faire violence, la peine sera d'une amende de dix sols, payable au seigneur ; s'il l'a violée, peine de la mutilation.
ART. xxxv. Si une femme est condamnée à mort (24) ou à défection de membre (mutilation), et qu'elle soit enceinte, on n'en fera justice qu'après qu'elle sera délivrée.
ART xxxvii. Si un père trouve sa fille commettant un adultère dans sa maison ou dans celle de son gendre, il lui est loisible de tuer l'adultère.
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EXTRAIT d'une traduction du livre de Job, tiré d'un manuscrit de l'ancien chapitre de Paris.
« Un hom estoit en la terre us ki out nom Job. Parce est dit u li sainz hom demoroit ke li merites de sa vertut soit expresseiz. Quar ki ne sachet que us est terre de païens et la paienie fu en tant plus enloié de visces ke de n'out la conissance de son faiteor…. »
TRAD. Un homme était dans la terre de Hus qui eut nom Job. Par cela il est dit que, où le saint homme demeurait le mérite de sa vertu est remarquable ; car qui ne sait que Hus est terre de païens, et que le paganisme y est d'autant plus en proie aux vices que nul n'a la connaissance de son Créateur….
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DOUZIÈME SIÈCLE
LES SEPT HEURES de la passion, en vers, pièce extraite d'un manuscrit en parchemin de l'ancienne bibliothèque de saint Victor de Paris.
Iou ai a non H… ki le ditier a
fait.
Dites dieus me pardoinst de quanque iou
ai meffait.
Et puis si uous dirai de siet eures ki
sunt
Plus precieuses dautres et plus a garder
sont.
A leure de matines fu li consiaus
tenus
Comment li bias iesus seroit pris et
batus.
Asamblé sunt li iuis li grant et
li menu…. »
TRAD. J'ai nom H… qui le ditier (récit) ai
fait.
Priez Dieu qu'il me pardonne tout ce que
j'ai fait de mal.
Et puis je vous parlerai des sept heures
qui sont plus précieuses que les autres qui sont à
garder,
(c'est-à-dire à observer,
à méditer).
A l'heure de matines, on tint conseil
(pour savoir)
Comment le beau Jésus serait pris
et battu.
Se sont assemblés les Juifs, les
grands et les petits (le peuple)….
Nota. A ce morceau assez étendu sera joint un fac simile dans notre recueil.
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EXTRAIT d'une lettre de saint Bernard, écrite vers 1150 à son ami Raimond, chevalier, seigneur du Châtel-Ambroise, sur le gouvernement de sa maison ; tiré du Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova, de Bernard de Montfaucon, Parisiis, 1739, 2 vol. in-fol. Tom. ii, p. 1384 :
« A gracieus et bien heureis en fortune et richesce Raimond cheualier sires dou Chasteil-Ambroise, Bernard demenés ou temps de villece, salut. Demandei aiz a nos de estre ensignez de la cusanson et de la meniere de plus proufitablement governeir les choses et chevances familiaires et coment li peire de la maigniée qui est chief et gouvernour de losteil se doit avoir et maintenir…. »
TRAD. A gracieux et bienheureux en fortune et richesses, Raimond, chevalier seigneur du Châtel-Ambroise, Bernard parvenu au temps de vieillesse, salut. Tu nous a demandé de t'instruire du soin et de la manière d gouverner le plus à profit les choses et propriétés particulières, et comment le père de la famille, qui est chef et gouverneur de la maison, doit agir et se maintenir….
Nota. Nous donnons dans notre recueil plusieurs sermons de saint Bernard.
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L'ORAISON DOMINICALE tirée d'un manuscrit en parchemin de l'ancienne bibliothèque de saint Victor à Paris.
« Sire pere, qui es és ciaux, saintefiez soit li tuens nous, auigne li tuens regnes, soit faite ta volanté, si come ele est faite el ciel, si soit ele faite en terre. Nostre pain de cascun ior nos done hui, et pardone nos non meffais, si come nos pardonons à ços qui meffait nos ont. Sire ne soffre que nos soions tempé par mauuesse temptation, mes sire deliure nos de mal. »
Nota. Cette prière est prise dans un sermon dont nous donnons un extrait assez étendu dans notre recueil ; cet extrait sera accompagné d'un fac simile.
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DEBUT de la vie de sainte Bathilde, reine de France. Traduite du latin en romans vers la fin du xiie siècle.
« Beneois soit nostres sirres qui
voulroit que cascuns hom fust saus et que cascuns veni a la
connissanche de se verité. Sons nons doit être glorefiés
en totes coses. Car il fait des petits grans et
des fous saiges et des poures riches : si come nos veons qu'il est
aempli en ceste glorieuse Royne
me Dame saincte Balthalt de la cui vie nos volons un peu parler a lonnor et
a la gloire nostre
seigneur.
Cheste Dame fut née de Sessoigne
et estraite de royal lignie et fu en sa jonece ravie des
mescreans…. »
TRAD. Bénit soit Notre Seigneur qui voudrait
que chaque homme fût sauvé et que chacun vînt à
la
connaissance de sa vérité. Son nom doit être
glorifié en toutes choses ; car des petits il fait des
grands ; des fous, des sages ; et des pauvres, des riches. Et,
comme nous le voyons, cela s'est
accompli à l'égard de cette glorieuse reine, madame sainte
Bathilde, de la vie de laquelle nous
voulons un peu parler à l'honneur et à la gloire de notre
Seigneur.
Cette dame est née en Saxe, de race
royale ; dans sa jeunesse elle fut enlevée par des
mécréans….
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EXTRAIT de la vie de saint Ignace, évêque d'Antioche ; tiré d'un manuscrit en parchemin de l'ancienne bibliothèque de Sorbonne. A la fin de ce manuscrit, on trouve écrit de la même main : Anno Domini M° CC°.
« Quand trajanus le vit (l'évêque Ignace) si li dist , les tu chou maus deales qui mes comandemens trespasses, et fais as gens nostre loi deguerpir. Sains ignaces li respondi, nus ne devroit apeler bon crestien dyale, car li deale sont molt loing des sergans dieu ; mais porche que iai fait as deales maint ennui et quil me heent, mas tu apelé diale ; ie ne suis mie diale…. »
TRAD. Quant Trajan le vit, il lui dit : Es-tu ce mauvais diable qui transgresse mes commandemens et fait aux gens abandonner notre loi ? Saint Ignace lui répondit : Nul ne devrait appeler diable un bon chrétien, car les diables sont très-loin des serviteurs de Dieu. Mais parce que j'ai causé maint ennui aux diables et qu'ils me haïssent, tu m'as appelé diable, je ne suis point diable….
Nota. Ce passage plus détaillé sera accompagné du fac simile dans notre recueil.
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TREIZIÈME SIÈCLE
RELATION du supplice de l'empereur Murtzulphe, raconté par Villehardouin, vers 1212, dans sa Conqueste de Constantinople.
« En cel termine si avint que lempereres Morchuflex qui auoit lez oelz traiz, cil qui auoit murtri son seignor lempereor Alexis le fils lempereor sursac, celuy que li pelerin auoit amené en la terrre senfuyoit oltre le braz coiement et a poi de gent. Et Tierris de Los le sot, cui il fu enseigniez, si le prist et lamena a lempereor Baudoin en Constantinople ; et lempereor Baudoin en fu mult liez et emprist conseil a ses homes quil en feroit dhome qui tel murtre auoit faict de son seignor. A ce fu accordez li conseil que il auoit une colonne en Constantinople enmi la ville auques, qui ere une des plus haltes et des mielz ourées de marbre qui onques fut veue doil : et enqui le feist mener et lo feist saillir aual, voiant tote la gent que si halte iustise deuoit bien toz li monz veoir. Ensi fu menez a la colonne lempereor Morchuflex et fu menez sus et toz li pueples de la citez acorrut por veoir la merueille ; lor fu botez a val, et chaï de si halt que quant il vint a terre que il fu toz esmiez…. »
TRAD. Dans cet intervalle, il arriva que l'empereur Murtzulphe, qui avait les yeux tirés, celui qui avait assassiné son seigneur l'empereur Alexis, fils de l'empereur Isaac, celui que les pélerins (les croisés) avaient amené à terre (débarqué), s'enfuyait au-delà du bras du Bosphore, en cachette et avec peu de gens. Et Thierry de Los le sut, à qui il fut dénoncé, et le prit et l'amena à l'empereur Baudoin à Constantinople. Et l'empereur Baudoin en fut très-content, et prit conseil de ses barons sur ce qu'il ferait d'un homme qui avait commis un tel meurtre envers son souverain. Tout le conseil fut d'accord qu'il y avait une colonne à Constantinople au milieu de la ville, qui était une des plus hautes et des mieux travaillées en marbre que l'on ait jamais vues, qu'il fallait l'y mener, et le faire sauter du haut en bas en présence de tout le peuple, que tout le monde devait voir un si grand acte de justice. Ainsi fut mené à la colonne l'empereur Murtzulphe ; on le fit monter dessus, et tout le peuple de la cité accourut pour voir ce spectacle. Aussitôt il fut précipité du haut en bas, et il tomba de si haut que quand il vint à terre il fut tout fracassé….
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PROLOGUE d'une Bible traduite en vers, depuis la Genèse jusqu'à l'histoire du roi Ezechias. Tiré des manuscrits de Colbert. Le traducteur est inconnu.
« Al rei de glie (mot
abrégé), a Deu
omnipotent,
Ke maint senz fin et senz
commensement,
Le mund guuerne tut par son
iugement,
Ki est a soens chascun lui
présent,
A chascun sucurable ki a lui se
prent,
Hon puissance senz
definement.
El nun del pere, del fiz, del
espirist,
Ds trois persones ke sunt un Deu
parfit,
Commensement de geste nuuel
escript
Destorie estrait n'est pas de fable
dit,
Dans en an est en sante eglise
lit,
En ce dit Ieronime ki les merueilles
vit :
Nest pas leals ki cest tient en
despit.
TRAD. Au Roi de gloire, à Dieu
tout-puissant
Qui est sans fin et sans
commencement,
Le monde entier gouverne par son
équité.
Qui est à chacun des siens
(toujours) présent,
Secourable à chacun qui à
lui recourt,
a puissance sans aucune borne.
Au nom du Père, du Fils, de
l'Esprit,
Des trois Personnes qui sont un Dieu
parfait,
Commencement de ce nouvel
écrit
Extrait d'histoire et nullement de
fable,
Pendant l'année en sainte
église est lu ;
Et ce dit (S.) Jérôme, qui
vit (étudia) ces merveilles :
N'est pas loyal qui n'aime point ce
livre.
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FORMULE de convocation de l'arrière-ban, faite en 1241 au nom du prince Alphonse, frère de saint Louis. Cette pièce copiée sur l'original fort bien écrit sur un carré de parchemin plié en trois, et fermant avec des lacs de soie, est hérissée d'abréviations, que nous sommes obligé de rendre en toutes lettres, manquant de caractères avec les signes abréviatifs.
« Nostre ame et feal en nom de Dieu a vos me recomnde tant que fair se puet, ci uos faizons sauer que noyze seit mue entre nostre cosein de la marche nos, e auons talent de ly mouer guerre e debat efondre o leide de nostre seigno le rey ; preceu uos mandons que a vostre poer ueignez a nos o to harneis que a cheualer aparteint ; et a ceu ne faiglez, e nos vos a scauros grés, et de tot nostre poer e cheuance no lo cognoistrons tant e si fort que seré contant de nos. Donné a Poeters, le jor dauant la tiphaine, M.CCXLI. signé ALPHONS. »
TRAD. Notre amé et féal, au nom de Dieu, à vous me recommande autant que faire se peut ; ci nous vous faisons savoir que division s'est élevée entre notre cousin de La Marche et nous ; et que nous avons envie de lui faire la guerre, et terminer le débat avec l'aide du Roi notre seigneur ; c'est pourquoi nous vous mandons qu'autant que vous le pourrez, vous veniez près de nous avec tout l'équipage qui appartient à un chevalier ; à ce ne manquez ; nous vous en saurons gré, et de tout notre pouvoir et nos moyens, nous reconnaîtrons tellement ce service que vous serez content de nous. Donné à Poitiers, le jour avant l'épiphanie (c'est-à-dire le 5 janvier), 1541. Signé ALPHONSE.
Au dos est écrit : « A notre amé et féal Gerard Calains. » Et au côté opposé est écrit d'une main différente : « Lettre de monseigneur lo comte de Poitiers pour Gerard Calain. »
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EXTRAIT de la Bible hystoriaux ou Hystoires escolstres, trad. du latin de Pierre Comestor, par Guiart Desmoulins vers la fin du xiiie siècle, tiré d'un superbe manuscrit de cette Bible, daté de 1297, qui était à Lyon dans la riche bibliothèque de feu M. Coulon. Nous y avons copié nous-même la traduction du pseaume 119, Dixit Dominus Domino meo… Voici les cinq premiers versets de cette traduction très littérale.
« Nostre sires dist à
monseignr sies toi
a mes dextres.
De ci atant que ie mette tes anemis soubs
le chamel de tes piés.
Nostre sires mettra hors de Syon de la
uerge de ta uertu seingneurie ou milieu de tes anemis.
Li commencemens est a toi ou iour de ta
uertu et ou resplendissement de tes sainz. Ie tengendrai
deuant que lucifer fust.
Nostre sires a iuré, et ne se
repentira mie. Tu es pardurablement prebstres selonc l'ordre de
Melchisedec.
Nostre sires qui siet a ta destre
debrisera les rois ou iour de son ire…. »
TEXTE LATIN. Dixit Dominus Domino meo : sede à
dextris meis.
Donec ponam inimicos tuos : scabellum
pedum tuorum.
Virgam virtutis tuae emittet Dominus ex
Sion : dominare in medio inimicorum tuorum.
Tecum principium in die virtutis tuae, in
splendoribus sanctorum : ex utero ante luciferum genui
te.
Juravit Dominus, et non poenitebit
eum : tu es sacerdos in aeternum secunduùum ordinem
Melchiseds.
Dominus à dextris tuis :
confregit in die irae suae reges….
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QUATORZIÈME SIÈCLE
ÉPITAPHE qui se voyait jadis gravée sur une tombe dans le cloître des Cordeliers à Reims :
« CI : DEVANT :
GIST : EN : ICESTE : AIRE :
LI : CORPS : THOMAS :
LAPOTHECAIRE :
QUI : PASSA : NUEF :
IOURS : EN : IANVIER :
LAN : TROIS :
CENS :xi : ET : UN : MILLIER :
DIEX : QVI : VENRA :
POVR : NOVS : IVGIER :
LE : VVELLE : AVEC :
lvi : HERBERGIER. »
Nota. Un fac simile en caractères gothiques assez singuliers est joint à cette épitaphe dans notre recueil.
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EXTRAIT d'une ordonnance de l'évêque de Metz (Adhémar de Monteil) du 16 septembre 1332, qui reproche aux moines de cette ville et des environs,
«1° de porter des solers destranchiés com cheualiers, des chausses de colour, des robes des plous preciouses et sintes de sintures d'argent auec las ou nowes de soie si estroits com damoiselles, et des flos tant quils puissent couurir leurs espaules.
2° de cheuaucer a grans espées com ung conte les iambes descouvertes.
3° d'aller de neu et de ior en place commune, en nosses, en danses et en aultres leus que ne sont mie a dire.
4° de menjuer en iardin auec femmes seculiers et nonainsa grant foison de menestriés….. »
Nota Ce fragment n'a pas besoin de traduction. Ces déréglemens, qui tenaient à l'ignorance et à la grossièreté du siècle, ne regardaient que les moines ; le haut clergé et le clergé séculier ne présentaient pas de tels abus. Un pieux évêque de Metz (Pierre de Luxembourg, mort en 1387,) fut mis au rang des bienheureux en 1527.
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EXTRAIT du recueil des ordonnances de nos rois, tom. iii, pag. 591, où se trouve un Règlement pour les tisserands de toile, donné par le roi Jean à Troyes « le mardi darrenier iour d'octobre (31) l'an de grâce mil trois cent cinquante sept.) L'article vii de ce règlement est ainsi conçu :
« item. Se uns ouurier dudit mestier ouuroit auce une femme dans laquelle il disoit estre sa femme en lostel daucuns desdit tixerans ; se il estoit ainsi que il veinst a la congnoissance du maistre du mestier ou du maistre de lostel chiez cui il demouroient que elle fust sa concubine, le maistre ou sergent dudict mestier auoient accoustumé d'aller en lostel ou il demouroient, signifier au maistre dudit hostel comment le valet et femme nestoit mie espoux : et se il estoit ainsi que après cette signification le maistre dudict hostel les soufrist à gésir (coucher) ensemble en son hostel et en ung lit, ycilz maistre estoit a six solz six deniers tournois d'amende ; cest assauoir cinq solz six deniers audict preuost pour le Roy et dix huict deniers tournois pour lesdiz maistres et sergens dudict mestiers…. »
Nota. Ce morceau, qui n'a pas besoin de traduction, prouve que le gouvernement exerçait la plus grande surveillance sur les mœurs.
