Michel Crouzet a montré naguère (1981) pourquoi et comment Stendhal avait adhéré fortement aux principes linguistiques de l'idéologie. Mais son travail reste d'abord une analyse philosophique et littéraire d'un phénomène qui a largement outrepassé les frontières de la philosophie et de la littérature. Et il donne l'impression qu'une linguistique beyliste étant susceptible d'exister, il est alors naturel et légitime de concevoir un Stendhal grammairien et linguiste. Or, même si Stendhal s'est intéressé à la question de la langue italienne, autour de 1818, en intervenant dans le débat avec Monti, il est excessif de parler dans son cas d'un véritable savoir métalinguistique. Il s'agit tout au plus, l'idéologie lui fournissant des hypothèses et des instruments de dénomination commodes, de l'expression d'un vif sentiment épilinguistique; et qui reste principalement -- même lorsqu'il veut s'élever au niveau d'un savoir -- dans le plan de l'épilinguistique. C'est-à-dire dans celui d'une connaissance non représentée, le langage n'étant pas encore constitué en véritable objet [1]. De ce statut du savoir de la langue procède une appréhension encore fortement empreinte d'intuition, qui fait du langage un instrument privilégié d'interprétation de la sémiose du monde. En liminaire au présent colloque, mon propos voudrait modestement proposer le cadre historique et épistémique de la pensée du langage dans lequel se déploie l'écriture de Stendhal.
La science des idées… et la critique du mot
Pour mieux cerner les circonstants du style de Stendhal, je partirai de l'Encyclopédie :
Quand la maniere décele l'auteur, quand les traits expriment la passion, quand les sons imitent le mouvement, quand les couleurs peignent la chose, quand les tours marquent le sujet, quand le ton répond au genre, quand les termes rendent l'idée ; alors la représentation équivaut à la réalité ; alors la distraction cesse, l'attention croît, le style a toutes les qualités nécessaires pour plaire & pour attacher (sv « Style », in Diderot & d'Alembert, 1751-1780, t. XV, p. 243).
Et je rappellerai brièvement les quatre points de principe gouvernant le phénomène sémiotique et grammatical de l'idéologie.
Le premier consiste dans l'apport spécifique décisif de Condillac au travail d'analyse de la pensée. Chez lui, l'observation des détails de la grammaire renforce la réflexion sémiologique, et conduit à dégager une philosophie du langage beaucoup plus structurée que chez ses prédécesseurs, notamment Hobbes. Dans cette perspective, le calcul du sens des expressions de la langue repose sur un principe latent de compositionnalité-décompositionnalité selon lequel l'idée exprimée par une combinaison de deux ou plusieurs mots est égale à la somme des idées exprimées par chacun des constituants de l'expression. Ce qui réduit in fine le jugement et le raisonnement à l'idée, et place l'appareil technique d'analyse grammaticale sous le binarisme du gouvernement des idées.
Le second point est la prépondérance accordée dans cette optique à la grammaire générale -- mais non universelle -- pour analyser les formes de la pensée; ce type de grammaire, comme le rappelle le comte de Lanjuinais en 1816, expose « quels procédés grammaticaux sont nécessaires, et quels autres peuvent être utilement employés pour exprimer nos idées dans un langage articulé » (Lanjuinais, 1816, p. XIV). Cette grammaire n'élabore donc pas d'inventaire systématique des procédés de la langue; ce qui serait un après de l'observation des faits. Elle vise avant tout à expliciter les modalités selon lesquelles la langue communique et exprime la pensée, dans un cadre de référence analytique mis en place autrefois par Descartes et la Logique de Port-Royal. Linguistique cartésienne donc, mais qui n'a rien à voir avec ce que Chomsky voulait définir comme telle en 1966. En effet, la thèse centrale de la doctrine classique s'organise autour d'un noyau sémiologique qui constitue l'innovation de cette représentation du langage, et le moteur de ses analyses : le mot exprime ici une idée, laquelle représente à son tour une chose. Ce modèle triadique : le mot, l'idée, la chose, se retrouvera dans la sémiotique des encyclopédistes et chez Condillac [2]. De sorte que, si l'on tient compte de la thèse annexe formulée par Locke, selon laquelle toute combinaison signifiante de mots exprime une idée, même si la chose représentée est un acte intérieur de l'esprit, Destutt de Tracy, inspirateur avéré de Stendhal et auteur en 1801 de précieux Élémens d'Idéologie, se trouve désormais entièrement légitimé d'écrire que la grammaire est une facette de la science des idées [3].
Le troisième point consiste dans le développement de ce postulat, et l'observation de ce que telle ou telle langue se révèle plus analytique, ou moins synthétique, que telle ou telle autre en vertu des caractéristiques propres de sa syntaxe et de sa construction [4], c'est-à-dire en fonction de son idiosyncrasie sémiotique. La sémiotique s'institue alors en méthode même de la science, et non seulement contient la métaphysique elle-même, mais devient elle-même la nouvelle métaphysique, l'analyse proprement dite des idées et des signes. L'analyse du langage devient alors l'instrument essentiel de la philosophie, une analyse lexicale offrant la plupart du temps la possibilité de résoudre toutes les difficultés de la métaphysique traditionnelle, et d'éclairer les principes mêmes de la morale. On en arrive par là au quatrième et dernier point.
