DICTIONNAIRE GÉNÉRAL

 

DE LA

 

LANGUE FRANÇAISE

 

ET

 

VOCABULAIRE UNIVERSEL

 

DES SCIENCES, DES ARTS ET DES METIERS

 

Contenant, outre les mots de la langue usuelle, leurs dÉfinitions, leurs diverses acceptions, au propre et au figurÉ, leur synonymes et les contraires, les locutions grammaticales, familiÈres, proverbiales, etc.

 

CINQUANTE MILLE MOTS

 

Et un nombre considérable d'acceptions de plus que le Dictionnaire de l'Académie,

 

Dix mille mots et quinze mille acceptions de plus que Boiste, Gattel, Laveaux, etc.

 


1° Les mots, termes, définitions, acceptions et exemples nouveaux, peu connus, oubliés, écartés, ou comme abandonnés depuis la révolution française, sous le rapport de la religion, du clergé, de la Bible, de la théologie, du blason, des étiquettes de cour, de relation, de féodalité, de diplomatie, de localité, etc., et rétablis sous leur acception primitive.

2° Les mots et termes nouveaux des instruments aratoires, des mesures agraires, des outils, des grosses et des petites forges, des compositions Nouvelles, tant sèches que liquides, des aliments, des apprêts des mets, des pâtes, des liqueurs, des substances, des produits nouveaux de l'industrie, des meubles, des étoffes nouvelles en soie, laine ou coton, des instruments nouveaux de musique, etc.

3° Les mots nouveaux, oubliés ou peu connus dans les arts et métiers; — dans le commerce; — dans la banque; — dans l'agriculture; — dans l'art militaire; — dans la marine; — dans la littérature et les sciences; — dans l'art vétérinaire et la maréchalerie; — etc; dans l'histoire naturelle, animale, minérale et végétale, les pierres précieuses, les pétrifications, les fossiles, etc.

4° Les termes de l'ancien et du nouveau droit; de la médecine, chirurgie, pharmacie, chimie, anciennes et nouvelles.

5° Les titres et les qualifications des anciens magistrats de Rome, de Carthage, de la Grèce, de la Perse, de la Chine, du Bas-Empire, etc.; les noms de leurs principaux édifices et marchés publics, et d'un grand nombre d'objets d'antiquité.

6° Les noms des constellations, des divinités célestes, des dieux et des idoles adorés chez tous les peuples de la terre, les qualifications et les titres des prêtres ou sacrificateurs des divers cultes; les noms des fêtes anciennes et modernes, de celles des sauvages et des idolâtres, et de tout ce qu'il y a de plus curieux dans la Mythologie.

7° Les noms des mois des calendriers turc, hébraïque, arabe, athénien, romain, etc., en concordance avec le calendrier grégorien.

8° Les noms et termes des monnaies, des poids et mesures adoptés en Europe et dans les autres parties du monde, même de ceux qui sont usités parmi les sauvages, avec leur valeur correspondante à celle des monnaies, des poids, etc., de France.

9° Les noms des peuples anciens, des sociétés secrètes et sectes religieuses, françaises, juives, mahométanes, indiennes, celses, etc.

10° Un nombre considérable de termes recueillis des histoires, des romans, des voyages, ainsi que beaucoup de mots tirés du grec, du latin, de l'anglais, de l'espagnol, de l'italien, de l'allemand, du russe, etc., et appropriés à la langue française.

11° La prononciation des mots, les étymologies et l'application d'exemples dans les endroits où cela a paru nécessaire.

12° Enfin, la rectification d'une multitude d'erreurs qui se sont jusqu'à ce jour glissées dans les autres Dictionnaires.


 

OUVRAGE ENTIEREMENT NEUF, RENFERMANT AU MOINS 100,000 MOTS,

 

Présentant le Dictionnaire le plus complet qui ait paru jusqu'à ce jour, et accompagné d'un Dictionnaire géographique, d'une Liste des personnes les plus remarquables, d'un Précis de grammaire française, d'une Méthode particulière sur l'art de ponctuer, d'une Solution sur les participes déclinables, etc.

 

PAR F. RAYMOND

Auteur du Supplément au Dictionnaire de l'Académie, et de plusieurs autres ouvrages

relatifs à la langue française.

