Rhétorique et politique dans la France du XIXe siècle

Jacques-Philippe Saint-Gérand

Aujourd'hui encore la rhétorique du XIXe siècle ne cesse d'avoir mauvaise presse; surtout après les travaux du structuralisme linguistique trop heureux de s'emparer d'une dépouille encore chaude du dernier sang que lui avaient infusé les idéologues taxinomistes et les rhétoriciens néo-classiques. Il n'en est donc logiquement resté que plumes et poils soigneusement conservés par les taxidermistes de la discipline(1). Mais la rhétorique, au XIXe siècle, souffrait déjà d'un renom douteux, et son édifice conceptuel, dans la première moitié de cette période, a été affecté d'une transformation considérable qui bouleverse l'organisation de sa terminologie, et -- plus profondément encore -- sa finalité pratique et ses conditions épistémiques d'application.

Dumarsais, comme l'a bien démontré Françoise Douay, mettait déjà en relation, dans son ouvrage de 1730, deux tendances opposées jusqu'alors dans l'élaboration du savoir rhétorique: une tradition grammaticale héritée du Barbarismus de Donat ou de la Minerva de Sanctius, et une tradition logique s'originant dans l'analyse médiévale, et scolastique, des paralogismes. Dans le premier cas, l'accent était porté sur le mot et les problèmes de sa signification; dans le second cas, il affectait la question du sens des propositions logiques(2). Partout, était sensible la même répugnance à s'écarter trop du mot, et à envisager une plus large application textuelle du mécanisme rhétorique, qui débouchât sur une réflexion générique. Le texte n'était pas alors envisageable comme un tout manifestant l'exigence de régularisations internes, en dehors des contraintes externes de genre. Et la tropologie conduisait donc inéluctablement à une microscopie linguistique des figures de rhétorique. La réflexion de Dumarsais sur les mécanismes du sens inaugure donc une voie qui, par Guizot interposé, et la préface de son Dictionnaire Universel des Synonymes de la langue française(3), trouvera son nom et sa méthode, entre 1886 et 1897, dans la sémantique de Michel Bréal.

C'est ici qu'il convient de revenir à la modification qui affecte l'édifice rhétorique au moment même où Pierre Fontanier, exhumé naguère sans précaution par Gérard Genette, en achève et en périme la construction idéologique. Cette transformation est complexe. Elle trouve son origine dans un retour à la tradition classique, qui met entre parenthèses l'analyse raisonnée de la pensée par les mots et leurs changements de sens, et qui porte au premier plan les conditions verbales et les finalités pratiques de la rhétorique, dans une perspective qui distingue mal l'esthétique et le pragmatique, conformément aux modèles d'Aristote, de Cicéron ou de Quintilien. Les noms de Rollin et de Fénelon(4) sont même invoqués alors comme une référence autorisant cette adaptation des auteurs anciens au dessein de l'instruction. C'est l'instant où l'on passe des Rhéteurs, poètes, avocats, politiques, littérateurs, étudiés et admirés pour leur virtuosité à manipuler le langage, aux "jeunes rhétoriciens"(5) si désireux d'acquérir les bases d'une doxa qui guide leur pratique réelle d'écriture. Comme on le verra, la Nouvelle Rhétorique de J.-V. Le Clerc joue un rôle essentiel dans cette évolution en rappelant simultanément la nécessité du retour aux Classiques et l'exigence d'une adaptation de leurs préceptes aux besoins éthiques et esthétiques contemporains(6).

En d'autres termes, la convocation d'une technique rhétorique classique s'accompagne désormais d'une redistribution interne de ses composantes. Le rappel des trois genres démonstratif, délibératif et judiciaire, prélude à l'exposition des divisions ordinaires de l'invention, disposition et élocution, auxquelles s'adjoint l'action, dans une organisation somme toute conforme à la tradition. Mais, à l'intérieur de ces sections, la pensée se renouvelle par un intérêt particulier porté à la forme de l'écriture. L'achèvement de l'expression devient ici un critère aussi important que la saine conformation logique de la pensée. Par l'intermédiaire des codes axiologiques annexes du langage, cette néo-rhétorique, tout en recourant aux distinctions classiques procède ainsi à une réestimation du matériau linguistique de l'expression, dont la norme est uniquement littéraire. C'est aussi l'époque où, significativement, la littérature acquiert et revendique sa dimension politique plénière. Où celle-ci devient dans le paysage culturel français un produit idéal-type pour reprendre la terminologie de Max Weber, c'est-à-dire un instrument d'interprétation et d'herméneutique de la société, dans une problématique heuristique.

Le Traité Théorique et Pratique de Littérature, publié par Lefranc(7), s'ouvre ainsi -- ce n'est pas véritablement nouveau(8) -- sur la présentation d'une théorie générale du Style; il propose à la suite, quatre sections qui, dans cette dépendance du "bien écrire", c'est-à-dire du "bien penser, bien sentir et bien rendre"(9) redistribuent totalement la technique rhétorique. La section Composition regroupe les principes de la description; la section Poétique prescrit les règles de la versification et envisage les grands genres d'écriture sous l'angle de leur contenu religieux; la section Éloquence lie les intérêts de la Rhétorique à ceux d'une esthétique efficace dans la perspective d'une persuasion sans délai; enfin, la section Matière renferme des exercices de rédaction soutenant l'acquisition des préceptes antérieurement étudiés. La visée didactique a totalement transformé le modèle classique; l'injection supplémentaire, dans cet ensemble, du dessein éducatif, achève d'en spécifier la nature composite. Je ne prendrai, à cet égard, que quelques exemples de publications contemporaines :

1819 :

Code des Rhétoriciens ou choix des meilleurs préceptes d'éloquence et de style, pour servir d'introduction aux Leçons de Morale et de Littérature de MM. Noël et Delaplace, Paris, De Pélafol.