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EXTRAIT d'un manuscrit provenant de l'ancienne bibliothèque de la maison de l'Oratoire à Paris, et qui a pour titre : CES CI LOU PSALTIER trait et translatait en romans, en laingue lorrenne selonc la veritait et selonc lou commun laingaige au plus prêt dou latin qu'en puet bonnement. On lit à la fin : Ci finit li psaultier en romans escript et translateit per une main laic. M CCC LXV ans. (1 vol. in-12) Domus oratorii pariensis. »
Nous allons rapporter le commencement du psaume second, Quare fremuerunt gentes, etc., il n'est point divisé par versets dans le manuscrit, car ce n'est guère que vers le xvie siècle qu'on a adopté cette division ; cependant, pour rendre plus intelligible cette traduction, nous numéroterons les quatre premiers versets que nous rapportons :
« 1. Pourquoi firmissent et sont troublez et courircieit li gens, et li pueuples ont penceit vaniteit et pour niant : 2. Li roys de terre et li princes se sont tuit mis ensemble et estoit dun escort encontre nostre signour et contre son eslut et son crist. 3. Or esronpons lour loiens et nous getons fuer de lour subiection et dure sernitude. 4. Or ils qui lassus es cielz habite se moqueroit d'eulz et notstre sirs fronceroit per derision son neiz sur eulz….. »
Au lieu de traduction française nous donnons le latin.
1. Quare fremuerunt gentes, et populi meditati sunt inania. 2. Astiterunt reges terrae, et principes convenrunt in unum adversus Dominum et adversus Christum ejus. 3. Dirumpamus vincula eorum, et projiciamus à nobis jugum ipsorum. 4. Qui habitat in coelis irridebit eos : et Dominus subsannabit eos.
Nota. Nous regrettons de ne pouvoir rapporter ici, comme dans notre recueil, le prologue de cette traduction du Psautier ; l'auteur y parle de l'état où était la langue romane de son temps et de la difficulté de traduire le latin dans cette langue : « Pour tant, dit-il, que langue romane est plus asseiz que nulle aultre langue entieire et perfaite, il n'est nulz tant soit boin clers que lou laitin puiessent translateir entieirement en roumant… » Ce prologue assez long est curieux.
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L'ORAISON de Jean Dupin.
« Ci commence loroyson jehan Dupin.
Ihucrist parfais de tous temps, mes Dieu, mes sires et mes rois qui pour nous vot naistre et morir. Et tu fus devant tous les siecles, et p. tous tems sens fin seras. Je qui suis ta créature q. ma fais et a voulu q. ie soye. Glorifiés soyes-tu de tous les maux et les biens qui me véndront. Sire qui me a fais et es poyssans de moy deffaire, fais ta volenté de moy. Sire Dieu, aies merci de moy. Sauue moy, garde moy p. tous temps de la temptacion de l'annemi…. »
TRAD. Ci commence l'oraison de Jean Dupin.
Jésus-Christ, parfait de tout temps, mon Dieu, mon Seigneur, mon roi, qui pour nous a voulu naître et mourir. Tu fus avant tous les siècles, et dans tous les temps tu seras sans fin. Moi qui suis ta créature, (c'est toi) qui m'as fait et qui a voulu que je fusse. Que tu sois glorifié de tous les maux et de tous les biens qui m'arriveront. Sire, qui m'as fait et qui as le pouvoir de me détruire, fais de moi ta volonté. Seigneur Dieu, aies pitié de moi, sauve moi, garde-moi en tout temps de la tentation de l'ennemi….
Nota. Le caractère de ce manuscrit tient de celui qu'on a appelé depuis civilité ; nous donnons le fac simile de cette prière dans notre recueil.
QUINZIÈME SIÈCLE
EXTRAIT d'une pièce sur les MIRACLES de la Sainte vierge, tiré d'un manuscrit de l'ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Soissons. Le but de l'auteur est de persuader qu'il suffit d'être fidèle à réciter quelques prières à la Sainte Vierge, pour être assuré de son salut…
« Bien vous puis de cetui tant dire
Quil ne sauoit chanter ne lire
En romantier chartre ne brief,
Ne ne sauoit longue ne brief.
Vne messe sans plus sauoit
Salue sancta parens quauoit
Aprise denfance et dusage.
N'en karesme, ne en charnage
N'a pentecoste, n'a noel
Ne chantast nul for el,
Cestoit tous iors tous ses effors
Et por les vifs et por les mors…. »
TRAD. Je puis bien vous dire de celui-ci qu'il ne savait chanter, ni lire en romance, ni charte, ni bref, et ne savait ni longue, ni brève. Il ne savait qu'une messe, (et c'était celle) salve, sancta Parens qu'il avait apprise d'enfance et d'usage (à force de la répéter). Ni en carême, ni en charnage (temps où l'on peut manger de la viande), ni à la Pentecôte, ni à Noël, il ne chanta autre chose que cette messe ; c'était tout ce qu'il pouvait faire pour les vivans et pour les morts… (La Vierge fit un miracle en faveur de cet ignorant.)
Nota. Cette pièce est accompagnée d'un fac simile dans notre recueil.
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EXTRAIT d'un recueil de moralités, tiré d'un manuscrit sur papier, de l'ancienne bibliothèque de l'abbaye de St.-Victor de Paris.
« Come len veult jouer aux eschès len les prent en vn sachet et fait on au jeu plusieurs personnaiges Roys, Roynes, chlrs et villains, et après le jeu les remet on ou sachet ou l'en les prinst. Et avient aucune fois que celluy qui a esté Roy au jeu est au fous du sachet. Aussi joue nostre seigneur de nous qui nous prent en la terre tous nuz et nous met en diuers estaz au monde et a la mort resout touz homes en terre, car autant a le poure en terre comme a le Roy…. »
TRAD. Lorsque l'on veut jouer aux échecs, on les prend dans un sac, et on place au jeu plusieurs personnages, rois, reines, chevaliers et vilains (les pions) ; et, après le jeu, on les remet dans le sac où on les avait pris. IL arrive parfois que celui qui a été roi au jeu se trouve au fond du sac. Ainsi Notre Seigneur dispose de nous ; il nous prend dans la terre tout nus, et nous place en ce monde dans divers états ; puis à la mort il remet tous les hommes en terre (en parfaite égalité), car, dans la terre, le pauvre possède autant que le roi….
Nota. Ce morceau sera accompagné d'un fac simile dans notre recueil.
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EXTRAIT d'une circulaire de Charles vii, encore dauphin, dans laquelle il justifie le meurtre du duc de Bourgogne, Jean-sans-peur, commis sous ses yeux le 10 septembre 1419, dans l'entrevue de Montereau. La lettre entière est dans notre recueil ; nous nous bornons ici à un fragment copié sur l'original.
« De par le regent Daulphin de Viennois, duc de Berry, de Touraine et conte de Poitou.
Chiers et bien amez, nous tenons que uous auez assez sceu coment nagueres nous assemblasmes auecques le duc de Bourgogne….. il nous promist entre aultres choses faire, dedans ung moys sur la foy et serment de son corps, guerre aux anglois anciens enemis de mond. Seigneur et uostre (le roi)…. A laquelle cause soyons uenus en ceste uille de monstereau et en icelle ayons fait bailler le chasteau de cette dicte uille en nous deslogeant ; et après que nous feusmes auecques luy en la manière que il demanda, lui remontrasmes amiablement come nonobstant ladicte paix et sesd. Promesses il ne faisoit ne auoit fait aucune guerre ausd. Angloiz, ne aussy fait vvider les garnisons que il tenoit, ainsy que promis auoit esté par led. De Bourgogne, desquelles choses faire et accomplir le requerions, a quoy il nous respobndit plusieurs oultrageuses paroles, et tira son espée pour nous courir sus et villenner de nostre personne, laquelle comme depuis auons sceu il entendoit prendre et mectre en sa subjection ; de laquelle chose, la mercy nostre seigneur, et par la bonne aide de nos loyaux serviteurs auons esté preseruez et luy mort pouson oultraige et sur la place. Sy vous signiffions ces choses comme a ceulx que somes crtains que estes tres ioyeux dont ainsy auons esté préserué du tel peril ; et vous prions…..
Escript a nemoux, le xviie iour de septembre (1419). signé CHARLES et à coté à droit MALLIERE. »
Cette lettre, d'une petite écriture ronde, semi-gothique, approchant du caractère civilité, assez difficile à déchiffrer à cause des abréviations que nous avons fait disparaître, est sur une seule page en vingt-cinq longues lignes. On y voit les trous par lesquels on faisait passer les fils de soie qui la fermaient avec de la cire. L'adresse est au milieu du verso, et porte : A NOS CHIERS ET BIEN AMEZ LES CONSEILLIERS BOURGEOIS ET HABITANS DE LA VILLE DE LYON.
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DÉLIBÉRATION de la chambre des comptes de Dijon. Les membres de cette chambre, président, maîtres, auditeurs et clercs, étaient très-assidus à se rendre à ladite chambre tous les jours de la semaine depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir. Par esprit de piété plutôt que par désir du repos, ces Messieurs prirent la délibération suivante :
« Le samedy douziesme de iuillet 1438, par Messeigneurs des comptes a esté déliberé que attendu que iournellement des le matin iusques au soir, chacun iour ouurant de la sepmaine, ils sont en la chambre des comptes : que le samedy après disner ne y seront plus doresenavant en ladicte chambre pour besoingner, mais yront aux vespres et le diuin office en honneur et reuerance de la benoyste vierge marie ; consideré aussy que en la chambre des comptes a Paris les seigneurs de ladicte ils ne vont point en ycelle pour besoingner les samedys apres disner. »
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EXTRAIT de la vie de Louis ii (et non Louis iii) duc de Bourbon, mort en 1419, écrite par Jean Dorronville, vers la fin du xve siècle. Ce fragment est relatif à la manière dont ce bon duc célébrait ordinairement la fête du roi de la fève :
« Vint le iour des Roys ou le Duc de Bourbon fist grande feste et lye chere et fist son roy d'ung enfant en laage de huict ans, le plus poure que l'on trouuast en toute la uille ; et le faisoit uestir en habit royal, en lui baillant tous ses officiers pour le gouuerner, et faissant bonne chere a celuy roy, pour reuerance de Dieu. Et le lendemain disnoit celuy roy a la table d'honneur ; après venoit son maistre d'hostel, qui faisoit la queste pour le poure Roy, auquel le duc Loys de Bourbon donnoit communément quarante liuvres pour le tenir a l'escole, et tous les chevaliers de la cour, chascun un franc ; et les escuyers chascun un demi-franc ; si montoit la somme aucune fois près de cent francs, que l'on bailloit au pere ou a la mere pour les enfans a enseigner a l'escolle sans aultre oeuure ; dont maints d'iceulx en uiuoient a grant honneur. Et cette belle coustume tint le vaillant duc Loys de Bourbon, tant comme il vesquit. »
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SEIZIÈME SIÈCLE
EXTRAIT d'une prière qu'on récitait soir et matin dans toutes les familles au commencement du xvie siècle.
« Mon benoist dieu ie croy de cueur et confesse de bouche tout ce que saincte eglise croit et tient de nous et que ung bon catholique doit de uous sentir et croyre, et proteste cy deuant uostre maiesté que ie uueil uiure et mourir en ceste foy et y persuerer toute ma uie et uous recognois mon dieu createur de tout le monde. Et moy uostre poure creature subjecte et seruante uous fays la foy et hommaige de mon corps et de mon ame que je tiens de uous noblement ainsi come de mon souuerain seigneur auec tous les biens naturelz, spirituelz et temporelz que iay que oncques ieuz et que iatens auoir de uous en ce monde cy et en l'autre. et de tout mon cueur uous en loue et remercye. Et en signe de recoingnoissance uous paye de ce petit tribut au matin et au soir. cEst que ie uous adore de cueur et de bouche en foy, en esperance et en charité de ceste petite orayson qui tant seulement appartient a uostre benoiste seigneurie et diuinité. Et uous requiers….. »
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EXTRAIT du traité intitulé Le Chevalier de la Tour ; composé en 1371 par Geofroy de la Tour Landry, mais remis dans un français plus moderne vers la fin du xve siècle, et ainsi imprimé à Paris par Guillaume Eustace, en 1514, in-fol. Goth.
« Comment la fille au roy darragon perdit a estre royne despaigne.
Il est contenu es geste despaigne que le roi darragon auoit deux filles, et voulut le roy d'espaigne en auoir une ; et pour mieux eslire celle qui mieulx luy plairoit, si se contrefit e, guse dung serviteur t alla auecses amnassadeurs et messagés qui estoient ung evesque et deux barons. Et ne demandés pas se le roi darragon lur fist grant honneur et grant ioye. Les filles du roy s'appareillerent et se ratournerent au mieulx qu'elles peurent, et par especial lainsnée qui pensoit que les parolles feussent pour elle. Si furent leans trois iours pour veoir et regarder leurs contenances dont il aduint quau matin le roy despaigne qui estoit déguisé regardoit la contenance delles ; si regarda que quant len salua lainsnée quelle ne leur respondit riens que entre ses dens et estoit fiere et de grant port. Mais sa sœur estoit humble et de grant courtoysie plaine et saluoit humblement le grant et le petit…. »
Nota Un fac simile accompagne cet article dans notre recueil. Il est inutile de dire qu'après plusieurs autres renseignements pris par le faux serviteur sur le caractère et la conduite des deux sœurs, il préféra la cadette.
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EXTRAIT de l'Histoire des trois Maries, composée en vers français par Jean de Venette en 1345 et mise en prose en 1505 par Jean Drouin qui y a fait plusieurs additions auxquelles nous n'empruntons que la tirade contre le luxe des dames de Lyon, luxe qui sans doute avait été occasionné par le séjour que la cour avait fait dans cette ville pendant les guerres d'Italie. Jean Drouin apostrophe ainsi ces dames :
« O femmes de Lyon, qui en toutes gorres (25) passez les femmes de France, uostre desir ne est que en beaus habillemens et riches bagues ; uostre cueur est de tot a danser, rire, railler et gaudir a tort et a trauers ; nos grant mondanitez, uos testes accoustrées de perles, chaisnes et pierreries, seront elles cause de uostre saluament ? certes ie croys que non ; car iai ueu de mes yeulx que plus ua uauant et plus estes gorrieres. De nos parisiennes je me desporte, car elles ne portent pas si grans estat, sinon quelles le puissent bien maintenir sans reprehension. Des amyennoises ie ne dis mot, car leur uie est tres simple et leur estat tres honnest. Les orleianoises approuchent des parisiennes en plusieurs choses. Les Rouennoyses passent toutes les aultres, et les auignonoises aussy, mais a ceulx a qui il appartient i'en laisse la correction…. »
Nota. Cet ouvrage de Jean Drouin offre beaucoup d'autres singularités. Par exemple, il fait des reproches aux femmes de ne pas allaiter leurs enfans comme a fait la Sainte Vierge, « et cela par un attachement mondain à la beauté de leur sein ; ce qui touchait fort peu la mère du Sauveur. Ailleurs il exhorte les gens d'église à ne point donner de bénéfices à leurs parens « suivant l'exemple de Jésus-Christ qui ne fit pape aucun des « siens ». Il rapporte aussi une histoire de saint Lougis (ce soldat qui perça le côté de J.-C.) lequel, après sa conversion, fonda le monastère de l'Ile-Barbe, etc., etc.
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LETTRE de François Ier, écrite en 1521 ; cette lettre prouvera que si ce roi a rendu un grand service aux lettres par la protection qu'il leur a accordée, et surtout par l'usage de la langue française qu'il a rendu plus commun (26), il n'a du moins pas contribué personnellement par son style et par son orthographe à l'amélioration de cette langue. Voici cette lettre, prise au hasard entre plusieurs ; elle est adressée à sa mère Louise de Savoie.
« Madame,
Tout aseteure ynsy que ie me vouloys mettre o lit est aryué Laual, lequel ma aporte la seteneté deu leuement deu siege de Mesyeres ; ie croy que nos anemys sont en grant pene vu la honteuse etraite qu'yl ont fet : pour tout le your de demain, ie soré le chemin quys prendront. Et selon sela il nous fodra gouverner. Et s'yl ont ioué la pasyon, nous iourons la vangance (27)
Vous suplyant, Madame, vouloyr mander partout fere remercier Dieu….. et fesant fyn a ma lettre, remetant le tout seur le porteur, pry a Dieu qu'il vous doynt tres bonne vie et tres longue.