Celui-ci consiste dans la reconnaissance de la puissance des mots comme instruments heuristiques. Cette qualité analytique dévolue aux items lexicaux [5] pose le problème -- par lequel on va ici toucher au stylistique -- de l'emploi des mots in situ, et, plus particulièrement, de leur utilisation correcte ou incorrecte, voire de leur abus. Le passage du XVIIIe au XIXe siècle, ainsi que les dérives progressives de l'Idéologie, rendent inéluctable cette romanticisation de la philosophie originelle du langage développée par Condillac. Par-delà la force des mots, le langage s'avère être l'instrument qui dévoile et offusque simultanément la vérité. Par un prodigieux renversement, comme transcription appauvrie de la richesse intuitive, le langage devient un instrument peu fiable de communication au service d'une conscience parcellaire... Tel philosophe allemand, par exemple, Hamann (1730-1788) en fait « le cœur du malentendu de la raison avec elle-même » in Simon,1967, p. 224 ; ma traduction, et reconnaît que le langage rend possible la pensée mais contraint la représentation des richesses de l'expérience dans des limites déterminées. On voit ainsi, au terme du développement de la pensée rationaliste, surgir chez Humboldt le reproche de ce que le mot déterminant la pensée la fait du même coup prisonnière.
Le mot est même doublement l'objet d'une critique; non seulement du point de vue qui vient d'être rappelé, mais aussi sous l'aspect de son indétermination foncière qui est un obstacle à l'expression exacte des rapports perçus entre les choses. Dans une Introduction à l'analyse des sciences, qui date de l'an IX, Lancelin écrivait :
L'on voit donc que l'étendue de chaque terme exprimant une notion complexe de substance, d'art ou de science, etc., est indéterminée, variable, et susceptible de croître continuellement par l'addition de nouvelles idées, naissantes de nouvelles découvertes : ainsi, chacun de ces noms généraux, or, fer, argent, etc.; quadrupèdes, oiseaux, poissons, etc.; astronomie, physique, chimie, botanique, horlogerie, gravure, peinture, morale, éducation, législation, etc., ont deux sens, l'un désignant la somme de nos connaissances actuelles, l'autre la somme totale des connaissances qu'il est possible à l'homme d'acquérir sur chacun des objets précités (Lancelin, 1801, t. I, p. 203).
Et Destutt de Tracy va même plus loin en affirmant que cette limite du pouvoir des mots résulte des infirmités de l'entendement humain, de sorte que chez lui, loin de toute idée de perfection de l'objet, le langage émerge dans sa fragilité de médium de la communication entre des expériences variées, et des locuteurs et auditeurs nécessairement différents :
Que l'incertitude de la valeur des signes de nos idées est inhérente, non pas à la nature des signes, mais à celle de nos facultés intellectuelles; et qu'il est impossible que le même signe ait exactement la même valeur pour tous ceux qui l'emploient, et même pour chacun d'eux dans les différents moments où il l'emploie. Cette triste vérité est ce qui constitue essentiellement le vice radical de l'esprit de l'homme ; et qui le condamne à ne jamais arriver complètement à l'exactitude [...] Destutt de Tracy,1803, t. II, p. 405 [6].
Cette affirmation déceptive n'a pas été assez soulignée dans l'ensemble des affirmations plutôt triomphalistes de l'Idéologie, et il est bon ici de la mettre en lumière car elle justifie l'occultation de la rhétorique que l'on trouve chez Tracy et ses contemporains immédiats. Stendhal lui-même refuse d'employer le terme, sans se priver toutefois d'user abondamment de la chose. Le mot comble chez lui les lacunes de la représentation, dans un univers subverti par la tentation constante de l'interprétation des faits, et régi par une sémiologie simultanément sauvage et éminemment sensible : dans La Chartreuse, la Comtesse est subjuguée par le « langage de ces lieux ravissants » [7], tandis que Fabrice reste insensible au « noble langage de l'architecture » [8]. Dans les deux cas, les objets du monde -- sous l'apparence des mots qui les désignent -- proposent un sens à décrypter, intérioriser, interpréter.
Michel Crouzet notait justement 1981, p. 22 : « Le premier problème du langage pour le beyliste c'est au fond la difficulté de parler avec les mots et les idées des autres ; le sincère ne peut se dire dans ce qui a déjà été dit ». Et par là se posent non seulement le problème du cliché, du lieu commun, mais aussi celui de la manière grâce à laquelle un auteur convertit le vil plomb du langage commun en l'or pur d'un style pleinement idiosyncratique. Parler la même langue que tous et être cependant totalement self, telle est l'aporie que la littérature expose et qu'elle doit seulement traiter comme un paradoxe puisque l'écrivain n'est ni grammatiste, ni grammairien, ni lexicomaniaque, ni lexicographe. Or l'on sait tous les reproches qui ont été adressés à Stendhal pour les impropriétés, les lourdeurs, les incohérences, les cacophonies, les vulgarismes, les galimatias d'une écriture qu'il aurait voulu aussi naturelle, précise et univoque que celle du Code civil.