1824 :

Traité élémentaire de rhétorique, ou règles de l'éloquence à l'usage des classes, par L.G. Taillefer; in-12 de 16 feuilles 1/2 plus un tableau; Paris, chez Maire-Nyon éd.

Rhétorique de la jeunesse ou traité sur l'éloquence du geste et de la voix, par Mme la comtesse d'Hautpoult [sic]; in-12 de 11 feuilles 5/6; Paris, chez Bossange frères libraires.

1825:

Rhétorique française extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes, par M. Andrieux, professeur de Rhétorique en l'Université Royale de France ; in-8°, de 25 feuilles 3/8; Paris, chez Brunot-Labbé éd.

Nouveau cours de rhétorique française à l'usage des aspirans au Baccalauréat ès-lettres, par F.-J. Villiers-Morianné; in-12 de 12 feuilles 1/2; Paris, chez Brunot-Labbé libraire.

Rhétorique en 28 leçons, par A.-J.-B. Boneret de Cressé, membre de l'Université; in-12 de 18 feuilles; Paris, chez Parmentier, libraire éditeur.

1826:

Traité de la narration, suivi des règles générales de l'analyse et du développement oratoire, avec des modèles d'exercices, à l'usage de la seconde, par P.-F. de Calonne, professeur au Collège Royal de Henri IV; in-12 de 7 feuilles; Paris, chez Compère jeune libraire.

Discours de Flavien et de Libanius à l'empereur Théodose, en faveur de la ville d'Antioche, traduits du grec en français, et analysés, par J.-L. Génin, professeur de Rhétorique à Paris, à l'usage des élèves de Rhétorique; in-8° de 6 feuilles 1/2; à Lyon, chez Rusand, libraire éditeur.

1829:

Traité élémentaire de rhétorique et d'éloquence à l'usage de la jeunesse et des pères de famille qui s'occupent de l'éducation de leurs enfans, par M.-F. Malepuyse; in-18 de 3 feuilles; imprimerie de Prelard à Paris; chez Verdet éd.

Nouveau cours de Rhétorique contenant des versions latines, des versions grecques, des matières en vers, rédigé et mis en ordre par deux professeurs de l'Académie de Paris, avec les corrigés; 2 volumes in-12, ensemble de 44 feuilles 1/3 ;Paris, chez Auguste Delalain éd.

Nous sommes décidément bien là dans cette période où s'affirme la valeur du style, comme forme d'écriture transcendant les contraintes des modèles rhétoriques anciens; Émile Deschamps l'affirme sans ambages :

Ce qui est somme toute une manière dans l'air du temps de romanticiser le pseudo aphorisme de Buffon, Le style c'est l'homme [même], en le dotant d'une charge psychologique exprimant l'idiosyncrasie de chaque sujet de l'écriture.

Plus tard, Fillon et bien d'autres encore, répéteront cette alliance de la rhétorique -- ensemble générique de procédés de composition -- et de l'éloquence -- manière individuelle de toucher et de convaincre un auditoire tour à tour éprouvé par la force de l'écriture et la puissance de la voix et du geste, sinon de la prestance et de la carrure de l'orateur. Reste que, derrière l'individuation de la parole, émerge alors, plus forte que jamais, la fonction idéologique des discours.

La dimension -- ou plutôt l'asservissement -- politique de la rhétorique avait été rendue explicite par la Révolution de 1789; elle se marque de nouveau irrésistiblement au tournant des révolutions de 1830 et de 1848, dans lesquelles la part dévolue aux actes de -- et en... -- parole constitue l'essentiel des causes incitatives des mouvements populaires. Libelles, discours, banquets... A l'époque des combats romantiques, Antoine Jay [1770-1854], littérateur et publiciste, précepteur du fils de Fouché, et directeur du Journal de Paris, fondateur du Constitutionnel, qui avait fait l'épreuve de l'Amérique entre 1797 et 1802, député de la Gironde et Académicien, écrivait :

En ayant à l'arrière-plan de sa pensée la figure du Général Foy, que Cormenin allait aussi éterniser dans cette représentation de modèle par excellence de la nouvelle rhétorique politique, Antoine Jay condamne tout usage de la langue qui fait de cette dernière un moyen d'occulter la vérité :

On perçoit dans cet extrait comment un langage -- des formes rhétoriques de langue -- obsolète contrevient définitivement à une prise en compte exacte des nécessités de la réalité politique présente. L'éloge des discours du Général Foy s'appuie -- en revanche -- sur cette modernité du verbe efficace ayant répudié les mouches, les perruques et les poudres de la rhétorique d'ancien régime :

De telles analyses -- ou, si vous préférez, de tels chants encomiastiques -- révèlent clairement cette politisation fondamentale de la parole et des discours. Si le dix-neuvième siècle français est effectivement une période de grands bouleversements idéologiques et techniques, s'il est réellement ce moment de l'histoire au cours duquel meurt -- après s'être restreinte -- une tradition de la parole persuasive au service de conceptions du Beau et du Bien plus que bimillénaires, c'est donc aussi l'instant qui offre à la rhétorique la possibilité unique de renaître de ses cendres et d'occuper d'autres territoires que ceux de l'ornementation de l'argumentation littéraire. Dans le Journal de l'instruction publique, ne lisait-on pas, en 1836, que la Rhétorique, sans la protection officielle des réglements universitaires, serait aujourd'hui morte en France?