Votre tres humble et tres obeyssant fyls.
signé FRANÇOYS. »
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EXTRAIT des Annales d'Aquitaine de Jean Bouchet, publiées en 1525. Il est question dans ce passage de la réforme de Luther qui alors commençait à se répandre de tous côté, et qui mettait en mouvement tous les esprits.
« Lors commencea le temps de pleurs et de douleurs pour les injustices, exactions et aultres aduersitez depuis aduenues en France et ailleurs procédans, comme il est à croire, de plusieurs pechez publicques (sic), scauoir de heresies, superstitions, deuninations, ars magicques et choses contraires a la foy catholique qui ont eu depuis cours ; et aussi que tous estats sont peruertis et deguisez de meurs, conditions et qualitez... Le xv iour dauril mil ccccc. xxi, les faulses propositions de maistre Martin Luther furent disputees en lescolle de theologie de Paris, et comme erronées, herectiques et scandaleuses condamnées et reprouuees... par icelles ledit Martin Luther et ses adherens tndent a detruyre la monarchie de leglise romaine, lauctorité du pape, puissance et dignité ecclesiasticque, adnuller aucuns des sacremens de leglise, et entre autres celluy de confession auriculaire. Veullent donner puissance à toutes personnes chrestiennes indifferamment de consacrer prohibent la veneration des ymages, les prieres que on faict aux saincts et sainctes, contempnent toutes les institutions faictes par les papes et saincts conciles tant de jeûnes que prohibition de manger chair, et aussi des religions (ordres religieux) approuvées, tendans par ces moyens fort caultement attraire les simples personnes a viure a leur volunté et subsecutivement a denier de la foy non apparemment, mais soubs couuerture du bien.…. »
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EXTRAIT de Montaigne. On peut bien assurer qu'à la mort de Montaigne (en 1592), la langue française, à part quelques mots et l'orthographe étymologique, était formée et qu'elle avait alors toute la force, toute l'énergie, toute la concision dont une langue puisse s'honorer ; c'est pourquoi nous terminerons nos extraits par le mot que ce philosophe naïf, mais parfois un peu trop en déshabillé, a mis en tête de son ouvrage modestement intitulé Essais.
« C'est icy un liure de bonne foy, lecteur. Il t'aduertit dès l'entrée que ie ne m'y suis proposé auscune fin, que domestique et priuée : ie n'y ai eu nulle consideration de ton seruice, ny de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Ie l'ay voué à la commodité particulière de mes parents et amis…. Si c'eust esté pour rechercher la faueur du monde, ie me fusse mieulx paré, et me presenteroy en une desmarche estudiée : ie veulx qu'on m'y voye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moy que ie peinds. Mes deffauts s'y liront au vif, et ma forme naifue austant que la reuerence publique me l'a permis. Que si i'eusse esté parmy ces nations qu'on dict viure encores soubs la doulce liberté des premieres loix de nature, je t'asseure que ie m'y feusse tresvolontiers peinct tout entier et tout nud. Ainsi lecteur, ie suis moy-mesme la matiere de mon livre ; ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si friuole et si vain. Adieu donc. DE MONTAIGNE, ce premier de mars mil cinq cents quatre vingt. »
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Tels sont les fragments ou extraits d'une partie de notre Recueil des monumens de la langue française. Nous ne nous dissimulons point que ces extraits en petit nombre, et qui ne sont, pour ainsi dire, que des fragmens de fragmens, ne peuvent donner qu'une idée très-imparfaite de l'état de la langue dans les différens siècles et dans les différentes parties de la France. Mais ce n'est pas dans un espace aussi restreint qu'il était possible d'appuyer l'histoire de cette langue d'une quantité suffisante de pièces originales et authentiques, qui, raisonnées, discutées et présentées à des époques très rapprochées, fissent voir, en marquant tous ses pas, combien sa marche a été lente et cependant graduée depuis Charles-le-Chauve jusqu'à Charles v, et comment la protection que ce dernier prince a accordée aux lettres a fait prendre à cette langue un essor plus prononcé, plus suivi et qui a contribué à en accélérer les progrès ; notre Recueil complet pourra seul offrir ces développemens.
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NOTE DE RENVOI.
(Voyez ci-dessus la note, p. 7.)
COLLECTION DES ANCIENS MONUMENTS DE L'HISTOIRE ET DE LA LANGUE FRANCAISE (du XIIè au XVIè siècle), tirés des manuscrits de la bibliothèque du Roi, et formant douze ouvrages distincts, recueillis, publiés et imprimés à Paris, par M. Crapelet, de 1826 à 1834, en 13 vol. gr. in-8° sur pap. Jésus vélin fort.
CETTE belle collection, si intéressante pour l'amateur de la littérature du moyen âge, a un rapport trop direct avec l'objet que nous traitons, pour que nous ne donnions pas avec quelques détails la liste des douze ouvrages qui la composent, ainsi que nous l'avons annoncé précédemment. Cet appendice est d'autant mieux placé à la suite de notre travail, que nous terminons chacune des douze notices par un petit fragment de l'ouvrage qui en est l'objet, ces nouveaux extraits seront une heureuse addition à ceux que nous avons rapportés plus haut. Nous allons suivre l'ordre de publication de chaque ouvrage, dont nous donnerons le titre exactement; et en tête de chaque article, nous indiquerons le siècle dans lequel l'ouvrage a été composé.
1° XIIè SIÈCLE. -- VERS SUR LA MORT, par Thibaud de Marly, imprimés sur un manuscrit de la bibliothèque du Roi. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, rue de Vaugirard, N° 9. Sans date (1826). Gr. in-8° de 58 pag. Prix : 5 fr. (28)
L'avertissement, les notes et le glossaire sont de M. Méon. L'avertissement en 14 pages, est terminé par une chanson attribuée à Thibaud de Marly, et par le fragment d'un ouvrage du même Thibaud, intitulé : l'Estoire li romans mon seignor Tiebaut de Mailli (sic). Ce fragment, relatif à la conduite de l'antechrist, a plus de cent vers sur la même rime en ier. Viennent ensuite, pp. 15-41, les stances sur la mort, avec un titre latin ; elles sont au nombre de 49, de douze vers chacune. Voici la première :
Mors, qui m'as mis muer eu
mue
En tel estuve où li corps
sue
Che qu'il fist au siècle
d'outraige,
Ta lièves sor tous ta machue
;
Mès nus por ce se pel ne mue
Ne ne cange son vies usaige.
Mors, ti sueleut cremir li saige.
Or ceurt cascuns à son
damaige,
Qui n'i puet avenir, s'i rue :
Por ce ai-je cangié mon
coraige,
Et ai laissié et giu et
raige;
Mal se moulle qui ne s'essne.
Mors
fera, mors nequam
Legem dans omnibus oequam.
La dernière strophe est suivie de ces quatre vers :
Icist finent les vers
Bouchart
Dict de Marly que Dieu gart
De celui feu qui tout jor art,
Einz. le preigue à la sue
part.
AMEN,
AMEN. FIAT, FIAT.
Le glossaire à deux colonnes, pp. 43-58, termine le volume. Ces stances sont bien du douzième siècle, puisque Thihaud de Marly vivait encore en 1189. L'éditeur a jugé à propos d'employer le v au milieu des mots et d'ajouter des accens et la ponctuation au texte. Nous avouons que cela en facilite l'intelligence, mais 1'orthographe du temps en est peut-être un peu trop rajeunie.
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2° XVIè SIÈCLE.-- LETTRES DE HENRI VIII A ANNE BOLEYN, avec la traduction, précédées d'une notice historique sur Anne Boleyn. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, Sans date (1826). I vol. gr. in-8° de xxiv-229 pag., avec les portraits de Henri viii et d'Anne Boleyn. Prix : 21 fr., épuisé (29).
M. Crapelet, éditeur de cet ouvrage curieux, est auteur de la Notice historique sur Anne Boleyn (pp. 1-66) qui a exigé beaucoup de recherches. Les lettres sont au nombre de dix-sept sans date, dont neuf sont en français, si cependant on peut appeler français le jargon de ce céladon royal des bords de la Tamise ; on en peut juger par ce début de la première lettre :
"Ma mestres et amye, moy et mon ceur se meslet en vous mains, vous suppliant les avoyre pur recomandés à vostre bone grace, et que par absens vostre affection ne leur soit diminue. car pur ogmenter leur peine ce seroit grande pitié, car l'absence leur fait assés et plus que jaimès je n'usse pensé, en nos faisant rementevoire ung point de astronomie qui est telle : tant plus longe que les jors sont, tant plus elonié est le solelle, et nonobstant plus farvent, ainsi fait-il de nostre amoure..... "
Ces neuf lettres en français sont accompagnées d'une ancienne traduction anglaise ; les huit autres sont en anglais. M. Crapelet y a ajouté une traduction française. Cette correspondance a dû commencer vers la fin de 1528. Ce beau volume renferme beaucoup d'autres pièces historiques, nous en avons donné le détail dans une Lettre à M. Amanton, dont M. Crapelet a tiré des exemplaires gr. in-8° Jésus vélin, de 24 pages. Nous n'y reviendrons pas ici; nous nous contenterons de dire qu'Anne Boleyn, née en 1507, a été mariée avec Henri vers la fin de 1532, couronnée reine le 2 juin 1533, et qu'elle a été décapitée le 19 mai 1536. Son bourreau, le Néron de l'Angleterre, né en 1490, monta sur le trône le 22 avril 1509, fut marié cinq fois : 1° avec Catherine d'Aragon, renvoyée après 18 ans de mariage; 2° avec Anne Boleyn, décapitée en 1536 ; 3° avec Anne de Cleves, répudiée au bout de 6 mois ; 4° avec Catherine Howard, décapitée en 1542 ; 5° avec Catherine Parr qui l'eût été pour ses opinions religieuses en faveur de Luther, si le tyran ne fût pas mort tranquillement dans son lit, le 29 janvier 1547.
Une note typographique sur le dernier feuillet du volume, annonce que douze sortes de caractères (depuis le Saint-Augustin jusqu'à la Parisienne), ont été employés à. l'impression de cet ouvrage.
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3° XIVè SIÈCLE. -- LE COMBAT DES TRENTE BRETONS CONTRE TRENTE ANGLAIS, publié d'après les Manuscrits de la bibliothèque du Roi, par G. A. Crapelet, imprimeur. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1827, I vol. gr. in-8° de viii - 112 pag.; avec une gravure en tête, un fac-simile des deux premières pages du manuscrit, et six planches gravées des armoiries des trente Bretons. Prix : 20 fr., épuisé (30).
Dans ce beau volume, la relation (en vers) du COMBAT des trente, pp. 13-35, est imprimée en. caractères gothiques. Voici les dix derniers vers de cette relation :
Grande fu la bataille, certes n'en doubte,
mie;
Englois
sunt desconfis qui vouldrent par enuie
Auoir sur
les Bretons poste et seigneurie,
Mais
tretout leur orgueil tourna en grant folie,
Si pry a
cellui Dieu qui nasqui de Marie
Pour toux
ceulx qui furent en celle compaignie)
Soient
bretons ou englois, partout Dieu en deprie,
Au iour du
iugement que Dampne ne soient mie,
Saint
Michiel, Gabriel, ce iour leur soit en aie,
0r en dites
amen tretoux que Dieu loctroye,
Cy fine la
bataille de XXX Englois et de XXX Bre-
tons qui
fut faite em Bretaigne lan de grace
mil trois
cens cinquante le semmedi deuant letare
Jhérusalem.
C'est-à-dire le samedi 27 mars 1351 (nouv. style), Pâques étant tombé cette année le 18 avril. Comme l'année commençait alors à Pâques, le 27 mars précédant le 18 avril faisait nécessairement partie de 1350. Cette relation, dont l'auteur est inconnu, a dû être rédigée vers la fin du xive siècle; et le manuscrit qui est d'une écriture ronde peu régulière, peut être du commencement du xve. Le volume a d'abord un Avertissement, pp. iij-viij, puis les fac-simile et la description du manuscrit, pp. 1-9; vient ensuite le Combat, pp. 13-35; le texte est suivi d'une traduction littérale, pp. 37-58, faite par M. Crapelet; elle était nécessaire, ainsi qu'une autre relation du combat, extraite des Chroniques de Froissart, pp. 61-68.
On trouve ensuite, pp. 71-105, la description du Monument élevé en mémoire du combat des trente, en 1819, dans la lande de Mi-Voie, sur le bord de la route de Ploërmel à Josselin (Morbihan). Le volume est terminé par la Description héraldique des armoiries des trente Bretons, pp. 107-111, avec six planches donnant 31 écussons.
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4° XVe SIÈCLE. -- Histoire de la Passion de Jésus-Christ, composée en MCCCCXC, par le R. P. Olivier Maillard; publiée en 1828, comme monument de la langue française au xve siècle; avec une notice sur l'auteur, des notes et une table des matières, par Gabriel Peignot. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1828. 1 vol. gr. in-8° de xxiv-119 pag., avec une figure du Christ portant sa croix, par Lignon. Prix : 8 fr. (31)
Les préliminaires de ce volume renferment une Préface de M. Crapelet, pp. v-xvii, et une Lettre que je lui ai adressée le 10 octobre 1827, pp. xix-xxiv. La Notice sur Olivier Maillard occupe les pp. 1-24, et la Passion, les pp. 27-72. Voici un échantillon du style du révérend Père; il raconte ainsi les outrages qui suivirent la condamnation du Sauveur :
"… Lors, ainsi que blasphémateur, fut de tous condampné à mort, et luy firent opprobres et iniures innumérables. Car sa face, que les anges desirent à veoir, fut toute couuerte de leurs excréations et gros et puans crachats; le benderent, et de la sapience divine jouoient au Chapefou (Colin-Maillard), en le frappant de toutes parts où ils pouoient, de collées, de buffes, du poing et de ce qu'ils tenoient, en disant : Prophétise-nous, Christ, qui t'a feru, et aultres plusieurs blasphemes disoient contre luy. Cecy moult ljui aggrauoit sa douleur. Et, s'en allans dormir les satrapes, il demoura entre les mains de leurs garsonnailles et serviteurs qui lui faisoyent tous les maulx qu'ils pouuoient penser, sans quelque repos…"
Après la Passion, viennent la prétendue Lettre de Lentulus sur J.-C., celle d'Abgare à J.-C., et la réponse du Sauveur; puis les notes sur la Passion, pp. 79-108, et la table des matières, pp. 109-119.
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5° XVe SIÈCLE. -- Le Pas d'armes de la Bergère maintenu au tournoi de Tarascon; publié d'après le Manuscrit de la bibliothèque du Roi; avec un précis de la chevalerie et des tournois, et la relation du carrousel exécuté à Saumur, en présence de S. A. R. Madame, duchesse de Berry, le 20 juin 1828; par G. A. Crapelet, imprimeur. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1828, 1 vol. gr. in-8° de iv-152 pag., avec fac-simile de la première page du manuscrit, surmontée d'une miniature enluminée. Prix : 17 fr (32).
Ce tournoi eut lieu à Tarascon, en présence du roi René, au mois de juin 1449, et la relation en vers par Louis de Beauveau, grand sénéchal de ce prince, et témoin oculaire, a été faite peu après cet événement chevaleresque, car le manuscrit d'où elle est tirée (24 feuillets de vélin, pet. In-4°), est en ancienne bâtarde du milieu de ce siècle. Le Précis de la chevalerie et des tournois, pp. 3-28, est fort intéressant; la Notice sur le pas de la Bergère, pp. 33-52, ne l'est pas moins. Suit la description du manuscrit, pp. 53-58; enfin Le Pas de la Bergère (en 1080 vers) occupe les pp. 61-108. L'annonce du tournoi y est ainsi exprimée (vers 73-84) :
On fait sauoir à tous
generaument,
Tant cheualiers comme escuiers
gentils,
Qu'au premier iour de iuing
prochainement
De tant qu'ils sont en joustes
ententis,
A Tharascon, en ung lieu moult faitis
(agréable),
On trouuera pour iouster unes
lices,
Appartenans a tieulx plaisans delices,
Et à ung bout, chascun bien le
verra,
Une gente pastourelle serra
Soubx ung arbre gardant ses
brebiettes,
Laquelle ara, car bien lui afferra,
Ses chosettes propres et
joliettes….
A la suite de la relation sont les Notes sur les chevaliers qui ont tenu la lice, pp. 109-114. Le volume est terminé par la Fête et Carrousel donnés à S. A. R. Madame, duchesse de Berry, a son passage dans la ville de Saumur, le vendredi 20 juin 1828, pp. 117-150; puis la table et corrections, 2 pag.