 

TroisiÈme Édition

 

Revue, CorrigÉe, AmÉliorÉe et AugmentÉe par l'Auteur

 

Tome Premier

 

PARIS

 

Pitois-Levrault et Cie, Libraires,

 

Rue de La Harpe, n. 81

 

1840


 


 

PRÉFACE

 

 

 

Les limites dans lesquelles un Dictionnaire de la Langue française doit être renfermé sont encore une question à résoudre. Si l'on remonte à l'origine des mots, et si l'on veut en donner une explication complète, on arrive bientôt à faire une Encyclopédie; si l'on se restreint, au contraire, à des définitions sommaires, on rentre dans le cercle resserré du Dictionnaire de l'Académie, on s'arrête à une langue pauvre qui semble appartenir plus à l'ordre des idées abstraites qu'à celui des faits matériels; à une langue froide, littéraire, copiée sur celle des salons du dix-septième siècle et sur l'ignorance élégante de cette époque. C'est le Vocabulaire des courtisans; le peuple n'y est compté pour rien : les hommes que l'on désignait comme les interprètes des sciences et des hautes études n'étaient guère que des métaphysiciens et des grammairiens; leur langage obscur et affété n'avait rien de la simplicité claire et précise avec laquelle s'expriment les savants de nos jours; c'est alors que l'on conçut l'idée du Dictionnaire de l'Académie, Dictionnaire ad usum, pour l'usage de Louis XIV, de Richelieu, etc. La féodalité était éteinte, et avec elle expirait la langue colorée, pittoresque, de Rabelais et de Montaigne. La représentation royale était devenue la grande affaire de l'État : Versailles, Marly, les oraisons funèbres et les madrigaux, les ballets et le lever du Roi, caractérisaient la vie intellectuelle de la cour; les académiciens, qui vivaient de cette cour ou qui y étaient ducs, marquis, chevaliers, parlaient la langue aristocratique, dont tous les mots à peu près, sont dans les Lettres de madame de Sévigné. Aujourd'hui nous sommes moins délicats, plus positifs; l'étiquette est sortie de la vie et des conversations; le peuple et son idiome ont été affranchis; on ne dédaigne plus de descendre aux détails bourgeois de l'existence matérielle : le bon ton, sotte satisfaction qui est restée aux hommes sans valeur personnelle, devient de plus en plus ridicule avec ses expressions empesées et ses petits mots choisis.

En même temps les distinctions de nation à nation s'effacent; nous vivons les uns chez les autres; nous sentons que notre force n'est pas dans l'individualité; notre langue se généralise, elle s'enrichit en empruntant aux dialectes étrangers; on semble moins s'inquiéter de son origine, de sa physionomie particulière; on commence à comprendre que les mots n'ont de valeur que par les idées, et que l'adoption d'une langue universelle, titre auquel la langue française a des prétentions, serait le plus grand pas que l'humanité pourrait faire vers son perfectionnement.

A côté de la réhabilitation de beaucoup d'expressions roturières ou vieillies, et de la naturalisation d'un grand nombre de mots étrangers, on remarque aussi qu'au milieu du vaste développement que l'esprit humain a reçu depuis le siècle dernier, et lorsque toutes les branches de connaissances entrent de plus en plus dans le domaine de la science; on remarque, disons-nous, qu'une foule de termes techniques ont passé de la langue plus riche des idéologues, des industriels, des artistes, des savants, dans le langage vulgaire. C'est sur ces faits, que nous indique la philosophie de l'histoire moderne, que doivent aujourd'hui s'appuyer les lexicographes.

Boiste a compris, le premier, que notre Vocabulaire était encore à composer; que c'était la nation qui faisait la langue, et que l'Académie devait la recevoir toute faite.

Gattel a suivi le même système d'indépendance, et Laveaux a senti la nécessité de perfectionner le Dictionnaire qu'il avait déjà publié.

Cependant aucun travail ne nous semble encore avoir répondu d'une manière satisfaisante aux besoins de notre temps. Il est à regretter que des savants distingués n'aient pas entrepris de donner à la France un Dictionnaire qui soit en rapport avec les connaissances actuelles.

L'auteur de cet ouvrage a eu cette haute témérité : voué depuis sa jeunesse à l'étude de la philologie, il a sacrifié à cette étude ses veilles et ses loisirs, et ses forces se sont déjà essayées dans un Supplément au Dictionnaire de l'Académie[1], un Traité de Ponctuation, et d'autres écrits sur la langue française, avec la pensée que son zèle et s patience pourraient suppléer à d'autres capacités littéraires. C'est ainsi qu'il a consacré vingt années à fonder, à l'aide de recherches fastidieuses et  pénibles, un édifice en rapport avec nos mœurs et nos progrès actuels. Il a consulté les hommes et les livres. De savants professeurs, des grammairiens distingués, ont bien voulu le seconder; des architectes, des ingénieurs, etc., lui ont prêté leur appui : aussi l'architecture et le génie ont acquis dans son travail des définitions plus nettes, plus identiques, que dans aucun autre Dictionnaire : il est facile de s'en assurer.

On ne doit pas regarder un Dictionnaire comme une simple compilation, si l'on réfléchit que, pour être d'une utilité générale, il faut qu'il soit, pour ainsi dire, l'abrégé des connaissances de l'époque, que l'acception des mots peut changer, qu'ils ont leur histoire politique et morale, et que leurs définitions sont loin d'avoir toutes été conçues d'une manière exacte et précise.