Sous l'angle d'une rhétorique efficace des discours, le XIXe siècle considère ainsi ses prédécesseurs avec une attention parfois myope, parfois critique, le plus souvent travestissante et déformante. Il est intéressant, à cet égard, de considérer selon l'ordre alphabétique -- et non chronologique -- les noms d'auteurs et d'ouvrages qui reviennent constamment sous la plume des néo-rhétoriciens du XIXe siècle.

L'Académie française est citée pour son opinion sur Le Cid, mais selon un angle qui privilégie la dénonciation des défauts.

Aristote figure dans la tradition par sa Rhétorique, mais celle-ci est réduite essentiellement à son constituant délibératif : l'analyse du bonheur fait s'articuler l'éthique et le poétique.

Auger est redevable de son Commentaire sur Molière, d'ailleurs très moralisateur.

Le Père Dominique Bouhours est représenté par ses Doutes sur la langue française, proposés à Messieurs de l'Académie française par un gentilhomme de province..., qui font interférer la grammaire et la rhétorique au coeur même du débat sur la pureté de la langue nationale.

Chompré s'inscrit grâce à son Introduction à la langue latine par la voie de la traduction, qui ménage une large place aux procédures de transposition, et à l'étude des cultures sous-jacentes aux langues comparés.

Thomas Corneille mérite la reconnaissance pour ses Notes sur les remarques de Vaugelas, qui attestent la continuité des observations sur l'usage.

Denis d'Halicarnasse voit la référence à son De Structura orationis justifiée par la nécessité de composer le discours à l'instar des architectures.

Le grammairien polygraphe Napoléon Landais fait mention de l'article Déclamation des Anciens, que signe Duclos dans l'Encyclopédie, pour signaler la nécessité de joindre -- comme on dit -- le geste à la parole.

Domairon est l'occasion de rappeler ses Principes généraux de belles-lettres, qui fixent le territoire désormais réduit d'une rhétorique uniquement pressée du besoin de procéder à des évaluations sémantiques.

L'Encyclopédie Méthodique, pour sa part, figure autant pour ses articles de Grammaire que pour ceux de Littérature, et pour les connexions qui se créent entre ces deux domaines.

Dumarsais, bien évidemment, se distingue autant par sa méthode pour apprendre le latin, que par ses contributions aux sept premiers volumes de l'Encyclopédie, et son emblématique traité Des tropes... qui va directement au coeur des mécanismes de la rhétorique comme pratique signifiante de langue.

Féraud introduit la référence au Dictionaire critique [sic], tandis que Desfontaines rappelle ses interminables Observations sur les écrits modernes.

Girault-Duvivier, qui mettait en avant l'autorité des grands écrivains tant dans le domaine de la norme grammaticale que dans celui de la valeur morale(14), est référencé pour sa Grammaire des Grammaires.

Horace donne l'occasion de citer son De Arte poetica. Le Journal Grammatical, Littéraire et Philosophique de la Langue française et des Langues en général, dont il est donné sur ce site une brève description, rassemble sous son titre des articles mêlant grammaire et esthétique de la langue: les derniers Idéologues qui en tiennent les rênes n'oublient guère de mentionner dans ses pages les constituants de l'armature rhétorique classique.

Le Dictionnaire des Difficultés Grammaticales et Littéraires de la Langue française de J.-Ch.-Th. de Laveaux(15), qui faisait une si large place aux emprunts de l'Encyclopédie et de Dumarsais, est fréquemment mentionné comme autorité, à l'instar de :

Marmontel, dont les Leçons sur la langue française ne cessent de répéter l'articulation de la grammaire et de la littérature grâce à la rhétorique.

Quintilien n'est pas autrement cité que pour l'ensemble de sa production, qui fait de la rhétorique un art, avec tout ce que ce dernier terme génère de confusion entre l'effet et la raison de l'effet!...

Rollin doit à ses seules qualités de styliste une nouvelle mention de son Traité des Études(16).

On ajoutera à cette cohorte, éclectique et abondante, les noms de Roussel de Berville pour son Essai sur les convenances grammaticales, et de Voltaire pour ses Notes et Commentaires sur Corneille, par lesquelles il apparaît clairement que la dimension historique de l'interprétation des phénomènes est -- à cette époque et pour cet auteur tout au moins -- une pierre d'achoppement du raisonnement grammatical et un motif d'invoquer la rhétorique lorsque celle-ci sert déjà à caractériser la désuétude, si ce n'est l'obsolète déshérence, des objets passés du langage.

L'ensemble désigne, dans sa disparité historique, sa diversité méthodologique et la similitude de sa référence à la parole en acte, une conception de la langue qui place l'accomplissement de cette dernière au-delà des limites propres de son fonctionnement, dans le monde infini et arbitraire de l'effet, dans un univers entièrement gouverné par l'impact social de l'éthos.