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6° XIIIe SIÈCLE. -- L'Histoire du Chatelain de Coucy et de la Dame de Fayel, publiée d'après le Manuscrit de la bibliothèque du Roi, et mise en français par G. A. Crapelet, imprimeur, chevalier de la Légion-d'Honneur, membre de la société des Antiquaires de France. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1829; 1 vol. gr. in-8° de xx-428 pag., avec eux planches présentant chacune deux sujets de l'histoire, accompagnées du fac-simile de l'écriture du manuscrit. Prix : 25 fr (33).
On croit que la composition de ce poëme qui renferme 8,244 vers, est du xiiie siècle, environ 1228; le manuscrit, si l'on en juge par le costume des personnages dans les deux planches et par l'écriture, serait du commencement du xive. Les pièces préliminaires consistent dans la préface, où M. Crapelet résume avec autant d'érudition que de goût les diverses opinions relatives à la véracité de ce récit épouvantable. Du Belloy, auteur de la tragédie de Gabrielle de Vergy, pense que le fait a existé. De la Borde est d'avis que l'amour et les chansons de Raoul de Coucy ne regardent point Raoul i, sire de Coucy, mais bien le châtelain Raoul, son neveu, qui naquit vers 1165, d'Enguerrand de Coucy, frère de Raoul i. Le Grand d'Aussy regarde toute cette histoire comme une fable. M. Crapelet, qui taxe Le Grand de beaucoup de légèreté dans l'examen qu'il a fait du manuscrit, semblerait, d'après Fauchet, pencher pour l'affirmative. A la suite de la préface, vient la description du manuscrit de la bibliothèque du Roi, pet. in-4°, qui contient 159 feuillets écrits sur deux colonnes en grosse bâtarde. Ces pièces préliminaires occupent les pp. i-xx. Enfin Ci commence li Roumans dou Chastelain de Couci et de la dame du Fayel, pp. 1-272. En tête est un fac-simile de l'écriture et du dessin de la première page du manuscrit, et vis-à-vis la page 269 est le fac-simile du second dessin relatif à la mort de la dame du Fayel. Donnons un échantillon du style de l'auteur. Au moment où finit le funeste repas dans lequel cette dame a mangé, sans le savoir, le cœur de son amant, son mari lui présente la lettre qu'il avait surprise avec l'envoi du cœur, et lui dit :
Connoissiés-vous ces
armes-cy?
C'est dou chastelain de Coucy.
En sa main la letttre li baille,
Et li dist : Dame, créés sans
faille,
Que vous son cuer mengié
aués,
De certain sauoir le pouès.
La dame atant li respondy :
Par Dieu, sire, ce pose my;
Et puis qu'il est si faitement,
Ie vous affi crtainement
Qu'à nul iour mès ue
mengeray,
D'autre morsel ne metteray
Deseure si gentil viande.
Or m'est ma vie trop pezande
A porter, ie ne voel plus vure.
Mort, de ma vie me deliure!
Lors est à icel mot pasmee…
(Vers 8,073-8,089)
Le texte du poëme est suivi de la traduction de l'Histoire du Chatelain de Coucy et de la dame de Fayel, pp. 276-427, rendue très fidèlement dans le français actuel, par M. Crapelet. Cette traduction offrait de grands difficultés; elle est accompagnée de notes curieuses et intéressantes dont plusieurs sont historiques et regardent les diverses familles dont il est parlé dans l'ouvrage.
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7° XIVe SIÈCLE. -- Cérémonie des gages de bataille selon les constitutions du bon Roi Philippe de France, représentées en onze figures, suivies d'instructions sur la manière dont se doivent faire empereurs, rois, ducs, marquis, comtes, vicomtes, barons, chevaliers; avec les avisemens et ordonnances de guerre; publiées d'après le Manuscrit de la bibliothèque du Roi, par G. A. Crapelet, imprimeur, chevalier de la légion d'honneur, membre de la Société des Antiquaires de France. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1830, 1 vol. gr. in-8°, de xij-88 pag. Avec onze planches. Prix : 20 fr (34).
Les constitutions du roi Philippe-le-Bel, rapportées dans ce volume, datent de Paris le mercredi après la Trinité (c'est-à-dire 1er juin) de l'an 1306; et le manuscrit, in-4°sur vélin, de 45 feuillets, en belle bâtarde très-régulière et un peu arrondie, peut-être du milieu du xve siècle. L'Avertissement a deux pages, la Description du manuscrit en a quatre. Puis les Cérémonies des gages de bataille faits par querelle, pp. 1-35, précédées de l'ordonnance du roi et divisées en xvi articles, sont entremêlées des onze gravures représentant chaque cérémonie. -- Suivent les instructions et ordonnances sur la manière de faire empereurs, rois, etc., pp. 37-68; elles sont divisées en xxvi articles. Pour donner une idée de cet ouvrage, nous citerons un passage tiré d'un article de cette dernière partie : Comment se doit faire ung chevalier. L'écuyer qui veut se faire recevoir chevalier, doit avoir bien voyagé, avoir esté en plusieurs fais d'armes dont il soit sailly à son honneur, et faut, pour plus honorablement le faire, qu'il se trouve en aucune bataille ou grant assault ou rencontre."
"Lors doit aduiser le chief ou quelque autre vaillant cheualier de la compaignie; et lors il doit venir à lui demander et reqerir la très noble ordre de cheualerie ou nom de Dieu, de Nostre Dame, et de Monseigneur saint George le bon chaualier; et doit tirer son espée et la lui bailler. Alors le seignur ou cheualier doit prendre l'espée de l'escuier et dire : Ie te fay cheualier ou nom de Dieu, de Nostre dame et de nostre chief monseigneur saint George le bon cheualier, pour nostre vraye foy, saincte Eglise et iustice loyaument soustenir, et a ton pouoir deffendre et garder le droict des fmmes où ne sauras aucun reproche, et enffans et orphelnis…." pp. 50-51.
Il est dit ensuite qu'on peut faire chevalier partout ailleurs que sur le champ de bataille, mais sur tous, ceulx qui sont fais en « armes sont tenuz les plus vaillans et les plus chiers ».
Le volume est terminé par le Discours abrégé avec l'ordonnance entière du Roy saint Louis contre les duels; par Jean Savaron, conseiller du roi, etc. au roi très-chrétien Louis xiii, 1614, pp. 71-84. La table, en quatre pages, suit l'ordonnance du roi saint Louis.
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8° XIIIe et XIVe SIÈCLES. -- Proverbes et Dictions populaires, avec les dits du mercier et des marchands et les crieries de Paris aux xiiie et xive siècles, publiés d'après les Manuscrits de la bibliothèque du Roi; par G. A. Crapelet, imprimeur, chevalier, etc. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1831, gr. in-8° de iv-205 pages, avec deux fac-simile. Prix 18 fr.
Dans ce volume, les Proverbes et dictons du xiiie siècle (en prose) occupent les 124 premières pages. -- Les Foires de Champagne et de Brie vont de la page 125 à la 134e. -- Les Crieries de Paris, par Guillaume de Villeneuve, pp. 137-146, sont en vers, ainsi que la pièce intitulée d'un mercier, pp. 149-156; le Dit des marcheans (aussi avec un fac simile), pp. 169-185; et enfin les Proverbes de Marcoul et Salemons, pp. 190-200. Les tables en pages terminent le volume. Voici une strophe tirée des Proverbes au Conte de Bretaigne, pag. 178 :
Chastie ton parent
(ton enfant)
En sou coummencement,
Se tu en veus joïr;
Se tu fais autrement,
L'usaige qu'il aprent
Li couient maintenir;
Nus n'est mal entechiez
Qui ne soit mahaigniez,
Ce dit li vilains.
Ce dernier vers est le refrain de toutes les strophes qui sont au nombre de cinquante-quatre.
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9° XIVe SIECLE. -- Poésies Morales et Historiques d'Eustache Deschamps, écuyer, huissier d'armes des rois Charles v et Charles vi, châtelain de Fismes, et bailli de Senlis; publiées pour la première fois d'après le Manuscrit de la bibliothèque du Roi; avec un précis historique et littéraire sur l'auteur; par G. A. Crapelet, imprimeur, chevalier, etc. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1832, gr. in-8° de lxviii-288 pag., avec un fac-simile d'une page du manuscrit. Prix : 25 fr.
Addition au Précis historique et littéraire sur Eustache Deschamps, poète du quatorzième siècle; (par G. A. Crapelet. Paris, le 26 juillet 1834), gr. in-8° de xxiv pag.
La publication des Poésies d'Eustache Deschamps est un vrai service rendu aux amateurs de notre ancienne littérature; car ce poète, souvent cité, jamais publié, et par conséquent peu connu, rivalise, par la variété de ses connaissances, par son talent poétique et par l'abondance des pensées, avec ce qu'il y avait de plus distingué dans son temps, c'est-à-dire au xive siècle. Grâces donc soient rendues à M. Crapelet, qui secouant les cendres de tant de vieux écrivains français entassés dans le columbarium de la bibliothèque du Roi, en a fait sortir un nouveau recueil de poésies, qui ajoute un nouveau fleuron à la couronne littéraire de la Champagne. La première pièce des préliminaires de ce recueil est un excellent Précis historique sur Eustache Deschamps, pp. i-lvi. Ce précis a coûté beaucoup de recherches à M. Crapelet qui, deux ans après, (en 1834) l'a complété par une heureuse addition dans laquelle on ne lira pas sans attendrissement les Lettres royaux de 1404, où le bon roi Charles VI rend une si éclatante justice aux vertus et aux qualités d'Eustache Deschamps. Après le Précis historique vient la description du manuscrit de la bibliothèque du Roi, pp. lvi-lxviii, gr. in-4° de 600 feuillets, y compris la table. Ce volume, qui a dû coûter fort cher de fabrique, car il est en vélin, renferme 1175 ballades, 171 rondeaux, 80 virelais, 14 lais, 28 farces, complaintes et traités divers, 17 lettres et épîtres, en tout 1485 pièces, dont trois seulement sont en prose. L'écriture appartient à plusieurs mains qui toutes n'avaient pas le même degré d'habileté. Ce manuscrit, dont on porte le nombre des lignes à 80,000, est du xve siècle. On pense bien que M. Crapelet n'a pu donner qu'un choix des œuvres de notre brave champenois, mais ce choix est très-bien fait; il occupe les pp. 1-282. Citons deux strophes de sa Ballade sur les beautés de Paris.
C'est la cité sur
toutes coronnée,
Fonteine et puis de sens et de
clergie,
Sur le fleuve de Saine
située.
Vignes, bois et terres et praerie,
De touz les biens de ceste mortel
vie,
A plus qu'autres citez n'ont.
Tuit estrangier l'ament et ameront,
Car pour déduit et pour estre jolis,
Jamais cité tele ne
trouveront,
Riens ne s puet comparer à
Paris.
Mais elle est bien mieulx que ville fermée,
Et de chasteaulx de grand
ancesserie;
De gens d'onneur et de méchans
peuplée;
De touz ouuvrier d'armes,
d'orfauerie,
De touz les ars c'est la flour, quoy qu'on
die;
Tous ouraiges adroit font,
Subtil engin, entendement parfont,
Verrez auuoir aux habitants
toudis,;
Et liyaulté aux euures qu'ilz feront
:
Riens ne se puet comparer à Paris (pag.
25).
La dernière pièce (en prose) du Recueil, pp. 261-282, est intitulée : Ci commence l'art de dictier et de fère chançons, balades, virelais et rondeaulx, et comment anciennement nul ne osoit apprandre les sept ars libéraulx ci-après déclarez (35), se il n'estoit noble. Ce cours de littérature est certes bien différent de ceux de notre célèbre M. Villemain; il n'en est pas moins curieux pour le temps. Six pages de tables non chiffrées, terminent le volume.
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10° XIe et XIIIe SIECLE. -- Tableau de mœurs au dixième siècle, où la cour et les lois de Howel-le-Bon, roi d'Aberfraw de 907 à 948, suivi de cinq pièces de la langue française, au onzième et treizième siècles, telle qu'elle se parlait en Angleterre après la conquête de Guillaume de Normandie, et terminé par une Notice historique sur la langue anglaise, depuis son origine jusqu'au xviiie siècle. (Par Gabriel Peignot). A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1832, gr. in-8° de v-104 pag. Prix : 12 fr.
Ce volume est ainsi divisé : 1° La cour et les lois de Howel-le-Bon, pp. 1-39; 2° Cinq Monumens de la langue française telle qu'elle se parlait aux xie et xiiie siècles en Angleterre, imprimés en gothique pp. 43-80; et 3° Notice historique sur la langue anglaise, pp. 83-104. Voici un échantillon du français tel qu'il se parlait et s'écrivait en Angleterre à la fin du xiiie siècle (1292). C'est l'acte de foi et hommage de Jean de Baliol, roi d'Ecosse à Edouard Ier, roi d'Angleterre :
"Mon Seigneur, mon sire Esward, Rey de Engleterre, souereign seigneur du Reaume de Escoce, ie Johan de Baillol, Rey de Escoce, deuien nostre home lige de tot le Reaume de Escoce, oue les Aportenances, e a quant qe il y apent : lequel ie tieng, e dei de dreit, e cleim pur moy, e mes hyurs, Reys de Escoce, tenir héritablement de uous, e de uos heyrs, Reys de Engleterre, e fey e leaute porterai a uous e a vos heyrs, Reys de Engleterre, de vie et de membre e de terrien honur countre tutes gens qui poent uiuere e morir. (pp. 75-76).
Depuis la publication de ce volume, nous avons découvert un petit article intitulé : Bilan de la langue anglaise, dont nous aurions parlé dans notre Notice sur l'histoire de cette langue, si nous l'eussions connu. L'auteur prétend que la langua anglaise possède 15,799 mots, et que tous ces mots proviennent des diverses langues mortes ou vivantes dans les proportions suivantes :
Du latin : 6723 mots
Du français : 4812
mots.
Du saxon : 1665 mots.
Du grec : 1148 mots.
Du hollandais : 691 mots.
De l'italien : 211 mots.
De l'allemand : 166 mots.
Du welche : 95 mots.
Du danois : 75 mots.
De l'espagnol :56 mots.
Du suédois : 50
mots.
De l'islandais : 50 mots.
De diverses autres langues : 41
mots.
La ponctuelle exactitude de ce patient nomenclateur, quant au chiffre et à l'essence de ces dérivés, ferait le principal mérite de ce petit tableau, si l'on pouvait y ajouter foi pleine et entière ; mais le doute est permis. La langue française exercerait bien davantage la patience d'un glossologue, car avant la révolution de 1789 elle comptait 32,000 mots ; maintenant on en porte le nombre à 40,000 ; et si peu que cela continue aussi rapidement, bientôt nos mots atteindront le chiffre des lettres de l'alphabet chinois, qui n'est, dit-on, que de 80,000.
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11° XVè SIECLE. -- LES DEMANDES FAITES PAR LE ROI CHARLES vi, touchant son état et le gouvernement de sa personne, avec les réponses de Pierre Salmon son secrétaire et familier; publiées avec des notes historiques d'après les Manuscrits de la bibliothèque du Roi) par G. A. Crapelet, imprimeur, chevalier, etc.; dix planches et fac-similé. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1833, gr. in-8° de XXII-176 pag., avec un fac-simile et neuf planches. Prix : 30 fr.
Ce volume, imprimé avec des titres de chapitres en encre rouge, est un des plus curieux de la collection, soit pour ce qu'il renferme, soit pour son exécution typographique, conforme, autant qu'il a été possible, au beau manuscrit (sur vélin) de la bibliothèque du Roi, que M. Crapelet a pris pour copie, et dont il donne la description, pp. xvii-xxii; il l'a préféré à un autre (sur papier), dont il donne aussi la description, et qui est comme une seconde édition du premier, mais différente et plus ample sans être meilleure. Les neuf gravures qui accompagnent l'ouvrage sont fort curieuses à cause des costumes, surtout celles où Charles vi est représenté soit debout ou assis avec les ornements royaux soit couché, etc. Dans l'une d'elles on voit Salmon présentant son livre (le premier mss.) à Charles vi (en 1409). Ce volume, petit in-fol., écrit en belle bâtarde à longues lignes (28 par page), est composé de 121 feuillets de beau vélin. Il a été acheté à la vente des livres du duc de La Vallière, en 1783; pour la somme de 1290 liv. 19 s. Voyez la longue et curieuse Notice sur cet ouvrage dans le catalogue des livres précieux de ce duc, tom. iii, n° 5070, pp. 197-106. Cette Notice doit être du célèbre M. Van-Praet. Le Prologue, dans le volume de M. Crapelet, occupe les pp. 4-11, puis les Demandes, les pp. 12-40. Viennent ensuite les Lamentacions et les Epistres de P. Salmon, pp. 41-167 ; cette partie historique est très intéressante. Salmon, parlant de son ouvrage dans son prologue à Charles vi, fait preuve de piété et de modestie, comme on le voit par ce passage, pag. 9):
"Très hault et excellent prince, à l'onneur et loenge d'icellui mesmes mon créateur (il venait de parler deDieu ), de sa glorieuse mère et de toute la court de Paradis et le salut de vostre ame aussy, se Dieu plaist, et le bon gouvernement de vous et de vostre royaume, j'ay pris ma plaisance et devocion selon mon rude engin (génie) et gros entendement de escrire et compiler ensemble les choses cy-aprèz escriptes.........."