Pensers du langage et voisinage de pensées
Il importe en conséquence de réinsérer désormais Stendhal dans l'évolution d'une certaine représentation de la langue et du langage qui place nécessairement Marie-Henri Beyle -- né en 1783 -- dans le voisinage de personnalités auxquelles on ne l'associe pas nécessairement au premier coup d'œil.
Louis-Sébastien Mercier, par exemple, dont l'énergie en matière de lexique frappe l'imagination par des formules saisissantes, qui entend régénérer le vocabulaire de la langue française littéraire par les expériences sensibles d'un monde en mutation ; et qui ne cesse de clamer son désir de liberté : « Il n'y a rien de tel qu'un peuple sans Académie, pour avoir une langue forte, neuve, hardie et grande. Je suis persuadé de cette vérité comme de ma propre existence. […] la hardiesse dans l'expression suppose la hardiesse de pensée » (Mercier, 1801, pp. XXIV-XXV). Et, un peu plus loin, d'ajouter :
La langue est à celui qui sait la faire obéir à ses idées. Laissez la langue entre les mains de nos feuillistes, folliculaires, souligneurs, elle deviendra nigaude comme eux. Donnez-vous la peine d'orienter la carte de la littérature, pour en désigner le midi et le septentrion, c'est-à-dire, les gens de lettres d'un côté, qui produisent des ouvrages, qui creusent les idées, qui vont en avant, et de l'autre, les jugeurs, impuissants à créer, et qui sont les dignes objets de la risée publique. Que reste-t-il de toute la scolastique de l'abbé Desfontaines jusqu'à celle de nos jours? C'est du langage sorbonique littéraire, rien de plus ibid., p. XLIII.
Certes, Stendhal n'est pas foncièrement favorable à la profusion des néologismes, mais le souci permanent d'être soi dans une langue qui est aussi et peut-être même avant tout celle des autres peut justifier quelques accommodements avec cette rigueur. À l'époque où naît Stendhal, les esprits logiques tenteront d'expliquer rationnellement ce phénomène inconnu de régénération et d'affranchissement du lexique par le préalable nécessaire de la sensorialité : selon le vieil aphorisme renouvelé qui veut que Nihil est in intellectu… Rien ne soit dans la compréhension qui n'ait auparavant été dans les sens …. Les tenants du néo-classicisme, avec Marmontel et La Harpe, mais aussi le Chevalier de Jaucourt, dresseront alors contre cette subversion du sens les forteresses déjà obsolètes de leur traités et de leurs éléments.
Sur le versant proprement linguistique du processus, Dumarsais et Beauzée, dans la filiation des logiciens et grammairiens de Port Royal, montrent la voie à un Condillac, promoteur de la langue des calculs, mais qui est aussi l'auteur d'un Dictionnaire de Synonymes dont -- ultérieurement -- Lafaye réutilisera le cadre théorique et formel général. Entre eux, Rivarol réimpose in extremis le cliché de la clarté de la langue, d'une clarté qui n'est peut-être plus désormais que l'ombre d'elle-même, opacifiant ainsi un réel que la littérature a de plus en plus de mal à saisir :
Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. [...] Le français par un privilège unique est seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il était tout raison [...] et c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l'ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte notre admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n'est pas clair n'est pas français; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. Pour apprendre les langues à inversions, il suffit de connaître les mots et leurs régimes; pour apprendre la langue française, il faut encore retenir l'arrangement des mots. On dirait que c'est d'une géométrie tout élémentaire, de la simple ligne droite, et que ce sont les courbes et leurs variétés infinies qui ont présidé aux langues grecque et latine (Rivarol, 1998, pp. 72-73).
Pour maintenir cette apparence d'essentielle raison gouvernant la langue, il ne faut rien moins alors que le poids du génie, mais d'un génie qui -- précisément en cette époque -- est en train de s'individuer à la suite du trauma de la Révolution de 1789 et de la constitution d'une notion du sujet littéraire moderne distincte de celle de l'auteur classique. C'est ainsi que le très orthodoxe critique du Journal des Débats, Dussault, fait jouer en discours les termes de forme, de figure et de génie dans un contexte qui associe esthétique littéraire et esthétique « linguistique », sans peut-être percevoir les conséquences plus tardives de son geste :
Tous les bons littérateurs conviennent que la forme de notre langue a été fixée et déterminée par les grands écrivains du siècle dernier; il faut distinguer dans un idiome ce qui appartient au goût et à l'imagination de ce qui n'est pas de leur ressort; rien n'empêche aujourd'hui d'inventer de nouveaux mots, lorsqu'ils sont devenus absolument nécessaires; mais nous ne devons plus inventer de nouvelles figures, sous peine de dénaturer notre langue, et de blesser son génie Dussault, 1828, t. I, p. 33.