La rhétorique française, en 1850, est donc plus que jamais une propédeutique à l'apprentissage du rôle de citoyen cultivé et conformé aux besoins de sa classe. C'est pourquoi l'ouvrier peut aussi devenir poète... parmi les siens, et reconnu comme tel par les officiels. Une certaine conception du monde, hiérarchisée et figée, s'exprime ici dans le langage, par l'entremise de la collusion des contraintes de l'esthétique et de l'éthique du langage. La rhétorique se voit ainsi prise entre deux exigences contradictoires: répéter les formes anciennes de pensée et abdiquer la responsabilité du sujet énonciateur, ou rechercher l'innovation et encourir le risque de l'exclusion du sujet énonçant. Le tome VIII du très orthodoxe Journal de la Langue française, en 1836, écrit sans sourciller :

On sait que, dans l'Antiquité la plus tardive, les situations de crise de la propriété avaient fait émerger la rhétorique comme savoir constitué à part entière, et comme doctrine, ainsi que le montrent Empédocle d'Agrigente et son disciple Corax. Ce n'est donc pas une réelle surprise, ni une nouveauté véritable, que d'avoir vu surgir plus haut pour le XIXe siècle le nom du Général Foy. Mais c'est seulement avec Gorgias de Leontium, maître de Thucydide, arrivé à Athènes en 427, que l'objet en vint à s'appliquer au domaine littéraire et se constitua en pratique esthétique : le genre épidictique s'ajouta donc aux genres judiciaire et délibératif, inaugurant la tradition qui, à côté de l'organisation logique et démonstrative d'une pensée, légitimait dans la rhétorique la place d'une ornementation "stylistique" de l'expression.

Les noms de Platon, d'Aristote(18), de Cicéron(19), de Quintilien(20), ponctuèrent les premiers moments de ce développement. Ce furent ensuite ceux de Plutarque, moralisant la rhétorique par l'exemple des vies d'hommes illustres; et de Tacite, unifiant tous les arts du discours sous le seul nom d'eloquentia. La grande querelle du second siècle après J. C. qui fit s'affronter l'Atticisme et l'Asianisme(21) exposa les incompatibilités de la concentration et de la profusion en désignant les deux asymptotes vers lesquelles pouvaient tendre l'exercice de la faculté rhétorique.

La transmission au moyen âge de la néo-rhétorique latine fut le résultat des oeuvres d'Ausonius, vers le milieu du IVe siècle. Mais cet avatar de la rhétoricité antique fut alors doublement "récupéré" par les grammairiens d'une part, en l'espèce de Donat, et par l'éloquence chrétienne d'autre part, en l'espèce d'Augustin. Les noms ultérieurs de Priscien, Boèce, Isidore de Séville, Bède le Vénérable -- applicateur déterminé de la rhétorique à la Bible -- marquent quelques étapes de ce lent mais irrésistible développement qui fait de la rhétorique un art de dire et un mode de penser capables d'asservir la grammaire et ses utilisateurs à ses fins.

Ils constituent aussi les relais d'une pensée logique et normative qui s'affirme brillamment au XVIe siècle avec Scaliger et Fabri. Mais on hésiterait cependant à franchir le pas consistant à affirmer que, de son origine, la rhétorique tient une irrépressible propension à traîter des objets primordiaux d'intérêt de l'homme. Or l'on connaît aujourd'hui les relations étroites qui unissent en leurs fondements le linguistique et le politique. La conséquence s'impose donc tant du point de vue de la logique que de celui de l'histoire.

Par delà les bouleversements de la société et de ses valeurs, comme héritier des qualités rationnelles du XVIIe siècle et sensibles du XVIIIe siècle portées jusqu'à lui par l'enseignement, le XIXe siècle adolescent -- toujours soumis à la rigueur des Idéologues -- se heurte à l'exténuante rigueur de classer et de répéter, imposée en France, dès le début du grand Siècle, par les Jésuites, puis laïcisée par les développements de l'histoire.

Dans cette tradition des Collèges de la Compagnie, poursuivie par l'école, les pratiques assidues de l'amplification, de la chrie, de la sentence, des parallèles, harangues et controverses, dotent l'élève d'une compétence argumentative et poétique, qui -- la plupart du temps -- reste inexploitée dans la vie quotidienne courante, mais qui ne demande qu'à être sollicitée et stimulée par les conditions réelles de la vie sociale et politique. Les textes préparatoires étudiés alors par les jeunes gens sont les Épitres familières de Cicéron, un Catéchisme grec, un Ovide simplifié, et les fameuses Fables d'Ésope. Leur succèdent Tite-Live, les Discours de Cicéron, l'Énéide de Virgile, Démosthène et Thucydide. Étude faite de ces auteurs, il ne reste plus qu'à reproduire les modèles, la plupart du temps dans l'insouciance la plus grande à l'égard des réalités historiques contemporaines de l'élève. Montaigne déplorait déjà ces trop "grands souliers à un petit pied"(22), tandis que Voltaire récusera cette pédagogie disproportionnée et revendiquera contre elle la forte justesse du "génie aidé des exemples"(23).

La situation fut rendue plus conflictuelle encore avec le passage de la Révolution et du Consulat. Figurale et "stylistique" avant la lettre, j'y reviendrai plus tard, au sens où -- selon Buffon -- le style exprime la latitude de l'homme à composer l'ordre d'exposition des lieux communs, la rhétorique perdit toute crédibilité dans ces événements historiques, qui l'asservissaient à la seule exécution des hautes -- ou basses? -- oeuvres politiques.

Elle fut supplantée alors par la grammaire générale et raisonnée des Idéologues(24), qui n'en récupèra les formes les plus extérieures qu'à des fins d'explicitation des mécanismes de la pensée, indépendamment de l'éthos exercé. En tant que discipline enseignée, la rhétorique fut donc proscrite du programme des Écoles Centrales; et ce furent les projets successifs de Condorcet en 1792, et de Lakanal en 1794, avant les lois de Daunou en 1795. Non que les tribuns révolutionnaires ne fussent eux-mêmes d'efficaces et terribles rhéteurs, comme l'attestent aussi bien Robespierre, que Danton, Pétion, Couton ou Saint-Just; mais par ce qu'une nouvelle configuration du savoir langagier s'était mise en place à la faveur des événements socio-politiques, et du malaise linguistique individuel des locuteurs qui en résulte.