Le volume est terminé par une table des matières en 8 pages.
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12° XIIè SIÈCLE. -- PARTONOPEUS DE BLOIS, publié pour la première fois d'après le Manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal, avec trois fac-simile, par G. A. Crapelet, imprimeur, chevalier, etc. A Paris, de l'imprimerie de Crapelet, 1834, 2 vol. gr. in-8°, le premier de 47-LXVIII-172 pag.; avec les trois fac-simile, le second, de 224 pages. Prix : 45 fr.
On fait remonter la composition de ce poème au xiiè siècle. Les pièces préliminaires, toutes marquées au coin de l'érudition, présentent le plus grand intérêt. Elles offrent,
1° Une Préface de l'éditeur (M. Crapelet), pp. 1-20, chiffrées au bas de la page. Ce morceau, très bien fait, renferme des jugements et des principes littéraires dictés par la raison, et avoués par le goût le plus pur.
2° La Description des trois manuscrits consultés pour cette publication, savoir celui de l'Arsenal que l'on a suivi particulièrement, celui, de la bibliothèque du Roi, n° 1830, et un autre également de la bibliothèque du Roi, n° 6985. Trois fac-similé reproduisent une même page prise dans chaque manuscrit, afin que l'on puisse comparer et apprécier les trois différents textes. Ces descriptions occupent les pp. 21-47. M. Crapelet, auteur de ces descriptions, J mentionne un travail vraiment incroyable d'un célèbre amateur, M. de Monmerqué, si versé dans la littérature du moyen âge et si au courant du siècle de Louis xiv. C'est une copie de PARTONOPEUS exécutée par M. de Monmerqué lui-même, et formant un volume de 728 pages, avec toutes les variantes que présentent les trois manuscrits en question et un quatrième qui appartenait à M. Garnier; toutes ces variantes sont indiquées en encre de différentes couleurs, noire, rouge, bleue et verte. M. Crapelet a bien raison de dire que, «C'est une œuvre d'amour et de patience littéraires, qui aurait effrayé un Bénédictin et qui est étonnante et admirable chez le savant et l'homme du monde.»
3° Un Examen critique du poëme de Partonopeus, par M. Robert, conservateur de la bibliothèque de Sainte Geneviève, pp. iii-lxviii. Le savant auteur de ce morceau intéressant commence par tracer rapidement l'histoire de la langue romane, et fait très bien ressortir ses différentes phases jusqu'au xiiiè siècle ; puis arrivant au poème de PARTONOPEUS, il en donne une analyse raisonnée qui en développe parfaitement toute l'importance. Vient ensuite le teste du poème qui occupe 172 pages du premier volume, et 198 du second. La défectuosité des mss. est cause qu'il n'est point terminé ; on en est resté au 10856è vers ; mais il manque peu de chose. Citons de ce long poëme un petit passage sur la division de la terre en trois parties, les seules connues alors :
Li livre griu (grecs) et li latin.
Nos devisent de fin en fin
Trestot le mont (monde) en trois
parties,
Si's ont par nom bien escharies :
Europe ont l'un quartier
nomé,
Aufrique r'ont l'autre apelé
;
C'est la moitié ; et
autretant
Tient toute seule Aise (Asie) la grant.....
(Voy. p. 6.)
Un vocabulaire de 13 feuillets termine le second volume.
_________
Nous annonçons à regret que ce beau livre est le dernier que doit publier dans ce genre M. Crapelet, puisqu'il dit lui-même dans la préface : « Cet ouvrage sera la fin et le complément de cette collection. » Espérons que ce n'est pas là le dernier mot de M. Crapelet, ou pour mieux dire, espérons que des encouragements aussi indispensables que justement mérités (car ici disparaît toute idée de spéculation mercantile), le mettront dans le cas de continuer une entreprise si précieuse pour l'histoire de notre langue, si honorable pour la typographie française et si glorieuse pour la littérature du moyen âge.
FIN.
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ADDITION relative au changement de prononciation dans certains mots de la langue française, pour faire suite à la NOTE, pp. 15 et 16, sur l'altération de la prononciation du latin.
L'époque où s'est opéré un changement de prononciation dans certains mots delà langue française, n'est pas aussi incertaine que celle de l'altération de la prononciation du latin, qui eut lieu depuis l'invasion des Barbares, c'est-à-dire depuis les ivè et vè siècles. Nous savons, par exemple, que sous le règne de François ier, la dernière syllabe des mots anglois, francois, j'aimois, j'étois, etc., avait le même son que les monosyllabes loi, soi, moi, toi ; ainsi l'on prononçait angloi, françoi, j'aimoi, j'étoi ; etc. Mais vers la fin du règne de Henri ii, fils et successeur de François ier, cette même syllabe ois a commencé à se prononcer ès ou ais et voici à quelle occasion.
Henri ii épousa en 1533 Catherine de Médicis, fille unique de Laurent de Médicis, née à Florence. Cet événement attira beaucoup d'Italiens à la cour de France, et plusieurs y prirent rang. Comme la langue italienne est privée du son oi, ces nouveaux venus, embarrassés pour prononcer cette diphthongue, qui se trouve dans une infinité de mots, surtout dans les imparfaits des verbes, y substituèrent le son de l'è ouvert. Bientôt cette nouvelle prononciation imitée et affectée par les courtisans francais pour plaire à la reine, se répandit et passa de la cour à la ville ; de sorte qu'il fut du bon ton de prononcer à l'italienne. Ce fait nous est révélé par Henri Estienne dans ses DEUX DIALOGUES du nouveau langage françois italianizé et autrement déguisé entre les courtisans de ce temps, Paris (1579), in-8°. L'auteur s'exprime ainsi : "On n'ose plus dire, françois, françoise, sur peine d'estre appellé pédant ; mais faut dire francès, francèse comme anglès, anglèse, j'étès, je faisès, et non pas anglois, angloise, j'étais, je faisois....."
Cependant ce changement de prononciation ne s'est fait ni subitement, ni généralement ; car Boileau qui commençait à travailler à son Art poétique en 1660, nous dit encore dans le premier chant:
Durant les premiers ans du parnasse
françois,
Le caprice tout seul faisoit toutes les
lois. (V. 113-114.)
Racine et Molière offrent aussi quelques rimes de ce genre.
Nous ajouterons que ce changement ne s'est pas fait non plus d'une manière uniforme. Combien de mots ont conservé le son oi! et combien d'auteurs voulaient qu'on soumît toutes les diphthongues de ce genre à la nouvelle réforme ! Ménage prétend que l'on devait dire, courtais, courtaisie ; d'autres affectaient de prononcer et d'écrire: "Quoi qu'il en sait, je crais qu'il fait fraid dans cet endrait. " Et notre bon La Fontaine ne s'avise-t-il pas de faire rimer des cases étrètes avec retraites, et des portes étrètes avec belettes ! Cette pitoyable prononciation rendrait assez vraisemblable une vieille anecdote, qui, toute rebattue et triviale qu'elle est, trouve ici naturellement sa place : Une actrice de province, belle parleuse du temps, s'écrie :
...... Il revient ! ô ciel ! puis-je le craire !
Sa confidente craignant de blesser la rime, lui répond :
Oui Madame, il revient, et tout couvert de glaire.
On avouera qu'il eût été ridicule d'appliquer la nouvelle prononciation à toutes les diphthongues en oi.
C'est à ce changement de prononciation qu'est due la réforme orthographique que Voltaire a introduite dans notre langue environ deux cents ans après le règne de Henri II ; car c'est vers 1750 qu'il a commencé à substituer l'a à l'o, dans les imparfaits et dans les mots où la diphthongue oi a pris le son de ai. Cette réforme était-elle nécessaire? est-elle utile? Ce n'est nullement l'avis du savant M. Charles Nodier qui, p. 139 de ses curieux MÉLANGES tirés d'une petite bibliothèque, Paris, 1829, in-8°, gourmande assez vivement à ce sujet le patriarche de Ferney. Voici ce qu'il y dit à l'occasion d'un petit livre assez rare, intitulé, La TRICARITE, plus quelques chants an faueur de plusieurs damoêselles, par C. de Taillemont, lyonoes. Lyon, 1556, in-8°:
"Taillemont (dont 1'orthographe est essentiellement pittoresque, dit M. Nodier, et renferme des parties qui annoncent de l'habileté), n'a pas eu du moins la folle et funeste prétention de Voltaire, qui, en substituant des élémens imparfaits d'orthographe, à d'autres élémens qui ne l'étaient pas davantage, n'a prouvé qu'une présomptueuse impéritie en grammaire. C'est cependant cette innovation ridicule qui a envahi toutes les presses.... Heureusement pour la gloire de Voltaire, ce grand homme avait d'autres titres et des titres plus assurés à l'admiration de la postérité; mais il est bien fâcheux qu'il ait ambitionné celui-là. Supposez un sot à sa place, je doute que ce sot, quelque sot qu'il fût, eût attaché plus d'importance à une sottise."
Quoique nous ne suivions point (en écrivant), l'orthographe de Voltaire, nous ne regardons cependant pas sa réforme d'un oeil aussi sévère que le fait M. Nodier; il y a même des mots où elle nous paraît admissible pour fixer la prononciation. Par exemple, qu'un étranger qui apprend notre langue et qui veut la parler avec exactitude, rencontre dans un ancien livre, les mots polonois, danois, charollois, lillois, etc., qu'est-ce qui lui indiquera que les finales de ces mots toutes écrites de la même manière, se prononcent cependant différemment? Il est certain que son embarras cessera si les mêmes mots sont écrits selon la nouvelle orthographe, c'est-à-dire, polonais, danois, charollais, lillois. Nous savons qu'on a répondu habilement à cette objection ; mais l'a-t-on fait victorieusement? Au reste, rien de plus bizarre que notre orthographe et notre prononciation ; aussi Rivarol a raison de dire qu'on s'est fait une langue écrite (conforme à l'origine des mots), et une langue parlée ( conforme au génie de la nation), ce qui occasionne entre l'orthographe et la prononciation un divorce qui dure et durera encore longtemps.
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MONUMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE AU XIIè SIÈCLE,
OMIS p. 53.
EXTRAIT d'une traduction de la Passion, que l'on croît d'environ 1198. Insultes faites au Sauveur et reniement de saint Pierre.
"Dons encommencerent li alquant scupir en lui et cuverre sa face, et batre a coleies et dire a luy, devyne : et li ministre lo battoient a fucicies. Et quant Pieres estoit en la cort de lez, se vint une des ancelles lo soverain prestre, et quant ille ot vent Pieron ki se chafieuet al feu, se lesvui ardeit et se dist a luy : et tu estoies avec jehu de galileie. Cil desnoiet davant toz et se dit, ne ni sai ne ni nentent ce ke tu dis. Si ussil fuers davant la cort, se chanteit li jas. Lo parax quant une altre ancelle lot veut, se dist a ceos ld lai encor esteivent, car cist è de ceos. Lo parax un petit après dissent a Pieron cil ki lai estreivent, vraiement tu es de ceos, car tu es aussi galileus. Et cil encommencoit excommunier et jurier ke ju ne sai ke cist hom soit ke vos dites. Maintenant lo parax chanteit li jas : (car es ta parole te fait aparissant) se recordeit Pieres la parole jhesu....... "
TRADUCTION. Donc quelques-uns commencèrent à cracher sur lui, à couvrir sa face, et à lui donner des soufflets et à lui dire: devine ; et les ministres le frappaient de coups sur la joue. Et quand Pierre était près de là dans la cour, survint une des servantes du grand-prêtre, et quand elle eut vu Pierre qui se chauffait auprès du feu, elle se leva aussitôt, et lui dit : Tu étais avec Jésus de Galilée ; celui-ci le nia devant tous, et dit : Je ne sais, ni n'entends ce que tu dis. Il sortit devant la cour et le coq chanta. Pareillement, quand une autre servante l'eut vu, elle dit à ceux qui étaient encore là, Celui-là est un de ceux (de Jésus) ; un peu après ceux qui étaient là dirent à Pierre, Tu es d'entre eux, car tu es Galiléen ; et Pierre commença à excommunier (c'est-à-dire à protester avec emportement), et à jurer : Je ne sais ce que c'est que l'homme dont vous parlez. Aussitôt le coq chanta pareillement (et se vérifia la parole). Pierre se ressouvint de la parole de Jésus.....
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ERRATUM.
PAG. 47, lign 9, martyr ; lisez martyre.
TABLE DES MATIERES.
ACTES du martyre de S. Etienne (Extrait des), rapporté comme monument de la langue romane au xè siècle, p. 47.
ADALBERON (Extrait d'une bulle d'), monument de la langue au. xiè siècle, p. 49.
ADELUNG (M. Fréd.), savant glossographe, cité p. 42. -- Nombre de langues et dialectes qu'il présume exister sur le globe, p.43, note.
ADHEMAR de Monteil, évêque de Metz ; extrait de son ordonnance contre les moines, rapporté comme monument de la langue au xivè siècle, p. 61.
AGATHIAS, écrivain du viè siècle, cité au sujet des Francs, p. 21, note.
AIMOIN, historien, cité p. 23, note.
AMANTON (M.), membre de plusieurs Académies, cité p. 80.-- Puis, pp. 79, 81, 82, 84, 85, 87, notes.
Annales d'Aquitaine, par J. Bouchet, (Extrait des), monument de la langue au xviè siècle, p. 74.
Armorique, étymologie de ce mot, p. 17, note.
Arts libéraux (Les sept). Ce qui les composait, p. 91.
ATHANASE (Symbole attribué à S.), monument de la langue au xè siècle, p. 49.
Auteurs latins (Quelques) nés dans les Gaules, p. 14, note.
BALBI (M. Adrien), savant auteur de L'Atlas ethnographique, cité p. 6, note; --mots de la langue des troubadours et de celle des trouvères empruntés à cet atlas, p. 42. --Nombre de langues et de dialectes que M. Balbi présume exister sur le globe, p. 42, note.
Bas-Breton, dialecte du Gallois, p. 11 ;--ses dialectes actuels, p. 12.
Basque (La langue) ; ses dialectes actuels, p. 13.
BATHILDE (Extrait de la vie de Ste), monument de la langue au xiiè siècle, p. 55.
BERNARD (Extrait d'une lettre de S.), monument de la langue au xiiè siècle, p. 53.
Bible ( La ) a déjà été traduite en 139 langues différentes, p. 43, note.
Bible hystoriaux (Extrait de la), monument de la langue au xiiiè siècle, p. 60.
Bilan de la langue anglaise, p. 93, note.
BOECE (Fragment d'un poème sur), monument de la langue au xè siècle, p. 48.
BOUCHET (Jean), historien d'Aquitaine, cité p. 74.
BRUNET (Jac.-Ch.), célèbre bibliographe français, a mentionné honorablement la Collection des anciens monuments de 1'histoire et de la langue française, de M. Crapelet, dans ses Nouvelles Recherches bibliographique, riche supplément à son Manuel du libraire. Voy. tom. l, pp. 385-386, et passim.
CELTES, originaires de l'Asie ; ils habitaient les Gaules lors de l'invasion des Romains, p. 10. --Dialectes du leur langue, p. 11.
Cérémonies des gages de bataille, beau volume de la collection de M. Crapelet, p. 87.--Extrait de ce livre, donné comme monument de la langue au xivè siècle, p. 88.
CESAR ; sa division de la Gaule, p. 10.
CHAMPOLLION-FIGEAC, savant distingué, cité pour les dialectes des Romanes méridionales et septentrionales, pp. 37, 38, notes.--Ses Recherches sur les patois, citées p. 39, note.
CHARIBERT (Le Roi) parlait très-bien, latin, au dire de Fortunat, p. 22, note.
CHARLEMAGNE parle le théotisque, et donne de nouveaux noms aux mois de l'année et aux vents, pp. 21 et 22.
CHARLES VII, encore Dauphin ; extrait d'une lettre où il se justifie du meurtre de Jean-sans-peur, p. 67.
Châtelain de COUCY (Histoire du), beau volume de la collection de M. Crapelet, p. 85. -- Extrait de ce livre, monument du xiiiè siècle, p. 86.