En effet, l'arrivée sur le devant de la scène littéraire de personnalités -- pour ne pas dire d'individualités, terme alors fortement dépréciatif -- telles que Chateaubriand, Senancour ou justement Mme de Staël, précipite un quadruple bouleversement des valeurs d'usage ayant son incidence dans le plan général du langage comme dans celui plus restreint de la nature et des formes de la langue littéraire :
-- aux émois des grammairiens perdus entre la raison et la norme, correspondent
-- les frissons d'effroi de lexicographes submergés par le renouvellement du vocabulaire, tandis que les philosophes du langage ne cessent d'éprouver
-- d'ontologiques trémulations au spectacle de la raison subvertie par l'émotion, et que les nouveaux sujets du discours commencent à prendre conscience
-- des vibrations déstabilisantes de leur sentiment épilinguistique.
Derrière une prononciation et des graphies portant la trace de leurs décalages historiques, les « phrases boursouflées » dénoncées par les critiques littéraires de l'époque exposent une syntaxe accumulative en contradiction avec les règles classiques de la méthode analytique qui prônent au contraire décomposition et sériation. Entre les derniers feux de la grammaire métaphysique diffractés par le courant de l'Idéologie (1800-1838) et les premières lueurs d'une linguistique historique du français 1860-1880, les analyses grammaticales tendent à faire place à des commentaires « stylistiques », laissant la compréhension des mécanismes et l'estimation de leur adéquation à un projet expressif et signifiant à la libre appréciation épilinguistique de chacun.
Dictionnaires et commissaires…
Les événements politiques et culturels marquant la transition du XVIIIe au XIXe siècle sont ainsi enregistrés et homologués en littérature par un lexique que travaillent les discussions des puristes classiques, contestant les déplacements du vocabulaire, et des progressistes, soutenant cette évolution comme nécessaire à la mise en discours des interdits de la langue de la période précédente. Il y a là un débat récurrent qui finira même par abraser la conscience politique.
En 1813, le Dictionnaire Universel Portatif de la Langue française de Claude-Marie Gattel, professeur émérite du lycée de Grenoble (du 5 ventose an IV à la fin de 1804), qui enseigna Stendhal 1796-1799, s'augmente d'un Vocabulaire des mots introduits dans la langue depuis la Révolution française, dont la présentation est éloquente puisqu'elle répartit ces mots nouveaux en deux classes :
La première comprend tous ceux qui appartiennent en propre ou aux institutions nouvelles, ou aux événemens qui ont marqué les diverses époques de la Révolution : leur intelligence est absolument nécessaire pour connoître ces institutions ou ces événemens, et pour entendre les décrets qui y sont relatifs. […] Les mots de la seconde classe sont tout simplement des néologismes. Étrangers par eux-mêmes aux changemens mémorables amenés par la Révolution dans la forme du gouvernement, ils doivent leur existence ou à cet esprit d'innovation, qui des idées et des choses sembla pendant long-temps vouloir s'étendre jusqu'au langage, ou à l'intérêt qu'avoient ceux qui les avoient créés de cacher sous ces mots insignifiants ou détournés de leur véritable signification, des vues et des systèmes qu'ils n'osoient encore avouer (Gattel, 1813, t. II, p. 369).
Rappelons seulement la liste publiée en 1829 -- quelques mois seulement avant la reproduction d'un événement de même type ! -- par le Journal Grammatical, qui réactualise une série de termes lexicaux ayant suscité troubles, débats, condamnations ou enthousiasmes d'un dangereux pragmatisme, mais qui sont tous alors définitivement entrés dans l'usage de la littérature : « Activer, Administratif, Annuaire, Arbitraire, Arrestation, Assermenté », etc. Tous ces termes ont vécu des mises en forme discursives diverses ; mais tous témoignent par certains de leurs traits de l'activité représentationnelle de l'époque et trahissent les frissons de sensibilités et d'intelligences souvent heurtées par la violence des actes succédant aux mots.
À l'époque où Stendhal atteint sa maturité d'écrivain, les « images burlesques », l'« abus continuel de l'antithèse et de l'hyperbole », la « vieille éloquence », le « langage des Précieuses de Molière » et la « langue surannée de Fénelon, de Bossuet, de Racine et de Buffon », les « expressions triviales », selon qu'ils sont pratiqués ou proscrits deviennent les marques superficielles de l'expression qui caractérisent les auteurs. Ces connotateurs éveillent, par conséquent, la sympathie ou suscitent l'exaspération en l'homme de paroles et de discours, et deviennent de puissants agents du sentiment épilinguistique. Point n'est alors besoin d'être grammairien, homme de lettres ou pédagogue pour être légitimé à s'exprimer à ce sujet. Un sentiment général de la langue s'installe à l'arrière-plan des usages effectifs, et chacun devient plus ou moins apte à juger des effets créés par les discours perçus ou émis. Louis-Sébastien Mercier notait d'ailleurs dans le Tableau de Paris :
Avec quelle légèreté on ballotte à Paris les opinions humaines ! Dans un souper, que d'arrêts rendus ! On a prononcé hardiment sur les premières vérités de la métaphysique, de la morale, de la littérature et de la politique : l'on a dit du même homme, à la même table, à droite qu'il est un aigle, à gauche qu'il est un oison. L'on a débité du même principe, d'un côté qu'il était incontestable, de l'autre qu'il était absurde. Les extrêmes se rencontrent, et les mots n'ont plus la même signification dans deux bouches différentes Mercier, 1990, p. 38.