Cette nouvelle épistémê -- au détriment d'une poétique classique et normée de l'expression -- privilégie désormais l'analyse moderne des sensations, des idées et des jugements de l'individu, ainsi que celle des moyens de les exprimer avec exactitude et persuasion, en dehors du recours nécessaire aux règles communes. Une doxa esthétique du discours en découle incontinent. Avec la grammaire générale et le règne inauguré de l'intelligence analytique, c'est donc toute la conception ancienne de la rhétorique comme mode de penser, de raisonner et de s'exprimer qui disparaît. La singularité du Sujet individué s'élève sur les décombres de la communauté des sujets régis par la langue. A sa place se dressent seuls les vestiges d'une tropologie réduite à l'unique et factice fonction ornementale. On est passé, pour reprendre la suggestive expression de Marc-Mathieu Münch d'une conception du Beau singulier à une conception relativiste du Beau pluriel(25). Il est alors de bon ton de proclamer la vacuité de l'ancienne discipline et le droit pour chaque subjectivité de s'affranchir de ces contraintes castratrices, afin d'éprouver pleinement son émancipation dans les jouissances que le langage -- rapporté à sa [f]utilité -- peut seul procurer.

En 1977, Chaïm Perelman et Tzvetan Todorov, chacun pour leur part, faisaient observer que cet effacement était concomitant à l'avénement de la bourgeoisie, essentiellement hostile aux valeurs absolues et universelles qui tendaient à récuser sa toute nouvelle existence comme instance d'esthétique normative et évaluative(26). Dussault lui-même, l'honnête et imperturbable critique du Journal des Débats, en 1805, à propos d'une traduction par l'abbé Collin du De Oratore de Cicéron, écrivait déjà ces lignes instructives et perspicaces :

La situation de la rhétorique dans la première moitié du XIXe siècle définit donc principalement un état de crise paradoxale. La Révolution avait interrompu son enseignement; l'Empereur Napoléon, après avoir inscrit, en 1805, le traité Des Tropes de Dumarsais au programme de la seconde classe des lycées, rétablissait la discipline et réinstituait son savoir faire, dès 1808, avec la dénomination de la classe spécifique dans laquelle on en dispense les éléments.

Ni la Restauration, ni la Monarchie de Juillet, ni la seconde République, ni le second Empire, ni la Commune n'en contesteront la validité comme institution... même oratoire! Si la lecture de la somme de Dumarsais n'est plus rendue obligatoire dans la classe à partir de 1840, il faudra cependant attendre 1885 et les réformes de Jules Ferry, en pleine troisième République, pour que l'inculcation de ce savoir par l'enseignement soit définitivement suspendue, mais non arrêtée dans sa fonction régulatrice, puisque son dessein primordial n'était alors qu'à peine dissimulé par les exercices stylistiques qui se substituaient à lui. Toutefois le contenu et la finalité de l'objet rhétorique, derrière la permanence illusoire du nom, étaient tout différents de ce qu'ils étaient dans la période antérieure. Edgar Quinet, rhétoricien en 1815-1816, soulignant le caractère profondément politique d'une discipline qui réchappait de tous les bouleversement historiques, écrivait :

Le jeune Ernest Renan, arrivé à Paris en 1838 afin de poursuivre ses études, relatait ainsi son expérience de la discipline et de la classe:

Et je serais tenté de mettre en parallèle avec ces affirmations, aux antipodes de leur pensée politique, deux extraits de Jules Vallès journaliste, évoquant son expérience de la même classe, trente ans après Quinet et cinq ans après Renan, ainsi que les conséquences découlant de cet enseignement. Tout d'abord un texte qui pose la permanence du modèle culturel latin:

Puis un texte qui marque les entraves à la liberté individuelle que cette discipline inscrit au coeur même de la langue collective:

Dans tous les cas, que l'idéologie sous-jacente soit progressiste ou conservatrice, respectueuse des formes de la société bourgeoise ou déjà libertaire, c'est la même impression de contention et d'entrave(32) qui prédomine dans le souvenir des écrivains. On se rappellera peut-être que Daru, lointainement, dès 1806, avait perçu ce glissement du terrain verbal et idéologique qui devait entraîner à terme l'écroulement institutionnel de l'édifice rhétorique :

Que peut-il résulter en effet d'une technique de conception, d'élocution et de diction qui préfère recourir au creux plutôt qu'au plein de l'expression et qui délègue à l'aposiopèse le soin de formuler les insinuations, à la suspension celui d'énoncer les doutes, et à la litote ou à l'euphémisme celui de porter la critique?

Concluons donc en tirant désormais les conséquences de cette transformation radicale de la matière rhétorique et du regard que porte sur elle la société du milieu du XIXe siècle.

Dans cette période où les jeunesses brimées -- parvenues à la maturité -- revendiquent le droit à l'action de supplanter la réflexion, la rhétorique peut bien être considérée comme une technologie littéraire d'un autre âge; une manière d'interposer le verbe entre la réalité et les hommes, une façon d'éluder les questions du monde contemporain et d'esquiver les responsabilités du citoyen non assoupi par les facilités de la bourgeoisie impériale ou républicaine. En exténuant les vertus et les prestiges désuets de l'exemplum et de la prosopopée, le discours critique à l'égard de la rhétorique dénonce un travestissement de l'univers représenté par l'écriture qui -- de la vision niaise d'une société harmonisée dans le partage des mêmes valeurs bourgeoises -- insensiblement conduit au cauchemar des luttes de l'individu pour sa survie contre les autres, ou parfois contre lui-même et ses propres rêves. La métaphore guerrière -- employée ici par Vallès à des fins de dérision -- rend compte en creux du pouvoir politique et offensif de la langue; ce qui est d'autant plus intéressant pour mon propos qu'à l'autre extrémité de l'éventail idéologique, un écrivain tel que Barbey d'Aurevilly, contemporain de Vallès, et impénitent chercheur -- lui aussi -- de formes neuves d'associations verbales, peut utiliser le même système de transmutation rhétorique pour exprimer des idées soutenant une cause entièrement inverse(34).