CHILPERIC (Le Roi) ajoute quatre lettres à l'alphabet, p. 23, note.
Choix de poésies originales des troubadours, ouvrage précieux de M. Raynouard, cité p. 13, note;--détail de ce qu'il renferme, p 28, note.
Christianisme (Le) concourt au maintien de la langue latine, mais non à sa pureté, p. 18, note.
Collection (très-belle) d'anciens monuments de l'histoire et de la langue française, publiée par M. Crapelet, pp. 77-97.
Combat des Trente, etc. Notice sur cet ouvrage, faisant partie de la collection de M. Crapelet, p. 80.--Extrait de ce livre comme monument de la langue au xivè siècle, p. 81.
Concile de Tours tenu en 813 (Citation du), p. 24.
COQUEBERT de Montbret, cité p. 39, note.
Comique, dialecte du gallois, p. 11.
CRAPELET (M.), célèbre imprimeur de Paris, éditeur de la Collection des monumens de l'histoire et de la Langue française, cité p. 7, note; -- auteur de toutes les descriptions des Manuscrits de la bibliothèque du Roi, mentionnés dans cette collection, pp. 81-96 ; -- auteur de la Notice historique sur Anne Boleyn, p.79; -- de la Préface de l'histoire de la Passion de J.-C., p. 83 ; -- de la Notice sur le Pas de la Bergère, p. 84 ; -- de la Préface du Châtelain de Coucy et de la traduction du poème, p. 85 et 86 ; -- du Précis historique sur Eustache Deschamps, et de l'Addition, p. 90 ; -- de la Préface du Partonopeus, p. 96, etc.
DÉLIBÉRATION de la Chambre des comptes de Dijon, monument de la langue au xviè siècle, p. 68.
Demandes faites par le roi Charles vi, volume curieux de la collection de M. Crapelet, p. 94.--Extrait de ce livre, monument de la langue au xvè siècle, p 95.
DESCHAMPS (Eustache), poète distingué du xivè siècle ; ses poésies publiées par M. Crapelet, p. 89. -- Extrait de ce livre, p. 90.
Dialectes de la langue celtique, p. 11.
Dialectes des langues romanes dégénérées, ou patois, pp. 37 et 38, notes.
DIDIER, évêque de Vienne, cité p. 18, note.
ÉCOLES anciennes, établies dans les Gaules, p. 14.
Epitaphe, monument de la langue au XIVè siècle, p. 61.
Erse, dialecte du gaëlique, p. 11.
ESTIENNE (Henri), ses Dialogues sur le nouveau langage français italianizé, cités p. 98.
Extrait du traité dit Le Chevalier de la Tour, monument de la langue au xviè siècle, p. 70.
FAUCHET, auteur des Antiquités gauloises, cité p. 23.
Formule d'une convocation de l'arrière-ban, monument de la langue au xiiiè siècle, p. 59.
FORTUNAT, poète latin du viè siècle, cité p. 23, note.
FRANÇOIS Ier (Lettre de), singulière pour l'orthographe, p. 73.
Francs, leur première entrée dans les Gaules, en 241, p. 16 ;--leur seconde entrée en 420, p. 17.--Ils restent longtemps fidèles à leur langue (la théotisque), p. 21, note.--L'Oraison, dominicale dans leur langue au viiiè siècle, p. 35.
GAELIQUE, dialecte du celtique, p. 11.
Gallois, dialecte du celtique, p. 11.
Gaules (Division des) sous les Romains, pp. 9 et 10.
GLEY (M.), auteur d'un traité sur la langue et la littérature des Francs, cité p 35.
GORDIANES ; son épitaphe en caractères gaulois, p. 10, note.
GOTHS (Les) commencent à se fixer dans les Gaules en 400, p. 16.
Grammaire romane, par M. Raynouard ; résumé du système de l'auteur, p. 30.
GREGROIRE de Tours, cite p. 23, note.
GRÉGOIRE-le-Grand, ennemi de l'élégance latine, p. 18, note.
HENRI ii, roi de France ; c'est sous son règne que la prononciation commence à changer dans certains mots de la langue française, p. 98.
HENRI viii, roi d'Angleterre ; ses lettres à Anne Boleyn, p. 79.
HESSELS (Jean), professeur de Louvain, cité p. 19, note.
Histoire des Trois Maries en prose (Extrait de l'), monument de la langue au xviè siècle, p. 71.
IGNACE (Extrait de la vie de S.), monument de la langue au xiiè siècle, p. 55.
Invasions des Francs, des Saliens, des Goths, des Bourguignons, etc., dans les Gaules, pendant les iiiè, ivè et vè siècles, pp. 26 et 27.
Irlandais ; dialecte du gaélique, p. 11.
Italiens (c'est aux) qu'est dû le changement de prononciation dans certains mots de la langue française au xviè siècle, p. 98.
JEAN (Extrait d'une ordonnance du roi), monument de la langue au xivè siècle, p.62.
JOB (Extrait d'une traduction du livre de), monument de la langue au xiè siècle, p.52.
LANGUE anglaise (Notice sur la), citée p. 93. -- Bilan de cette langue, p. 93, note.
Langue basque (La) n'est point d'origine celtique, p. 13 ; -- ses dialectes actuels, p.13.
Langue castillane ; époque où elle commence à prendre de la consistance, p. 34.
Langue celtique (Notice sur la), citée p. 10, note. -- ses dialectes, p.11.
Langue des Francs. Oraison dominicale dans cette langue, p. 35.
Langue d'oc, nom que prit la romane provençale vers le ixè siècle, p. 26.
Langue d'oil, nom que prit la romane wallonne vers le ixè siècle, p. 26.
Langue de si, l'italien, p. 26.
Langue de ya, l'allemand, p. 26.
Langue française, essai analytique sur son origine, p. 9; -- son universalité, pp. 6 et 7, note; -- ses dialectes ou patois, pp. 37, 38, note. Changement de prononciation dans certains de ses mots, pp. 98-100.
Langue italienne, époque où elle commence à prendre de la consistance, p. 34.
Langue latine (la), se répand dans les Gaules après l'invasion des Romains ; par quels moyens, p. 14 ; -- Conjectures sur sa prononciation chez les Romains, pp. 15 et 16, note ; -- elle disparaît comme langue parlée après l'invasion des Barbares, p. 18 ; -- exemple de sa corruption au xiè siècle, p. 32, note.
Langue portugaise, époque où elle commence à prendre de la consistance, p. 34.
Langue romane, divisée en deux principaux dialectes, le provençal et le wallon, p. 20. -- Principes de la langue romane démontrés dans la grammaire de M. Raynouard, pp. 28-31.
Langue rustique, chez les Romains, p. 14, note.
Langue théotisque (la) est la langue de la cour sous la première et la seconde race, p. 21.
Langues (nombre des) et dialectes qui existent, selon M. Balbi, p. 42, note; -- selon M. Adelung, p. 43, note.
Langues romanes (toutes les) de l'Europe naissent du mélange du latin avec le teutonique, p. 19.
Latin (prononciation présumée du) chez les Romains, p. 15, note.
Lettres (quatre) ajoutées à l'alphabet par Chilpéric, p. 23, note.
Lettres de Henri viii, beau volume de la collection de M. Crapelet, p. 79. -- Extrait d'une lettre de ce roi, en français, p. 79.
Livre des Rois, (extrait d'une traduction du), monument de la langue au xiè siècle, p. 50.
Lois d'Angleterre données par Guillaume-le-Conquérant ; quelques articles présentés comme monuments du gallo-normand au xiè siècle, p. 50.
MAILLARD (Olivier), auteur d'une Histoire de la passion de J.-C., p. 82 ; -- extrait de ce livre, monument de la langue au xvè siècle, p. 83.
Man ou Manx, dialecte du gaëlique, p. 11.
MÉDICIS (Catherine de) ; c'est à son arrivée en France qu'est dû le changement de prononciation dans certains mots de la langue française, p. 98.
MEON (M.), auteur de l'avertissement, des notes et du glossaire des Vers sur la mort, p. 78. -- Cité pp. 81, 82, 84, 85, notes.
Miracles de la Vierge (extrait des), monument de la langue au xvè siècle, p. 65.
MONMERQUÉ (M.), membre de la société des bibliophiles, savant très versé dans la littérature du moyen âge, etc. ; son travail étonnant sur le poème de Partonopeus, p. 96.
MONTAIGNE (Michel de), morceau extrait de ses Essais, monument de la langue au xviè siècle, p. 75.
Monumens de le Langue française (recueil de quelques), depuis son origine jusqu'au xviiè siècle, p. 43. -- Détail de ces monuments :
Au ixè SIÈCLE, sermens de Charles-le-Chauve, etc., etc., p. 45.
Au xè SIÈCI.E, extraits des Actes du martyre de Saint Etienne, p. 47 ; -- du Poème sur Boëce, p. 48 ; -- d'une traduction du Symbole, etc. p. 49·
Au xièSIÈCLE, extraits d'une Bulle d'Adalberon, p. 49 ; -- du Livre des Rois, p. 50; -- des Lois d'Angleterre, p. 50; -- d'une traduction du Livre de Job, p. 52.
Au xiiè SIÈCLE ; extraits des Sept heures de la Passion, p. 53 ; -- d'une Lettre de Saint Bernard, p. 53 ; -- de L'Oraison dominicale, p. 54 ; -- de la Vie de Sainte Bathilde, p. 55; -- de la Vie de S. Ignace, p. 55. -- des Vers sur la mort, p. 78 ; -- du Partonopeus, p. 97.
Au xiiiè SIÈCLE, extraits du Supplice de Murtzulphe, p. 56 ; -- d'un Prologue de la Bible, p. 58 ; -- formule d'une Convocation de l'arrière-ban, p. 59 ; de la Bible hystoriaulx, p.60. -- Hommage de J. Baillot, p. 93 ; -- de l'Histoire du châtelain de Coucy, p. 86.
Au xivè SIÈCLE, Epitaphe, p. 61 ; -- extraits d'une Ordonnance de l'évêque de Metz, p. 61 ; -- d'une Ordonnance du roi Jean, p. 62 ; -- d'une Traduction des Pseaumes, p. 63 ; -- de l'Orayson de Jehan Dupin, p. 64. -- des Proverbes au conte de Bretaigne, p. 89 ; -- des gages de bataille, p. 88 ; -- du Combat des trente, p. 81 ; -- des Poésies d'Eustache Deschamps, p. 91.
Au xvè SIÈCLE, extraits des Miracles de la Sainte Vierge, p. 65 ; -- d'un Recueil de moralités, p. 66 ; -- d'une Circulaire de Charles vii, p. 67; -- d'une Délibération de la chambre des comptes de Dijon, p. 68 ; -- de la Vie de Louis ii, duc de Bourbon, p. 69 ; -- de la Passion de J.-C. par Olivier Maillard, p. 83 ; -- du Pas d'armes de la Bergère, p. 84 ; -- des Demandes faites par Charles vi, p. 95.
Au xviè SIÈCLE, extraits d'une Prière, p. 70 ; -- du Chevalier de la Tour, p. 71 ; --de l'Histoire des trois Maries, p. 72 ; -- d'une Lettre de François Ier à sa mère, p. 73 ; -- des Annales d'Aquitaine, p. 74; -- des Essais de Montaigne, p. 75. -- Des Lettres de Henri viii à Anne Boleyn, pp. 79 et 80.
NITHARD, historien, cité p. 46.
NODIER (M. Charles), cité pp. 99-100.
OBERLIN, savant philologue ; son Essai sur le patois lorrain, cité p. 39, note.
Orayson de J. Dupin (extrait de l'), monument de la langue au xivè siècle, p. 64.
Oraison dominicale, en langue des Francs, p. 35.
Oraison dominicale, monument de la langue au xiiè siècle, p. 54.
OWEN (William), auteur d'un dictionnaire Welche, cité p. 12.
PARTONOPEUS de Blois, deux beaux volumes faisant partie de la collection de M. Crapelet, p. 95, -- extrait de cet ouvrage, monument du xiiè siècle, p. 97.
Pas d'armes de la Bergère, élégant volume de la collection de M. Crapelet, p. 83 ; -- extrait de ce livre ; monument du xvè siècle, p. 84.
Passion de J.-C. (extrait des sept heures de la), monument de la langue au xiiè siècle, p. 53.
Passion de J.-C., autre monument de la langue an xiiè siècle, p. 101.
Passion de J.-C. par Oliv. Maillard, volume de la collection de M. Crapelet, p. 82; -- extrait de cet ouvrage, monument de la langue au xvè siècle, p. 83.
Patois (ouvrages publies sur divers) p. 39, note.
PI.UCHE (l'abbé), cité p. 27, note.
Poésies morales et historiques d'Eustache Deschamps, curieux volume de la collection de M.Crapelet, p.89 ; -- extrait de ce bel ouvrage, monument de la langue au xivè siècle, p. 90.
Prière (extrait d'une ancienne), monument de la langue au xviè siècle, p. 70.
Prologue d'une Bible en vers, monument de la langue au xiiiè siècle, p. 58.
Prononciation présumée du latin chez les Romains, pp. 16 et 17.
Prononciation (changement de) dans certains mois de la langue française au xvè siècle, p. 98-100.
Proverbes et dictons populaires, volume de la collection de M. Crapelet, p. 88 ; -- extrait de cet ouvrage, monument des xiiiè et xivè siècles, p. 89.
Pseaume (extrait du) Dixit Dominus, etc., trad., monument de la langue au xiiè siècle, p. 60.
Pseautier traduit (extrait d'un), monument de la langue au xivè siècle, p. 63.
RAYNOUARD (M.), célèbre philologue et poète, auteur du Choix des poésies originales des Troubadours, cité p. 13, note ; -- établit d'une manière claire et lucide les principes grammaticaux de la langue romane, pp. 28-31.
RIVAROL, cité p. 6, note.
ROBERT ( M. ), savant éditeur des fables des xiiè, xiiiè et xivè siècles, auteur de l'Examen critique du poème de Partonopeus, etc., p. 96.
Roman provençal (le) commence à prendre de la consistance en 879, pp. 20 et 33.
Roman wallon (le) commence à prendre de la consistance en 927, p. 33.
SALLIER, savant éditeur de la Vie de S. Louis par Joinville, cité p. 43.
SALMON (Pierre), auteur des Demandes faites à Charles vi, p. 94.
Sermens de Charles-le-Chauve, etc., premier monument de la langue au ixè siècle, p. 45. -- Orthographe corrigée par M. Thierry, p. 46, note.
SISMONDI (M.), savant historien, cité p. 17 et ailleurs.
TABLEAU de moeurs au xè siècle, volume de la collection de M. Crapelet, p. 92 ; -- extrait de cet ouvrage, monument de la langue au xiiiè siècle, p. 93.
Tableau des mois de l'année dont les noms, en langue théotisque, ont été donnés par Charlemagne, p. 22.
Tableau ou petit vocabulaire polyglotte de quelques mots de la langue des Troubadours et de celle des Trouvères, ainsi que de leurs dialectes, p. 42.
Théotisque (la langue) parlée à la cour sous la première et la seconde race de nos rois, p. 21 ; -- cesse d'être en usage lorsque la cour est transferée d'Aix-la-Chapelle à Paris, p. 27,
THIBIAUT de Marly, auteur des VERS sur la mort publiés par M. Crapelet, p.77.
THIERRY (M.), savant historien, cité p. 46, note.
TITE-LIVE, ses ouvrages proscrits, dit-on, par Grégoire-le-Grand, p. 19, note.
Trivium et Quadrivium (les), forment l'ensemble des sept arts libéraux, p. 91, note.
Troubadours et Trouvères, poètes du moyen âge ; différence du caractère de leurs poésies, p. 36.
VAN-PRAET (M.), célébre philologue et bibliographe, cité p. 95.
Vie de Louis II, duc de Bourbon (extrait de la), monument de la langue au xvè siècle, p. 69.
VILLE-HARDOUIN, auteur de l'Histoire de la conquête de Constantinople ; extrait de cet ouvrage, monument de la langue au xiiiè siècle, p. 56.
VOLTAIRE a tort de prendre le mot Welche pour synonyme de Barbare, p. 26, note, -- sa réforme orthographique blâmée par M. Nodier, p. 99.
WELCHE ou Wallon, nom donné par les Germains à tous les peuples occidentaux, et surtout aux peuples les plus instruits, p. 26, note.
ZOROASTRE, législateur, cité par E. Deschamps comme auteur des sept arts libéraux, p. 92, note.
TABLE
DES DIVISIONS DE L'OUVRAGE.
_________________
PRÉLIMINAIRE. 5
I.
ESSAI ANALYTIQUE sur l'origine de la langue française 9
II.