« Figurément, proverbialement, familièrement, bassement, populairement, vulgairement », sont des termes non encore métalinguistiquement justifiés, mais qui commencent déjà à hanter la doxa développée sur le langage par les instances socialement prééminentes. Les dictionnaires les répandent et en marquent comme au fer les items lexicaux de la langue, de sorte que ces attributs sont si spontanément reçus et si notionnellement diffus qu'ils paraissent être inscrits de droit dans la nature du langage. Et c'est dans ce cadre de contraintes latentes et d'impératifs socio-éthiques, sur fond d'idéologie controversée mais prégnante, que la constitution d'une grammaire prescriptive active la prise de conscience des mécanismes formels de la langue et de leurs produits esthétiques.
On réédite encore Dumarsais en 1800… Port-Royal en 1803… De cette saillance s'ensuit un développement inconnu jusqu'alors de théories et de commentaires, parfois contradictoires, mais toujours indicatifs du besoin de comprendre et d'expliquer pour mieux appliquer la règle. La superposition en un même temps de ces discours sur la langue produit rapidement un effet de tremblé grâce auquel s'estompent peu à peu les contours trop raides de la métaphysique logique et de l'Idéologie, et à la faveur duquel se légitime la prise en considération des effets du style. Entre prose et poésie, est désormais venu le temps des proses poétiques à la Chateaubriand. Ainsi la littérature s'insinue-t-elle plus intimement dans le corps de la langue et interfère-t-elle de plus en plus étroitement avec les habitudes sociales immédiates. Et Girault-Duvivier, en 1811, dans la préface de sa Grammaire des Grammaires, revendiquera l'importance didactique de cet attelage idéologique :
Bien convaincu que la religion et la morale sont les bases les plus essentielles de l'éducation; que les règles les plus abstraites sont mieux entendues lorsqu'elles sont développées par des exemples; et qu'à leur tour les exemples se gravent mieux dans la mémoire lorsqu'ils présentent une pensée saillante, un trait d'esprit ou de sentiment, un axiome de morale, ou une sentence de religion, je me suis attaché à choisir de préférence ceux qui offrent cet avantage. J'ai en outre multiplié ces exemples autant que je l'ai pu, et je les ai puisés dans les auteurs les plus purs, les plus corrects; de sorte que, si dans certains cas, nos maîtres en grammaire sont partagés d'opinion, si certaines difficultés se trouvent résolues par quelques-uns d'eux d'une façon différente, et qu'on soit embarrassé sur le choix que l'on doit faire, sur l'avis que l'on doit suivre, on éprouvera du moins une satisfaction, c'est qu'on aura pour se déterminer l'autorité d'un grand nom; car, comme l'a dit un auteur, Il n'y a de Grammairiens par excellence que les grands écrivains (Girault-Duvivier, 1812, p. VI).
Doit-on pour autant inférer de cette considération que le style dérive simplement d'un judicieux et très habile usage des formes de contraintes grammaticales ?
Les grammairiens, lexicographes, rhétoriciens, poéticiens, et amateurs de style, découvrent ainsi la force sociale de leur juridiction. À l'extérieur de la langue littéraire, langue modèle sur laquelle s'édifie le français de référence, les usagers ordinaires de cette langue tenteront de s'affranchir de la tutelle des règles intériorisées. Rebutés par l'introspection inhibante qui déploie au-dessus de chacun le spectre de la faute, ils chercheront à construire dans leurs usages une langue plus souple, affranchie et découvrant empiriquement les conditions de sa vitalité et de son développement dans les pratiques spontanées les plus diverses de l'oral. À charge paradoxale pour la littérature de rattraper ces dévoiements populaires et dialectaux que Balzac, Sand, Barbey d'Aurevilly et d'autres surent illustrer, mais que Stendhal n'entend pas spécialement.
Si la langue française évolue alors, c'est autant dans ses formes linguistiques intrinsèques que dans ses manifestations discursives. Les premières laissent apparaître les transformations rapides de la morphologie et du lexique sur un fond syntaxique plus stable ; les secondes donnent à voir une diversité de lieux et de tons, de tours et d'allures, ; à percevoir des effets de styles et de manières, de niveaux de langue jusqu'alors interdits de séjour dans les paradigmes académiques, soucieux de réguler les pratiques, et qui répartissaient la matière du langage en strictes séries fermées, particulièrement propices au traitement répétitif des lieux communs d'une pensée fixée antérieurement à son énonciation.