Sans recourir aux détails les plus factuels de l'histoire de la rhétorique, on aura compris que le XIXe siècle s'est déterminé à déplacer l'accent sémantique frappant la discipline de son constituant esthétique, fondé sur le vieux primat de la clarté et de l'élégance de la langue française littéraire, vers son constituant éthique et social, par lequel se réalise la dimension politique du langage:

Cette attitude justifiait pleinement ainsi l'ambition de Joseph-Victor Le Clerc (1789-1866), futur recteur néo-aristotélicien de la Sorbonne, et de sa Nouvelle Rhétorique, ouvertement dédaigneuse de la taxinomie mais soucieuse de réhabiliter -- au-delà de la parure des figures -- les trois grands genres du démonstratif, du délibératif et du judiciaire, pour faire prendre conscience à la jeunesse de la responsabilité qui s'engage dans l'énonciation d'une parole.

Timon(36), en 1835, publiait d'ailleurs un Livre des Orateurs(37) promis sous cet aspect à plus de quinze rééditions, qui, à travers l'étude des discours de Mirabeau, Lafayette, Napoléon, Manuel, de Serre, de Villèle, Foy, Martignac, Benjamin Constant, Royer-Collard, Fitz-James, Casimir Périer, Laffitte, Sauzet, Arago, Lamartine, Guizot, Thiers, Jaubert et bien d'autres parlementaires, s'efforçait d'être l'histoire, la critique et le juge de l'éloquence politique contemporaine. La première partie de son ouvrage, dressant une typologie des discoureurs sur le modèle en cours d'élaboration des physiologies littéraires, procédait notamment à un éreintement définitif de la rhétorique nombreuse pratiquée par les Phraséologues, et marquait les limites d'une conception ornementale de la parole:

A la même époque où la Grammaire devenait Nationale, tout comme le dictionnaire, et où La France revendiquait d'être Grammaticale, se mettait donc en place, autour de la rhétorique, tout un dispositif de pratique et d'analyse, qui, en objectivant les applications de la discipline, permet aujourd'hui encore de mieux comprendre sa nature et les principes de son épistémologie. Ce dispositif peut aussi aider à comprendre comment le savoir passe de l'épilinguistique au métalinguistique. D'un côté, la technique rhétorique met à la disposition de l'individu locuteur toute une panoplie de formes et de figures destinées à l'enrichissement, à la variation, à l'ornementation persuasives de l'expression. Mais ces diverses transformations d'un contenu profond -- stable et universel -- se voient restreintes dans leur utilisation par le sentiment d'acceptabilité ou d'irrecevabilité que projettent sur elles les lecteurs, les auditeurs, et tous les descripteurs de la langue, en fonction de valorisations socio-culturelles liées aux conditions générales d'une époque. Lorsque l'urgence politique de la parole est soumise à ces faits de variation ornementale et stylistique, elle perd aussitôt de son pouvoir et de son efficacité.

D'un autre côté, le savoir rhétorique, virtuel ou latent, échappe à cette contingence historique; il préexiste à toute technicité et réside dans les abysses d'un esprit humain réduit aux universaux de la pensée. Il permet de rendre compte logiquement des mécanismes idéologiques de métamorphoses du verbe, en-deçà de l'affleurement linguistique des énoncés, antérieurement même à toute énonciation, et il en justifie l'efficacité comme il en légitime les byzantines distinctions, par l'idée que les principes premiers de législation de la langue sont inaltérables et généraux, fondés en raison et cautionnés par le bon sens. Ce savoir, inclus dans la langue mais dissimulé par les formes stéréotypes de son usage en parole, rend compte de la prolifération involontaire et inconsciente des figures dans la pratique discursive ordinaire. Il justifie aussi l'efficacité du verbe apparemment spontané. A. Jay, auteur -- en 1830 -- de La Conversion d'un Romantique, manuscrit de Jacques Delorme, et de Deux Lettres sur la Littérature du Siècle, suivies d'un Essai sur l'Éloquence politique en France, analysant l'éloquence d'un farouche pourfendeur de la contre-révolution monarchique et de la Restauration, le général Foy, écrivait sans détour :

On comprend alors qu'à partir du premier tiers du XIXe siècle, orienté par l'irrésistible appel de la démocratie et de la République, le comble de l'éloquence politique se soit enfermé dans le paradoxe d'une rhétorique qui, pour être conforme à l'idée du Bien social, populaire et efficace, dût feindre définitivement de s'ignorer jusqu'à mettre en doute la plausibilité et la légitimité même de son existence. N'est-ce pas Flaubert qui s'exclamait : "Tous les faiseurs de rhétoriques, de poétiques et d'esthétiques me paraissent des imbéciles! "(40)?