RECUEIL DE MONUMENS de la langue française, depuis son origine jusqu'au xviiè siècle
43
MONUMENS du
neuvième siècle. 45
____________ du dixième
siècle. 47
____________ du onzième
siècle. 49
____________ du douzième
siècle. 53
____________ du treizième
siècle. 56
____________ du quatorzième
siècle. 61
____________ du quinzième
siècle. 65
____________ du seizième
siècle. 70
III.
NOTE de renvoi (Sur la) COLLECTION DES ANCIENS MONUMENS de l'histoire et de la langue Française (du XIIè au XVIè siècle), tirés des manuscrits de la bibliothèque du Roi, et formant douze ouvrages distincts, recueillis, publiés et imprimés par M. Crapelet. Paris, 1826-1834,13 gr. vol. in-8° sur papier Jésus vélin. 77
1er
ouvrage (xiiè siècle). VERS sur la mort, etc., 1826 77
2è ouvrage (xviè siècle).
LETTRES de Henri VIII, etc., 1826 79
3è ouvrage (xivè siècle).
COMBAT des trente, etc., 1827 80
4è ouvrage (xvè siècle). HISTOIRE de la Passion, etc., 1828 82
5è ouvrage (xvè siècle). PAS D'ARMES de la Bergère, etc., 1828 83
6è ouvrage (xiiiè
siècle).HISTOIRE du
châtelain de Coucy, etc., 1829 85
7è ouvrage (xivè siècle).
CEREMONIES des gages de bataille, 1830
87
8è ouvrage (xiiiè et xivè siècles).
PROVERBES et dictons pop., 1831 88
Notes
1. On ne peut disconvenir que depuis 150 ans, la langue française, par sa variété, sa clarté, sa précision et par une foule d'expressions consacrées aux sciences, au commerce de la vie, aux affaires, aux plaisirs, ne le cède à aucun idiôme moderne; et que malgré les rivalités nationales, elle est la plus universellement répandue. M. Balbi, dans son Atlas ethnographique, tabl. xii, dit : "La grande influence politique de la France depuis Louis XIV et la richesse de sa littérature ont rendu le français la langue sociale et politique de l'Europe, et par conséquent de tous les pays du monde où les Européens ont des établissemens." En effet, il est reconnu qu'en Afrique près de 200,000 habitans indigènes parlent français; en Amérique, on en comptait, il y a dix ans, 1,523,800. -- Cooper, dans un de ses romans, Les Pioniers , tom. II, p. 13, dit que le français est d'un usage commun chez les Iroquois. -- On lit dans l'Annual Register, Londres., année 1826, p.38 : "Au mois d'avril 1825, quatre chefs des tribus indigènes du Canada eurent une audience du roi d'Angleterre. L'un d'eux harangua ce prince en langue française; le roi leur répondit également en français et s'entretint ensuite avec eux dans la même langue." -- A la Nouvelle-Orléans, toutes les proclamations et papiers publics sont imprimés en anglais et en français, sur eux colonnes. -- En 1783, l'Académie de Berlin proposa pour sujet de prix cette question : Qu'est-ce qui a rendu la langue française universelle? Rivarol fut couronné et son discours imprimé, Paris, 1784, in-8° de 92 pag. avec cette épigraphe : "Tu regere eloquio populos, o Galle, memento. -- Le gouvernement russe, il y a plus de trente ans, fonda une université dans une ville sur les frontières les plus reculées de son empire, au nord; le discours d'inauguration y fut prononcé en français. -- A Casan, ville sur les limites de l'Europe et de l'Asie, il existe depuis plusieurs années un théâtre français qui est très fréquenté. -- A Saint-Petersbourg, sur 3400 ouvrages publiés en langue russe, on compte 1525 traductions d'ouvrages étrangers, dont 802 sont traduits du français, 483 de l'allemand, 97 de l'anglais, 68 du latin, 35 du grec, 23 de l'italien et 17 d'autres langues.
2. Voy. dans le volume de l'Histoire de la Passion, la lettre qui suit la préface, pp. xix-xxiv. Puisque nous avons cité la précieuse collection de M. Crapelet, on verra peut-être avec plaisir la liste exacte des chefs d'oeuvre typographiques qui la composent en 13 vol. gr. in-8°, tous imprimés sur jésus vélin fort. Cette liste étant un peu longue, nous la renvoyons à la fin de cet opuscule.
3. Les Celtes, originaires de l'Asie, s'appelaient Gail ou Gael, et de ce mot les Grecs ont fait Keltes, et les Romains Galli Nous avons déjà eu l'occasion de parler de la langue celtique dans nos MÉLANGES littéraires, philologiques et bibliographiques, Paris, Renouard, 1818, in-8°; on y trouvera, pp. 140-153, une NOTICE sur la langue celtique, considérée comme ayant concouru à la formation de la langue des Romains, avec une planche gravée représentant l'Alphabet gaulois tiré de Fabretti, et une inscription ou épitaphe, du 3e siècle, en caractères gaulois, et qui, rendue en latin, lettre pour lettre, signifie :
This gordianus gallie nuncius
jugu
Latus pro fide cum familia tota
Quiescunt in pake.
Ythifila ancilla fecit
4. Elle l'était en quatre; mais ne compte pas la Gaule Narbonnaise, parce qu'elle était déjà soumise aux Romains.
5. Le bas-breton, qui nous regarde plus spécialement, est soudivisé maintenant en quatre dialectes : 1° le léonard, parlé sur le territoire de Saint-Pol-de-Léon; 2° le trécorien, sur celui de Tréguier; 3° le cornouailler, sur celui de Quimper-Corentin; et le 4° le vanneteux, sur celui de Vannes
6. Cet ouvrage qui contient environ 100,000 mots, et qui est précédé d'une grammaire galloise, a pour titre : DICTIONARY of the welsh language, explained in english; with numerous illustrations, from the literary remains, and from the living speech of the Cymry; by William Owen. London, 1793-1794, et avec un nouveau titre, 1803; 2 vol. gr. in-8°.]
7. M. Raynouard, dans son excellent ouvrage sur les POESIES originales des troubadours, tom. 1er, pp. 1-6, a parfaitement développé les ressorts de cette adroite politique, et a cité plusieurs exemples qui prouvent quelle était la rigidité des principes de ces maîtres du monde à cet égard.
8. Rappelons-nous encore que cette Gaule que nous habitons, donna le jour à des écrivains latins de distinction, tels que Cornelius-Gallus, Trogue-Pompée, Pétrone, Lactance, Ausone, etc
9. Ce mot rustica n'était pas nouveau, en tant qu'appliqué à la langue. A l'époque où l'on parlait le latin dans sa plus grande pureté à Rome, on distinguait deux dialectes, l'un appelé par Plaute lingua nobilis, et par la suite lingua classica ou urbana, et l'autre nommé lingua plebeia, vulgaris et RUSTICA ; mais cette rustica, espèce de patois du temps de Cicéron et d'Auguste, était bien différente de ce qu'a été la romana rustica des vie et viie siècles.
Une chose assez curieuse serait de pouvoir découvrir comment les romains prononçaient leur langue, et comment et quand cette prononciation s'est altérée chez les peuples modernes, au point que très-certainement le la tin serait tout-à-fait méconnaissable pour un ancien Romain, s'il pouvait revenir au milieu de nous. A coup sûr, Virgile ouvrirait de grands yeux et rirait aux éclats, s'il entendait un Anglais lui réciter ainsi le premier vers de ses éclogues :
Taïtire tiou pétieulé rikioubans seub togmine fédjaï.
C'est cependant ainsi que les Anglais prononcent le latin. N'en rions pas, car nous, avec nos u flûtés, nos c cédillés, nos um et nos am prononcés fortement, etc., etc, nous ne serions sans doute pas moins ridicules aux yeux ou pour mieux dire aux oreilles des anciens Romains, s'ils pouvaient nous entendre parler ou plutôt baragouiner leur langue. Cet article de la prononciation antique du latin a été un objet de recherches et de discussions entre les savans ; nous avons recueilli leurs opinions à cet égard ; nous les publierons un jour ; mais en attendant nous dirons que tous s'accordent assez volontiers sur ce point, que le c avait toujours chez les Romains, la force du k ; ai,nsi ils prononçaient dico, dikis, dikit ; le t conservait toujours sa force martellante, artis, arthium ; l'u se prononçait comme w, ou, et selon d'autres, ce n'était pas tout-à-fait comme ou, mais comme o bref ; l'um, l'am à la fin d'un mot, étaient des syllabes sourdes, muettes dont on faisait à peine sentir l'ù ; l'élision en poésie en est la preuve ; il n'est pas certain que le v eût l'emploi de consonne que nous lui donnons, etc., etc. Finissons ce léger aperçu par deux petites phrases latines que nous transcrivons ensuite selon la prononciation présumée des Latins :
In Latio decus pronunciatonis et eloquentiae est Cicero. -- Utinam Ciceronem audivissemus, Romani, ut prononciaremus voces vestras ut decet.
Voici comment on croit que les Romains auraient prononcé ces deux phrases :
In Lathio dekous pronwnkiathionis et elkoquentiae est Kikero. -- Ioutinam Kikeronem audiwissemous, Romani, out pronwnkiaremous wokes westras out deket.
Les Italiens et les Allemands, et surtout les Hongrois ont conservé une partie de cette prononciation.
10. Le mot breton Armorique, mieux écrit Armorik, est composé de la préposition ar, sur, et du substantif mork, diminutif de mor, mer, c'est-à-dire situé sur le bord de la mer.
11. Il faut cependant convenir que si le christianisme a été favorable au maintien de la langue latine, il ne l'a pas toujours été à sa pureté ni à la conservation des auteurs classiques, car Grégoire-le-Grand qui a occupé le trône pontifical de 590 à 604, témoignait hautement son mépris pour la grammaire et pour les trésors de la langue latine. « Je n'évite point les barbarismes, disait-il, je dédaigne d'observer le régime des prépositions, ainsi que l'élégance et l'arrangement des mots, parce que je regarde comme une chose indigne dc soumettre les paroles de l'oracle cléeste aux règles de Donat……. » (Vita s. Gregorii, à Joan. Diaconi, lib. iv). Ce même pape informé que Didier, évêque de Vienne, donnait des leçons de grammaire, lui en fit de vifs reproches : « Nous ne pouvons rappeler sans honte, lui écrivait-il, que votre fraternité explique la grammaire à quelques personnes ; c'est ce que nous avons appris avec chagrin et fortement blâmé ; nous en avons gémi. Non, la même bouche ne peut exprimer les louanges de Jupiter et celles du Christ. Cosidérez combien pour un prêtre il est horrible et criminel d'expliquer en public des livres dont un laïc pieux ne devrait pas se permettre la lecture…… » (Epist. 54, lib. ii S. GREG. Registri epistolar) On prétend que le zèle de ce saint pape le porta à faire brûler tous les exemplaires de TITE-LIVE qu'il put découvrir ; mais ce fait n'est pas avéré, quoiqu raconté par saint Antonin ; au reste ce serait plutôt l'erreur du siècle que celle de cet illustre pontife. Croirait-on que, dans les temps modernes, un célèbre professeur de Louvain, Jean Hessels, mort en 1566, s'écrie dans un de ses ouvrages : « O utinam multos Gregorios mitteret Dominus ! Verè etenim Magnus Gregorius omnes libros quos potuit habere TITI-LIVII comburi jussit… Antiqua quoque gentilium aedificia, quaecumque potuit, subvertit, ne essent reliquiae et memoria idolorum….. » (HESSELS, Brevis et catholica decal expositio. p. 68).]
12. Il paraît certain que la masse, le vulgaire des Francs resta fidèle à sa langue jusque vers le milieu du ixe siècle, mais sans chercher, ni à la polir, ni à la pfaire prévaloir sur la romane, ni même à l'amalgamer avec elle. Cependant dès le ve siècle ils se conformèrent aux mœurs et aux usages qui existaient alors dans le pays. Car Agathias, écrivain du vie siècle, nous dit, dans son histoire de Justinien, de rebus Justiniani, lib. 1 : « Les Francs qui sont tous catholiques pratiquent non-seulement le culte de la religion de la même manière que les Romains ; non-seulement ils ont des lois et des usages semblables aux nôtres concernant les ventes, les achats et le mode de rendre la justice ; mis il y en a encore plusieurs d'entre eux qui exercent dans les villes les charges municipales, et qui se sont engagés dans l'état écclésiastique. » Malgré cela, leur langue en général résistait à toute fusion complète avec le roman wallon, tant la force de l'habitude attache le vulgaire à son idiôme naturel.
13. Malgré son attachement à l'idiôme maternel, ce prince devait être instruit dans la langue romane, et même dans la langue latine. Au reste, dès la première race, nous voyons de nos rois francs, familiarisés avec le latin, et même s'occuper de quelque amélioration dans la langue vulgaire : par exemple, Charibert, roi de Paris en 561, mort en 567, parlait très-bien latin, si l'on s'en rapporte aux louanges que lui donne le poète Fortunat, lib. vi, carm. 4. Il lui dit :
Cùm sis progenitus de clarà gente
Sicamber,
Floret in eloquio lingua latina tuo.
Qualis es in proprià docto sermone loquelà,
Qui nos romano vincis in eloquio !
Grégoire de Tours (liv. v, ch.44), et Aimoin (liv. iii, ch. 40), nous apprennent que Chilpéric, prince instruit, qui régna de 567 à 584, rendit plusieurs ordonnances relatives à la langue. Ce prince fit ajouter à l'alphabet quatre lettres grecques, savoir, selon Grégoire, l'omicron, le psi, le zêta, et le nu ; et, selon Aimoin, le thêta, le phi, le xi et l'oméga. Mais Fauchet qui en parle dans ses Antiquitez gauloises, p. 225, et dans son traité de l'origine de la langue et de la poésie française, prétend, d'après un manuscrit du xiie siècle, cité par Pithou, que ces quatre lettres étaient l'oméga des Grecs, le cheth, le teth et le zaïn des Hébreux. D'après cette conjecture, on pourrait croire que ces caractères furent introduits dans le théotisque pour des sons qui lui étaient particuliers, et non dans le latin qui avait suffisamment de caractères. Au reste, il ne serait pas surprenant que Chilpéric eût emprunté des caractères à l'alphabet hébraïque : il y a vait beaucoup de Juifs à sa cour, surtout un nommé Prisc qui était son intime favori.
14. Ce sont les peuples Germains qui donnaient à tous les Occidentaux, Bretons, Gaulois ou Italiens, le nom de Waelches, Welske, ou Welche. Ils appelaient langue welsche, la langue latine, et population welsche, les indigènes de la Gaule au milieu desquels vivaient les Francs. Voltaire a donc tort d'employer ce mot dans le sens de barbare; car dans la langue d'où ce nom provient, il servait à désigner les peuples dont la civilisation était le plus avancée.
Le mot walle ou wale est le substantif d'où vient l'adjectif walsk ou welske, ou welsche ; dans les anciennes gloses de la loi salique,on se sert de ce mot pour traduire le mot larin romani ; et sur les frontières des deux pays distincts par le langage allemand et le langage français, on se servit au dixième siècle et depuis, du mot wallons pour signifier les Français, et du mot thiois ou teutske pour désigner les Allemands
15. Cependant nous dirons que, plus de 70 ans avant le savant moderne dontnous parlons, Pluche, dans son Spectacle de la nature, tom. vii, p. 249, semble avoir eu une espèce de pressentiment de ces principes, lorsqu'il dit : « Quoique l'orthographe de ces siècles (les xe et xie) ne soit pas régulière, et que les copistes n'y gardent pas toujours une exacte uniformité, ce n'est point par négligence que nous voyons terminer tant de mots par un s ou z que nous n'y mettons plus, comme dans crées, pardurables, sainz, espiriz. Créez ressemble bien plus au latin creatus que crée ; perdurables ressemble au mot perdurabilis, uns à unus et sainz à sanctus, espiriz à spiritus, etc. » Voilà tout ce que nous dit Pluche ; il y a loin de cette remarque unique, sèche et sans inductions, aux démonstrations grammaticales, si claires, si multipliées, si bien prouvées de M. Raynouard.
16. Ce titre modeste ne fit pas connaître suffisamment toute l'importance de ce bel ouvrage : on en aura une idée plus juste et plus complète par le détail suivant des titres spéciaux de chaque volume.
TOME Ier, contenant les preuves historiques de la langue romane, des rcherches sur l'origine et la formation de cette langue, les élémens de la grammaire avant l'an 1000, la grammaire de la langue des troubadours.
TOME II, contenant des dissertations sur les troubadours, sur les cours d'amour, etc. ; les monumens de la langue romane jusqu'à ces poètes et des recherches sur les différens genres de leurs ouvrges.