En ce sens, on peut caractériser cette époque comme la période de l'histoire favorisant la conversion d'un prêt à parler individuel, qui est du déjà pensé collectif à la manière de Buffon, en un prêt à penser collectif, qui n'est au fond que du déjà dit ou écrit… par certains. Dès lors, la langue ne saurait plus être considérée comme système abstrait et général, d'essence syntactico-logique; elle devient un réseau de relations et de significations à explorer, prémonition involontaire de ce que nous nommons aujourd'hui un hypertexte. L'œuvre de Stendhal, à cet égard, est un exemple probant. Comme le remarque Michel Crouzet 1981, pp. 412-414, par cette attention portée au mot juste dans sa double relation aux realia du monde et à l'idiosyncrasie de l'énonciateur qui le porte, « avec Stendhal le problème du langage, ou le langage comme problème, conduit à ce qui est au-delà : la poétique, le style, l'esthétique... ».
C'est ici qu'après Gattel, il faut faire intervenir un autre personnage que l'on n'associe pas aisément à Stendhal, qui est l'ex-avocat devenu lexicographe Pierre-Claude-Victoire Boiste (1765-1824). On connaît essentiellement de ce dernier le Dictionnaire Universel de la langue française, dont les quinze éditions s'échelonnent de 1801 à 1865, révisées après la mort de Boiste par Charles Nodier, Louis Barré, etc. Mais on ignore généralement que ce dictionnaire n'était que la première pièce d'un ensemble lexicographique plus vaste à portée littéraire : le Dictionnaire des Belles-Lettres, contenant : Les Élémens de la littérature théorique et pratique d'après un seul principe, l'Association des idées opérées dans le langage ou le style, par le bon emploi des quatre élémens littéraires, les faits, les images, les pensées et les sentimens, fournis par l'Esprit, l'Imagination ou la Mémoire et le génie nourris par l'Étude […] publié à Paris en 1821 et qui témoigne de la permanence des idées esthétiques d'un autre âge en cette année même où Lamartine et Hugo font reconnaître la légitimité du romantisme…. C'est dans cet Art d'écrire et de parler français, que l'on retrouve par exemple la théorie de l'association des idées et sa conversion littéraire, conception qui renvoie assez exactement à l'idée de ce style sec par lequel on caractérise souvent Stendhal, dont Remy de Gourmont, dans un article célèbre, voulut atténuer la sévérité du jugement par recours à la notion d'épithète psychologique [9]. On reconnaît là un des préceptes qui régit également l'esthétique dont Boiste se fait… l'avocat : « La diction, l'élocution, le style ne sont évidemment que des associations d'idées, expression qui ne multiplie pas les mots sans nécessité. L'opération intellectuelle qu'elle exprime étant bien faite, de vient évidemment le grand principe de l'Art d'écrire et de parler, celui des Belles-Lettres. En deux mots : Bien parler, bien écrire, c'est bien associer les idées » (Boiste, 1821-1824, t. III, p. 26). Hors des opérations intellectuelles d'association, de rapport, de jugement, point de salut pour l'écrivain, pour le manipulateur de mots, pour l'ordonnateur d'énoncés, pour le metteur en scène des actes énonciatifs, pour le rhétoricien.
Écriture, style, manière… et le beylisme, pour conclure ?
Quelques exemples empruntés à La Chartreuse de Parme me serviront de conclusion. Contextualiser la représentation et la pratique du style que se donne Stendhal, c'est en un sens prendre toute la mesure du pouvoir des mots comme intermédiaires entre le self et le monde, des mots intercesseurs d'une communication toujours difficile à maintenir entre les acteurs de l'intrigue littéraire, des mots vus en quelque sorte comme intermittents du spectacle de leur énonciation.
Dans La Chartreuse, mais il ne s'agit là que d'un exemple, qui pourrait être étendu à beaucoup d'autres produits de l'écriture beyliste, « Mots » renvoie :
-- soit en un usage métalinguistique banal, à la désignation générique du lexème intermédiaire du sens comme unité phraséologique: « elle n'a pas pu trouver un mot pour soutenir la conversation sur le ton léger que son Altesse voulait bien lui donner [10] »;
-- soit à une désignation plus spécifique : « As-tu du quibus ? Il parut inquiet, il ne comprenait pas le mot quibus [11] », qui fait de lui l'intercesseur d'une signification problématique ;
-- soit, de manière plus complexe, à l'indexation d'une parole dite en situation, et par conséquent désigne à l'attention du lecteur un acte d'énonciation perçu comme globalité signifiante : « Sa tante finissait par ces mots : Cache par tous les moyens possibles la folie que tu as faite, et surtout ne conserve sur toi aucun papier imprimé ou écrit [...] [12] ».