Notes

1. Il n'entre pas dans mon propos d'instruire aujourd'hui le procès de la fallacieuse rétrospection historique que réalisa jadis Gérard Genette en concentrant les feux de l'actualité sur les textes de Fontanier qu'il réédita dans un volume à l'unité factice sous le titre Les Figures du Discours; je n'ai pas plus l'intention d'exposer les manques et les réductions du célèbre n°16 de la revue Communications (1970). Une rétrospection élaborée sans un véritable horizon documentaire de référence ne peut conduire qu'à privilégier arbitrairement un objet ayant miraculeusement retenu l'attention de son observateur. L'arbre, alors, cache la forêt. Si l'histoire de la rhétorique peut délivrer une lumière éclairant le sens des transformations institutionnelles d'une société, ce ne peut pas être sous le simple effet d'un heureux hasard: la conjoncture gratuitement convoquée ne pourrait livrer que des conjectures; mais ce doit être dans le cadre, et avec l'épistémologie spécifique, des sciences du langage. C'est alors que seront reconstruits les effets de tension, d'occultation, de catastrophe, qui rendent compte des valeurs prises, au cours du temps, par les différentes théories et l'application de leur appareil technique.

2. Voir: Des Tropes ou des différents sens, Figure et vingt autres articles de l'Encyclopédie suivis de l'Abrégé des Tropes de l'abbé Duclos, présentation, notes et traduction par Françoise Douay-Soublin, Paris, Critiques Flammarion, 1988, pp. 48-50.

3. Accessible sur ce site même à la rubrique Dictionnaires.

4. On se rappellera surtout cette citation du dernier: "Une excellente Rhétorique serait bien au-dessus d'une Grammaire et de tous les travaux bornés à perfectionner une langue", qui expose clairement le partage épistémologique du champ rhétorique.

5. Ceux-là mêmes que vise Simonnin, en 1819, en leur dédiant un Code qui donne accès aux célèbres Leçons de Littérature et de Morale de Noël et De Le Place, constamment publiées depuis 1804.

6. Le Clerc écrit d'ailleurs: "En effet, nos jeunes rhétoriciens ont sans cesse les yeux fixés sur les plus belles productions de la poésie et de l'éloquence; ils les analysent; ils s'en pénètrent par l'étude et l'imitation. N'est-il point nécessaire, pour que les préceptes les intéressent, qu'ils retrouvent dans leurs livres élémentaires ce goût correct et pur dont ils étudient tous les jours les exemples, et quelques étincelles de ce génie créateur, qui souvent est seul capable de se juger lui-même?" Loc. cit. p. vij. Ni F. Douay, ni G. Molinié ne restituent d'ailleurs le titre exact du volume: Extraite des Meilleurs Écrivains Anciens et Modernes; suivie d'Observations sur les matières de Composition dans les classes de Rhétorique, et d'une série de Questions à l'usage de ceux qui se préparent aux examens dans les Collèges Royaux et à la Faculté des Lettres, Paris, Delalain, 1823.

7. Paris, 1841, 4e édition, Librairie Classique de Périsse Frères, 442 p. in-12

8. Raynaud, en 1828, avait déjà montré la voie avec son Manuel du Style en quarante Leçons, chez l'auteur, qui prévoyait un chapitre spécifique pour le traitement de l'éloquence moderne, pp. 491-496.

9. Loc. cit. p.4

10. Émile Deschamps, Études françaises et étrangères Paris, 1828, p. L/Li.

11. A. Jay: Essai sur l'éloquence politique de la France, Paris, Moutardier, 1830, p. 411.

12. Ibid. , p. 412.

13. Ibid. , p. 416-17; 421; 425-27.

14. "Bien convaincu que la religion et la morale sont les bases les plus essentielles de l'éducation; que les règles les plus abstraites sont mieux entendues lorsqu'elles sont développées par des exemples; et qu'à leur tour les exemples se gravent mieux dans la mémoire lorsqu'ils présentent une pensée saillante, un trait d'esprit ou de sentiment, un axiome de morale, ou une sentence de religion, je me suis attaché à choisir de préférence ceux qui offrent cet avantage. J'ai en outre multiplié ces exemples autant que je l'ai pu, et je les ai puisés dans les auteurs les plus purs, les plus corrects; de sorte que, si dans certains cas, nos maîtres en grammaire sont partagés d'opinion, si certaines difficultés se trouvent résolues par quelques-uns d'eux d'une façon différente, et qu'on soit embarrassé sur le choix que l'on doit faire, sur l'avis que l'on doit suivre, on éprouvera du moins une satisfaction, c'est qu'on aura pour se déterminer l'autorité d'un grand nom; car, comme l'a dit un auteur, Il n'y a de Grammairiens par excellence que les grands écrivains" Préface, p. IV.

15. Première édition publiée en 1818, et qui fait l'objet d'une importante et riche notice dans le volume alphabétique correspondant du monumental Bio-Bibliographisches Handbuch der Grammatiker, Sprachtheoriker und Lexicographen des 18. Jahrhunderts im Deutschsprachigen Raum, co-rédigé par Herbert E.Brekle, Edeltraud Dobnig-Jülch, Hans-Jürgen Höller et Helmut Weiß, Niemeyer, Tübingen, 1997, t. 5, pp. 296-307 a.

16. "Le Traité des Études de Rollin demeure encore placé parmi nos meilleurs livres élémentaires: car si l'auteur a peu d'idées neuves, au moins sait-il exposer, dans un style élégant et clair, les excellents préceptes de Cicéron et Quintilien [...], Batteux, Fleury, Dubos, Racine le fils, Diderot, Marmontel, Fénélon, Voltaire" M.-J. Chénier, Tableau historique des Progrès de la Littérature française, 1818, p. 96.