L'auteur a dû se familiariser avec la langue des Lavoisier, des Haüy, des Cuvier et des Lacépède, des Portal et des Bichât, des Lagrange et des Laplace, etc.; il a dû suivre pas à pas les découvertes, noter la langue à mesure qu'elle se faisait ou se modifiait. Il a puisé dans l'histoire, les voyages et les travaux des archéologues, les noms des institutions politiques et religieuses des divers peuples, dans les mémoires particuliers, une foule d'expressions de cour; dans les ouvrages techniques, tous les termes des arts et métiers si peu considérés jusqu'à présent; enfin, dans les traités des sciences diverses, tous les mots qui avaient échappé aux autres lexicographes, et qu'une fera connaître au lecteur[2].

Pour la naturalisation des mots étrangers, l'auteur n'a pas cru devoir se montrer sévère : notre langue est celle des cours et de la diplomatie, espèce d'idiome universel : pour lui conserver et mieux lui mériter ce titre, nous devons chercher à la rendre aussi riche, aussi complète qu'elle est claire et facile. Nos idées, nos mœurs, ont eu d'abord la tendance méridionale, espagnole, italienne; elles se rapprochent aujourd'hui du nord; le langage a suivi les mêmes traces. Les origines helléniques jouent aussi un grand rôle dans la langue technologique; une moitié de notre vocabulaire est devenue grecque.

La mythologie ancienne a été traitée avec un soin judicieux; elle a fait en quelque sorte partie de nos mœurs, après a renaissance des lettres en Europe. Toutes les créations, toutes les figures de la superstition grecque et romaine ont été adoptées parmi nous. Le christianisme resta longtemps banni de la poésie française, tandis qu'une foule de termes mythologiques passèrent même dans le la ngage du peuple.

L'auteur a relaté avec soin les divers attributs que les peintres et les écrivains ont donnés aux figures allégoriques, comme l'Amitié, l'Amour, la Clémence, la Colère, la Constance, la Fureur, l'Injustice, la Patience, la religion, la Théologie, la Vérité, la Violence, etc., etc.

Une espèce de langue politique a encore été créée depuis 1789 : les diverses formes de gouvernements qui se sont succédé ont fait naître une foule de mots nouveaux qui tous ont été recueillis avec fidélité dans ce Dictionnaire. Les articles Écoles militaires ou autres, Saint-Simoniens, Saint-Simonisme, Saint-Simonistes, etc. (Voyez SIMONIENS (SAINT-), etc.), sont neufs; ils ont été traités avec toute la concision et la vérité que l'on peut désirer.

Enfin, l'on a cru devoir admettre un grand nombre de locutions qui, pour n'être usitées que dans certaines localités, ne sont pas dépourvues de tout intérêt. Sous le rapport des lettres et du commerce, les provinces méritent une attention particulière, aujourd'hui que, moins perdues dans la centralisation, elles peuvent avoir leur propre sphère d'activité.

La série des mots nouveaux, oubliés ou introduits dans ce Dictionnaire, est considérable, principalement dans cette troisième édition : on ne peut les énumérer tous dans cette Préface. En voici quelques-uns qui viennent à la mémoire : Abdominoscopie, Ablops, Acardie, Achtéographe, Aconitine, Acosmie, Adénalgie, Aglossie, Aimantaire, Alcoholate, Alternat, Althéine, Apophase, Assumer, Baccivore, Ballonnement, Ballonner, Batignolaise, Béarnaise, Béotarchie, Biomètre, Buchylles, Butyreux, Calonière, Canalisation, Crâniométrie, Culate, Daphnine, Déviatif, Ducroire, Echéable, Effleuroir, Egrappage, Engrènement, Europorama, Floricome, Flotterons, Gaufroir, Graphonuctiomètre, Imprévisible, Omnibus, Orléanaise, etc., etc. ainsi que beaucoup de noms de plantes, d'insectes, de poissons, de coquilles, de pierres précieuses, de pétrifications, et d'animaux quadrupèdes dont les noms étaient inconnus, et qu'on ne trouve guère que dans les ouvrages nouveaux d'histoire naturelle.

Plus de cinq cents mots, tels que Dansomane, Dansomanie, Monomane, Monomanie, Perdable, Percepteur, Tourbillonnement, Tourbillonner, Tourbier, Tourdelle, Treizièmement, Vocifération, Vociférer, etc., etc. que tous les Vocabulaires ne donnent pas, ou plutôt qui ne sont réunis dans aucun, se trouvent dans celui-ci.