Ces trois types spécifiques de valeur du terme se déclinent en une gamme variée d'emplois contextualisés qui soulignent les complexités des processus qui passent par ces objets. Dans le premier cas, « mot » sert à marquer et masquer le silence signant une totale absence d'esprit. Dans le second cas; la référence à un terme latin employé comme élément populairement marqué, d'ailleurs souligné par l'italique, permet de mettre cet item dans la situation d'être glosé par le contexte [13]. Dans le troisième cas, l'emploi de « mot(s) » dénote une conception du langage entièrement fondée sur la capacité représentative des unités lexicales organisées selon les lois de la construction et combinées selon les principes de la syntaxe. Lorsque l'élément lexical par lui-même est aisément compréhensible dans son contenu, sa désignation par le terme de « mot » équivaut à mettre en évidence un marquage suprasegmental induisant en général une réinterprétation de sa valeur énonciative : « Fabrice avait beau appuyer sur le mot mouton, ses camarades ne se souvenaient plus d'avoir été fâchés par ce mot une heure auparavant [14] ». Une glose parenthétique peut souligner l'ironie sous laquelle le narrateur appréhende l'axiologie énonciative de son propre discours : « La Balbi entrait dans toutes les affaires, et l'État ne faisait pas un marché de mille francs, sans qu'il y eût un souvenir pour la marquise (c'était le mot honnête à Parme) [15] ». L'explication métalinguistique, étant située sur une échelle de valeurs morales, se trouve ainsi mise à distance ironique de l'énonciateur, et le lecteur est alors à même de retrouver la critique derrière l'assertion objective d'un simple fait de langue particulière. Dans le dernier cas, enfin, l'indexation du discours direct confère au pluriel de mot la puissance de condenser par souci de brièveté le contenu d'un énoncé et la forme de son expression anonyme : « [...] ce soir là le temps était chaud, étouffé, annonçant la tempête; de ces temps, en un mot, qui, dans ces pays-là, portent aux résolutions extrêmes [16] ». Cette fonction est si importante que dans une orientation négative du modus de la phrase le substantif « mot » renvoie à une forme d'aposiopèse de l'expression impossible : « Il rougit excessivement en voyant entrer la duchesse, et fut tellement désorienté, que jamais il ne put inventer un mot à dire à cette belle dame [17] ».
Il y a là du Louis-Sébastien Mercier pour la défiance dont le mot est l'objet comme vecteur d'une rectitude sémantique. Mais il y a là aussi du Gattel, si l'on se rappelle ce que celui-ci écrivait dans la Préface de son Dictionnaire au sujet du lexique en général et de l'image douteuse qu'en donnent certains concurrents, comme le Dictionnaire dit de Trévoux (dernière édition : 1771), ici explicitement visé :
Cet ouvrage recommandable sans doute à beaucoup d'égards, mais qui, malheureusement avoit peut-être trop à cœur de justifier ses prétentions au titre de Dictionnaire universel, s'est, entre les mains des différens auteurs qui y ont successivement travaillé, grossi d'une multitude de termes hasardés, vieillis, ou quelquefois même tout-à-fait étrangers à la langue. Sur ce point comme sur quelques autres, c'est souvent un guide peu sûr qu'on ne doit suivre qu'avec défiance et une sage circonspection. En prenant une semblable précaution pour les mots du langage usuel qui y ont été nouvellement introduits, j'y ai ajouté celle non seulement de les désigner toujours comme tels, mais encore d'indiquer jusqu'à quel point ils paroissoient avoir été adaptés par l'usage, et quelquefois même à quel titre ils pourroient êtrre conservés Gattel, 1813, t. I, p. III.
Cette suspicion à double détente, puisqu'elle frappe par ricochet le mot en emploi et le mot en mention, l'usage et sa glose, fait qu'il y a encore du Nodier dans cette suspicion, et -- pour tout dire -- ce malaise à l'endroit du langage en fonction et de ses régulateurs normatifs. Rappelons ces quelques lignes de Nodier, éditeur de Boiste à partir de 1824, qui montrent comment ce dictionnaire peut constituer simultanément un code de lois sémantiques (avant la lettre : les définitions) et un recueil de préceptes logiques :
La partie la plus utile et par conséquent la plus précieuse de cet ouvrage, les Définitions fournis par les Métaphysiciens ou par les grands Écrivains qui se sont illustrés par l'élévation ou par la profondeur de leur génie, sont également importantes et pour les AUTEURS et pour les LECTEURS, qui acquerront beaucoup de discernement en comparant et méditant ces Définitions. Jusqu'alors elles étaient éparses dans des ouvrages trop profonds ou trop nombreux; elles étaient souvent ou trop diffuses ou trop abstraites : tantôt l'Auteur les éclaire en les développant, tantôt il les réduit à leur plus simple expressions, et toujours sans ajouter rien qui les dénature, ou rien retrancher de ce qui les constitue Nodier, 1834, p. XIV