17. Journal Grammatical, Littéraire et Philosophique de la langue française et des langues en général, par G.N.Redler, 1836, p.24.

18. Et sa logique ultérieurement dévoyée par la scolastique et le sens commun.

19. Toujours préoccupé de croiser culture et empirisme dans l'assomption du style et la prédominance d'une éloquence mora-le.

20. Soucieux de classer les faits de pensée -- les parties du discours -- et d'expression -- les figures -- afin de parvenir à un plus sûr contrôle de l'écriture.

21. Dont les échos trouvent encore à troubler les consciences du XIXe siècle, comme le montrent certaines réflexions de Vigny; cf. Journal, 14 janvier 1851: "L'Atticisme est l'amour de toute beauté. La beauté de la pensée a pour fin la poésie la plus parfaite qui est le plus grand effort de la pensée conservé par les langues", Pléiade, II, 1948, p. 1277.

22. Essais, éd. Villey, 3e éd., Paris, P.U.F., 1978, I.51, p.305. Le rhéteur étant comparé à un cordonnier, Montaigne note: "C'est un cordonnier qui sait faire de grands souliers à un petit pied"!.

23. Encyclopédie, article "Éloquence".

24. On se rappellera, à cet égard, le rôle joué dans la révolution de 1830 par un Armand Marrast, collaborateur du Journal Grammatical entre 1829 et 1834, directeur de La Tribune et l'un des principaux rédacteurs de la constitution de 1848...

25. Le Pluriel du Beau, Genèse du relativisme esthétique en littérature: du singulier au pluriel, Centre de Recherche Littérature et Spiritualité de l'Université de Metz, 1991, notamment p. 319.

26. Tzvetan Todorov: Théorie du Symbole, Paris, Le Seuil, 1977, pp. 136-138; et Chaïm Perelman: L'Empire rhétorique, Paris, Vrin, 1977, principalement p. 21, qui fait remonter à la fin du XVIe siècle le début de ce déclin.

27. Le texte sera d'ailleurs repris en 1828 dans le recueil qu'en publiera Eckard, sous le titre: Annales Littéraires, t. 2, Paris, Maradan éd., pp. 415-418.

28. Edgar Quinet: Histoire de mes idées, autobiographie, Oeuvres Complètes, tome X, éd. Germer-Baillière, Paris, 1880, pp. 166-167.

29. Souvenirs d'enfance et de jeunesse, éd. J. Pommier, Bibliothèque de Cluny, A. Colin, 1959, pp. 110-111.

30. L'Époque, 8 juin 1865.

31. Le Voltaire, 4 février 1880.

32. On pourrait encore adjoindre à ce florilège la déploration exaspérée du même Vallès: "Ne serons-nous donc jamais débarrassés de ces gens qui marchent escortés de précautions rhétoriciennes; qui, sous prétexte de viser sans être vus ne se tiennent point debout, mais prennent toujours des poses d'accroupis? Ce qui était tout au plus un moyen est devenu le but. On s'arrête à raffiner sa phrase, comme un soldat qui s'amuserait à sculpter avec un canif la crosse de son fusil. Seulement, au lieu de l'arrondir, cette phrase, on l'affile, on la taille si menu que la pointe casse comme un crayon trop fin; non qu'on veuille aiguiser le style! On essaye de glisser le trait malin, quel trait? -- Un pois de sarbacane, la boulette du petit Galuchet! Ils prétendent que leur article ainsi fait porte dans ses flancs la révolte, la guerre. Ils disent que cette queue de période, la coquine, est soufrée comme une mèche de canon, et qu'il y a pour quatre explosions dans le ventre de cet adjectif. [...] La mythologie relève la tête, l'allégorie bat des ailes, il n'est pas jusqu'à l'apologue, ce petit vieux, qui n'arrive, la canne à la main. On voit sortir de dessous terre des figures de l'autre monde, des habitudes littéraires d'un autre âge; on cite les anciens, on fait parler les bêtes: on enrégimente les revenants! On pille le Bottin des Grecs: les gens s'appellent Archylias, Omicron, Poluflosboyaux! Où allons-nous? -Qu'on appelle donc un chat un chat, morbleu!", La Rue, 13 juillet 1867

33. Daru, Discours à l'Institut, 13 août 1806, B.N. Z 5053 [175], pp. 10-11.

34. On pourra se reporter à des affirmations telles que: "Il faut écrire sur nos livres des devises d'épée, car tout livre n'est qu'un glaive après tout, le glaive tordu et flamboyant de la pensée, et jusqu'à la garde inextinguible", Correspondance générale, éd. J.Petit, Belles Lettres, 1985, t. 3, p. 13; ou la référence au "moule à balle", ibid., t. 2, p. 141.

35. Simonnin, Code des Rhétoriciens ou choix des meilleurs préceptes d'Éloquence et de Style, pour servir d'introduction aux Leçons de Morale et de Littérature par MM. Noël et Delaplace, de Pélafol, 1819, p.i-ij.

36. Alias Louis-Marie de La Haye, vicomte de Cormenin [1788-1868], publiciste et jurisconsulte français, membre de l'Institut, ami de Villemain, opposé à l'élévation au trône de la dynastie d'Orléans, et partisan du suffrage universel bien avant et bien après la seconde République.

37. Pagnerre éditeur, à Paris, rue de Seine, 14 bis.

38. Loc. cit., p.27.

39. Loc. cit., Moutardier, Libraire-Éditeur, rue Gît-le-Coeur, n° 4, p. 427.

40. Flaubert: Bouvard et Pécuchet, V. éd. Bruneau, Le Seuil, L'Intégrale, p. 248 b.