Une amélioration que nous ne devons pas omettre de signaler, c'est que ce Dictionnaire rappelle quelques sobriquets et surnoms qui, bien que n'étant pas français, sont de venus des noms appellatifs. Par exemple, Bobêche, ustensile, ou espèce de garde-suif, nous rappelle le nom que la gaieté parisienne a donné à un fameux Paradiste des boulevards; Daphné, plante, celui de la Daphné de la fable; Fontanges, espèce de parure de femme, de celui de madame Fontanges, célèbre favorite de Louis XIV; Porus, plante, le nom propre de Porus, roi des Indes; Villette, petite ville, le nom propre d'une banlieue de Paris, etc.

Sans prodiguer les exemples, l'on n'a pas négligé ceux qui ont paru nécessaires pour l'intelligence plus rationnelle des mots, soit dans leur emploi le plus curieux, soit dans leurs alliances les plus remarquables. D'ailleurs, les exemples ont le mérite de faire lire les Dictionnaires, en ajoutant de la clarté aux définitions et aux différentes acceptions de mots, et en diminuant la sécheresse naturelle des travaux de lexicographie.

Il serait trop long de discuter ici la valeur des orthographes différentes adoptées dans les Dictionnaires. L'auteur a généralement suivi ici la valeur des orthographes différentes adoptées dans les Dictionnaires. L'auteur a généralement suivi celle de l'Académie, mais sans servilité. Il s'est attaché à conserver celle des ouvrages qui lui ont fourni des mots nouveaux, et surtout celle des traités de médecine, de chimie, de pharmacie, sciences dont l'étude a besoin d'être entourée de tous les secours possibles.

Un grand nombre de mots tels que Diguiale, Digniaux, Diguiaux, Erminette, Herminette, Ecarissoir Equarissoir, Eccathartique, Eccorthatique, Sannequin, Samequin, etc., se représentent quelquefois dans le même Dictionnaire avec deux orthographes différentes, mais avec une définition identique : a-t-on craint de se prononcer? Ou sont-ce seulement des erreurs commises par les premiers lexicographes qui, arrivés, par exemple à la lettre H, et au mot Herminette, ont peut-être oublié que ce mot était déjà classé sans H à la lettre E? On a dû laisser subsister les deux orthographes en faisant suivre l’une de la définition du terme, et l’autre de l’expression de renvoi V. (Voyez)

Une Grammaire, dont fait partie le Traité de Ponctuation déjà publié par l’auteur, est placée en tête du dictionnaire, qui est suivi d’un Recueil de Synonymes, dont les matériaux on été extraits des ouvrages les plus estimés; d’une Liste alphabétique des Personnages les plus remarquables jusqu’à nos jours; enfin, d’un Abrégé de Géographie. Au résumé, l’auteur a pensé qu’un Dictionnaire universel devait avoir pour but de marquer le cadre des connaissances humaines sans aller jusqu’à en présenter l’encyclopédie. Ce cadre est si vaste aujourd’hui, que l’on se dirait près d’atteindre le terme des progrès, si l’on ne savait, par la philosophie de l’histoire, que l’horizon des idées recule toujours à mesure que l’on avance. Notre langue, on peut l’avouer avec orgueil, se montre, dans cet ouvrage, riche, monumentale; pour les étrangers, pour la France elle-même, qui ignore tout ce qu’elle possède, ce sera une découverte. N’aurait-ce pas été, toutefois, une étrange anomalie que le Vocabulaire fût resté pauvre, tandis que notre civilisation faisait une si large acquisition d’idées?

Arrivé au terme de ses efforts, et ayant la conscience de ses longs et pénibles travaux, l’auteur, qui n’a eu que la pensée d’être utile, et qui n’a pas oublié que les Dictionnaires sont de ces ouvrages d’où jaillit peu de gloire, sans chercher les honneurs qui n’appartiennent qu’à une haute science et à une profonde érudition, espère pourtant que quelques suffrages amis viendront témoigner de sa persévérance et de son dévouement.



[1] Supplément au Dictionnaire de l'Académie, imprimé chez MM. Masson et fils, en 1823; un volume in-4°, mêmes caractères et dimensions que celui de l'Académie. Nous ferons remarquer ici que, depuis l'apparition de cet ouvrage, beaucoup de mots scientifiques et autres, qui se sont introduits dans notre langue, se trouvent tous insérés dans celui-ci.

[2] Quoiqu'un Dictionnaire qui a paru depuis renferme plusieurs mots pris dans le nôtre, nous avons néanmoins conservé dans cette troisième édition toutes les , l’auteur ayant introduit le premier les mots qu'elles précèdent dans son ouvrage. On observera de plus, qu'un grand nombre de termes puisés dans la Mythologie et indiqués aussi par des   ne sont point compris dans le nombre des dix mille dont il est fait mention au frontispice de ce Dictionnaire.