L'idéologie est à ce prix, et, si l'on définit le rapport de Stendhal au langage à travers le prisme de ce mode de penser -- qui, au fond, fut le premier catalyseur de la pensée esthétique romantique en France -- il n'y a guère à s'étonner que cette contextualisation nous amène à nous représenter Henri Beyle sous les traits d'un dandy amateur de Belles Lettres transportant en son siècle -- qui n'est plus le siècle de leur apogée -- toutes les caractéristiques analytiques du style qu'exposait l'Encyclopédie :
La propriété du style renferme d'abord la propriété des termes, c'est-à-dire, l'assortiment du style aux idées. […] La propriété du style renferme ensuite la propriété du ton, c'est-à-dire, l'assortiment du style au genre. […] La propriété du style comprend encore la propriété du tour, c'est-à-dire, l'assortiment du style au sujet. [….] À la propriété du tour ajoutez la propriété du coloris, c'est-à-dire, l'assortiment du style à la chose particuliere que vous devez peindre. […] Outre la propriété des couleurs, il y a la propriété des sons, c'est-à-dire, l'assortiment du style au mouvement de l'action qu'on décrit. […] Une partie plus essentielle encore, c'est la propriété des traits, c'est-à-dire, l'assortiment du style à la passion qu'on exprime. […] Reste enfin la propriété de la maniere, c'est-à-dire, l'assortiment du style au génie de l'auteur. […] De toutes ces différentes manieres fondues ensemble, il en sort pour chaque auteur une maniere propre qui caractérise ses ouvrages, qui personnifie en quelque sorte son style, je veux dire, qui l'anime de ses traits, le teint de sa couleur, le scelle de son ame. Un écrivain qui n'auroit point de maniere, n'auroit point de style. Un écrivain qui quitteroit sa maniere pour emprunter celle d'un autre, cette derniere, fût-elle meilleure, n'auroit jamais qu'un style dissonant, étranger, équivoque. Il croiroit s'élever au-dessus de lui-même, & il tomberoit au-dessous (sv « Style », in Diderot & d'Alembert, 1751-1780, t. XV, pp. 241-242).
Si, en prenant en compte la reconversion psychologique que le XIXe siècle naissant impose à ces notions esthétiques et philosophiques, l'on déroule le fil qui mène du Discours de réception sur le style, que Buffon donnait à l'Académie en 1753, à ces pages de l'Encyclopédie puis aux remarques que Raynaud formulait encore en 1828, on conçoit rétrospectivement que la modernité de Stendhal est tout entière contenue dès l'origine dans l'impitoyable critique à laquelle il se livre de ce modernisme superficiel de l'expression qui se croit supérieur parce qu'il a délaissé le général pour se saisir du singulier, et l'universel pour s'approprier l'individuel, cet individuel dont Stendhal se défie tellement lorsqu'il est contraint d'endosser en langage des habits usés et élimés par tant d'autres…. « En composant la Chartreuse, pour prendre le ton, je lisais chaque matin deux ou trois pages du code civil, afin d'être toujours naturel; je ne veux pas, par des moyens factices, br…r l'âme du lecteur » brouillon de lettre à Balzac, 30 octobre 1840. C'est à ce prix que s'acquiert ou se conquiert la sincérité.
1. Même ancien, le meilleur travail à cet égard demeure celui de J. Prévost (1974), notamment : « Du style de Stendhal ».
2. Voir Auroux 1979.
3.
Sur Destutt de Tracy, cf. infra, et, ici même, l'étude de J. Dürrenmatt.
4.
On retrouve ici ces deux notions essentielles du XVIIIe siècle; la syntaxe,
comme ensemble de relations binaires entre idées, dont dérive l'ensemble des
rapports
possibles entre mots possibles; et la construction, modalités de fixation grammaticale des
rapports de la syntaxe.
5.
Les articles d'É. Bordas (1996) et de J. Dürrenmatt 1996 soulignent très
pertinemment ce point.
6.
Dans le premier volume, l'auteur avait déjà consigné : « ... tout signe
est parfait pour celui qui l'invente; mais cela n'est rigoureusement vrai que dans le moment
où il
l'invente, car quand il se sert de ce même signe dans un autre temps de sa vie, ou dans une
autre disposition de son esprit, il n'est point du tout sûr que lui-même réunisse
exactement sous ce signe la même collection d'idées que la première fois;
il est même certain que souvent, sans s'en apercevoir, il y en a ajouté de nouvelles,
et a perdu de
vue quelques-unes des anciennes » (t. I, p. 315). Ce qui pousse le scepticisme à son
comble.
7.
Paris, Le Livre de Poche, 1983, p. 49.
8.
Ibid., p. 219.
9.
« Le style de Stendhal n'a nul éclat. Il ne connaît que
l'épithète psychologique, mais quand on l'a pratiqué un peu, on
s'aperçoit que rien n'est plus difficile que de ramasser
en un mot la signification d'un acte, d'une pensée, d'un état d'âme. C'est
probablement ce qui a permis à Stendhal de raconter beaucoup d'extraordinaire sur un ton
qui lui
donne aussitôt la vraisemblance accordée aux actes les plus simples »
Gourmont, 1996, p. 499.
10.
Op. cit., p. 183.
11.
Ibid., p. 60.
12.
Ibid., p. 116.
13.
Et il est même amusant de voir l'éditeur du Livre de Poche, trop consciencieux,
redoubler d'une note ce processus d'élucidation interne (p. 730).
14.
Ibid., p. 91.
15.
Ibid., p. 164.
16.
Ibid., p. 199.
17.
Ibid., p. 163.