L'art roman dans la baie du Mont Saint-Michel (table / résumé) - Marie Lebert - 2006

Saint-Léonard-de-Vains

* Le site / Emplacement / Histoire
* Le prieuré / Le plan / Les matériaux / Les appareils / Les enduits et la toiture
* Description extérieure / La façade occidentale / La nef / La tour / Le choeur
* Description intérieure
* Datation
* Les photos


Le site

Emplacement

Le village de Saint-Léonard-de-Vains est situé à l’extrémité du cap du Grouin du Sud, à 2,5 kilomètres du bourg de Vains et 7 kilomètres d’Avranches (voir la carte). Ce village fait partie de la paroisse de Vains. L’église prieurale Saint-Léonard domine la baie du Mont Saint-Michel et le rocher de Tombelaine.

Saint-Léonard-de-Vains possédait deux des trois points de départ (le troisième était Genêts) du chemin montois reliant le Mont à Caen, appelé aussi le chemin des Ducs.

Histoire

Saint-Léonard est une bourgade très ancienne qui doit son nom à Saint Léonard (ou Léodovald). Celui-ci y vécut au 6e siècle avant d’être élu huitième évêque d’Avranches en 578.

La bourgade connut les invasions normandes au 9e siècle. Après la conquête normande, elle entra dans le domaine ducal et fut fieffée aux seigneurs de Vains. En 1087, peu de temps avant sa mort, Guillaume le Conquérant la donna à l’abbaye Saint-Etienne de Caen. En 1158, Henri II confirma cette donation qui comprenait un manoir, des terres labourables et des vignes, ainsi que des salines avec le droit de pêche et de varech [1].

Le prieuré de Saint-Léonard était un prieuré simple, c’est-à-dire un petit monastère où quelques religieux détachés des grandes abbayes vivaient sous la direction d’un prieur, mais sans charge d’âmes.

L’église prieurale fut la propriété de l’abbaye Saint-Etienne de Caen jusqu’à la Révolution française.

Comme l’explique Jean Bindet, “après la nationalisation des biens du clergé en novembre 1789 et la vente des biens nationaux à partir de 1791, le prieuré et le colombier furent laissés à l’abandon et leurs ruines, avec l’église qui n’avait pas trop souffert, furent cédées en 1793 pour la somme de 200 francs en assignats... L’acquéreur, voulant tirer parti de son achat, résolut de transformer l’église en bâtiment de ferme. Le choeur de la vénérable église devint une cuisine avec une cheminée aménagée au chevet de l’abside; la nef devint une grange et une étable; la tour elle-même fut utilisée: la base comme cellier, et l’étage fut divisé en chambre et en grenier et surmonté d’une cheminée.” [2]

L’église est restée une propriété privée. En collaboration avec les Monuments historiques, le propriétaire a transformé la nef en maison d’habitation, en ouvrant des fenêtres rectangulaires et en aménageant l’intérieur.


Le prieuré

Le plan

L’église est formée d’un vaisseau rectangulaire régulièrement orienté (d’ouest en est) comprenant une nef et un choeur de deux travées à chevet plat (voir le plan). La tour, située dans l’axe du vaisseau, est implantée entre choeur et nef.

Les matériaux

Les appareils

La partie supérieure de la base et le second étage de la tour présentent un moyen appareil de granit aux blocs réguliers. Le granit est également utilisé pour les contreforts et le pourtour des ouvertures à l’extérieur, et pour les piliers, les colonnes et les arcs à l’intérieur.

Les maçonneries de la nef, du choeur, de la partie inférieure de la base et du premier étage de la tour sont formées d’un appareil irrégulier de plaquettes de schiste disposées le plus souvent à l’horizontale, sauf quelques éléments d’opus spicatum à la base de la tour.

Le schiste est la pierre locale. Le sol de la région est formé de terrains sédimentaires schisteux. Le granit provient certainement du massif granitique d’Avranches qui affleure à proximité.

Les enduits et la toiture

A l’intérieur, la voûte d’arêtes, les arcs et les murs de la travée sur laquelle s’élève la tour sont recouverts d’une épaisse couche de plâtre en mauvais état. Une toiture en ardoises d’Angers recouvre les charpentes de la nef et du choeur et le toit en bâtière de la tour.