TOME III, contenant les pièces amourueses tirées de soixante troubadours, depuis 1090 jusque vers 1260.
TOME IV, contenant des tensons, des complaintes historiques, des pièces sur les croisades, des sirventes historiques et autres, des pièces morales et religieuses.
TOME V, contenant les biographies des Troubadours, et un appendice à leurs poésies imprimées dans les volumes précédens.
TOME VI, contenant la grammaire comparée des langues de l'Europe latine, dans leurs rapports avec la langue des troubadours.
Les cinq premiers volumes de ce recueil précieux regardent spécialement les troubadours ; mais dans la grammaire comparée, qui forme le sixième, l'auteur a présenté de nombreuses règles grammaticales de la langue des trouvères et de ses rapports intimes et identiques avec celle des troubadours. Il est revenu encore plus particulièrement sur ce sujet dans ses excellentes OBSERVATIONS philologiques et grammaticales sur le Roman de Rou et sur quelques règles de la langue des trouvères au douzième siècle ; à Paris, de l'imprimerie de Crapelet ; Rouen, Edouard frères, éditeurs, 1829 ; in-8° de vi-122 pag. N'oublions pas non plus un très-bon article du Journal des Savans, octobre 1816, dans lequel M. Raynouard, rendant compte de la nouvelle édition du Roman de la rose, publiée par M. Méon (Paris, 1814, 4 vol. in-8°), combat le préjugé littéraire qui supposait la langue des trouvères sans principes, sans règles, sans méthode ; et des exemples tirés du roman même donnèrent un aperçu des règles grammaticales qui existaient à cette époque. Ainsi ces ouvrages de M. Raynouard sont donc ce qu'il y a de plus nouveau, de plus utile et de plus curieux à consulter pour se mettre au courant de la poésie des troubadours, de celle des trouvères, et pour faciliter l'intelligence de ces antiques productions et faire voir qu'elles ne sont pas autant dépourvues de goût qu'on pourrait le croire au premier coup d'œil.
17. Par exemple, on disait : Quittus erit de illa re, il sera quitte de cela ; quittus est au lieu de uietus par euphonie ; quietus erit de illâ re, il sera tranquille sur cette chose, il n'aura plus à s'en occuper.
Autre exemple : dicta Johanna relicta dicti deffuncti Petri Lecoq burgensis Pontisarae (bourgeois de Pontoise) recognovit et confessa fuit se vendidisse, quitasse et in emphyteosim se demisse praepositis dictae confrariae clericorum, septem solidos parisienses, supra dictam domum, pro pretio quatuor francorum auri, suis quittanciis, quibus florenis se tenuit pro contenta, quos septem solidos parisienses, annui redditâs promisit guarantisare. (Cette donation est du 1er février 1068.)
Dans le même temps, on se servait, en latin, du pluriel pour le singulier, lorsqu'on parlait à une personne de considération, vos estis cratus, etc. ; mais Pierre de Blois, regardant ce langage comme indigne d'un ecclésiastique, écrivit à l'évêque de Chartres nouvellement élu : Te Precor, quod per TU et TIBI et TE scribo, molestè non feras pluralis enim locutio quâ uni loquendo mentimur, sermo adulatorius est, et longè à sacro eloquio alienus.
18. Il est certain que par la suite des temps, si nous descendons jusqu'au xvie siècle, nous trouvons la Provence bien déchue de son ancienne splendeur littéraire et chevaleresque. Depuis longtemps les troubadours avaient cessé, et les jongleurs, qui les avaient d'abord secondés, étaient tombés dans le mépris. Gui Patin, qui appelle la Provence la Petite Barbarie, prête à d'Urfé cet incivil propos : « Les peuples sont dans ce pays-là riches de peu de bien, glorieux de peu d'honneur, et savans de peu de science ». Mais il faut bien se garder de prendre au pied de la lettre les citations hasardées du très-original, très-satirique et très-passionné Gui Patin. (V. Patiniana, p. 21.) D'ailleurs tout a bien changé dès-lors
19. M. Champollion-Figeac les regarde comme d'anciens débris de la Romana-Rustica, parlée dans les beaux temps de Rome, mais ayant subi des modifications plus ou moins considérables. Ces dialectes, selon lui, seraient au nombre de sept qu'il établit ainsi qu'il suit :
1° Le languedocien, qui est doux et agréable ; il se parle dans onze départemens : le Gard, l'Hérault, une partie des Pyrénées-Orientales, l'Aude, l'Ariège, la Haute-Garonne, le Lot-et-Garonne, le Tarn, l'Aveyron, le Lot, Tarn-et-Garonne.
2° Le provençal, qui est vif et âpre ; il est en usage dans six départemens : la Drôme, Vaucluse, Bouches-du Rhône, Hautes-Alpes, Basses-Alpe, le Var, (et en Italie le comté de Nice).
3° Le dauphinois, monotone et traînant comme le lyonnais, dont il participe ainsi que du savoisien et du provençal dans l'Isère.
4° Le lyonnais, parlé dans trois départemens, le Rhône, l'Ain et partie de Saône-et-Loire.
5° L'auvergnat, offrant des sons durs et désagréables ; il est usité dans sept départemens, l'Allier, la Loire, la Haute-Loire, l'Ardêche, la Lozère, le Puy-de-Dôme et le Cantal.
6° Le limousin, moins harmonieux que le le languedocien, et qui est parlé dans dix départemens : la Corrèze, la Haute-Vienne, la Creuse, l'Indre, le Cher, la Vienne, la Dordogne, la Charente, la Charente-Inférieure et partie d'Indre-et-Loire.
7° Le gascon, traînant et criard, en usage dans cinq départemens, la Gironde, les Landes, les Hautes-Pyrénées, les Basses-Pyrénées et le Gers
20. M. Champollion-Figeac divise ces dialectes en quatre principaux, savoir, le picard, le flamand, le normand, et le wallon ou rouchi, parlés dans la Picardie, la Flandre française et néerlandaise, la Normandie et dans les provinces néerlandaises de Namur et de Liège ; puis il y ajoute d'autres dialectes tenant toujours au nord de la Loire, et qui ne sont point compris dans les quatre précédens : ce sont le français vulgaire, le breton français, le champenois, le lorrain, le bourguignon, le franc-comtois, l'orléanais, l'angevin et le manceau, parlés dans les différentes provinces qu'indiquent ces noms, telles que l'Ile de France, une partie de la Bretagne, la Champagne, la Lorraine, la Bourgogne, etc., etc.
Nous ferons ici une observation générale sur les patois tant du midi que du nord : c'est que tous possèdent des ouvrages modernes de différens genres en prose et en vers, et quelques-uns même ont des grammaires et des dictionnaires. Ce serait une bibliographie assez curieuse que celle qui offrirait la liste raisonnée de tous les ouvrages en dialectes vulgaires ou patois. Nous pensons qu'elle serait d'autant plus utile qu'elle conserverait la mémoire de ces dialectes populaires, qui, depuis la révolution, se sont singulièrement affaiblis dans les provinces, et finiront par disparaître. M. Oberlin a déjà publié un Essai sur le patois lorrain, Strasbourg, 1775, pet. In-8° de 287 p. -- M. Champollion-figeac est auteur de Nouvelles Recherches sur les patois ou idiômes vulgaires de France, Paris, 1809, in-12 de 201 p. -- M. Fallot a donné des Recherches sur le patois de Franche-Comté, de Lorraine et d'Alsace. Montbéliard, 1828, in-12 de 150 p. -- M. Coquebert de Montbret a publié des Mélanges sur les langues, dialectes et patois, renfermant entre autres la collection de la parabole de l'ENFANT PRODIGUE, en cent idiômes différens, presque tous de France, Paris, 1831, in-8° de 571 pag. Ces paraboles sont tirées de la collection des Mémoires des antiquaires de France, t. vi, 1824, pp. 432-545. Cette collection renferme une infinité d'articles sur les patois, fournis par des savans, entre autres par MM. Monnier, Richard, etc. -- Nous ne tarderons pas à mettre sous presse une Bibliothèque idio-bourguignone, contenant la liste raisonnée de tous les ouvrages qui ont paru en patois bourguignon. Cet ouvrage est terminé.
21. Cet ATLAS, fruit de recherches aussi consciencieuses qu'étendues, renferme quarante-et-un grands tableaux in-fol., dont les 36 premiers sont purement ethnographiques, et les derniers sont polyglottes. Ces cinq derniers (xxxvii-xlii) imprimés par colonnes dans toute l'étendue de la feuille in plano, contiennent chacun un vocabulaire polyglotte des langues en usage dans chacune des cinq parties du globe, savoir : l'Asie, l'europe, l'Afrique, l'Océanie et l'Amérique. Chaque vocabulaire est divisé en 28 colonnes. La première de ces colonnes, à gauche, offre du haut en bas, la nomenclature des langues dont il est question dans le tableau ; la seconde indique la langue dont l'orthographe a été adoptée pour rendre les mots ; et les vingt-six autres colonnes ont en tête les vingt-six mots adoptés par l'auteur, et sous chacun d'eux est la série de ces mots rendus dans chaque langue, sur une ligne horizontale correspondante à la nomenclature qui forme la première colonne.
Dans ces cinq grands vocabulaires polyglottes, les langues seules sont numérotées ; les dialectes qui suivent chaque langue ne le sont pas (Voy. 1ère colonne).
Voici l'ordre dans lequel sont placés ces vocabulaires ; nous y ajoutons le nombre de langues que chacun d'eux renferme.
1° (TAB. xxxvii), vocabulaire des langues asiatiques au nombre de 153
2° (TAB xxxviii), vocabulaire des langues européennes 48
3° (TAB xxxix) vocabulaire des langues africaines 118
4° (TAB xl) vocabulaire des langues oceaniennes 117
5° (TAB xli), vocabulaire des la ngues américaines 424
Total : 860
Quant aux dialectes qui sont nommés à la suite de chaque langue, mais qui ne sont pas numérotés, M. Balbi en porte le nombre à plus de CINQ MILLE ; ce qui ferait en tout plus de 5.860 tant langues que dialectes.
Que diront donc les critiques de M. Fred. Adelung, qui se sont tant récriés sur le nombre de 3,064 auquel ce savant a porté les langues et dialectes connus, dans son UEBERSICHT aller bekannten sprachen und ihrer dialekte (Aperçu de toutes les langues connues et de leurs dialectes) ; Saint-Petersburg et Berlin, 1820, in-8° de 185 pag. ? Cet opuscule a été traduit en italien par Fr. Chérubini, avec des remarques sur les dialectes italiens, Milan, 1824, in-8°. M. Adelung n'a adopté que quatre grandes divisions qu'il établit ainsi pour les langues et dialectes prlés dans les quatre parties du monde, l'Océanie ne formant qu'un article avec l'Amérique :
Le nombre des langues et dialectes européens s'élève à 587
Celui des langues et dialectes asiatiques, à 937
Celui des langues et dialectes africains, à 276
Et celui des langues américaines, à 1264
Total : 3064
M. Adelung prétend que la Bible a déjà été traduite en cent trente-neuf langues différentes.
22. Forcé, comme nous l'avons dit plus haut, de nous restreindre à des extraits, nous ne rapportons ici qu'un fragment du serment de Louis et celui de l'armée gauloise, l'un et l'autre prononcés en langue romane. Nous commençons par ce morceau, quoique très-connu, parce qu'on l'a toujours regardé comme le premier germe, l'embryon de la langue française. Nous croyons inutile de donner ici des extraits des deux sermens de Charles et de l'armée germanique en langue théotisque ; nous les rapportons tous en grand détail dans notre recueil, avec l'historique et destraductions interlinéaires, accompagnées de notes.
23. Nous donnons le texte pur de Nithard, tel qu'il est dans le manuscit, à part cependant les mots abrégés, que le défaut de caractères abréviatifs nous oblige de rendre en toutes lettres. Nous observons ici que le texte de Nithard a été corrigé par M. Thierry ; ce savant très-versé dans les langues du moyen âge, ayant remarqué que nithard, Franc de naissance, avait appliqué à la la ngue romane, l'orthographe de sa propre langue, qui était la théotisque, a cru devoir réparer cette faute involontaire en rétablissant, ainsi qu'il suit, le texte selon l'orthographe romane :
« Pro Deu amor et pro christian poble et nostre commun saluament, dest di en auant, en quant Deus sauer et pder me donet, si saluraieu cest mon fradre Karle et en adjuda et en caduna cosa, si cum om, per dreit, so fradre saluar deit, en o qued il mi altresi fazet….
Si Lodewigs sagrament que son fradre Karle juret, conseruet, et Karles meos senher de soa part non lo tent. Si ieu retornar non l'ent pois, ne ieu ne nuels que ieu retornar en pois, en nulla adjuda contre Lodewig non li ivrai.
24. Cette condamnation à mort est en contradiction avec l'article lxvii du même code qui porte suppression de la peine de mort. Cet article est ainsi conçu :
DE SUPPLICIORUM MODO. Interdicimus etiam ne quis occidatur vel suspendatur pro aliquâ culpâ ; sed eruantur oculi et abscidantur pedes, vel testiculi, vel manus, ita quod truncus remaneat vivus in signum proditionis et nequitiae suae. Secundum enim quantitatem delicti debet poena maleficis infligi.
25. Le mot gorre signifie luxe, magnificence, ostentation, vanité, recherche dans la toilette, débauche, etc. FAVIN, dans son Théâtre d'honneur, appelle la trop fameuse Isabeau de Bavière « grande gorre, pour se « bobander, dit-il, en habits à l'allemande. ».
26. Voyez son ordonnance du mois d'août 1539, rédigée par Poyet.
27. Cela est relatif aux Mystères qu'on jouait alors.
28. Quoique plusieurs des ouvrages de cette collection ne se trouvent plus dans le commerce, nous donnons le prix fixé par l'éditeur; et nous ajoutons en note les prix auxquels quelques-uns de ces mêmes ouvrages ont été portés dans des ventes publiques, pour prouver combien ils sont recherchés par les amateurs. Par exemple, ce mince volume des VERS SUR LA MORT, lors de la vente de la bibliothèque de M. Méon en 1829, a été porté jusqu'à la somme de 20 fr. Voy. sou Catalogue, n° 209.
29. Un exemplaire de cet ouvrage a été adjugé à la somme de 40 fr., lors de la vente de la bibliothèque de M. Amanton, en 1832. Voy. son Catalogue, n° 487.
30. Un exemplaire de cet ouvrage a été porté jusqu'à la somme de 41 f. 50 c. à la vente des livres de M. Méon, en 1829. Voy. son Catalogue, n° 226. Et seulement à 37 fr., à la vente des livres de M. Amanton, en 1832. Voy. son Catalogue, n° 341.
31. Un exemplaire a été porté à la somme de 20 fr., lors de la vente des livres de feu M. Méon, en 1829. Voy. son Catalogue, n° 8. Un exemplaire du même ouvrage n'a été vendu que 9 fr., chez M. Amanton, en 1832. Voy. son Catalogue, n° 10.
32. L'exemplaire de M. Méon a été porté à la somme de 49 fr. 5 c., lors de la vente de ses livres en 1829. Voy. son Catalogue, n° 228. Et à la somme de 22 fr. 25 c., chez M. Amanton, en 1832. Voy. son Catalogue, n° 342.
33. A la vent des livres de feu M. Méon, en 1829, un exemplaire de cet ouvrage a été porté à la somme de 54 fr. Voy. son Catalogue, n° 208. Et chez M. Amanton, en 1832, à la somme de 32 fr. 25 c. Voy. son Catalogue, n° 340.
34. Un exemplaire de cet ouvrage a été vendu 24 fr. à la vente des livres de M. Amanton en 1832. V. son catalogue n° 592.
35. Ignorez-vous pourquoi les sept arts (le Trivium et le Quadrivium, si vantés dans le moyen âge), s'appelaient libéraux? Eustache Deschamps va vous l'apprendre dans le début de son Art de dictier, etc.
"Entre les sept ars et sciences par lesquelles ce présent monde est gouverné, dit-il, et qui sont appellez ars libéraulx, pour ce que anciennement nul, se il n'estoit libéral, c'est-à-dire fils de noble homme, et astrait de noble lignie, n'osoit aprandre aucun d'iceul ars, c'est-assauuoir : Grammaire, logique, Réthorique, Géométrie, Arismétique, Musique et Astronomie; lesquels ars trouva du tiers aage du monde et au temps de Habraham, Zoroastres qui régnait en Baterie (Bactriane)……."
L'épithète libéral appliquée à l'homme, n'a plus maintenant la même signification que du temps de Deschamps, car tous les libéraux actuels ne sont pas fils de noble, et tous les fils de noble ne sont pas libéraux. Il est vrai que le libéralisme, mot de nouvelle création, était totalement ignoré de nos bons ayeux.