Description extérieure

La façade occidentale

La façade occidentale est consolidée dans sa partie centrale par deux épais contreforts terminés par un glacis à la base du mur pignon. Ces contreforts encadrent deux ouvertures rectangulaires. Deux contreforts consolidaient aussi la façade aux extrémités. Seul subsiste le contrefort nord. Le contrefort sud a été détruit.

La nef

La nef est devenue une maison d’habitation. Les murs latéraux sont percés de portes et de grandes fenêtres rectangulaires. Ces murs sont consolidés par deux épais contreforts à l’ouest et à l’est.

La tour

La tour, située entre choeur et nef, est formée d’une base carrée dans le prolongement du choeur. Cette base est surmontée de deux étages en léger retrait les uns des autres.

La base est consolidée au nord par un contrefort central. Le contrefort est encadré de deux baies en plein-cintre à l’arc formé d’une rangée de petits claveaux de granit. La baie orientale a été bouchée. Le mur est percé d’une porte au cintre surbaissé reposant sur des piédroits sans ornement. Quelques modillons très abîmés subsistent dans la partie supérieure de la base. Bien que très remanié, le mur sud offre les mêmes éléments: un contrefort central dont il ne subsiste que la partie supérieure au-dessus d’une porte au cintre surbaissé, trois modillons, et quelques claveaux de l’arc d’une baie aujourd’hui disparue.

Le premier étage devait être aveugle à l’origine. La petite ouverture rectangulaire pratiquée dans le mur nord et les grandes ouvertures du mur sud datent des remaniements postérieurs à la Révolution, lorsque les étages de la tour furent aménagés en chambre et en grenier.

Le second étage est orné sur ses faces nord, est et sud de deux arcatures jumelles en plein-cintre. Les arcades, non moulurées, reposent sur des piédroits sans ornement par le biais d’un tailloir carré se prolongeant en un bandeau droit sur le nu du mur. L’une des arcatures est aveugle, l’autre encadre une ouverture en plein-cintre.

La tour est surmontée d’un toit en bâtière. Ce toit repose au nord et au sud sur une corniche supportée par des modillons sculptés de têtes humaines ou moulurés en quart-de-rond.

Le choeur

Le choeur, à chevet plat, comporte deux travées.

Le mur latéral nord est soutenu par trois contreforts plats sur lesquels devait reposer une corniche aujourd’hui disparue. La disposition est la même pour le mur latéral sud. Les grandes fenêtres rectangulaires ont été ouvertes après la Révolution, lorsque le choeur a servi de maison d’habitation.

Le mur oriental s’appuie sur trois contreforts plats reposant sur un soubassement de pierre. Deux baies en plein-cintre ont été bouchées. Restés visibles, leurs arcs et piédroits sont ornés d’une simple moulure torique.

Description intérieure

La travée supportant la tour entre choeur et nef est délimitée par de gros piliers qui reçoivent quatre arcs en plein-cintre encadrant une voûte d’arêtes.

Au nord et au sud, les arcs reposent sur d’épais pilastres par le biais d’une imposte moulurée en forme de bandeau chanfreiné. A l’est et à l’ouest, ces arcs reposent sur deux colonnes engagées jumelées. Les corbeilles des chapiteaux, dont le tailloir est formé par l’imposte moulurée, sont sculptées de crochets d’angle en très bas relief. La base carrée des colonnes est ornée de deux tores entourant une scotie.

Les retombées des arêtes sont reçues aux angles rentrants des piliers par quatre colonnes de même profil que celles recevant les arcs. Le pilier repose sur une base plus large aux arêtes chanfreinées. Cette base est visible à l’est. A l’ouest, elle disparaît dans le sol.

La disposition intérieure de la nef et du choeur ne présente que peu d’intérêt du fait des nombreuses transformations postérieures à la Révolution.

Datation

Les indices de datation doivent être cherchés dans la tour. Les éléments d’opus spicatum présents dans les maçonneries de la base, la disposition intérieure de la tour et les arcatures jumelles en plein-cintre ornant son second étage permettent de dater l’église du début du 12e siècle.


Documents

* La bibliographie de Saint-Léonard-de-Vains
* Le plan du prieuré de Saint-Léonard-de-Vains


Notes

[1] D’après: Pigeon (Emile-Auber). Saint Léodovald ou Saint Léonard, in: Mémoires de la Société académique du Cotentin, 1895, p. 99 note 4.

[2] Bindet (Jean). Le prieuré de Saint-Léonard-de-Vains, in: Revue de l’Avranchin et du Pays de Granville, décembre 1976, tome LIII, p. 290-291.


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